Là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté

Là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté

«Le vent souffle “où il veut”, de même l’Esprit distribue ses dons “comme il veut”» (1 Co 12,11). C’est ce qu’a rappelé le Pape François, au cours de l’audience générale de ce mercredi 5 juin, tenue sur la place Saint-Pierre. Dans sa catéchèse, le Saint-Père a tenu à préciser aux fidèles présents que là où il y a l’Esprit de Dieu, il y a également la liberté qui ne signifie pas «faire ce que l’on veut, mais faire librement ce que Dieu veut».

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 5 juin 2024

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Cycle de catéchèse. L’Esprit et l’Épouse. L’Esprit Saint conduit le peuple de Dieu vers Jésus, notre espérance.
2. « Le vent souffle où il veut ». Là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté

Chers frères et sœurs, bonjour !

Dans la catéchèse d’aujourd’hui, je voudrais réfléchir avec vous sur le nom par lequel l’Esprit Saint est désigné dans la Bible.

La première chose que nous connaissons d’une personne, c’est son nom. Il nous permet de l’appeler, de la distinguer et de nous souvenir d’elle. La troisième personne de la Trinité a également un nom : elle s’appelle l’Esprit Saint.

Mais « Esprit » est la version latinisée. Le nom de l’Esprit, celui par lequel les premiers destinataires de la révélation l’ont connu, celui par lequel les prophètes, les psalmistes, Marie, Jésus et les Apôtres l’ont invoqué, est Ruach, ce qui signifie souffle, vent, respiration.

Dans la Bible, le nom est si important qu’il est presque identifié à la personne elle-même. Sanctifier le nom de Dieu, c’est sanctifier et honorer Dieu lui-même. Le nom n’est jamais une simple appellation conventionnelle : il dit toujours quelque chose de la personne, de son origine ou de sa mission.

C’est aussi le cas du nom Ruach. Il contient la première révélation fondamentale sur la personne et la fonction de l’Esprit Saint. En observant le vent et ses manifestations, les auteurs bibliques ont été conduits par Dieu à découvrir un “vent” d’une autre nature.

Ce n’est pas un hasard si, à la Pentecôte, l’Esprit Saint est descendu sur les Apôtres accompagné d’“un violent coup de vent” (cf. Ac 2, 2). C’est comme si l’Esprit Saint voulait apposer sa signature sur ce qui se passait.

Qu’est-ce que son nom Ruach nous apprend donc sur l’Esprit Saint ? L’image du vent sert avant tout pour exprimer la puissance de l’Esprit Saint. L’expression “Esprit et puissance”, ou “puissance de l’Esprit”, est un binôme récurrent dans la Bible. En effet, le vent est une force impétueuse, une force indomptable, capable même de déplacer les océans.

Mais là encore, pour découvrir tout le sens des réalités bibliques, il ne faut pas s’arrêter à l’Ancien Testament, mais arriver à Jésus. À côté de la puissance, Jésus va mettre en évidence une autre caractéristique du vent, celle de la liberté. À Nicodème, qui lui rend visite la nuit, Jésus dit solennellement : « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va. Il en est ainsi pour qui est né du souffle de l’Esprit. » (Jn 3,8).

Le vent est la seule chose que l’on ne peut pas brider, que l’on ne peut pas “mettre en bouteille” ou en boîte. Tentons de “mettre en bouteille” ou en boîte le vent : ce n’est pas possible, il est libre. Prétendre enfermer l’Esprit Saint dans des concepts, des définitions, des thèses ou des traités, comme le rationalisme moderne a parfois tenté de le faire, signifie le perdre, l’annuler, le réduire à l’esprit purement humain, un esprit simple.

Mais il existe une tentation analogue dans le domaine ecclésiastique, celle de vouloir enfermer l’Esprit Saint dans des canons, institutions, définitions. L’Esprit crée et anime les institutions, mais lui-même ne peut être “institutionnalisé”, “chosifié”.  Le vent souffle “où il veut”, de même l’Esprit distribue ses dons “comme il veut” (1 Co 12,11).

Saint Paul en fera la loi fondamentale de l’agir chrétien : « Là où l’Esprit du Seigneur est présent, là est la liberté. » (2 Co 3,17) dit-il. Une personne libre, un chrétien libre, c’est celui qui a l’Esprit du Seigneur. Il s’agit d’une liberté très singulière, bien différente de ce que l’on entend communément. Il ne s’agit pas de la liberté de faire ce que l’on veut, mais de la liberté de faire librement ce que Dieu veut !

Non pas la liberté de faire le bien ou le mal, mais la liberté de faire le bien et de le faire librement, c’est-à-dire par attraction et non par contrainte. En d’autres termes, la liberté des enfants, et non des esclaves.

Saint Paul est bien conscient de l’abus ou de l’incompréhension que l’on peut faire de cette liberté ; il écrit aux Galates : « Vous, frères, vous avez été appelés à la liberté. Mais que cette liberté ne soit pas un prétexte pour votre égoïsme ; au contraire, mettez-vous, par amour, au service les uns des autres » (Ga 5,13). Il s’agit d’une liberté qui s’exprime dans ce qui semble être son contraire, elle s’exprime dans le service, c’est la vraie liberté.

Nous savons bien quand cette liberté devient un “prétexte pour la chair”. Paul en donne une liste toujours actuelle : « inconduite, impureté, débauche, idolâtrie, sorcellerie, haines, rivalité, jalousie, emportements, intrigues, divisions, sectarisme, envie, beuveries, orgies et autres choses du même genre » (Ga 5,19-21).

Mais il en va de même pour la liberté qui permet aux riches d’exploiter les pauvres, c’est une liberté hideuse, celle qui permet aux forts d’exploiter les faibles, et à tous d’exploiter l’environnement en toute impunité.  Et cette liberté est mauvaise, ce n’est pas la liberté de l’Esprit.

Frères et sœurs, où puisons-nous cette liberté de l’Esprit, si contraire à la liberté de l’égoïsme ? La réponse se trouve dans les paroles que Jésus a adressées un jour à ses auditeurs : « Si donc le Fils vous rend libres, réellement vous serez libres » (Jn 8, 36). La liberté que nous donne Jésus. Demandons à Jésus de faire de nous, par son Esprit Saint, des hommes et des femmes vraiment libres. Libres de servir, dans l’amour et la joie. Je vous remercie !

* * *

Je salue cordialement les pèlerins de langue française en particulier un groupe du Séminaire des Carmes et les pèlerins venus de France et de la Réunion.

Demandons à Jésus de faire de nous, par son Esprit Saint, des hommes et des femmes vraiment libres. Libres de servir, Dieu et les frères et sœurs, dans l’amour et dans la joie.

Que Dieu vous bénisse !

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APPEL

Nous vivons actuellement ce mois dédié au Sacré-Cœur. Le 27 décembre de l’année dernière a marqué le 350e anniversaire de la première manifestation du Sacré-Cœur de Jésus à Sainte Marguerite-Marie Alacoque. Cette occasion a marqué le début d’une période de célébrations qui s’achèvera le 27 juin de l’année prochaine.

C’est pourquoi je suis heureux de préparer un document qui rassemble les précieuses réflexions des textes magistériels précédents et une longue histoire qui remonte aux Saintes Écritures, afin de reproposer aujourd’hui à toute l’Église ce culte chargé de beauté spirituelle.

Je crois que cela nous fera beaucoup de bien de méditer sur les différents aspects de l’amour du Seigneur qui puissent éclairer le chemin du renouveau ecclésial, mais aussi qui disent quelque chose de significatif à un monde qui semble avoir perdu le cœur. Je vous demande de m’accompagner dans la prière, pendant ce temps de préparation, avec l’intention de rendre ce document public en septembre prochain.

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Résumé de la catéchèse du Saint-Père

Je voudrais réfléchir avec vous sur le nom par lequel l’Esprit Saint est appelé dans la Bible. Le nom dit toujours quelque chose de la personne, de son origine ou de sa mission. Le nom de l’Esprit, celui par lequel les prophètes, les psalmistes, Marie, Jésus et les Apôtres l’ont invoqué, est Ruach, qui signifie souffle, vent, haleine.

L’image du vent sert avant tout à exprimer la puissance de l’Esprit divin. En effet, le vent est une force irrésistible et indomptable. Il est même capable de déplacer les océans. Une autre caractéristique du vent est celle de la liberté.

Prétendre enfermer l’Esprit Saint dans des concepts, des définitions, des thèses ou des traités, c’est le perdre, le réduire purement et simplement à l’esprit humain. L’Esprit crée et anime les institutions de l’Église, mais il n’est pas « institutionnalisable ». L’action du chrétien est libre grâce à la présence de l’Esprit.

Il ne s’agit pas de la liberté de faire ce que l’on veut, mais de la liberté de faire librement ce que Dieu veut. Il ne s’agit pas de la liberté de faire le bien ou le mal, mais de la liberté de faire le bien et de le faire librement, c’est-à-dire par attraction et non par contrainte. En d’autres termes, la liberté des fils, et non des esclaves.


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L’Eucharistie nous invite à faire de notre vie un don pour les autres

L’Eucharistie nous invite à faire de notre vie un don pour les autres

En cette journée de célébration de la solennité du Corpus Christi, le Pape François a appelé les fidèles lors de la prière de l’Angélus à devenir «eucharistiques» en partageant leur pain et leurs ressources avec ceux qui sont dans le besoin.

 

CORPS SAINT ET SANG DU CHRIST

LE PAPE FRANÇOIS

ANGELUS

Place Saint-Pierre
dimanche 2 juin 2024

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Chers frères et sœurs, bon dimanche !

En Italie et dans d’autres pays, on célèbre aujourd’hui la solennité du Corpus Domini. L’Évangile de la liturgie raconte la Dernière Cène (Mc 14,12-26), au cours de laquelle le Seigneur fait un geste de délivrance : en effet, dans le pain rompu et dans la coupe offerte aux disciples, c’est Lui-même qui se donne pour l’humanité entière et s’offre pour la vie du monde.

Dans ce geste de Jésus rompant le pain, il y a un aspect important que l’Évangile souligne par les mots « il le leur a donné » (v. 22). Fixons ces paroles dans nos cœurs : il les leur a données. L’Eucharistie, en effet, rappelle avant tout la dimension du don. Jésus prend le pain non pas pour le consommer lui-même, mais pour le rompre et le donner aux disciples, révélant ainsi son identité et sa mission.

Il n’a pas gardé la vie pour lui, mais il nous l’a donnée ; il ne considérait pas son être comme Dieu comme un trésor jaloux, mais se dépouillait de sa gloire pour partager notre humanité et nous conduire à la vie éternelle (voir Phil 2 : 1-11). De toute sa vie, Jésus a fait un don. Rappelons-nous ceci : Jésus a fait don de toute sa vie.

On comprend alors que célébrer l’Eucharistie et manger ce Pain, comme on le fait surtout le dimanche, n’est pas un acte d’adoration détaché de la vie ou un simple moment de consolation personnelle ; nous devons toujours nous rappeler que Jésus, prenant le pain, l’a rompu et le leur a donné, c’est pourquoi la communion avec Lui nous permet de devenir aussi pain rompu pour les autres, capables de partager ce que nous sommes et ce que nous avons.

Saint Léon le Grand disait : « Notre participation au corps et au sang du Christ ne tend à rien d’autre qu’à nous faire devenir ce que nous mangeons » (Sermon XII sur la Passion, 7).

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Ici, frères et sœurs, ce à quoi nous sommes appelés : devenir ce que nous mangeons, devenir « eucharistiques », c’est-à-dire des personnes qui ne vivent plus pour elles-mêmes (voir Rm 14, 7), dans la logique de la possession et de la consommation. , mais qui savent comment faire de leur vie un cadeau pour les autres.

Ainsi, grâce à l’Eucharistie, nous devenons prophètes et bâtisseurs d’un monde nouveau : lorsque nous surmontons l’égoïsme et nous ouvrons à l’amour, lorsque nous cultivons les liens de fraternité, lorsque nous participons aux souffrances de nos frères et partageons le pain et les ressources avec ceux-ci. qui sont dans le besoin, lorsque nous mettons tous nos talents à disposition, alors nous rompons le pain de notre vie comme Jésus.

Frères et sœurs, demandons-nous alors : est-ce que je garde ma vie uniquement pour moi ou est-ce que je la donne comme Jésus ? Est-ce que je me dépense pour les autres ou suis-je enfermé sur mon petit moi ? Et, dans les situations du quotidien, est-ce que je sais partager ou est-ce que je cherche toujours mon propre intérêt ?

Que la Vierge Marie, qui a accueilli Jésus, Pain du Ciel, et s’est donnée entièrement avec Lui, nous aide à devenir, nous aussi, don d’amour, unis à Jésus Eucharistie.

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Après l’Angélus

Chers frères et sœurs !

Je vous invite à prier pour le Soudan, où la guerre qui dure depuis plus d’un an n’a pas encore trouvé de solution pacifique. Que les armes se taisent et, avec l’engagement des autorités locales et de la communauté internationale, que l’aide soit apportée à la population et aux nombreux déplacés ; Les réfugiés soudanais peuvent trouver accueil et protection dans les pays voisins.

Et n’oublions pas l’Ukraine tourmentée, la Palestine, Israël, le Myanmar… J’en appelle à la sagesse des dirigeants pour arrêter l’escalade et tout mettre en œuvre pour le dialogue et la négociation.

Je salue les pèlerins de Rome et de différentes parties de l’Italie et du monde, en particulier ceux de Croatie et de Madrid. Je salue les fidèles de Bellizzi et d’Iglesias ; le Centre Culturel « Luigi Padovese » à Cucciago ; les postulantes des Filles de l’Oratoire ; et le groupe « Pédaler pour ceux qui ne peuvent pas », venu en vélo de Faenza à Rome. Je salue les enfants de l’Immaculée Conception.

Je souhaite à tous un bon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et à bientôt !


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L’HEURE D’ÉLISABETH

L’HEURE D’ÉLISABETH

Visitation vitrail Saint-Leu-Saint-Gilles Paris
Visitation vitrail Saint-Leu-Saint-Gilles Paris

A partir de l’Annonciation, Marie appartient à Jésus. Pour jamais elle est sienne. Elle est sa Mère et son enfant. Elle est sa collaboratrice et son œuvre. Elle le porte et il la conduit. Il la conduit et elle le porte, où ? — Au chantier de l’œuvre entreprise de concert, c’est-à-dire vers nous, vers chacun de nous, à travers l’Église dont elle est la Mère, afin de nous mener tous ensemble au ciel.

Mais en tout cela il y a un ordre, et, dans cet ordre, la réalité historique et le symbole sont mêlés, chaque fait apportant sa part d’efficacité immédiate et signifiant prophétiquement pour l’avenir.

Telle est la portée de la Visitation.

Marie a été visitée par l’Ange et avertie de la maternité de sa cousine : à son tour elle visite sa cousine, pour lui apprendre le secret merveilleux que portent ses entrailles, comme dit Louis Mercier, et lui en apporter les bénédictions. La « pleine de grâce » doit répandre la grâce ; la fontaine jusqu’ici secrète veut maintenant couler.

Que si « la tente de Dieu est plantée parmi les hommes », selon le mot de l’Écriture, et si cette tente c’est Marie qui a été chargée de la fournir, Marie doit se faire nomade, afin que partout fleurisse le désert.

L’heure d’Élisabeth est ainsi à l’origine de l’apostolat chrétien. Quiconque a reçu le Christ a reçu en même temps la mission de le faire connaître, la charge de le faire agir. Jésus est Sauveur ; son rôle ne se sépare pas de sa personne ; donné à sa Mère, aussitôt il fait d’elle un apôtre et il l’entraîne aux œuvres de son Esprit, qui est un Esprit d’amour.

Au surplus, la maternité de sa cousine âgée fut présentée à Marie comme un signe de la Toute-Puissance qui agit aussi en elle : ce signe, sans doute est-elle impatiente de le voir. En ce cas, l’impatience n’est pas une vaine curiosité ; c’est un hommage.

Elle part donc « avec diligence », nous dit l’Évangile. Ce qu’on fait d’un tel cœur, on ne le diffère point. Le pays est montagneux et un peu pénible ; mais Marie ne pèse pas ; elle est dans le ciel, comme le ciel est en elle. Noyée dans son bonheur, elle trouve facile d’aller porter de la joie.

Si elle peinait, si elle s’essoufflait, qui ne souhaiterait lui alléger la route ; qui ne voudrait, au besoin, faire de son cœur un grain de sable ou une herbe douce, à défaut d’une fleur, pour la marche de cette Reine en visite, de cette Mère mystérieuse qui abrite notre Roi ?

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En tout ce qu’elle foule, de Nazareth à Aïn-Karim, Marie doit sentir frémir toute la terre. Vibrante de sa germination, la « Tige de Jessé » ne se sait-elle pas en harmonie avec cette terre lassée d’espérance et qui par elle, enfin, va fleurir ?

Elle arrive. Élisabeth l’accueille. Quel échange ! La Mère du Précurseur recevant la Mère de Dieu !

Toutes les mères devraient être amies, participant au même miracle, préparant le règne éternel avec Celui « de qui est toute paternité au ciel et sur la terre » ? mais ces deux-là ont des raisons uniques. Dominées l’une et l’autre par leur sublime destin, unies dans le commun néant et la commune grandeur de la créature, elles font se rencontrer, en s’étreignant, Celui qui doit venir et le héraut qui l’annonce.

L’une porte le Pain substantiel ; l’autre l’insatiable et inconsciente faim des hommes. Elles se reconnaissent. En elles deux communient, au seuil des temps nouveaux, les désirs d’autrefois et les réalités qui surviennent.

« D’où me vient que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » s’exclame Élisabeth. — « Magnificat ! » chantera tout à l’heure Marie : c’est au fond le même cri. Mais observons combien le « signe » promis par l’Ange est dépassé, en tout cas plus complet qu’il n’était prévu. Non seulement Elisabeth a conçu dans sa maturité déclinante, mais elle prophétise ; elle devine Celle qui l’a visitée et elle comprend ce qu’on lui apporte.

« Remplie de l’Esprit-Saint, dit saint Luc, elle élève la voix avec un grand cri et dit : Tu es bénie parmi les femmes, et le fruit de ton sein est béni !… Dès que le son de ta salutation est arrivé à mes oreilles, mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. »

Dans cette agitation prophétique, c’est Jésus qui agit. Lui-même s’annonce à celui qui l’annonce. Il s’annonce dans le silence, comme fait Dieu dans les cœurs ; Jean-Baptiste l’annoncera à grande voix, selon le mode des créatures ardentes ; aujourd’hui, il tressaille seulement, comme tout être à l’arrivée du bonheur.

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Élisabeth ayant ainsi parlé, Marie doit constater qu’elle est découverte. Son secret est dévoilé, comme elle-même perçoit le « signe ». Sa réserve jalousement gardée jusqu’ici, l’oppression de sa joie contenue n’ont plus de raison d’être. Provoquée, elle éclate.

Magnificat !… C’est là sa transfiguration, « l’analogue pour elle du Thabor », dit M. J. Malègue. Son chant est fait de fragments bibliques adaptés à la circonstance, selon la tradition juive : dans tout l’avenir chrétien, l’atmosphère des âmes en sera illuminée et attiédie, comme par une clarté et par une brise printanières.

« Mou âme glorifie le Seigneur, et mon esprit a tressailli de joie en Dieu mon Sauveur, parce qu’il a regardé la bassesse de sa servante. Car voici que désormais toutes les générations me diront bienheureuse, parce que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses, et son nom est saint. »

Incomparable mélange d’humilité et de triomphe, d’exaltation et de paix ! Marie est humble à tel point que son humilité se confond pour ainsi dire avec sa personne ; elle en est anéantie, et Dieu peut triompher seul.

Comme la matière qui se détruit rayonne en énergie et en lumière, Marie fait de l’explosion de son humilité une gerbe de gloire : gloire pour son Fils, gloire pour les élus, gloire pour elle-même inséparable de Jésus et intermédiaire des grâces pour ses « frères ».

Tout l’ensemble du salut se peut voir dans l’éclair d’allégresse jailli de ces yeux de douceur. Marie elle-même le voit. Prophète, elle situe l’avenir et s’y découvre en posture triomphante, radieuse, impersonnelle en raison de sa maternité innombrable, tandis que défile devant sa délicate majesté la procession des âges.

Marie demeure chez sa cousine « environ trois mois ». Elle ne marchande pas sa tendresse. Sa charité est durable, à la différence de tant d’élans passionnés qui ne persévèrent point.

Ensuite, « elle retourne dans sa maison », dit notre Évangile. Là aussi elle voudrait apporter la joie. Elle l’y apportera ; mais l’heure n’en est pas venue encore. Pour le Juste auquel elle est unie, pour elle par reflet, c’est maintenant l’heure de l’anxiété et de l’épreuve, par lesquelles l’heure divine qui approche et ses extases ineffables devront être payées.

P. Sertillanges

Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

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