Méditons les versets de l’Annonciation

En ce samedi, jour où nous aimons honorer la Vierge Marie, il est bon, comme Associés de la Médaille Miraculeuse, de  prendre connaissance de la conférence du Père Ermes Ronchi de ce vendredi matin 11 mars 2016 à Ariccia, au terme de la retraite spirituelle du Pape François et de la Curie romaine.

la Vierge de l'Annonciation Taddeo di Bartolo, vers 1400 - Musée du Petit Palais d'AvignonDieu est toujours proche de l’homme, dans une proximité “domestique”, proche de ses besoins quotidiens. Cela a été l’expérience de Marie dans ses 30 années à Nazareth, «sans clameurs» ni «visions». La réflexion du prédicateur était centrée sur le récit évangélique de l’Annonciation.

«Un jour quelconque, dans un lieu quelconque, une jeune femme quelconque». La scène d’un évènement «colossal», l’ange qui visite Marie à Nazareth, arrive dans un contexte de normalité désarmante.

Méditons les versets de l’Annonciation, l’évènement qui «arrive dans le quotidien, sans témoins, loin des lumières et des émotions du Temple». «La première annonce de grâce de l’Évangile a été transmise dans la normalité d’une maison», donc dans le lieu où chacun est lui-même. Et c’est là que «Dieu t’effleure et te touche».

«Sainte Thérèse d’Avila, dans le « Livre des Fondations » (…) a écrit pour ses moniales une lettre, avec ces mots : « mes sœurs, souvenez-vous, Dieu va parmi les marmites, en cuisine ». Mais comment, le Seigneur de l’univers qui se déplace dans la cuisine du monastère, entre les brocs, les marmites, la vaisselle, les casseroles, les poêles ? (…) Dieu en cuisine, cela signifie emmener Dieu dans un territoire de proximité (…). Si tu ne le sens pas domestique, c’est-à-dire dans les choses les plus simples, tu n’as pas encore trouvé le Dieu de la vie. Tu en es encore à la représentation rationnelle du Dieu de la religion.»

Promesse de bonheur

Nous regardons Marie justement «pour tenter de raccommoder la brèche la plus dramatique de notre foi» : le «Dieu de la religion» s’est séparé du «Dieu de la vie». La femme de Nazareth, «comme femme de maison, nous lance un défi énorme : passer d’une spiritualité qui se fonde sur la logique de l’extraordinaire à une mystique du quotidien». Et dans ce quotidien, le sentiment qui prévaut est la joie, qui se sent dans les premières paroles de l’Annonciation : «Réjouis-toi, Marie». Parce que quand Dieu se rapproche, il «apporte une promesse de bonheur».

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Un autre regard

«La charité ne m’étonne pas. Ça n’est pas étonnant. Ces pauvres créatures sont si malheureuses qu’à moins d’avoir un cœur de pierre, comment n’auraient-elles point charité les unes des autres», selon un célèbre passage du Porche de la deuxième vertu de Charles Péguy. Mais en réalité, la miséricorde n’est pas tellement aimée.

 En 1980, dans la deuxième encyclique de son long pontificat, Dives in misericordia, Jean-Paul II observait déjà : « Plus peut-être que celle de l’homme d’autrefois, la mentalité contemporaine semble s’opposer au Dieu de miséricorde, et elle tend à éliminer de la vie et à ôter du cœur humain la notion même de miséricorde. Le mot et l’idée de miséricorde semblent mettre mal à l’aise l’homme qui, grâce à un développement scientifique et technique inconnu jusqu’ici, est devenu maître de la terre qu’il a soumise et dominée».

Il est utile de rappeler que l’amour de Dieu pour l’homme mystérieux, inexplicable, inlassable, «excessif» dirions-nous, en nous arrêtant à nos catégories de pensée limitées — ce n’est pas un accessoire, une décoration superflue, mais l’architrave de la vie de l’Église, comme le Pape François l’a réaffirmé dans de nombreux passages de la Bulle d’indiction de l’année jubilaire. C’est un principe fondateur, présent, placé à la racine même de la création.

Il y en a qui disent plus ou moins ce qui suit : tout vient du big bang et Dieu ne sert à rien. Des discours entendus, peut-être mal compris, peut-être simplifiés de manière erronée. Je ne sais pas. Mais un monde qui commence par hasard, sans cœur et sans âme, est tout simplement absurde ; il est sans logique et sans parfum, sans sens et sans beauté ». Dans un monde structurellement absurde, l’amour n’a pas droit de cité et encore moins le pardon. « Il est triste — lit-on dans la bulle d’indiction du Pape François — de voir combien l’expérience du pardon est toujours plus rare dans notre culture. Même le mot semble parfois disparaître. On ne peut repartir que de l’expérience concrète : celui qui a été pardonné sait bien que la gratuité existe.

extraits de l’article de Silvia Guidi – L’OSSERVATORE ROMANO, jeudi 10 mars 2016, p. 16

recréer le pont entre les femmes et l’Église

L’émancipation féminine, qui a ébranlé le monde occidental, constitue seulement le point culminant d’un changement d’époque, mûri dans les profondeurs de l’âme de tant de générations de femmes, en ce sens que le message chrétien a promu la femme depuis deux mille ans, sur la base de son texte fondateur, les Évangiles, qui sont le document le plus révolutionnaire et féministe du monde. En effet, le féminisme s’est affirmé dans des pays de racine chrétienne et peine beaucoup à imprégner les autres cultures. La révélation évangélique produit un dynamisme qui fait irruption dans l’histoire pour libérer, mais croît lentement au fil des siècles. Naturellement, le caractère revanchard et l’excès de la première saison ont été nécessaires pour briser les formes mentales pétrifiées perçues au niveau collectif comme étant congénitales.

A présent, les temps attendent que l’autorité féminine, capable de compenser le déséquilibre dû à la suprématie d’une partie de l’humanité sur l’autre (pas si différente de la prédominance des riches sur les pauvres), émerge des profondeurs où elle s’est silencieusement déposée au fil des millénaires. La nouveauté que l’on attend est à la fois très ancienne. Dans la tradition biblique, on ne projette pas sur Dieu les éléments anthropiques, mais l’inverse est vrai. Les caractéristiques de Dieu sont projetées sur l’homme. Le Dieu d’Israël combine ainsi toutes les caractéristiques des divinités masculines et féminines, l’homme et la femme en étant l’image et l’analogie. Cette complémentarité entre homme et femme, annoncée dans la Genèse, trouve néanmoins de grands obstacles à sa réalisation dans l’histoire. De la même façon, les qualités féminine et maternelle de Dieu demeurent complètement dans l’ombre par rapport aux prédominantes qualités masculine et paternelle.

On peut se demande à juste titre où est passée la Sagesse qui, d’après une certaine interprétation théologique, est vue comme la personnification féminine de l’être de Dieu et, étant associée à l’Esprit Saint, comme un élément maternel du Dieu trinitaire. Et c’est précisément la sagesse qui anime les grandes figures féminines de la Bible, des matriarches jusqu’à Marie. Cette Marie qui sait. Qui croit. Elle croit en la résurrection et le dimanche, elle ne se rend pas avec les femmes au sépulcre. Connaissance et foi se conjuguent admirablement dans ce troisième savoir du cœur, typique de l’âme féminine, qui sait voir l’invisible. Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la parité de genre est concrétisée uniquement par Jésus à travers la relation qu’il tisse avec les femmes et, s’il est vrai que le sens du christianisme réside dans la résurrection, le fait que le Christ ait choisi de se révéler sous sa forme nouvelle à une femme possède une très haute portée…

La connaissance féminine, comme fleuve souterrain, s’est transmise de génération en génération, avant de subir un arrêt. Notre monde déraciné manque du maternel, qui signifie soin. A l’égard de ceux qui naissent, de ceux qui sont malades, de ceux qui se rapprochent de la mort. Au fils des millénaires, les femmes ont constitué cette base silencieuse et cachée qui a soutenu la vie dans toutes ses formes. C’est la conscience d’être des instruments d’un profond processus de libération universel qui peut leur donner la force, pas tant du rachat que d’un authentique témoignage d’amour. Redécouvrir le mystère, l’attente patiente, car la maturation spirituelle en mesure de promouvoir le changement dans la société tout entière et ainsi également parmi les hommes, se produit lentement, en profondeur. L’Église, qui s’est toujours définie mère, ne peut renoncer à être une partie active de ce très important processus en développement.

 Antonella Lumini, extraits,  Osservatore Romano du 10 mars 2016, p.11 éd. française

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