Que l’espérance et la paix demeurent au Soudan du Sud

Que l’espérance et la paix demeurent au Soudan du Sud

Pour son dernier rendez-vous au Soudan du Sud dimanche 5 février, le Pape François a célébré la messe au mausolée John Garang en présence de 100 000 fidèles. Dans son homélie, il les a invités à être le sel de la terre et la lumière du monde, une exhortation à s’engager en faveur de la paix et de la réconciliation dans un pays encore marqué par les divisions et des années de guerre civile. Il a tenu remercier les Sud-Soudanais pour leur accueil. Il les a assurés qu’il resterait à leurs côtés sur le chemin de la paix.

VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
en RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO et au SOUDAN DU SUD
(Pèlerinage Œcuménique de Paix au Soudan du Sud)
[31 janvier – 5 février 2023]

MESSE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Mausolée John Garang (Djouba)
Dimanche 5 février 2023

________________________________________

voyage du Pape au Sud-Soudan
voyage du Pape au Sud-Soudan

Les paroles que l’Apôtre Paul a adressées à la communauté de Corinthe dans la deuxième lecture, je voudrais aujourd’hui les faire miennes et les répéter devant vous : « Quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse. Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, le Messie crucifié » (1 Co 2, 1-2).

Oui, l’inquiétude de Paul est aussi la mienne, en me trouvant ici avec vous au nom de Jésus Christ, le Dieu de l’amour, le Dieu qui a réalisé la paix par sa croix ; Jésus, Dieu crucifié pour nous tous ; Jésus, crucifié en ceux qui souffrent ; Jésus, crucifié dans la vie de beaucoup d’entre vous, de beaucoup de personnes de ce pays ; Jésus le ressuscité, vainqueur sur le mal et sur la mort.

Je viens à vous pour le proclamer, pour vous confirmer en Lui, car l’annonce du Christ est une annonce d’espérance. Il connaît, en effet, les angoisses et les attentes que vous portez dans votre cœur, les joies et les peines qui marquent votre vie, les ténèbres qui vous oppriment et la foi que vous élevez au Ciel comme un chant dans la nuit.

Jésus vous connaît et vous aime. Si nous demeurons en Lui, nous n’avons pas à craindre, car pour nous aussi toute croix se transformera en résurrection, toute tristesse en espérance, toute lamentation en danse.

*

Je voudrais donc m’arrêter sur les paroles de vie que notre Seigneur Jésus nous a adressées aujourd’hui dans l’Évangile : « Vous êtes le sel de la terre […]. Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13.14). Que nous disent ces images, à nous, disciples du Christ ?

Tout d’abord, nous sommes le sel de la terre. Le sel sert à donner de la saveur à la nourriture. C’est l’ingrédient invisible qui donne du goût à tout. C’est pourquoi, depuis les temps anciens, il a été considéré comme le symbole de la sagesse, c’est-à-dire de cette vertu que l’on ne voit pas, mais qui donne goût à la vie et sans laquelle l’existence devient insipide, sans saveur.

Mais de quelle sagesse nous parle Jésus ? Il utilise cette image du sel immédiatement après avoir proclamé à ses disciples les Béatitudes : nous comprenons alors que ce sont elles le sel de la vie du chrétien. Les Béatitudes, en effet, apportent sur terre la sagesse du Ciel : elles révolutionnent les critères du monde et de la manière ordinaire de penser.

Et que nous disent-elles ? En peu de mots, elles affirment que pour être bienheureux, c’est-à-dire pleinement heureux, nous ne devons pas chercher à être forts, riches et puissants, mais humbles, doux et miséricordieux ; ne faire de mal à personne, mais être des artisans de paix pour tous. Cela – nous dit Jésus – est la sagesse du disciple, c’est cela qui donne de la saveur à la terre que nous habitons.

Rappelons-nous : si nous mettons en pratique les Béatitudes, si nous incarnons la sagesse du Christ, nous ne donnons pas seulement une bonne saveur à notre vie, mais aussi à la société, au pays où nous vivons.

*

Mais le sel, en plus de donner de la saveur, a un autre rôle, essentiel à l’époque du Christ : conserver les aliments afin qu’ils ne se corrompent pas et deviennent avariés. La Bible, cependant, disait qu’il y avait une “nourriture”, un bien essentiel qui devait être conservé avant tout autre : l’alliance avec Dieu. C’est pourquoi, à cette époque, chaque fois que l’on faisait une offrande au Seigneur, l’on mettait un peu de sel.

Écoutons ce que dit l’Écriture à ce sujet : « Tu ne laisseras pas ton offrande manquer du sel de l’alliance avec ton Dieu ; avec tout ce que tu réserveras, tu apporteras du sel » (Lv 2, 13). Ainsi, le sel rappelait le besoin fondamental de garder le lien avec Dieu, parce qu’Il nous est fidèle, son alliance avec nous est incorruptible, inviolable et durable (cf. Nb 18, 19 ; 2 Ch 13, 5).

C’est pourquoi le disciple de Jésus, en tant que sel de la terre, est témoin de l’alliance qu’Il a réalisée et que nous célébrons à chaque Messe : une alliance nouvelle, éternelle, immuable (cf. 1 Co 11, 25 ; He 9), un amour pour nous qui ne peut être brisé pas même par nos infidélités.

*

Frères et sœurs, nous sommes témoins de cette merveille. Autrefois, lorsque des personnes ou des peuples établissaient entre eux une amitié, ils la concluaient souvent en s’échangeant un peu de sel.

Nous qui sommes le sel de la terre, nous sommes appelés à témoigner de l’alliance avec Dieu dans la joie, avec gratitude, en montrant que nous sommes des personnes capables de créer des liens d’amitié, de vivre la fraternité, de construire de bonnes relations humaines, pour empêcher que règnent la corruption du mal, la maladie des divisions, l’infamie des affaires illégales, la plaie de l’injustice.

Je voudrais aujourd’hui vous remercier car vous êtes le sel de la terre dans ce pays. Pourtant, face à tant de blessures, aux violences qui alimentent le poison de la haine, à l’injustice qui provoque misère et pauvreté, vous pourriez vous sentir petits et impuissants.

Mais, quand la tentation de vous sentir incapables vous assaille, essayez de regarder le sel et ses minuscules grains : c’est un petit ingrédient et, une fois mis dans le plat, il disparaît, il se dissout, mais c’est justement de cette manière qu’il donne de la saveur à tout le contenu.

De même, nous chrétiens, bien qu’étant fragiles et petits, même lorsque nos forces nous semblent peu de chose face à la grandeur des problèmes et à la furie aveugle de la violence, nous pouvons offrir une contribution décisive pour changer l’histoire. Jésus désire que nous le fassions comme le sel : il suffit d’une pincée qui fond pour donner un goût différent à l’ensemble.

Alors nous ne pouvons pas reculer, parce que sans ce peu, sans notre peu, tout perd son goût. Commençons précisément par le peu, par l’essentiel, par ce qui n’apparaît pas dans les livres d’histoire mais qui change l’histoire :

au nom de Jésus, de ses Béatitudes, déposons les armes de la haine et de la vengeance pour embrasser la prière et la charité ; surmontons ces antipathies et aversions qui, au fil du temps, sont devenues chroniques et qui risquent d’opposer les tribus et les ethnies ; apprenons à mettre sur les blessures le sel du pardon, qui brûle mais guérit.

Et, même si le cœur saigne à cause des torts reçus, renonçons une fois pour toutes à répondre au mal par le mal, et nous serons bien intérieurement ; accueillons-nous et aimons-nous avec sincérité et générosité, comme le fait Dieu avec nous. Gardons le bien que nous sommes, ne nous laissons pas corrompre par le mal !

*

Passons à la deuxième image utilisée par Jésus, la lumière : Vous êtes la lumière du monde. Une célèbre prophétie disait d’Israël : « Je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6).

À présent la prophétie s’est accomplie, parce que Dieu le Père a envoyé son Fils, et c’est Lui la lumière du monde (cf. Jn 8, 12), la vraie lumière qui éclaire chaque homme et chaque peuple, la lumière qui brille dans les ténèbres et dissipe les nuages de toute obscurité (cf. Jn 1, 5.9).

Mais Jésus lui-même, lumière du monde, dit à ses disciples qu’eux aussi sont lumière du monde. Cela veut dire qu’en accueillant la lumière du Christ, la lumière qu’est le Christ, nous devenons lumineux, nous rayonnons de la lumière de Dieu !

Jésus ajoute : « Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Et l’on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau ; on la met sur le lampadaire, et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5, 14-15).

Ce sont là aussi des images familières de cette époque : plusieurs villages en Galilée étaient situés sur les collines, bien visibles de loin ; et les lampes, dans les maisons, étaient placées en hauteur pour donner de la lumière dans tous les coins de la pièce ; puis, quand elles devaient être éteintes, on les couvrait avec objet en terre cuite appelé “boisseau”, qui asphyxiait la flamme jusqu’à l’éteindre.

*

Frères et sœurs, l’invitation de Jésus à être lumière du monde est claire : nous qui sommes ses disciples, nous sommes appelés à resplendir comme une ville située en altitude, comme un lampadaire dont la flamme ne doit jamais être éteinte.

En d’autres termes, avant de nous préoccuper des ténèbres qui nous entourent, avant d’espérer que quelque chose autour s’éclaire, nous devons briller, éclairer par notre vie et par nos œuvres les villes, les villages et les lieux que nous habitons, les personnes que nous fréquentons, les activités que nous menons.

Le Seigneur nous en donne la force, la force d’être lumière en Lui, pour tous ; parce que tous doivent pouvoir voir nos bonnes œuvres et, les voyant– nous rappelle Jésus –, s’ouvrir avec émerveillement à Dieu et lui rendre gloire (cf. v. 16). Si nous vivons comme des enfants et des frères sur la terre, les gens découvriront qu’ils ont un Père dans les cieux.

Il nous est donc demandé de brûler d’amour : qu’il n’arrive pas que notre lumière s’éteigne, que l’oxygène de la charité disparaisse de notre vie, que les œuvres du mal enlèvent de l’air pur à notre témoignage. Cette terre, très belle et meurtrie, a besoin de la lumière que chacun de vous possède, ou mieux, de la lumière que chacun de vous est !

*

Chers amis, je vous souhaite d’être le sel qui se répand et se dissout avec générosité pour donner saveur au Soudan du Sud avec le goût fraternel de l’Évangile ; d’être des communautés chrétiennes rayonnantes qui, comme des villes situées en hauteur, irradient une lumière de bien sur tout le monde et montrent qu’il est beau et possible de vivre la gratuité, d’avoir l’espérance, de construire tous ensemble un avenir réconcilié.

Frères et sœurs, je suis avec vous et je vous souhaite de faire l’expérience de la joie de l’Évangile, la saveur et la lumière que le Seigneur, « le Dieu de la paix » (Ph 4, 9), le « Dieu de qui vient tout réconfort » (2 Co 1, 3), veut répandre sur chacun de vous.

___________________________________________________________________

DERNIÈRES SALUTATIONS

Merci, cher Frère Stephen, pour ces paroles. Je salue Monsieur le Président de la République avec toutes les Autorités civiles et religieuses présentes. Je suis désormais parvenu à la fin de ce pèlerinage parmi vous et je désire exprimer ma reconnaissance pour l’accueil reçu et pour tout le travail accompli pour préparer cette visite, qui a été une visite fraternelle à trois.

Je vous suis tous reconnaissant, frères et sœurs qui êtes venus nombreux de différents lieux, beaucoup d’entre vous ont dû faire plusieurs heures, et même journées, de route ! En plus de l’affection que vous m’avez manifestée, je vous remercie pour votre foi, pour votre patience, pour tout le bien que vous faites et pour les efforts que vous offrez à Dieu sans vous décourager, sachant aller de l’avant.

Au Soudan du Sud il y a une Église courageuse, apparentée avec celle du Soudan, comme nous le rappelait l’Archevêque qui a mentionné la figure de sainte Joséphine Bakhita : une grande femme qui, avec la grâce de Dieu, a transformé en espérance la souffrance endurée.

Benoît XVI a écrit : « L’espérance, qui était née pour elle et qui l’avait “rachetée”, elle ne pouvait pas la garder pour elle ; cette espérance devait rejoindre beaucoup de personnes, elle devait rejoindre tout le monde » (Lett. enc. Spe salvi, n. 3).

Espérance est la parole que je voudrais laisser à chacun de vous, comme un don à partager, comme une semence qui porte du fruit. Comme nous le rappelle la figure de sainte Joséphine, l’espérance, ici en particulier, est sous le signe de la femme et je voudrais remercier et bénir de façon spéciale toutes les femmes du pays.

Je voudrais associer à l’espérance une autre parole, la parole de ces jours-ci : paix. Avec mes Frères Justin et Iain, que je remercie de tout cœur, nous sommes venus ici et nous continuerons à accompagner vos pas, tous les trois ensembles, en faisant tout notre possible pour qu’ils soient des pas de paix, des pas vers la paix.

Je voudrais confier ce cheminement de tout le peuple avec nous trois, ce cheminement de réconciliation et de la paix à une autre femme, notre très tendre Mère Marie, la Reine de la paix.

Elle nous a accompagnés de sa présence attentive et silencieuse. Nous la prions maintenant et lui confions la cause de la paix au Soudan du Sud et sur tout le Continent africain. Confions également la paix dans le monde à la Vierge, en particulier les nombreux pays qui se trouvent en guerre, comme l’Ukraine meurtrie.

Très chers frères et sœurs, nous retournons, chacun de nous trois à notre office, en vous portant encore plus dans le cœur. Je le répète : vous êtes dans nos cœurs, vous êtes dans nos cœurs, vous êtes dans le cœur des chrétiens du monde entier ! Ne perdez jamais l’espérance. Et que l’on ne perde pas l’occasion de construire la paix. Que l’espérance et la paix demeurent en vous, que l’espérance et la paix demeurent au Soudan du Sud !


Copyright © Dicastero per la Comunicazione – Libreria Editrice Vaticana

Prière œcuménique au Mausolée Jean Garang

Voyage apostolique de Sa Sainteté François en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud
(Pèlerinage œcuménique de paix au Soudan du Sud)
(31 janvier – 5 février 2023) 

voyage du Pape au Sud-Soudan
voyage du Pape au Sud-Soudan

Cet après-midi, samedi 4 février, au mausolée « John Garang » à Juba, une prière œcuménique a eu lieu. Après la salutation liturgique et une brève introduction par le Révérend Thomas Tut Puot Mut, Président du Conseil des Églises du Soudan du Sud (SSCC), l’acte pénitentiel a eu lieu, suivi de la prière, de la première lecture et de la lecture de l’Évangile.

Puis, après une allocution de l’archevêque de Cantorbéry, Sa Grâce Justin Welby, et une introduction du modérateur de l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse, le pasteur Iain Greenshields, le Credo des Apôtres a été récité. La prière d’intercession et de miséricorde pour la nation a ensuite eu lieu au cours de laquelle chaque lecteur a versé de l’eau sur les arbres préalablement plantés en signe d’unité.

Le Saint-Père François a ensuite prononcé son discours qui a été suivi de la récitation du Notre Père, de la bénédiction des trois chefs religieux et du chant final. Selon les autorités locales, plus de 50 000 personnes ont participé à la prière œcuménique au mausolée « John Garang ».

Nous publions ci-dessous le discours que le Saint-Père a prononcé lors de la prière œcuménique :

Prière œcuménique au Mausolée « Jean Garang »

Monsieur le Président de la République,
Autorités religieuses et civiles distinguées,
Chers frères et sœurs !

Des prières nombreuses viennent de s’élever vers le Ciel de cette terre aimée et meurtrie: des voix différentes se sont unies, formant une seule voix. Ensemble, comme Peuple saint de Dieu, nous avons prié pour ce peuple blessé. En tant que chrétiens, prier est la première et plus importante chose que nous sommes appelés à faire pour pouvoir bien agir et avoir la force de marcher. Prier, agir et marcher : réfléchissons sur ces trois verbes.

Tout d’abord, prier. Le grand engagement des communautés chrétiennes pour la promotion humaine, pour la solidarité et pour la paix serait vain sans la prière. En effet, nous ne pouvons pas promouvoir la paix sans avoir d’abord invoqué Jésus, « Prince-de-la-Paix » (Is 9, 5). Ce que nous faisons pour les autres et partageons avec les autres est avant tout un don gratuit que, les mains vides, nous recevons de Lui : c’est une grâce, une pure grâce. Nous sommes chrétiens parce que nous sommes aimés gratuitement par le Christ.

Ce matin, je me suis inspiré de la figure de Moïse et maintenant, précisément en relation avec la prière, je voudrais évoquer un épisode qui a été décisif pour lui et pour son peuple, survenu alors qu’il venait à peine de commencer de l’accompagner sur le chemin vers la liberté. Arrivés près des rives de la mer Rouge, une scène dramatique se présente à ses yeux et à ceux de tous les Israélites : devant eux se dresse la barrière infranchissable des eaux ; derrière, arrive l’armée ennemie, avec des chars et des chevaux. Cela ne rappelle-t-il pas les premiers pas de ce pays, assailli tant par les eaux de la mort, comme celles des inondations désastreuses qui l’ont frappé, que par une violence belliqueuse effroyable ? Eh bien, dans cette situation désespérée, Moïse dit au peuple : « N’ayez pas peur ! Tenez bon ! Vous allez voir aujourd’hui ce que le Seigneur va faire pour vous sauver ! » (Ex 14, 13). Alors, je me demande : d’où venait à Moïse une telle certitude, alors que son peuple continuait à se plaindre effrayé ? Cette force lui venait de l’écoute du Seigneur (cf. 2-4) qui lui avait promis de manifester sa gloire. L’union avec Lui, la confiance en Lui cultivée dans la prière, est le secret par lequel Moïse a pu accompagner le peuple de l’oppression à la liberté.

Il en est de même pour nous aussi : prier donne la force d’avancer, de surmonter les peurs, d’entrevoir, même dans les ténèbres, le salut que Dieu prépare. De plus, la prière attire le salut de Dieu sur le peuple. La prière d’intercession, qui a caractérisé la vie de Moïse (cf. Ex 32, 11-14), est celle à laquelle nous sommes tenus, nous surtout, Pasteurs du Peuple saint de Dieu. Pour que le Seigneur de la paix intervienne là où les hommes ne parviennent pas à la construire, il faut la prière : une prière tenace, d’intercession constante. Frères et sœurs, en cela, soutenons-nous: dans nos diverses Confessions religieuses, sentons-nous unis entre nous, comme une seule famille ; et sentons-nous chargés de prier pour tous. Dans nos paroisses, églises, assemblées de culte et de louange, prions assidûment et unanimement (cf. Ac 1, 14) pour que le Soudan du Sud “rejoigne la terre promise”, comme le peuple de Dieu dans les Écritures. Qu’il dispose sereinement et équitablement de la terre fertile et riche qu’il possède, et qu’il soit comblé de cette paix promise mais, malheureusement, pas encore advenue.

Nous sommes précisément appelés, en second lieu, à agir pour la cause de la paix. Car Jésus nous veut « artisans de paix » (Mt 5, 9), il veut que son Église ne soit pas seulement signe et instrument de l’union intime avec Dieu, mais aussi de l’unité de tout le genre humain (cf. Lumen gentium, n. 1). Le Christ, en effet, comme le rappelle l’Apôtre Paul, « est notre paix » précisément dans le sens du rétablissement de l’unité. Il est celui qui “des deux, fait une seule réalité, en détruisant les murs de séparation, la haine” (cf. Ep 2, 14). Voilà la paix de Dieu : non seulement une trêve entre les conflits, mais une communion fraternelle, qui vient de l’union, non de l’absorption ; du pardon, non de la domination ; de la réconciliation, non de l’imposition. Le désir de paix du Ciel est si grand qu’il a été annoncé dès la naissance du Christ : « paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime » (Lc 2, 14). Et l’angoisse de Jésus provoquée par le refus de ce don qu’il venait apporter est si grande, qu’Il pleura sur Jérusalem, en disant : « Si toi aussi, tu avais reconnu en ce jour ce qui donne la paix ! » (Lc 19, 42).

Chers frères et sœurs, œuvrons sans nous lasser pour cette paix que l’Esprit de Jésus et du Père nous invite à construire : une paix qui intègre les diversités, qui promeut l’unité dans la pluralité. Voilà la paix de l’Esprit Saint qui harmonise les différences, tandis que l’esprit ennemi de Dieu et de l’homme s’appuie sur les différences pour diviser. À cet égard, l’Écriture dit : « Voici comment se manifestent les enfants de Dieu et les enfants du diable : quiconque ne pratique pas la justice n’est pas de Dieu, et pas davantage celui qui n’aime pas son frère » (1 Jn 3, 10). Chers amis, celui qui se dit chrétien doit choisir son camp. Celui qui suit le Christ choisit la paix, toujours ; celui qui déclenche la guerre et la violence trahit le Seigneur et renie son Évangile. Le style que Jésus nous enseigne est clair : aimer tout le monde, car tous sont aimés comme des enfants par le Père commun qui est aux cieux. L’amour du chrétien n’est pas seulement pour les proches, mais pour chacun, car chacun est notre prochain en Jésus, un frère, une sœur, même l’ennemi (cf. Mt 5, 38-48) ; et à plus forte raison ceux qui appartiennent à notre même peuple, même s’ils sont d’ethnies différentes. « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12) ; tel est le commandement de Jésus qui contredit toute vision tribale de la religion. « Que tous soient un » (Jn 17, 21) : telle est la prière pressante de Jésus au Père pour nous tous croyants.

Travaillons, frères et sœurs, pour cette unité fraternelle entre nous chrétiens et aidons-nous à faire passer le message de la paix dans la société, à répandre le style de non-violence de Jésus, afin qu’il n’y ait plus de place pour une culture fondée sur l’esprit de vengeance chez ceux qui se professent croyants; afin que l’Évangile ne soit pas seulement un beau discours religieux, mais une prophétie qui devienne réalité dans l’histoire. Travaillons à cela : travaillons pour la paix en tissant et en recousant, jamais en coupant ou en déchirant. Suivons Jésus et, derrière Lui, faisons des pas communs sur le chemin de la paix (cf. Lc 1,79).

Voici alors le troisième verbe : après prier et agir, marcher. Ici, au cours des décennies, les communautés chrétiennes se sont fortement engagées dans la promotion de chemins de réconciliation. Je voudrais vous remercier pour ce témoignage lumineux de foi, né de la reconnaissance, non seulement en paroles mais dans les faits, qu’avant les divisions historiques existe une réalité immuable : nous sommes chrétiens, nous sommes du Christ. Il est beau que, au milieu de tant de conflits, l’appartenance chrétienne n’a jamais détruit la population, mais a été, et est encore, facteur d’unité. L’héritage œcuménique du Soudan du Sud est un trésor précieux, une louange au nom de Jésus, un acte d’amour à l’Église son épouse, un exemple universel pour le chemin d’unité des chrétiens. C’est un héritage qui doit être conservé dans le même esprit : les divisions ecclésiales des siècles passés ne doivent pas se répercuter pas sur ceux qui sont évangélisés, mais la semence de l’Évangile doit contribuer à répandre une plus grande unité. Que le tribalisme et le sectarisme qui alimentent les violences dans le pays n’affectent pas les relations interconfessionnelles ; au contraire, que le témoignage d’unité des croyants se reverse sur le peuple.

En ce sens, pour finir, je voudrais suggérer deux mots-clés pour la suite de notre cheminement : mémoire et engagement. Mémoire : les pas que vous faites suivent les traces de vos prédécesseurs. N’ayez pas peur de ne pas en être à la hauteur, sentez-vous au contraire poussés par ceux qui vous ont préparé la route. Comme dans un relais, prenez le témoin pour hâter la réalisation de l’objectif d’une communion pleine et visible. Et ensuite engagement : on marche vers l’unité quand l’amour est concret, quand on secourt ensemble ceux qui sont en marge, ceux qui sont blessés et rejetés. Vous le faites déjà dans de nombreux domaines, je pense en particulier à la santé, à l’instruction, à la charité : que d’aides urgentes et indispensables vous apportez à la population ! Merci pour tout cela. Continuez ainsi : jamais concurrents, mais proches ; frères et sœurs qui, par leur compassion pour les souffrants, les préférés de Jésus, rendent gloire à Dieu et témoignent de la communion qu’Il aime.

Très chers amis, mes frères et moi nous sommes venus en pèlerins parmi vous, Peuple saint de Dieu en marche. Même si nous sommes loin physiquement, nous serons toujours proches de vous. Repartons chaque jour de la prière les uns pour les autres et avec les autres, en œuvrant ensemble comme témoins et médiateurs de la paix de Jésus, en marchant sur la même route, en faisant des pas concrets de charité et d’unité. En tout, aimons-nous intensément, et de tout cœur (cf. 1 P 1, 22).

Message du Saint-Père à l’occasion de la IIIe Journée internationale de la fraternité humaine

Message vidéo du Saint-Père à l’occasion de la IIIe Journée internationale de la fraternité humaine et de la remise du prix Zayed pour la fraternité humaine, 04.02.2023

Nous publions ci-dessous le texte du message vidéo que le Saint-Père François a envoyé à l’occasion de la IIIe Journée internationale de la fraternité humaine, qui a lieu aujourd’hui 4 février, diffusé lors de la cérémonie de remise du Prix Zayed 2023 inspiré du Document sur la fraternité humaine :

Message vidéo du Saint-Père

Chères sœurs et chers frères, bonjour !

Je salue avec affection et estime le Grand Imam Ahmed Al-Tayyeb avec qui, il y a exactement quatre ans à Abu Dhabi, j’ai signé le Document sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune.

Je remercie Son Altesse Cheikh Mohammed bin Zayed pour son engagement sur la voie de la fraternité ; le Comité Supérieur pour la Fraternité Humaine pour les initiatives promues dans diverses parties du monde ; et je remercie également l’Assemblée générale des Nations Unies car, avec la résolution de décembre 2020, elle a établi le 4 février comme la Journée internationale de la fraternité humaine. Je suis également heureux de me joindre à l’initiative louable de décerner le prix Zayed pour la fraternité humaine 2023.

En partageant des sentiments de fraternité les uns pour les autres, nous sommes appelés à promouvoir une culture de paix qui encourage le dialogue, la compréhension mutuelle, la solidarité, le développement durable et l’inclusion. Nous portons tous dans notre cœur le désir de vivre en frères, en entraide et en harmonie. Le fait que souvent cela ne se produise pas – et nous en avons malheureusement des signes dramatiques – devrait stimuler encore plus la recherche de la fraternité.

Il est vrai que les religions n’ont pas la force politique d’imposer la paix, mais en transformant l’homme de l’intérieur, en l’invitant à se détacher du mal, elles le guident vers une attitude de paix. Les religions ont donc une responsabilité décisive dans la coexistence des peuples : leur dialogue tisse un complot pacifique, rejette la tentation de déchirer le tissu civil et libère de l’exploitation des différences religieuses à des fins politiques. La tâche des religions est également importante pour rappeler que le destin de l’homme va au-delà des biens terrestres et se situe dans un horizon universel, car toute personne humaine est une créature de Dieu, nous venons tous de Dieu et nous retournons tous à Dieu.

Les religions, pour se mettre au service de la fraternité, ont besoin de dialoguer entre elles, de se connaître, de s’enrichir et surtout d’approfondir ce qui unit et collabore pour le bien de tous.

Les différentes traditions religieuses, chacune puisant dans son propre héritage spirituel, peuvent apporter une grande contribution au service de la fraternité. Si nous sommes capables de démontrer qu’il est possible de vivre la différence dans la fraternité, nous pourrons peu à peu nous libérer de la peur et de la méfiance envers l’autre qui est différent de moi. Cultiver la diversité et harmoniser les différences n’est pas un processus simple, mais c’est la seule voie capable de garantir une paix solide et durable, c’est un engagement qui nous demande de renforcer notre capacité à dialoguer avec les autres.

Des hommes et des femmes de religions différentes marchent vers Dieu par des chemins qui s’entremêlent de plus en plus. Chaque rencontre peut être l’occasion de s’opposer ou, avec l’aide de Dieu, de s’encourager mutuellement à avancer en frères et sœurs. En effet, nous partageons non seulement une origine et une ascendance communes, mais aussi un destin commun, celui de créatures fragiles et vulnérables, comme nous le montre clairement la période historique que nous vivons.

Chers frères et chères sœurs,

nous sommes conscients que le chemin de la fraternité est un chemin long et difficile. Aux nombreux conflits, aux ténèbres d’un monde clos, opposons le signe de la fraternité ! Elle nous pousse à accueillir l’autre et à respecter son identité, elle nous incite à travailler dans la conviction qu’il est possible de vivre en harmonie et en paix.

Je remercie tous ceux qui se joindront à notre chemin de fraternité, et je les encourage à s’engager pour la cause de la paix et à répondre aux problèmes et aux besoins concrets des plus petits, des pauvres, des sans défense, de ceux qui ont besoin de notre aide.

Et dans ce sens va le prix Zayed pour la fraternité humaine. Merci beaucoup, merci beaucoup pour votre session avec le prix de cette année, qui a été décerné à la communauté de Sant’Egidio et à Mme Shamsa Abubakar Fadhil. Merci beaucoup pour votre travail, pour votre témoignage.

Et à vous tous, chers frères et sœurs, mes salutations et ma bénédiction.

site officiel en France