LA CÈNE DU SEIGNEUR 2023 À ROME

LA CÈNE DU SEIGNEUR 2023 À ROME

Cet après-midi, le Saint-Père François s’est rendu à l’Institut Pénal Juvénile « Casal del Marmo » pour la célébration de la Sainte Cène avec les personnes qui y sont détenues. Dès son arrivée, le Pape s’est rendu à la Chapelle où il a présidé la Messe. Outre les jeunes détenus, une représentation des surveillants et du personnel pénitentiaire était présente.

Après la proclamation du Saint Évangile, le Pape a prononcé l’homélie au pied levé. Puis, comme il est de coutume, le Pape François a répété le geste de Jésus lors de la Dernière Cène, lorsque le Seigneur a lavé les pieds de ses disciples en signe d’amour poussé jusqu’au service et à l’humiliation, envers 12 prisonniers, garçons et filles de nationalités différentes.

A la fin de la messe, la directrice de la prison, la Dr Maria Teresa Iuliani, a adressé quelques mots de remerciement au Saint-Père. Avant de quitter l’Institut, le Pape a béni la plaque inaugurale de la Chapelle, dédiée au Bienheureux Pino Puglisi.

Par la suite, en saluant quelques prisonniers, le pape François a reçu en cadeau une croix faite par les garçons suivant le cours de menuiserie, des biscuits et un paquet de pâtes, tous deux fabriqués dans l’usine de pâtes récemment ouverte à l’intérieur de la prison. Le pape a offert des chapelets et des œufs en chocolat aux jeunes prisonniers, au directeur et au personnel.

LA CÈNE DU SEIGNEUR

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS

Prison pour mineurs de Casal del Marmo
Jeudi saint 6 avril 2023

Faisons attention sur la façon dont Jésus, juste le jour fait ce geste, avant d’être crucifié. Laver les pieds était la coutume à cette époque car les rues étaient poussiéreuses, les gens venaient de l’extérieur et quand ils entraient dans une maison, avant le banquet, avant la réunion, ils se lavaient les pieds. Mais qui a lavé les pieds? Des esclaves, parce que c’était du travail d’esclave.

Imaginons l’émerveillement des disciples lorsqu’ils virent que Jésus commençait à faire ce geste d’esclave. Mais il le fait pour leur faire comprendre le message du lendemain qu’il mourrait en esclave, pour payer notre dette à tous.

Si nous écoutions ces choses sur Jésus, la vie serait si belle parce que nous nous précipiterions pour nous entraider, au lieu de nous tromper, de profiter les uns des autres, comme nous l’enseignent les gens intelligents. C’est tellement agréable de s’entraider, de se serrer la main : ce sont des gestes humains, universels, mais ils émanent d’un cœur noble.

Et Jésus aujourd’hui avec cette célébration veut nous enseigner ceci : la noblesse du cœur. Chacun de nous peut dire : « Mais si le Pape savait les choses que j’ai à l’intérieur… ». Mais Jésus les connaît et nous aime tels que nous sommes, et lave tous nos pieds.

Jésus n’a jamais peur de nos faiblesses, Il n’a jamais peur parce qu’Il a déjà payé, Il veut juste nous accompagner, Il veut nous prendre par la main pour que la vie ne soit pas si dure pour nous. Je ferai le même geste de se laver les pieds, mais ce n’est pas un truc folklorique, non. Nous pensons que c’est un geste qui annonce comment nous devons être, l’un avec l’autre.

Dans la société, nous voyons combien de personnes profitent des autres, combien de personnes sont coincées et incapables de sortir. Combien d’injustices, combien de personnes au chômage, combien de personnes qui travaillent et sont payées à moitié prix, combien de personnes qui n’ont pas l’argent pour acheter des médicaments, combien de familles détruites, tant de mauvaises choses…

Et aucun d’entre nous peut dire : « Dieu merci, je ne suis pas comme ça, tu sais » – « Si je ne suis pas comme ça, c’est par la grâce de Dieu ! chacun de nous peut glisser, chacun de nous. Et cette prise de conscience, cette certitude que chacun de nous peut glisser est ce qui nous donne la dignité – écoutez le mot : la « dignité » – d’être pécheurs.

Et Jésus nous veut ainsi et pour cela il a voulu nous laver les pieds et dire : « Je suis venu pour te sauver, pour te servir ». Maintenant, je vais faire de même pour rappeler ce que Jésus nous a enseigné : s’entraider. Alors la vie est plus belle et on peut continuer comme ça.

Pendant le lavement des pieds – j’espère m’en tirer parce que je ne peux pas bien marcher – mais pendant le lavement des pieds, vous pensez : « Jésus m’a lavé les pieds, Jésus m’a sauvé, et j’ai cette difficulté maintenant ». Mais cela passera, le Seigneur est toujours à vos côtés, n’abandonne jamais, jamais. Pensez ceci. »


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“Le Crucifié, source d’espérance”

“Le Crucifié, source d’espérance” 

L’Audience générale a eu lieu mercredi matin sur la place Saint-Pierre, où le Saint-Père a rencontré des groupes de pèlerins et de fidèles d’Italie et du monde entier. Dans son discours en italien, le Pape, à la veille du Triduum pascal, a centré sa méditation sur le thème : « Le Crucifix, source d’espérance » (Lecture : 1 P 2,21-24).

Après avoir résumé sa catéchèse en plusieurs langues, le Saint-Père a adressé des expressions particulières de salutation aux fidèles présents. Puis il a lancé un appel à l’occasion de la journée mondiale du sport au service de la paix et du développement qui se célèbre ce jeudi saint ; il s’est souvenu alors particulièrement des victimes de crimes de guerre et des mères de soldats ukrainiens et russes morts à la guerre.

L’Audience générale s’est terminée par la récitation du Pater Noster et de la Bénédiction apostolique.

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉERALE

Place Saint-Pierre
Mercredi 5 avril 2023

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Dimanche dernier, la Liturgie nous a fait écouter la Passion du Seigneur. Elle se termine par ces mots : « Ils scellèrent la pierre » (Mt 27, 66) : tout semble fini. Pour les disciples de Jésus, ce rocher marque le terminus de l’espoir. Le maître a été crucifié, tué de la manière la plus cruelle et la plus humiliante, pendu à une potence infâme à l’extérieur de la ville : un échec public, la pire fin possible – à l’époque c’était la pire.

Or, ce découragement qui opprimait les disciples ne nous est pas tout à fait étranger aujourd’hui. Des pensées sombres et des sentiments de frustration s’accumulent aussi en nous : pourquoi tant d’indifférence envers Dieu ? C’est curieux : pourquoi tant d’indifférence envers Dieu ? Pourquoi tant de mal dans le monde ?

Mais regardez, qu’y a-t-il de mal dans le monde ! Pourquoi les inégalités continuent de croître et la paix tant attendue ne vient pas ? Pourquoi sommes-nous si attachés à la guerre, à nous faire du mal ? Et dans le cœur de chacun, que d’attentes évanouies, que de déceptions ! Et encore, ce sentiment que les temps passés étaient meilleurs et que dans le monde, peut-être même dans l’Église, les choses ne vont plus comme avant…

Aujourd’hui encore, l’espérance semble parfois scellée sous la pierre de la méfiance. Et j’invite chacun de vous à réfléchir à ceci : où est votre espoir ? Avez-vous un espoir vivant ou l’avez-vous scellé là, ou l’avez-vous dans le tiroir comme souvenir ? Mais votre espoir vous pousse-t-il à marcher ou est-ce un souvenir romantique comme si c’était une chose qui n’existe pas ? Où est votre espoir aujourd’hui ?

*

Une image est restée fixée dans l’esprit des disciples : la croix. Et là tout s’est terminé. Il y avait la fin de tout. Mais peu de temps après, ils auraient découvert un nouveau commencement directement dans la croix.

Chers frères et sœurs, l’espérance de Dieu germe ainsi, naît et renaît dans les trous noirs de nos attentes déçues ; et elle, véritable espérance, en revanche, ne déçoit jamais. Pensons précisément à la croix : du plus terrible instrument de torture, Dieu a obtenu le plus grand signe d’amour.

Ce bois de la mort, devenu arbre de vie, nous rappelle que les commencements de Dieu commencent souvent par nos fins. Il aime donc faire des merveilles. Regardons donc aujourd’hui l’arbre de la croix pour que germe en nous l’espérance : cette vertu quotidienne, cette vertu silencieuse, humble, mais cette vertu qui nous tient debout, qui nous aide à aller de l’avant.

Sans espoir, vous ne pouvez pas vivre. Nous pensons : où est mon espoir ? Aujourd’hui, regardons l’arbre de la croix pour que l’espoir germe en nous : être guéris de la tristesse – mais, combien de gens tristes… Quand je pouvais aller dans la rue, je ne peux plus parce qu’ils ont gagné. Je ne me laissais pas faire, mais quand je pouvais aller dans les rues de l’autre diocèse, il aimait regarder les gens dans les yeux. Combien de regards tristes !

Des gens tristes, des gens qui se parlaient à eux-mêmes, des gens qui marchaient uniquement avec leurs téléphones portables, mais sans paix, sans espoir. Et où est votre espoir aujourd’hui ? Il faut un peu d’espérance pour être guéri de la tristesse dont on est malade, pour être guéri de l’amertume dont on pollue l’Église et le monde.

Frères et sœurs, regardons le Crucifix. Et que voit-on ? Nous voyons Jésus nu, Jésus dépouillé, Jésus blessé, Jésus tourmenté. Est-ce la fin de tout ? Là est notre espérance.

*

Saisissons alors comment, sous ces deux aspects, l’espérance, qui semble mourir, renaît. Tout d’abord, nous voyons Jésus dépouillé : en effet, « après l’avoir crucifié, ils se partagèrent ses vêtements en tirant au sort » (v. 35). Dieu dépouillé : Celui qui a tout se laisse priver de tout. Mais cette humiliation est le chemin de la rédemption. Ainsi Dieu l’emporte sur nos apparences.

En fait, nous avons du mal à nous mettre à nu, à dire la vérité : nous essayons toujours de cacher la vérité parce que nous ne l’aimons pas ; nous nous habillons d’une extériorité que nous recherchons et dont nous prenons soin, avec des masques pour nous déguiser et nous montrer mieux que nous ne sommes. C’est un peu une habitude de maquillage : maquillage intérieur, être plus beau que les autres…

On pense que l’important est de s’afficher, de paraître, pour que les autres disent du bien de nous. Et on se décore d’apparences, on se décore d’apparences, de choses superflues ; mais de cette façon nous ne trouvons pas la paix. Ensuite, le maquillage s’en va et vous vous regardez dans le miroir avec le visage laid que vous avez, mais vrai, celui que Dieu aime, pas celui qui est « maquillé ».

Et Jésus dépouillé de tout nous rappelle que l’espérance renaît en faisant la vérité sur nous – en se disant la vérité – en abandonnant la duplicité, en nous libérant de la coexistence pacifique avec nos mensonges. Parfois, nous sommes tellement habitués à nous dire des mensonges que nous vivons avec des mensonges comme s’ils étaient des vérités et nous finissons par être empoisonnés par nos mensonges.

Cela est nécessaire : revenir au cœur, à l’essentiel, à une vie simple, dépouillée de tant de choses inutiles, qui se substituent à l’espoir. Aujourd’hui, alors que tout est complexe et que l’on risque de perdre le fil, on a besoin de simplicité, pour retrouver la valeur de la sobriété, la valeur du renoncement, pour nettoyer ce qui pollue le cœur et nous attriste.

Chacun de nous peut penser à une chose inutile dont il peut se débarrasser pour se retrouver. Vous pensez, combien de choses inutiles. Ici, il y a quinze jours, à Sainte Marthe, où j’habite – qui est une résidence pour un certain nombre de gens – la rumeur s’est répandue que pour cette semaine sainte, il aurait été agréable de regarder la garde-robe et de se dévêtir, d’envoyer les choses que nous avons, que nous n’utilisons pas… vous n’imaginez pas la quantité de choses !

C’est bien de se débarrasser des choses inutiles. Et cela va aux pauvres, aux personnes dans le besoin. Nous aussi, nous avons tellement de choses inutiles à l’intérieur de nos cœurs – et à l’extérieur aussi. Regardez votre garde-robe : regardez-la. C’est utile, c’est inutile… et nettoyer-la.

Regardez la garde-robe de l’âme : combien de choses inutiles vous avez, combien d’illusions stupides. Revenons à la simplicité, aux vraies choses qui n’ont pas besoin de maquillage. Voici un bon exercice !

Nous jetons un second regard sur le Crucifix et voyons Jésus blessé. La croix montre les clous perçant ses mains et ses pieds, son côté ouvert. Mais aux blessures du corps s’ajoutent celles de l’âme : mais que d’angoisses ! Jésus est seul : trahi, livré et renié par les siens, par ses amis, voire par ses disciples, condamné par les autorités religieuses et civiles, excommunié, Jésus éprouve même l’abandon de Dieu (cf. v. 46).

Le motif de la condamnation apparaît aussi sur la croix, «Celui-ci est Jésus, le Roi des Juifs» (v. 37). C’est une moquerie : celui qui s’est enfui lorsqu’on a essayé de le faire roi (cf. Jn 6, 15), est condamné pour s’être fait roi ; bien qu’il n’ait commis aucun crime, il est placé entre deux criminels et le violent Barabbas lui est préféré (cf. Mt 27, 15-21).

Bref, Jésus est blessé au corps et à l’âme. Je me demande : comment cela aide-t-il notre espérance ? Ainsi, Jésus nu, privé de tout, de tout : qu’est-ce que cela dit à mon espérance, en quoi cela m’aide-t-il ?

Nous aussi nous sommes blessés : qui n’est pas blessé dans la vie ? Et souvent, avec des blessures cachées que nous cachons par honte. Qui ne porte pas les cicatrices des choix passés, des incompréhensions, des douleurs qui restent à l’intérieur et sont difficiles à surmonter ? Mais aussi de torts subis, de paroles acerbes, de jugements incléments ? Dieu ne cache pas à nos yeux les blessures qui ont transpercé son corps et son âme.

Il les montre pour nous montrer qu’un nouveau passage peut s’ouvrir à Pâques : faire des trous de lumière avec ses blessures. « Mais, Votre Sainteté, n’exagérez pas », peut-on me dire. Non, c’est vrai : essayez. Essayez de le faire. Pensez à vos blessures, celles que vous seul connaissez, que tout le monde a cachées dans son cœur.

Et regardez le Seigneur. Et vous verrez, vous verrez comment des trous de lumière sortent de ces blessures. Jésus sur la croix ne récrimine pas, il aime. Il aime et pardonne à ceux qui l’ont blessé (cf. Lc 23, 34). Ainsi il convertit le mal en bien, ainsi il convertit et transforme la douleur en amour.

*

Frères et sœurs, la question n’est pas d’être un peu ou beaucoup blessé par la vie, la question est de savoir quoi faire de mes blessures. Les petits, les grands, ceux qui laisseront une trace dans mon corps, dans mon âme toujours. Que faire de mes blessures ? Que faites-vous et que faites-vous de vos blessures ? « Non, Père, je n’en ai pas, des blessures » – « Attention, réfléchis bien avant de dire ça ».

Et je te demande : que fais-tu de tes blessures, celles que tu es le seul à connaître ? Tu peux les laisser s’infecter de ressentiment, de tristesse ou je peux les unir à celles de Jésus, pour que même mes blessures deviennent lumineuses.

Pensez au nombre de jeunes qui ne supportent pas leurs blessures et cherchent une voie de salut dans le suicide : aujourd’hui, dans nos villes, beaucoup, beaucoup de jeunes qui ne voient pas d’issue, qui n’ont aucun espoir et préfèrent aller plus loin avec la drogue, avec l’oubli … les pauvres. Pensez à ceux-ci. Et vous, quel est votre médicament, pour couvrir les plaies ?

Nos blessures peuvent devenir sources d’espoir quand, au lieu de nous apitoyer sur notre sort ou de les cacher, nous essuyons les larmes des autres ; quand, au lieu d’avoir du ressentiment pour ce qu’on nous prend, on s’occupe de ce qui manque aux autres ; quand, au lieu de méditer sur nous-mêmes, nous nous penchons vers ceux qui souffrent ; quand, au lieu d’avoir soif d’amour pour nous, nous abreuvons ceux qui ont besoin de nous.

Parce que ce n’est que si nous arrêtons de penser à nous-mêmes que nous nous trouvons. Mais si nous continuons à penser à nous, nous ne nous retrouverons pas. Et c’est en faisant cela que – dit l’Écriture – notre blessure se cicatrise rapidement (cf. Is 58, 8), et l’espérance refleurit. Pensez : que puis-je faire pour les autres ? Je suis blessé, je suis blessé par le péché, je suis blessé par l’histoire, chacun a sa propre blessure.

Que dois-je faire : est-ce que je panse mes plaies comme ça, toute ma vie ? Ou est-ce que je regarde les blessures des autres et que je pars avec l’expérience blessée de ma vie pour guérir, pour aider les autres ? C’est le défi d’aujourd’hui, pour vous tous, pour chacun de vous, pour chacun de nous. Que le Seigneur nous aide à avancer.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française, venus en particulier de France et de Belgique.

Frères et sœurs, en ces jours saints, approchons-nous du Crucifié. Mettons-nous devant lui, dépouillé, pour faire la vérité en nous, en enlevant ce qui est superflu. Laissons Jésus régénérer en nous l’espérance.

Que Dieu vous bénisse !


Appels du Saint-Père

Demain, c’est la Journée mondiale du sport au service de la paix et du développement, organisée par les Nations Unies. J’espère qu’elle contribuera à intensifier les intentions de solidarité et les attitudes d’amitié et de partage fraternel.

En cette semaine sainte de la Passion du Christ, alors que je commémore sa mort injuste, je me souviens d’une manière particulière de toutes les victimes de crimes de guerre et, alors que je vous invite à prier pour elles, nous élevons une supplication vers Dieu afin que le cœur de tous peuvent être convertis. Et en regardant Marie, Notre-Dame, devant la Croix, ma pensée va aux mères : aux mères des soldats ukrainiens et russes morts à la guerre. Elles sont mères d’enfants morts. Prions pour ces mères.

Résumé de l’Audience

Frères et sœurs, la Passion du Seigneur marque le terminus de l’espérance pour ses disciples, un échec public, la pire fin qui soit. Ce désespoir qui opprimait les disciples ne nous est pas étranger aujourd’hui, au milieu de nos pensées sombres et de nos sentiments de frustration. L’espérance semble parfois scellée sous la pierre du découragement

La croix symbolisait la fin de tout pour les disciples. Mais l’espérance de Dieu germe, naît et renaît dans les trous noirs de nos attentes déçues. Elle ne déçoit jamais. De la croix, le plus terrible instrument de torture, Dieu a tiré le signe le plus grand de l’amour. Ce bois de mort, devenu arbre de vie nous rappelle que les débuts de Dieu commencent souvent à partir de nos fins. Nous sommes appelés à regarder l’arbre de la croix pour que l’espérance germe en nous.

nous regardons le Crucifié, nous voyons Jésus dépouillé et blessé. L’humiliation de Dieu dépouillé est la voie de la rédemption. Jésus dépouillé de tout nous rappelle que l’espérance renaît lorsque nous vivons dans la vérité, lorsque nous abandonnons nos duplicités et nos faussetés. Jésus est blessé dans son corps et dans son âme. Dieu ne nous cache pas les plaies qui l’ont transpercé.

À Pâques, un nouveau passage peut s’ouvrir: faire de ses blessures des brèches de lumière. Nos blessures peuvent devenir des sources d’espérance lorsque nous sommes ouverts aux autres en prenant soin d’eux.


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LES ANNONCES DE LA PASSION

LES ANNONCES DE LA PASSION

Jésus-annonce-aux-apôtres-sa-Passion - cathédrale-de-Chartres
Jésus-annonce-aux-apôtres-sa-Passion – cathédrale-de-Chartres

C’est le vieillard Siméon qui a été le premier annonciateur de la Passion au cours de la vie du Maître. A la salutation de l’Ange : Je vous salue, pleine de grâce, il a ajouté, ange lui-même désigné d’en haut : Je vous salue, ô pleine de douleur. Il ne pouvait entendre en esprit que la même réponse : Qu’il me soit fait selon votre parole.

Depuis ce temps, le glaive plane.

Il est probable que rarement, même par allusion, Nazareth a été troublé par le présage. Marie « conservait toutes ces choses dans son cœur »; Jésus aussi, sans doute. C’était entre eux un puissant secret. Il s’agissait de se préparer à l’événement, non de le devancer en imagination ou en paroles. « N’y a-t-il pas douze heures dans le jour? » dira plus tard le Sauveur (Jean, xi, 7) : à chacune de ces heures sa tâche, et aussi sa pensée, cette tâche de l’esprit.

Si quelque idée de l’avenir doit pourtant régner dans le présent pour y apporter sa lumière, les faits se chargent de la fournir. La persécution d’Hérode à grand’peine évitée, l’amorce d’action publique de Jésus à l’âge de douze, ans — amorce déjà dangereuse, son de cloche qui fait prévoir de moins pacifiques engagements — et, plus avant, si l’on tient compte des débuts de la vie prêcheresse, l’épisode de l’escarpement de Nazareth, ne seraient-ce point là des rappels éloquents ?

Au surplus, s’agissant d’une fille de David et d’une fervente de la Loi, on ne peut oublier ce qui est écrit du Christ dans le Saint Livre, ce que Marie y décèle chaque jour, même dans les coins obscurs de la mystérieuse Thora, où tout est « figure ». Quel coup dans le cœur, quand Isaïe, Jérémie, David même, l’Ancêtre inspiré, tous les témoins anticipés du Calvaire, lancent leurs traits vibrants !

« Ils ont percé mes mains et mes pieds; on compterait tous mes os », — « II a porté nos souffrances et il s’est chargé de nos douleurs. Nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu et humilié » (Isaïe, lui, 4). C’est bien de son Fils qu’il est ainsi parlé. L’Ancêtre ajoute — y songe-t-elle en regardant les premiers disciples autour de son Prêcheur — : « Celui-là même qui était mon ami, qui avait ma confiance et qui mangeait mon pain a levé le talon contre moi » (PS. XI, 10).

Ah ! certes, jamais ces aspects de douleur ne se présentent isolés; il y a à côté les consolations et les gloires. « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que je fasse de tes ennemis l’escabeau de tes pieds » (Ps. CIX, I). « Je lui donnerai en partage la multitude des nations. Il distribuera la dépouille des forts » (Isaïe, lui, 12). Oui; mais c’est « parce qu’il a livré son âme à la mort et qu’il a été mis au nombre des scélérats » (Ibid.). Quelles bouleversantes perspectives !

Dans toute la gentilité, Marie peut le savoir, il est question d’une Vierge-Mère victorieuse du mal figuré par le serpent : ce ne sera pas sans lutte, et le terrain de la lutte est précisément celui de la maternité. C’est dans son Fils qu’on atteint la Mère.

Quand la vie ardente de Jésus est engagée à fond, les présages se précipitent et éclatent en événements ou en paroles menaçantes. Jésus évoque « son heure », qui est aussi celle de Marie; il doit boire un « calice » que goûteront avec lui les lèvres très pures; il sera baptisé d’un sanglant « baptême » où se plonge, dès qu’il rougeoie, le cœur virginal.

Les menées des Pharisiens, les accusations, les rumeurs, peut-être — déjà — l’attitude de Judas, qui ne peut manquer de refléter dans le groupe l’attitude du dehors, rien de tout cela ne peut échapper à une vigilance avertie, à un amour que l’avenir oppresse.

Le jour vient où le secret, jusque-là plus ou moins couvert, ne peut plus être préservé. Les disciples doivent être prévenus afin de se tenir prêts. Jésus parle. « Il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, et qu’il soit mis à mort, et qu’il ressuscite le troisième jour. »

La gloire est en vue pour finir, toujours ; sans cela, ce serait la désespérance ; mais les eaux du déluge sont-elles taries par une vision anticipée de la colombe? Quand les Douze entendaient ces choses, ils en étaient « extrêmement attristés » (Matth., XVIII, 22), ou « ils ne comprenaient pas » (Marc, ix, 32). Marie, qui comprend, doit être affligée plus que tous les fidèles ensemble, car elle cumule les peines, pour mériter de thésauriser un jour les grandeurs.

La dernière annonce de la Passion est si claire, à tel point circonstanciée, qu’il faut des prodiges d’aveuglement pour échapper à sa hantise. Lors de sa dernière montée à Jérusalem, Jésus, marchant en tête, sent les siens troublés derrière lui et pénétrés de peur, mais l’âme toujours vague. Il a pitié de leur état; il se retourne, les assemble et se met à leur dire — une fois de plus — ce qui doit lui arriver.

« Voici que nous montons à Jérusalem. Et le Fils de l’Homme sera livré aux princes des prêtres et aux scribes. Et ils le condamneront à mort et le livreront aux Gentils. Et (ceux-ci) se moqueront de lui, et cracheront sur lui, et le flagelleront, et le feront mourir. Mais, après trois jours, il ressuscitera. »

Voilà le drame au complet. Rien d’essentiel n’y manque. Il ne pénètre pas, en dépit de l’insistance et des précisions, dans la cervelle obstruée des Douze, toute pleine d’images d’un Messie bien différent, glorieux politiquement et vainqueur des Gentils, loin d’être leur victime. Mais Marie n’a point de part à ces illusions. Elle comprend tout; elle dépasse la portée des paroles, au lieu de la méconnaître.

A elle, Jésus s’en explique-t-il davantage encore? Peut-être; on soupçonne cependant qu’il n’y songe point. L’action est tout pour lui; les confidences sont inutiles, à qui lui est uni au point de tout accepter, fût-ce de ne point savoir, quand le silence est meilleur.

Oh ! le silence, comme il est grand entre Jésus et Marie, et qu’il inclut de mystérieuses choses ! Ce qui a été dit aux Douze était grand par rapport à eux, trop grand même, puisqu’ils ne le comprennent pas; mais pour la Vierge, cela, ou autre chose, ou quoi que ce soit serait toujours petit.

Sa pensée et son cœur débordent le discours possible autant que le discours proféré. Toute parole ou tout épisode n’est pour elle qu’un rappel. Les javelines lui arrivent de toutes parts en attendant la plongée du glaive; mais le glaive, en esprit, est toujours là.

Toute la vie de Jésus et de sa Mère n’a été, d’un pas égal, qu’une avancée dans la direction et puis sur la montée du Calvaire. C’est une marche à la croix. Jésus, qui va changer là notre eau en vin, ne le fait, comme à Cana, qu’en union avec la Vierge. Lui qui a attendu son oui pour venir sur la terre, l’attend aussi pour en partir.

Voici que l’heure vient; on mesure ses approches; elle frappe, pour avertir, ses coups espacés. Dans le cœur maternel, le glas qui retentit, élargissant ses ondes, essaie en vain d’y noyer la sérénité. te Il ressuscitera le troisième jour » ; « Il va mourir » : laquelle de ces deux annonces est la plus puissante? N’importe, car une grâce suréminente les domine toutes les deux.

Il en est du pauvre cœur comme du timbre électrique attiré vers des pôles contraires : il bat ! il bat ! mais il est soumis et il adore. Ne lui demandons pas de manifester cette hâte de souffrir qui envahit par instants le Fils de l’Homme; son Fils à elle, c’est assez qu’elle le donne; n’allons pas exiger une impatience inhumaine. La généreuse ardeur de Jésus répond à son rôle ; elle y répond par une acceptation sans réserve.

Ô Rose mystique, blanche, rouge, or, au gré de tes mystères, enseigne-nous la dure loi des germinations. Que nous ne demandions plus d’être épargnés, alors que Dieu travaille. Notre passion, ses préludes douloureux, qu’importe, au regard de ce qui succède pour nous tous ? La rose s’impose en son entier. On ne peut dire du mal des épines, quand elles brillent, vertes de sève, dans l’aubépine en fleur.

P. Sertillanges

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