MOIS DE SAINT JOSEPH – XVe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XVe JOUR

Saint Joseph associé aux souffrances de Jésus-Christ
pendant la fuite en Égypte.

I

BOSSUET

La fuite en Égypte église saint Joseph Angers 49
La fuite en Égypte église saint Joseph Angers 49

« Voici encore un mystère plus excellent. Partout où entre Jésus, il entre avec ses croix et toutes les contradictions qui doivent l’accompagner. « Levez-vous, lui dit l’Ange, hâtez-vous de prendre l’Enfant et sa mère, et fuyez a en Égypte. » Pesez toutes les paroles, vous verrez que tout inspire de la frayeur.

« Levez-vous, ne tardez pas un moment ; il ne lui dit pas : Allez, mais fuyez. L’Ange paraît lui-même alarmé du péril de l’Enfant ; et il semble, disait un ancien Père, que la terreur ait saisi le ciel avant que de se répandre sur la terre. Pourquoi? si ce n’est pour mettre à l’épreuve l’amour et la fidélité de Joseph, qui ne pouvait pas n’être pas ému d’une manière fort vive, en voyant le péril d’une épouse si chère et d’un Fils si cher.

« Étrange état d’un pauvre artisan qui se voit banni tout à coup ; et pourquoi? parce qu’il est chargé de Jésus, et qu’il l’a en sa compagnie. Avant qu’il fût né, lui et sa sainte épouse vivaient pauvrement, mais tranquillement, dans leur ménage, gagnant doucement leur vie par le travail de leurs mains; mais aussitôt que Jésus leur est donné il n’y a point de repos pour eux.

« Cependant Joseph demeure soumis, et ne se plaint pas de cet Enfant incommode qui ne leur apporte que persécution. Il part, il va en Égypte, où il n’a aucune habitude, sans savoir quand il reviendra dans sa patrie, à sa boutique et à sa pauvre maison. L’on n’a pas Jésus pour rien; il faut prendre part à ses croix.

« Pères et mères chrétiens, apprenez que vos enfants vous seront des croix : n’épargnez « pas les soins nécessaires non-seulement pour leur conserver la vie, mais, ce qui est leur véritable conservation, pour les élever dans la vertu. Préparez-vous aux croix que Dieu vous prépare dans ces gages de votre amour mutuel ; et, après les avoir offerts à Dieu comme Joseph et Marie, attendez-vous, comme eux, à en recevoir, quoique peut-être d’une autre manière, plus de peines que de douceur. »

(Bossuet, Élévations sur les mystères, XIXe semaine.)

II

SAINT ALPHONSE DE LIGUORI

« Que dire des angoisses de saint Joseph durant ce voyage ? Il voyait souffrir sa sainte épouse, qui était peu faite à la marche, et avec elle le cher Enfant qu’elle et lui se passaient tour à tour pour le porter entre leurs bras. Et dans cette fuite précipitée, au milieu de l’hiver, par le froid et la neige, quelle appréhension constante de rencontrer à chaque pas les soldats d’Hérode!…

« De quoi pouvaient-ils se nourrir pendant le jour, si ce n’est du morceau de pain qu’ils avaient emporté avec eux ou qu’ils avaient reçu en aumône? Où pouvaient-ils se reposer pendant la nuit, si ce n’est dans quelque méchante hutte, sous l’abri de quelque arbre, et plus souvent encore en rase campagne et à découvert?

« Saint Joseph adorait les desseins du Père céleste, qui voulait que Jésus souffrît dès sa venue dans le monde pour expier les péchés des hommes. Mais le saint vieillard avait son cœur paternel déchiré quand il entendait le divin Enfant pleurer de froid et de fatigue, sans qu’il lui fût possible de soulager ses souffrances. »

(Bossuet, Élévations sur les mystères, XIXe semaine.)

III

FLÉCHIER

« Figurez-vous cet homme de la Providence de Dieu fuyant devant la face du tyran qui avait occupé le trône de ses pères, chargé de Jésus-Christ et du christianisme; portant les mystères de la religion et l’Église errante dans son origine; sur la tête duquel roulent le salut général du genre humain et la vie du Sauveur des hommes ; marchant à la faveur de la nuit, sans secours, sans guide, sans assistance ; cherchant, comme un criminel, dans une terre étrangère la sûreté que son innocence ne lui donnait pas dans la sienne ; et traînant le Dieu d’Israël, pour aller éprouver dans la cruelle et barbare Égypte l’ancienne captivité de son peuple.

« C’est là que, dans une solitude qui n’était interrompue que par les soins qu’il prenait pour Jésus-Christ et pour sa mère, il possédait un trésor encore fermé pour tout le reste du monde. C’est là que, conduisant le Fils de Dieu de désert en désert, pour lui faire consacrer par sa présence ces lieux qui devaient être un jour habités par tant de pénitents et de solitaires, il se rendait comme leur chef sous Jésus-Christ, et traçait à ses anges, revêtus d’un corps mortel, ces fameux asiles contre la corruption du monde, qui n’est pas moins irrité contre la vertu que ne l’était Hérode. »(Fléchier, loc. cit.)

« Toutes les souffrances de ce voyage durèrent longtemps, remarque saint Bonaventure ; il fallait traverser le grand désert, où les Hébreux avaient passé quarante ans avant d’arriver à la terre promise ; et ce trajet, qui était de douze à quinze jours pour les courriers, dut être pour la sainte famille de plus de deux mois.» (Saint Bonaventure, Vie de Jésus-Christ, ch. XII)

Pèlerinage aux saintes Écritures

Pèlerinage aux saintes Écritures

JEUDI (4e semaine de Carême) Ex 32,7-14 Jn 5,31-47

Ce sont les Écritures qui me rendent témoignage (Jn 5,39)

Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez y trouver la vie éternelle
Vous scrutez les Écritures parce que vous pensez y trouver la vie éternelle Jn 5 39

Si, lentement instruits par l’Église, pénétrés de son souf­fle vivifiant, nous entrons avec un cœur docile dans le monument même de la vérité tel que Dieu l’a construit (et qui est l’Écriture), nous rencontrerons bien des ombres dans les profondeurs, des passages où il faudra courber la tête, des sublimités où notre intelligence sera sur le point de faillir.

Mais, soutenus par l’Église elle-même, notre compagne inviolable, nous marcherons de clartés en clartés sous le firmament de la sainte parole, nous jouant avec elle dans les plans découverts de l’éternité, admirant de proche en proche Jésus Christ qui s’avance, l’attendant avec les patriarches, le regardant venir avec les prophètes, le saluant sur la harpe des psaumes, jusqu’à ce qu’enfin, au seuil du second temple, il nous apparaisse tout chargé de sa gloire et de sa mort, victime prédestinée de la réconci­liation des âmes, et souveraine explication de tout ce qui est par tout ce qui fut.

Cette vision de Jésus Christ ne remplit pas seule le long tissu des saints livres ; elle s’y entrelace aux grands événe­ments du monde. Le chrétien les y voit sous la main de la Providence, conduits par des lois de justice et de bonté.

Il démêle à cette lumière la succession des empires, l’avène­ment et la chute des races fameuses. Il comprend que le hasard n’est rien, ni la fatalité non plus, mais que tout marche sous la double impulsion de la liberté de l’homme et de la sagesse de Dieu.

Cette vue de l’histoire dans la vérité de ses causes le ravit. Il y puise un entendement de la vie qu’aucune expérience ne lui donnerait, parce que l’expérience ne révèle que l’homme, tandis que l’Écriture révèle à la fois Dieu dans l’homme et l’homme en Dieu.

Cette révélation ne se fait pas seulement sentir aux grands moments de la Bible ; elle est partout. Dieu ne s’absente jamais de son œuvre. Il est au champ de Booz, derrière la fille de Noémi, comme il est à Babylone au festin de Balthazar. Il s’assied sous la tente d’Abraham, voyageur fatigué du chemin, comme il se repose au som­met du Sinaï dans les foudres qui annoncent sa présence.

Il assiste Joseph dans sa prison, comme il couronne Daniel dans la captivité. Les moindres détails de la famille ou du désert, les noms, les lieux, les choses, tout est plein de lui, et c’est dans une route de quarante siècles, de l’Éden au Calvaire, de la justice perdue à la justice recouvrée, qu’on suit de la sorte et pas1 à pas tous les mouvements de sa tendresse et tous ceux de sa force.

Qui pourrait revenir insensible d’un si profond pèleri­nage ? Qui pourrait, conduit par la foi sur de telles traces, ne pas rentrer meilleur au foyer de sa propre vie ? La Bible est tout à la fois le drame de nos destinées, l’histoire primi­tive du genre humain, la philosophie des saints, la légis­lation d’un peuple élu et gouverné par Dieu.

Elle est dans une providence de quatre mille ans la préparation et le germe de tout l’avenir de l’humanité ; elle est le dépôt des vérités qui lui sont nécessaires, la charte de ses droits, le trésor de ses espérances, l’abîme de ses consolations, la bouche de Dieu sur son cœur ; elle est enfin le Christ Fils de Dieu, qui l’a sauvé.

Lacordaire Deuxième lettre à Emmanuel, dans Lacordaire et la Parole de Dieu, La Pensée catholique, Bruxelles 1962, p. 66-67.

MOIS DE SAINT JOSEPH – XIVe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XIVe JOUR

Saint Joseph donne à Notre-Seigneur le nom de Jésus.

I

ISIDORE ISOLANO (1477-1528)

Saint Joseph nomme Jésus chapelle saint Yves Guipavas au Douvez Finistère
Saint Joseph nomme Jésus chapelle saint Yves Guipavas au Douvez Finistère

« Ce fut un grand honneur pour saint Joseph que de recevoir la mission/impliquée dans cette parole de l’Ange : Vous lui donnerez le nom de Jésus. Par l’imposition de ce nom sacré au Christ, saint Joseph dévoila à la terre le secret divin; et, tenant en quelque sorte la place du Père éternel, il manifesta le mystère du Saint-Esprit, jusqu’alors caché sous le voile des psaumes et des prophéties.

Devenu, par cet acte auguste, l’auxiliaire de la bienheureuse Vierge Marie dans l’œuvre de la Rédemption, son ministère le rend l’égal des Anges, dont la dignité sublime n’a rien qui puisse surpasser la sienne.

« Chez tous les peuples du monde, la loi reconnaît aux pères le droit d’imposer un nom à leurs fils. Jésus était le Fils de Dieu, et saint Joseph eut la gloire de remplacer Dieu auprès de lui. Lorsqu’on baptise le fils d’un roi, à qui, je vous prie, le roi cède-t-il l’honneur de désigner le nom de son fils, si ce n’est à un autre roi, ou à son ambassadeur, ou à tel autre personnage illustre? Or Dieu ne trouva pas sur toute la terre d’homme plus digne que Joseph d’être chargé de cette mission auprès de son propre Fils.

(Ne croyez pas, ô Joseph, que parce que le Sauveur a été conçu du Saint-Esprit vous soyez complètement étranger à l’économie de ce grand mystère… C’est vous qui le nommerez. Bien qu’il ne soit pas votre fils, vous aurez pour lui toutes les sollicitudes d’un père, et en lui imposant le nom qu’il portera vous lui serez uni par tous les liens de la paternité. Saint Jean Chrysostome, 4e homélie sur Saint Matthieu.)

« L’Esprit-Saint, en parlant par la bouche des prophètes, a désigné le Rédempteur sous l’allégorie de divers autres noms : Son nom sera Emmanuel, est-il dit dans Isaïe; et ailleurs : Son nom sera l’Admirable, le Dieu fort, le Père du siècle futur, le Prince de la paix. Donnez-lui pour nom : Hâte-toi de recueillir les dépouilles. Messie, qui veut dire Christ, est un nom très – connu des Hébreux ; on trouve encore dans les psaumes : Son nom est comme une huile répandue; et dans saint Luc : II sera appelé le Fils du Très-Haut.

«Par l’unique imposition du nom de Jésus à Celui qui devait être le Rédempteur des hommes, saint Joseph découvrit tous ces mystères au monde, qui les ignorait encore, ou, du moins, qui n’en pénétrait pas le véritable sens; quel honneur que d’avoir été dans une telle circonstance l’instrument du Saint-Esprit !

« L’Ange, ayant d’abord révélé le nom de Jésus à Marie, puis à Joseph, lorsque celui-ci l’imposa au Sauveur enfant, il était auprès de lui le délégué du monarque divin.

« Mais une autre question se présente : Saint Joseph devenu le collaborateur de la sainte Vierge, dans l’œuvre de la Rédemption, imposa-t-il le nom de Jésus au Fils de Dieu, en vertu d’une autorité égale à celle de sa sainte Épouse?

« Le doute n’est guère possible à cet égard ; car les privilèges de la paternité, l’ordre de l’Ange, et la pudeur même de Marie, exigeaient que les hommes le vissent et le crussent ainsi ; mais aux yeux de Dieu et aux yeux des anges, cette autorité n’appartenait qu’à la sainte Vierge, car c’était la seule créature au monde qui avait un droit véritable sur le Christ. Dieu, l’Ange, Marie et Joseph, participèrent donc à cette imposition du nom de Jésus, Dieu en le voulant, l’Ange en le révélant à Marie, Marie en transmettant à Joseph l’ordre de l’Ange, et Joseph en exécutant cet ordre.

« Quand ce nom glorieux fut prononcé pour la première fois, ce fut par un être supérieur à l’homme, afin qu’on ne pût douter que l’homme ne l’avait ni créé ni choisi. Par la même raison , quand ce nom fut imposé pour la première fois, ce fut par un homme supérieur aux autres hommes. Il ne fallait pas moins que saint Joseph pour le révéler au monde, en le donnant à l’Enfant Dieu. »

(Somme des Vertus de saint Joseph)

II

Mais à ce privilège d’imposer le nom du Sauveur, qui faisait participer saint Joseph à la jouissance de Dieu sur son Fils, se joignit, pour le saint Patriarche, un ministère qui devait l’associer aux souffrances du Rédempteur pour les hommes. On croit généralement qu’il fut non-seulement le témoin, mais le ministre de la circoncision.

« Avec quelle compassion il s’acquitta de ce devoir! s’écrie le bienheureux Louis de Grenade. Comme il devait être ému en voyant d’un côté couler le sang de l’Enfant, de l’autre les larmes de la mère, c’est-à-dire, de deux êtres qu’il aimait du « plus ardent amour! »

Saint Joseph ne devait pas suivre Jésus-Christ au Calvaire; mais il ne pouvait rester étranger au sacrifice qui était le but et le terme de la Rédemption ; c’est pourquoi il fut chargé d’en offrir les prémices dans le temple de Jérusalem.

Après avoir été uni aux joies de la maternité divine de Marie, il en partageait ainsi les premières amertumes et en pressentait les longues douleurs. Le sang de la circoncision, dit un pieux auteur, fut son Gethsêmani et son Golgotha.

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