Faire de nos familles et de nos communautés un avant-goût du Ciel

Faire de nos familles et de nos communautés
un avant-goût du Ciel

LETTRE DE CARÊME DU SUPÉRIEUR GÉNÉRAL

Chers membres du Mouvement de la Famille vincentienne,

La grâce et la paix de Jésus soient toujours avec nous !

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Dès la création du monde, Dieu n’a pas voulu que l’homme vive dans un environnement hermétique, où il n’aurait aucun lien avec une autre personne, une île dans un océan où il n’y aurait aucune possibilité de mouvement, où la seule personne qu’il rencontrerait dans le monde entier serait lui-même et personne d’autre.

Au contraire, dès la création du monde, Dieu a voulu que les êtres humains aient des relations et des contacts continus, qu’ils aient besoin les uns des autres pour leur croissance personnelle, qu’ils aient d’autres personnes comme des miroirs dans lesquels ils puissent voir beaucoup plus objectivement les zones sombres et lumineuses de leur être. Au commencement, Dieu a créé l’homme et la femme à partir desquels les familles ont été formées. Ce modèle universel « d’être ensemble » a été reproduit dans toutes les sociétés et tout au long de l’histoire humaine jusqu’à nos jours.

Les consacrés utilisent souvent le mot « communauté » pour désigner les familles qui sont réunies pour former des régions, des vice-provinces, des provinces et des congrégations. Les congrégations contemplatives ont la même façon d’être ensemble, tout comme les ermites qui, la plupart du temps, vivent seuls physiquement mais font partie d’une communauté, d’une famille.

De même, les associations de laïcs utilisent des expressions différentes pour souligner le fait que les membres sont ensemble, des expressions comme groupes, équipes, etc., dans lesquels un certain nombre de personnes se réunissent pour des raisons et des objectifs spécifiques. Dieu façonne notre vie de cette manière avec un objectif très concret, la mission.

Derrière tout cela, il y a le seul désir de Jésus de voir toute l’humanité au « Ciel », dans un état de « bonheur éternel », dans un état de « réalisation sans fin de nos plus grands rêves et désirs ». Nos familles, communautés, groupes, équipes, etc. sont des chemins pour atteindre ce but.

Ainsi, nous sommes encouragés à contribuer à la construction d’excellentes familles, communautés, groupes et équipes pour collaborer au désir le plus profond de Jésus. Saint Vincent de Paul, mystique de la Charité, a fait de « l’être ensemble » un élément important de son charisme et de sa spiritualité. La vie en communauté est en fait l’une des manières essentielles de vivre la spiritualité et le charisme vincentiens.

Plus nous mettons notre cœur et notre énergie à construire des familles, des communautés, des groupes et des équipes sains, profondément spirituels et contemplatifs, plus nous réaliserons nos rêves et nos objectifs, plus nous accomplirons la mission que Jésus a confiée à chacun de nous sur terre. En tant qu’êtres humains, nous savons bien que nous ne sommes pas parfaits.

Nous en sommes particulièrement conscients dans une relation lorsque nos différentes pensées, vues, priorités et caractères se rencontrent et, au lieu du bonheur, produisent de la tristesse, de la déception, de la douleur, du rejet.

Comme l’écrivait saint Vincent à l’un de ses Frères : « Si la connaissance que vous avez de vous-même est vraie, vous devez vous estimer indigne de vivre et vous étonner comme Dieu vous supporte. L’humilité qui doit naître de cette connaissance vous doit porter à vous cacher plutôt qu’à vous produire. Les grâces que Dieu vous a faites ne sont que pour vous seul et pour vous rendre meilleur au lieu et en l’état où il vous a mis » ( Coste VI, 146 ; lettre 2181 à un Frère coadjuteur, 10 décembre 1656).

Dans ma lettre de Carême 2017, j’avais présenté une méditation sur la Sainte Trinité comme l’un des fondements de la spiritualité vincentienne. Je voudrais revenir sur certains points de cette lettre qui peuvent nous aider à construire des familles, des communautés, des groupes et des équipes sains, profondément spirituels et contemplatifs.

Quel est le message de la Sainte Trinité pour moi personnellement, pour la famille, la communauté, le groupe, l’équipe auquel j’appartiens ?

Jésus nous aide à comprendre la Sainte Trinité : l’identité, la mission et le dessein du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Jésus nous aide à comprendre la relation qui existe entre les trois Personnes, le lien intime qui les unit et l’influence de la Trinité sur chaque personne individuellement ainsi que sur chaque famille, communauté, groupe, équipe.

Au fur et à mesure que nous découvrons et développons, avec la grâce de Dieu, un lien indissoluble entre la Trinité et chaque personne, entre la Trinité et la famille, la communauté, le groupe, l’équipe, nous nous rapprochons de plus en plus du modèle parfait de « relations » qui sont les composants fondamentaux de nos vies, de telle façon que, dans la profondeur de notre être, nous sommes un avec Dieu, c’est à dire avec la Trinité et entre nous.

Jésus nous a transmis ce que nous savons sur le Père, le Fils et l’Esprit. Jésus nous a présenté la Trinité comme le modèle parfait de « relations ».

Notre réflexion sur la Trinité doit être accompagnée par la volonté et l’objectif d’incarner ce modèle parfait de « relations » dans la situation de vie concrète dans laquelle nous vivons, dans la famille, la communauté, le groupe, l’équipe auquel nous appartenons. La Sainte Trinité est le modèle parfait de « relations » ! Jésus nous montre l’idéal. La relation réciproque entre le Père et le Fils. La relation réciproque entre le Père et l’Esprit. La relation réciproque entre le Fils et l’Esprit. La relation Père, Fils et Esprit.

Que pouvons-nous voir dans ces « relations » ? 1) Nous pouvons voir que l’attention est toujours portée sur l’autre personne et non sur elle-même. 2) Nous pouvons voir que la priorité est toujours accordée à l’autre et non à elle-même. 3) Nous pouvons voir que la louange, la reconnaissance, l’admiration sont toujours offertes à l’autre personne et non à elle-même. 4) Nous pouvons voir que chacune des trois Personnes de la Trinité exprime toujours la nécessité de collaboration avec l’autre pour remplir la mission. 5) Nous pouvons voir que chacune des trois Personnes de la Trinité exprime toujours clairement qu’il serait insuffisant et inefficace pour chacune d’elle d’agir seule. Que me dit le modèle des relations au sein de la Trinité sur ma propre vie dans : a) ma relation à Dieu, b) ma relation à la communauté ?

Saint Vincent nous enseigne comment appliquer le modèle de relations de la Trinité aux nôtres, dans notre famille, communauté, groupe, équipe :

« Établissons-nous en cet esprit, si nous voulons avoir en nous l’image de l’adorable Trinité, si nous voulons avoir un saint rapport au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Qu’est-ce qui fait l’unité et la comité en Dieu, si ce n’est l’égalité et la distinction des trois personnes ? Et qu’est-ce qui fait leur amour, si ce n’est leur ressemblance ? Et si l’amour n’était entre eux, qu’y aurait-il d’aimable ? dit le bienheureux évêque de Genève. L’uniformité est donc en la Sainte Trinité : ce que le Père veut, le Fils le veut ; ce que le Saint-Esprit fait, le Père et le Fils le font ; ils agissent de même ; ils n’ont qu’une même puissance et une même opération. Voilà l’origine de la perfection et notre modèle. Rendons-nous uniformes ; nous serons plusieurs comme si nous n’étions qu’un, et nous aurons la sainte union dans la pluralité. Si nous en avons déjà un peu, et non pas assez, demandons à Dieu ce qui nous manque, et voyons en quoi nous différons les uns des autres pour tâcher de nous ressembler tous et de nous égaler ; car la ressemblance et l’égalité engendrent l’amour, et l’amour tend à l’unité. Tâchons donc d’avoir tous les mêmes affections et un même agrément pour les choses qui se font, ou se laissent faire parmi nous » (Coste XII, 256-257 ; conférence 206, « De l’uniformité » 23 mai 1659).

« Vivez ensemble comme n’ayant qu’un cœur et une âme (cf. Actes 4,32), afin que par cette union d’esprit vous soyez une véritable image de l’unité de Dieu, comme votre nombre représente les trois personnes de la très Sainte Trinité. Je prie à cet effet le Saint-Esprit, qui est l’union du Père et du Fils, qu’il soit pareillement le vôtre, qu’il vous donne une profonde paix dans les contradictions et les difficultés, qui ne peuvent être que fréquentes autour des pauvres ; mais souvenez-vous aussi que c’est là votre croix, avec laquelle Notre- Seigneur vous appelle à lui et à son repos. Tout le monde estime votre emploi, et les gens de bien n’en reconnaissent pas sur la terre un plus honorable, ni plus saint, quand il est fait avec dévotion » (Coste IV, 235-236 ; lettre 1389 à Soeur Anne Hardemont à Hennebont, 30 juillet 1651).

En complément de la contemplation de la Trinité, la fresque réalisée par le Frère Mark Elder, CM, à l’entrée de la Curie générale de la Congrégation de la Mission de Saint Vincent de Paul à Rome, peut nous aider à réfléchir sur les moyens pour renforcer nos familles, communautés, groupes et équipes en vue de la mission.

En tant que membres du Mouvement de la Famille vincentienne, nous sommes invités à continuer à intégrer toujours davantage dans notre vie et dans celle de nos familles, communautés, groupes et équipes, la spiritualité et le charisme vincentiens. Placée à l’entrée de la maison, la première chose que voit toute personne qui y entre depuis l’extérieur, est la fresque qui couvre les quatre murs de l’entrée principale.

Sur le mur frontal, nous voyons l’image de saint Vincent de Paul composée d’innombrables visages de personnes différentes qui représentent symboliquement l’ensemble du Mouvement de la Famille vincentienne et ceux que nous sommes appelés à servir. Le Mouvement de la Famille vincentienne, à tout moment de l’histoire, est un portrait continu de saint Vincent.

Le mur de gauche représente les cinq vertus qui façonnent notre identité vincentienne : simplicité, humilité, douceur, mortification et zèle pour le salut des âmes. Bien que chaque congrégation ou association laïque appartenant à la Famille vincentienne puisse mettre l’accent davantage sur certaines de ces vertus évangéliques, ou d’autres, toutes façonnent et enrichissent notre identité vincentienne

Le mur de droite représente les conseils évangéliques ou, comme on les appelle aussi, les vœux : chasteté, pauvreté, obéissance. Chaque personne est appelée à vivre les conseils évangéliques selon sa propre identité, en tant que laïc ou personne consacrée. Dans les différentes congrégations, on peut trouver un ou plusieurs vœux supplémentaires, comme le vœu de stabilité représenté sur cette fresque.

Le quatrième mur est le mur de l’entrée principale, ou plutôt, le mur de la sortie de la maison. Que voyons-nous ? En haut du mur, au-dessus de la porte principale, nous voyons l’image du Saint Esprit et le mot «évangéliser». Des deux côtés de la porte principale, nous voyons un champ de blé où le blé est mêlé aux mêmes visages humains qui composent le portrait de saint Vincent sur le premier mur que nous voyons en entrant dans la maison.

Permettez-moi de faire une comparaison. La richesse des icônes, des fresques, des chants liturgiques, des bougies, de l’odeur de l’encens et des rituels dans les églises byzantines vous donne l’impression d’être au Ciel, de vivre la liturgie céleste lorsque vous êtes dans l’église, présent à l’Eucharistie.

Le monde extérieur à l’église est radicalement différent mais, en entrant dans l’église et en participant à l’Eucharistie, vous entrez au Ciel. Rempli de toutes les grâces nécessaires, vous sortez de l’église et retournez dans le monde. On pourrait dire la même chose de la fresque que nous venons de décrire.

Remplis de l’Esprit de Jésus, de l’Esprit Saint, de la spiritualité et du charisme vincentiens, nous sortons, comme la fresque nous y invite, dans les champs de blé du monde, pour évangéliser.

Avant d’aller dans les champs de blé du monde, nos familles, nos communautés, nos groupes et nos équipes ont besoin d’être façonnés sur le modèle de la Sainte Trinité, revêtus de la spiritualité et du charisme vincentiens afin que nous, en tant que familles, communautés, groupes et équipes, soyons remplis de l’Esprit, puis que nous allions dans le monde porter la Bonne Nouvelle aux pauvres !

« Dieu… fasse la grâce… à vous tous de vivre en sorte que la bonne odeur de votre vie et de vos emplois en attire plusieurs autres pour l’avancement de notre sainte religion ! » (Cf. Coste V, 428 ; lettre 1924 à Charles Ozenne à Cracovie, 29 septembre 1655).

P. TOMAZ MAVRIC, SUPÉRIEUR GÉNÉRAL CM, Rome, le 13 février 2023

Commençons un nouveau chemin de Carême

Commençons un nouveau chemin de Carême

Dix ans déjà, le défunt Pape Benoît XVI, donnait cette homélie pour l’entrée en Carême. En ce jour anniversaire, exceptionnellement, nous la proposons à nouveau aux Associés de la Médaille Miraculeuse.

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI

Basilique Vaticane
Mercredi des Cendres,
13 février 2013

Vénérés frères,
Chers frères et sœurs !

Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons un nouveau chemin de Carême, un chemin qui se déroule pendant quarante jours et qui nous conduit à la joie de la Pâque du Seigneur, à la victoire de la Vie sur la mort. Suivant l’antique tradition romaine des stations de Carême, nous nous sommes réunis aujourd’hui pour la Célébration de l’Eucharistie.

Cette tradition prévoit que la première statio ait lieu dans la Basilique Sainte Sabine sur la colline de l’Aventin. Les circonstances ont suggéré de se rassembler dans la Basilique vaticane. Ce soir, nous sommes nombreux autour de la Tombe de l’apôtre Pierre, pour demander aussi son intercession pour la marche de l’Église en ce moment particulier, renouvelant notre foi dans le Pasteur Suprême, le Christ Seigneur.

Pour moi, c’est une occasion propice pour vous remercier tous, spécialement les fidèles du Diocèse de Rome, tandis que je m’apprête à conclure mon ministère pétrinien, et pour demander un souvenir particulier dans la prière.

Les lectures qui ont été proclamées nous offrent des aspects qu’avec la grâce de Dieu nous sommes appelés à faire devenir des attitudes et des comportements concrets au cours de ce Carême. L’Église nous propose à nouveau, surtout, le rappel fort que le prophète Joël adresse au peuple d’Israël : « Parole du Seigneur : revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne les larmes et le deuil ! » (2,12).

L’expression « de tout votre cœur » est soulignée. Elle signifie : du centre de nos pensées et sentiments, de la racine de nos décisions, de nos choix, de nos actions, dans un geste de liberté totale et radicale. Mais ce retour à Dieu est-il possible ? Oui, parce qu’il y a une force qui ne réside pas dans notre cœur, mais qui se dégage du cœur même de Dieu. C’est la force de sa miséricorde.

Le prophète dit encore : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (v.13). Le retour au Seigneur est possible comme « grâce », parce qu’il est œuvre de Dieu et fruit de la foi que nous mettons dans sa miséricorde.

Ce retour à Dieu devient réalité concrète dans notre vie seulement lorsque la grâce du Seigneur pénètre dans l’intime et le secoue, nous donnant la force de « déchirer notre cœur ». C’est encore le prophète qui fait résonner de la part de Dieu ces paroles : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (v. 13).

En effet, de nos jours aussi, beaucoup sont prêts à « déchirer leurs vêtements » devant les scandales et les injustices – naturellement commis par les autres –, mais peu semblent disponibles à agir sur leur propre « cœur », sur leur propre conscience et sur leurs intentions, laissant au Seigneur de transformer, renouveler et convertir.

Ce « revenez à moi de tout votre cœur », ensuite, est un rappel qui implique non seulement chacun mais la communauté.

Toujours dans la première lecture, nous avons écouté : « Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! » (v. 15.16).

La dimension communautaire est un élément essentiel dans la foi et dans la vie chrétienne. Le Christ est venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf. Jn 11,52). Le « Nous » de l’Église est la communauté dans laquelle Jésus nous réunit tous ensemble (cf. Jn 12,32) : la foi est nécessairement ecclésiale.

Et il est important de le rappeler et de le vivre en ce temps du Carême : que chacun soit conscient qu’il n’affronte pas seul le chemin de pénitence, mais avec beaucoup de frères et de sœurs, dans l’Église.

Le prophète, enfin, s’arrête sur la prière des prêtres, qui, les larmes aux yeux, se tournent vers Dieu en disant : « N’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et à la moquerie des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” » (v. 17).

Cette prière nous fait réfléchir sur l’importance du témoignage de foi et de vie chrétienne de chacun de nous et de nos communautés pour manifester le visage de l’Église et comment ce visage est, parfois, défiguré. Je pense en particulier aux coups portés contre l’unité de l’Église, aux divisions dans le corps ecclésial.

Vivre le Carême dans une plus intense et évidente communion ecclésiale, dépassant les individualismes et les rivalités, est un signe humble et précieux pour ceux qui sont loin de la foi ou indifférents.

« C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6,2). Les paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe résonnent aussi pour nous avec une urgence qui n’admet ni absence ni inertie. Le terme “maintenant” répété plusieurs fois dit que ce moment ne peut être manqué, il nous est offert comme une occasion unique et qui ne se répète pas.

Et le regard de l’Apôtre se concentre sur le partage par lequel le Christ a voulu caractériser son existence, assumant tout l’humain jusqu’à se charger du péché même des hommes. La phrase de saint Paul est très forte : Dieu « l’a fait péché pour nous ». Jésus, l’Innocent, le Saint, « Celui qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5,21), se charge du poids du péché en en partageant avec l’humanité l’issue de la mort, et de la mort de la croix.

La réconciliation qui nous est offerte a eu un prix très élevé, celui de la croix élevée sur le Golgotha, où le Fils de Dieu fait homme a été suspendu. Dans cette immersion de Dieu dans la souffrance humaine et dans l’abime du mal se trouve la racine de notre justification.

Le « revenir à Dieu de tout votre cœur », sur notre chemin de Carême, passe par la Croix, le fait de suivre le Christ sur la route qui conduit au Calvaire, au don total de soi. C’est un chemin sur lequel on apprend chaque jour à sortir toujours plus de notre égoïsme et de nos fermetures, pour faire place à Dieu qui ouvre et transforme le cœur.

Et saint Paul rappelle comment l’annonce de la Croix résonne jusqu’à nous grâce à la prédication de la Parole dont l’Apôtre lui-même est ambassadeur ; un rappel pour nous afin que ce chemin de Carême soit caractérisé par une écoute plus attentive et assidue de la Parole de Dieu, lumière qui éclaire nos pas.

Dans la page de l’évangile de Matthieu, qui appartient à ce qu’on appelle le Discours sur la montagne, Jésus fait référence à trois pratiques fondamentales prévues par la Loi mosaïque : l’aumône, la prière et le jeûne ; ce sont aussi des indications traditionnelles du chemin de Carême pour répondre à l’invitation à « revenir à Dieu de tout son cœur ».

Mais Jésus souligne comment c’est la qualité et la vérité du rapport à Dieu qui qualifie l’authenticité de chaque geste religieux. Par là il dénonce l’hypocrisie religieuse, le comportement qui veut paraître, les attitudes qui cherchent les applaudissements et l’approbation.

Le vrai disciple ne sert pas lui-même ou le “public”, mais son Seigneur, dans la simplicité et la générosité : « Ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra » (Mt 6, 4.6.18).

Alors, notre témoignage sera toujours d’autant plus incisif que nous rechercherons moins notre gloire et serons conscients que la récompense du juste est Dieu Lui-même, le fait d’être unis à Lui, ici-bas, sur le chemin de la foi, et, au terme de la vie, dans la paix et dans la lumière de la rencontre face à face avec Lui pour toujours (cf. 1 Co 13,12).

Chers frères et sœurs, commençons confiants et pleins de joie l’itinéraire du Carême. Que résonne en nous avec force l’invitation à la conversion, à « revenir à Dieu de tout notre cœur », en accueillant sa grâce qui fait de nous des hommes nouveaux, avec cette nouveauté surprenante qui est participation à la vie-même de Jésus.

Qu’aucun de nous, donc, ne soit sourd à cet appel, qui nous est aussi adressé dans le rite austère, à la fois si simple et si suggestif, de l’imposition des cendres, que nous allons accomplir. Que durant ce temps la Vierge Marie, Mère de l’Église et modèle de chaque disciple authentique du Seigneur, nous accompagne. Amen !

© Copyright 2013 – Libreria Editrice Vaticana

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Notre cheminement de Carême est synodal

Notre cheminement de Carême est synodal

Dans son Message pour le Carême 2023, le Pape François met en lumière la relation entre le cheminement du Carême et le cheminement synodal, qui sont à la fois enracinés dans la tradition et ouverts à la nouveauté.

MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
POUR LE CARÊME 2023

Ascèse de Carême, itinéraire synodal

Chers frères et sœurs !

Les Évangiles de Matthieu, de Marc et de Luc concordent pour raconter l’épisode de la Transfiguration de Jésus. Dans cet événement, nous voyons la réponse du Seigneur à l’incompréhension manifestée par les disciples à son égard.

Peu avant, en effet, un accrochage sérieux s’était produit entre le Maître et Simon-Pierre qui, après avoir professé sa foi dans le fait que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, avait repoussé son annonce de la passion et de la croix. Jésus l’avait repris avec force : « Passe derrière moi, Satan ! Tu es pour moi une occasion de chute : tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes » (Mt 16, 23).

Et voici que « six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne » (Mt 17, 1). L’Évangile de la Transfiguration est proclamé chaque année, le deuxième dimanche du Carême.

Durant ce temps liturgique, en effet, le Seigneur nous prend avec lui et nous emmène à l’écart. Même si nos activités ordinaires requièrent que nous restions aux lieux habituels, en vivant un quotidien souvent répétitif et parfois ennuyant, pendant le Carême nous sommes invités à monter “sur une haute montagne” avec Jésus, pour vivre avec le Peuple saint de Dieu une expérience d’ascèse particulière.

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L’ascèse de Carême est un effort, toujours animé par la Grâce, pour surmonter nos manques de foi et nos résistances à suivre Jésus sur le chemin de la croix. Précisément ce dont avaient besoin Pierre et les autres disciples.

Pour approfondir notre connaissance du Maître, pour comprendre et accueillir à fond le mystère du salut divin, réalisé dans le don total de soi par amour, il faut se laisser conduire par lui à l’écart et en hauteur, en se détachant des médiocrités et des vanités. Il faut se mettre en chemin, un chemin qui monte, qui exige effort, sacrifice, concentration, comme une excursion en montagne.

Ces conditions sont également importantes pour le chemin synodal dans lequel nous nous sommes engagés, en tant qu’Église. Il nous sera bon de réfléchir sur cette relation qui existe entre l’ascèse de Carême et l’expérience synodale.

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Pour cette “retraite” sur le mont Thabor, Jésus emmène avec lui trois disciples, choisis pour être témoins d’un événement unique. Il veut que cette expérience de grâce ne soit pas solitaire, mais partagée, comme l’est, du reste, toute notre vie de foi. Jésus, on doit le suivre ensemble.

Et c’est ensemble, comme Église pérégrinant dans le temps, que l’on vit l’année liturgique et, à l’intérieur de celle-ci, le Carême, en marchant avec ceux que le Seigneur a placés à nos côtés comme compagnons de voyage.

Par analogie avec la montée de Jésus et des disciples au Thabor, nous pouvons dire que notre chemin de Carême est “synodal”, car nous l’accomplissons ensemble sur le même chemin, disciples de l’unique Maître.

Bien plus, nous savons qu’il est lui-même la Voie, et donc, que ce soit dans l’itinéraire liturgique ou dans celui du Synode, l’Église ne fait rien d’autre que d’entrer toujours plus profondément et pleinement dans le mystère du Christ Sauveur.

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Et nous arrivons au moment culminant. L’Évangile raconte que Jésus « fut transfiguré devant eux ; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière » (Mt 17, 2). Voilà le “sommet”, le but du chemin.

Au terme de la montée, lorsqu’ils sont sur la montagne avec Jésus, la grâce est donnée aux trois disciples de le voir dans sa gloire, resplendissant de lumière surnaturelle, qui ne venait pas du dehors, mais qui irradiait de Lui-même. La divine beauté de cette vision fut incomparablement supérieure à toute la fatigue que les disciples avaient pu accumuler pour monter au Thabor.

Comme pour toute excursion exigeante en montagne, il faut en montant tenir le regard bien fixé sur le sentier ; mais le panorama qui se déploie à la fin surprend et récompense par son émerveillement. Le processus synodal apparaît lui aussi souvent ardu et nous pourrions parfois nous décourager.

Mais ce qui nous attend à la fin est sans aucun doute quelque chose de merveilleux et de surprenant, qui nous aidera à mieux comprendre la volonté de Dieu et notre mission au service de son Royaume.

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L’expérience des disciples sur le Thabor s’enrichit encore quand, lorsqu’à côté de Jésus transfiguré apparaissent Moïse et Élie qui personnifient la Loi et les Prophètes (cf. Mt 17, 3). La nouveauté du Christ est l’accomplissement de l’Ancienne Alliance et des promesses ; elle est inséparable de l’histoire de Dieu avec son peuple et en révèle le sens profond.

De même, le parcours synodal est enraciné dans la tradition de l’Église et, en même temps, ouvert à la nouveauté. La tradition est source d’inspiration pour chercher des voies nouvelles, en évitant les tentations opposées de l’immobilisme et de l’expérimentation improvisée.

Le chemin ascétique du Carême, ainsi que le chemin synodal ont tous deux comme objectif une transfiguration, personnelle et ecclésiale. Une transformation qui, dans les deux cas, trouve son modèle dans celle de Jésus et se réalise par la grâce de son mystère pascal.

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Pour que cette transfiguration puisse s’accomplir en nous cette année, je voudrais proposer deux “sentiers” à suivre pour monter avec Jésus et parvenir avec Lui à destination.

Le premier fait référence à l’impératif que Dieu le Père adresse aux disciples sur le Thabor, alors qu’ils contemplent Jésus transfiguré. La voix venant de la nuée dit : « Écoutez-le » (Mt 17, 5). La première indication est donc très claire : écouter Jésus.

Le Carême est un temps de grâce dans la mesure où nous nous mettons à l’écoute de Celui qui parle. Et comment nous parle-t-il ? Avant tout dans la Parole de Dieu que l’Église nous offre dans la Liturgie : ne la laissons pas tomber dans le vide. Si nous ne pouvons pas toujours participer à la messe, lisons les Lectures bibliques jour après jour, y compris avec l’aide d’internet.

En plus des Écritures, le Seigneur nous parle à travers les frères, surtout par les visages et par les histoires de ceux qui ont besoin d’aide.

Mais je voudrais ajouter aussi un autre aspect, très important dans le processus synodal : l’écoute du Christ passe aussi à travers l’écoute des frères et des sœurs dans l’Église, cette écoute réciproque qui est l’objectif principal durant certaines phases, mais qui, de toute façon, demeure toujours indispensable dans la méthode et dans le style d’une Église synodale.

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En entendant la voix du Père, « les disciples tombèrent face contre terre et furent saisis d’une grande crainte. Jésus s’approcha, les toucha et leur dit : “Relevez-vous et soyez sans crainte”. Levant les yeux, ils ne virent plus personne, sinon lui, Jésus, seul » (Mt 17, 6-8).

Voilà la seconde indication pour ce Carême : ne pas se réfugier dans une religiosité faite d’événements extraordinaires, d’expériences suggestives, par peur d’affronter la réalité avec ses efforts quotidiens, ses duretés et ses contradictions. La lumière que Jésus montre aux disciples est une anticipation de la gloire pascale, vers laquelle il faut aller, en le suivant “Lui seul”.

Le Carême est orienté vers Pâques : la “retraite” n’est pas une fin en soi, mais elle nous prépare à vivre avec foi, espérance et amour, la passion et la croix, pour parvenir à la résurrection. De même, le parcours synodal ne doit pas non plus nous faire croire que nous sommes arrivés quand Dieu nous donne la grâce de certaines expériences fortes de communion.

Là encore, le Seigneur nous répète : « Relevez-vous et soyez sans crainte ». Redescendons dans la plaine et que la grâce dont nous saurons fait l’expérience nous soutienne pour être des artisans de synodalité dans la vie ordinaire de nos communautés.

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Chers frères et sœurs, Que l’Esprit Saint nous fasse vivre ce Carême dans l’ascèse avec Jésus, pour faire l’expérience de sa splendeur divine et, ainsi fortifiés dans la foi, poursuivre ensemble le chemin avec Lui, gloire de son peuple et lumière des nations.

Rome, Saint-Jean-de-Latran, 25 janvier 2023, fête de la Conversion de Saint Paul.

Pape FRANÇOIS


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Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

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