pour résister aux tentations du monde
Le monde, toujours le monde, est le thème de la réflexion que nous proposons désormais à nos visiteurs. Nous en avons déjà parlé, et comme toujours avec de brèves allusions, dans des audiences précédentes.
Nous en parlons encore car nous devons nous rappeler comment ce mot « monde » prend des significations très différentes dans le langage scripturaire, comme celles du cosmos, de la création, de l’œuvre de Dieu, un sens magnifique pour l’admiration, l’étude, la conquête de l’homme ; ou celui d ‘ »humanité ».
Le monde peut signifier ce genre humain si aimé de Dieu qu’il pourvoit à son salut (Jean, 3, 16) et à son élévation à un niveau d’association ineffable de l’homme à la vie même de Dieu ( 2 Pierre 1, 4).
Et finalement le mot « monde », dans le Nouveau Testament et dans la littérature ascétique chrétienne, a souvent un sens sinistre et négatif au point de se référer à la domination du diable sur la terre et aux mêmes hommes dominés, tentés et ruinés par l’Esprit du mal, appelé « Prince de ce monde » (Cf. Jean 14, 30 ; 16, 11 ; Éphésiens 6, 12).
Le « monde », dans ce sens péjoratif, signifie toujours l’humanité, ou plutôt cette partie de l’humanité, qui rejette la lumière de Christ, qui vit dans le péché (Romains 5, 12-13) et qui conçoit la vie. présent avec des critères contraires à la loi de Dieu, à la foi, à l’évangile (1 Jean 2, 15-17).
L’ambiguïté donc de sens de ce mot « monde » est l’un des problèmes les plus graves et les plus dramatiques de la vie chrétienne, puisque nous sommes immergés dans le monde, un terrain mêlé de bien et de mal, « du bon blé et des mauvaises herbes » (Matthieu 13, 25).
Même si, sans notre faute, il est donc bon et fécond, en même temps mortel et nuisible, et si la cohabitation, à laquelle les conditions de vie même nous obligent, ne peut pas toujours être évitée pour des raisons matérielles (cf. Jean 17, 15 ; 1 Corinthiens 5, 10).
Nous vivons dans un environnement ambigu et pollué, où il faut constamment savoir immuniser, avec une prophylaxie morale qui part de la fuite du monde, tout comme ceux qui, par désir de perfection, choisissent une vie consacrée plus rigoureuse et affectueuse à la suite du Christ (Cf. Lumen Gentium, 40), à la discipline ascétique propre à chaque vie chrétienne.
Elle en fait non seulement le style moral et spirituel propre à ceux qui ont reçu le baptême, « comme il convient aux saints » (Cf. Éphésiens 5, 3, Romains 6, 22), mais cherche à répandre dans le monde lui-même un sentiment et une coutume chrétiens hostiles et réfractaires à celui-ci (cf. Apostolicam Actuositatem, 2, etc.).
La vie chrétienne est un drame dans lequel le bien et le mal s’entremêlent et s’opposent sans cesse et donnent au monde le caractère d’un combat permanent: la « milice » est appelée par les Écritures saintes (Job 7, 1 ; Éphésiens 6, 11-13) la condition de l’homme sur la terre.
C’est un concept fondamental de notre existence présente et passagère (1 Corinthiens 7, 31), mais décisif pour notre destin dans la vie future (2 Corinthiens 5, 10); le Seigneur a voulu l’insérer dans la formule, nous pouvons dire officielle, de notre prière à Dieu le Père, nous invoquant toujours son aide pour obtenir la défense contre une menace constante qui menace notre voyage à travers le temps : la tentation.
Ce mot facile mais formidable mérite une longue leçon et une orientation éthique pédagogique correspondante: la période du Carême nous offre l’occasion de réfléchir à ce thème, qui n’est certes pas à la mode, mais a augmenté, mais pas diminué, son intérêt spirituel.
Nous pensons: nous sommes des êtres libres, mais très conditionnés par l’environnement, nous disons aussi du monde dans lequel nous vivons: c’est-à-dire que nous sommes continuellement incités à impressionner dans nos actes un choix, à résoudre une « tentation ».
Notre sens moral doit toujours être dans une tension de vigilance (autre mot de l’Évangile) (Cf. Matthieu 24, 42 ; Marc 14, 38 ; 13, 37 ; 1 Corinthiens 16, 13 ; 1 Pierre 4, 7) ; 5, 8; etc.), menacés d’expulsion du code de la permissivité moderne; hygiène morale, c’est-à-dire défense préventive de notre faiblesse éthique si évidente.
Nous dirions qu’elle ne devrait plus exister, mais qu’une fausse règle pratique, celle de s’exposer à la tentation sous prétexte de renforcer sa personnalité par l’expérience du mal, peut prévaloir sur le « tabou », avec lequel la sensibilité de la conscience et la justesse de la conduite ont brouillé la confiance libre et facile de l’homme contemporain, dit « adulte ».
Il n’est donc pas étonnant que notre société se dégrade de son niveau d’humanité authentique à mesure qu’elle progresse dans cette pseudo-maturité morale, dans cette indifférence, dans cette insensibilité de la différence entre le bien et le mal, et si les Écritures sont acerbes. prévient que « le monde entier (au pire sens que nous observons) est sous le pouvoir du malin » (1 Jean 5, 19).
Veillons, chers Frères et Fils, afin que le monde qui ne vient pas de Dieu ne nous séduise pas, ne nous infuse pas d’une conception illusoire de la vie et ne nous fasse pas perdre le sens de ses vraies valeurs. Nous nous tenons aux côtés de Christ pour faire partie de la victoire qu’Il nous annonce et nous promet: « faites-nous confiance! J’ai conquis le monde « (Jean 16, 33).
Avec notre bénédiction apostolique.
Paul VI AUDIENCE GÉNÉRALE Mercredi 23 février 1977
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