Laissons-nous guider par les femmes de l’Évangile

Laissons-nous guider par les femmes de l’Évangile

Le Pape François a célébré ce samedi 16 avril au soir, en la basilique Saint-Pierre, la liturgie de la Veillée pascale, marquant le passage du Christ de la mort vers la vie et le passage du monde de l’obscurité vers la lumière.

Après deux ans de format restreint à cause de la pandémie de coronavirus, la veillée pascale a cette année retrouvé sa forme traditionnelle, divisée en quatre temps : la liturgie de la lumière, la liturgie de la Parole, la liturgie baptismale et la liturgie eucharistique. Le Pape François, qui a seulement prononcé l’homélie, était entouré de 30 évêques, 30 cardinaux et 200 prêtres.

La célébration a débuté avec la bénédiction du feu nouveau par le cardinal Giovanni Battista Re, doyen du collège des cardinaux qui célébrait cette veillée, dans l’atrium de la basilique, plongée dans la pénombre, avant la transmission de la flamme du cierge pascal portée par le diacre. L’Exsultet s’est ensuite élevé, symbolisant le passage de la nuit à la lumière.

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VEILLÉE DE PÂQUES DANS LA NUIT SAINTE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS

Basilique Saint-Pierre
Samedi saint 16 avril 2022

De nombreux écrivains ont évoqué la beauté des nuits étoilées. Au lieu de cela, les nuits de guerre sont traversées par des traînées lumineuses de mort. En cette nuit, frères et sœurs, laissons-nous prendre par la main des femmes de l’Évangile, pour découvrir avec elles le lever de la lumière de Dieu qui brille dans les ténèbres du monde.

Ces femmes, alors que la nuit s’éclaircissait et que les premières lueurs de l’aube se levaient sans cris, se rendirent au tombeau pour oindre le corps de Jésus et y vécurent une expérience choquante : d’abord elles découvrent que le tombeau est vide ; puis elles voient deux personnages vêtus de robes éblouissantes, qui leur disent que Jésus est ressuscité; et aussitôt elles courent annoncer la nouvelle aux autres disciples (cf. Lc 24, 1-10).

Elles voient, entendent, annoncent : avec ces trois actions nous entrons nous aussi dans la Pâque du Seigneur.

Les femmes voient. La première annonce de la Résurrection n’est pas confiée à une formule à comprendre, mais à un signe à contempler. Dans un cimetière, près d’un tombeau, où tout devrait être ordonné et tranquille, les femmes « trouvèrent que la pierre avait été retirée du tombeau et, entrant, elles ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus » (vv. 2-3 ).

Pâques commence donc par bouleverser nos schémas. Il vient avec le don d’un espoir surprenant. Mais ce n’est pas facile de l’accueillir. Parfois – nous devons l’admettre – cet espoir n’a pas sa place dans nos cœurs. Comme les femmes de l’Évangile, les interrogations et les doutes règnent en nous aussi, et la première réaction face au signe inattendu est la peur, « le visage baissé » (cf. vv. 4-5).

Trop souvent, nous regardons la vie et la réalité avec nos yeux tournés vers le bas ; nous ne regardons qu’aujourd’hui le passage, nous sommes désillusionnés par l’avenir, nous nous enfermons dans nos besoins, nous nous installons dans la prison de l’apathie, tandis que nous continuons à nous plaindre et à penser que les choses ne changeront jamais.

Ainsi nous restons immobiles devant le tombeau de la résignation et du fatalisme, et nous enterrons la joie de vivre. Pourtant, le Seigneur, en cette nuit, veut nous donner des yeux différents, éclairés par l’espoir que la peur, la douleur et la mort n’auront pas le dernier mot sur nous.

Grâce à la Pâque de Jésus, nous pouvons faire le saut du néant à la vie, « et la mort ne pourra plus nous priver de notre existence » (K. Rahner, Ce que Pâques signifie, Brescia 2021, 28) : c’était tout et pour toujours embrassée par l’amour infini de Dieu, c’est vrai, elle peut nous effrayer et nous paralyser.

Mais le Seigneur est ressuscité ! Levons les yeux, enlevons de nos yeux le voile d’amertume et de tristesse, ouvrons-nous à l’espérance de Dieu !

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Deuxièmement, les femmes écoutent. Après avoir vu le tombeau vide, deux hommes aux vêtements éblouissants leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité » (vv. 5-6).

Cela nous fait du bien d’entendre et de répéter ces mots : il n’est pas ici ! Chaque fois que nous prétendons avoir tout compris de Dieu, pour pouvoir l’enfermer dans nos intrigues, nous nous répétons : Il n’est pas là ! Chaque fois que nous le recherchons uniquement dans l’émotion, souvent passagère, ou en cas de besoin, puis le mettons de côté et l’oublions dans les situations et les choix concrets de tous les jours, nous répétons : il n’est pas là !

Et quand on songe à l’emprisonner dans nos paroles, dans nos formules, dans nos habitudes, mais qu’on oublie de le chercher dans les recoins les plus sombres de la vie, là où il y a ceux qui pleurent, ceux qui luttent, souffrent et espèrent, on se répète : Ils ne sont pas là!

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Écoutons aussi la question adressée aux femmes : « Pourquoi cherchez-vous celle qui est vivante parmi les morts ? »

Nous ne pouvons pas avoir Pâques si nous continuons à rester dans la mort ; si nous restons prisonniers du passé ; si dans la vie nous n’avons pas le courage de nous laisser pardonner par Dieu, qui pardonne tout, le courage de changer, de rompre avec les œuvres du mal, de décider pour Jésus et pour son amour ; si nous continuons à réduire la foi à une amulette, faisant de Dieu un beau souvenir des temps passés, au lieu de le rencontrer aujourd’hui comme le Dieu vivant qui veut nous transformer et transformer le monde.

Un christianisme qui cherche le Seigneur parmi les reliques du passé et l’enferme dans le tombeau de l’habit est un christianisme sans Pâques. Mais le Seigneur est ressuscité ! Ne nous attardons pas autour des tombeaux, mais allons le redécouvrir, le Vivant ! Et nous n’avons pas peur de le chercher aussi dans les visages des frères, dans l’histoire de ceux qui espèrent et de ceux qui rêvent, dans la douleur de ceux qui pleurent et souffrent : Dieu est là !

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Enfin, les femmes annoncent. Qu’annoncent-elles ? La joie de la Résurrection. Pâques n’arrive pas à consoler intimement ceux qui pleurent la mort de Jésus, mais à ouvrir les cœurs à l’annonce extraordinaire de la victoire de Dieu sur le mal et la mort.

La lumière de la Résurrection ne veut donc pas maintenir les femmes dans l’extase de la jouissance personnelle, ne tolère pas les attitudes sédentaires, mais génère des disciples missionnaires qui « reviennent du tombeau » (voir verset 9) et apportent l’Évangile du Ressuscité Un pour tout le monde. C’est pourquoi, après avoir vu et entendu, les femmes courent annoncer la joie de la Résurrection aux disciples.

Elles savent qu’elles pourraient être pris pour des folles, au point que l’Évangile dit que leurs paroles semblaient « insensées » (v. 11), mais elles ne se soucient pas de leur réputation, pour défendre leur image; elles ne mesurent pas les sentiments, ne calculent pas les mots. Elles n’avaient que le feu au cœur pour apporter la nouvelle, l’annonce : « Le Seigneur est ressuscité ! »

Et qu’elle est belle une Église qui court ainsi dans les rues du monde ! Sans peur, sans tactiques et sans opportunismes ; seulement avec le désir d’apporter à tous la joie de l’Évangile. Nous sommes appelés à cela: faire l’expérience du Ressuscité et le partager avec les autres ; rouler cette pierre du tombeau, dans lequel nous avons souvent scellé le Seigneur, pour répandre sa joie dans le monde.

Ressuscitons Jésus, le Vivant, des tombeaux dans lesquels nous l’avons enfermé ; libérons-le des formalités dans lesquelles nous l’avons souvent emprisonné ; réveillons-nous du sommeil de la vie tranquille dans laquelle nous l’avons parfois couché, afin qu’il ne dérange pas et ne soit plus inconfortable.

Inscrivons-le dans la vie de tous les jours : avec des gestes de paix en cette période marquée par les horreurs de la guerre ; avec des œuvres de réconciliation dans les relations brisées et de compassion envers ceux qui sont dans le besoin ; avec des actions de justice au milieu des inégalités et de vérité au milieu des mensonges. Et, surtout, avec des œuvres d’amour et de fraternité.

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Frères et sœurs, notre espérance s’appelle Jésus. Il est entré dans le tombeau de notre péché, a atteint le point le plus éloigné où nous étions perdus, a traversé les enchevêtrements de nos peurs, a porté le poids de nos oppressions et, des profondeurs les plus sombres de notre mort , il nous a réveillé à la vie et transformé notre deuil en danse.

Célébrons Pâques avec le Christ ! Il est vivant et encore aujourd’hui il passe, se transforme, libre. Avec lui, le mal n’a plus de pouvoir, l’échec ne peut empêcher de recommencer, la mort devient un passage pour le commencement d’une nouvelle vie. Car avec Jésus, le Ressuscité, aucune nuit n’est infinie ; et même dans les ténèbres les plus profondes, dans ces ténèbres brille l’étoile du matin.

Dans cette obscurité que vous vivez, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs du Parlement, l’obscurité de la guerre, de la cruauté, nous prions tous, prions avec vous et pour vous, cette nuit. Nous prions pour tant de souffrances. Nous ne pouvons que vous donner notre compagnie, notre prière et vous dire :  « Courage ! Nous vous accompagnons ! »

Et vous dire aussi la plus grande chose qui soit célébrée aujourd’hui : Christòs voskrés ! [Le Christ est ressuscité!]


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Marie et le mystère de Pâques

Marie et le mystère de Pâques

La Pietà - Jean Fouquet vers 1420 - 1481 huile sur toile - église Saint-Martin à Nouans-les-Fontaines | DR
La Pietà – Jean Fouquet vers 1420 – 1481 huile sur toile – église Saint-Martin à Nouans-les-Fontaines | DR

Dans la Pâque, nous voulons considérer en Marie ce que
nous pourrions appeler le «succès» du mystère pascal : sa «réussite», comme l’a exprimé saint Jean-Paul II, son heureuse issue. En effet, le mystère pascal, glorification de la vie, est, à travers le temps et l’espace, source perpétuelle de vie qui, vécue à la suite du Christ, porte toujours des fruits de vie.

Jésus n’est pas mort en vain : sa mort est comme celle de la
semence jetée en terre : elle est féconde de résultats. Et son fruit le plus beau et le plus exaltant est le triomphe de Marie, sa mère. Elle est le fruit le plus délicieux du germe de vie éternelle que Dieu, en Jésus Christ, a jeté dans le cœur de l’humanité qui a besoin de salut.

Marie est le plus grand «succès» du mystère pascal, elle est la femme parfaitement «réussie» dans l’ordre de la nature comme en celui de la grâce, car plus que toute autre créature humaine elle a su le méditer, le comprendre et le vivre.

C’est en Marie et avec Marie que nous pouvons pénétrer le sens du mystère pascal, lui permettant de réaliser en nous l’immense richesse de ses effets et de ses fruits de vie éternelle ; en elle et avec elle, qui, par un privilège singulier, en vue des mérites du Christ, a été  préservée du péché, et a cheminé vers la Pâque éternelle dès le premier instant de son existence.

Bien plus, toute sa vie a été une «Pâque» : un passage, un chemin de joie : de la joie de l’espérance au moment de l’épreuve, à celle de la possession après le triomphe sur la mort. Sa personne humaine, à la suite du Ressuscité, a accompli le passage pascal corps et âme de la mort à la glorieuse vie éternelle.

À l’exemple de Marie, nous sommes, nous aussi, invités à accueillir le Christ qui nous pardonne, nous rachète, nous sauve et réalise en nous le passage pascal de la mort à la vie. ■

P. Jean-Daniel Planchot, cm

le mystère du silence de Dieu

le mystère du silence de Dieu – Samedi Saint

L’Église est entrée dans le «grand silence» qui précède l’exultation de Pâques. Pas de messe en ce samedi, pas d’ornements ni de fleurs sur les autels; le tabernacle, vidé de la présence réelle, est ouvert. Ce «terrible mystère» d’un Dieu qui se tait interpelle plus que jamais les croyants.

«Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande solitude; un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblé puis s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair, et il a réveillé ceux qui dormaient depuis des siècles».

Cette homélie du IVe siècle attribuée à Saint Épiphane de Salamine explore admirablement le mystère du Samedi Saint, ce moment où le Christ repose sans vie dans son tombeau, où l’espérance semble avoir déserté la terre, «où la foi semble être définitivement démasquée comme une illusion» (Benoît XVI).

Durant ce «temps au-delà du temps», le Christ «descend aux Enfers». Il plonge dans la solitude la plus extrême et la plus absolue des hommes, la mort, pour la partager, l’illuminer et l’en délivrer.

«Voici précisément ce qui est arrivé le jour du Samedi Saint, dans le royaume de la mort, la voix de Dieu a retenti», disait Benoît XVI dans une méditation lors de l’ostension solennelle du Saint-Suaire de Turin (2010).

Il poursuivait : «L’humanité est devenue particulièrement sensible au mystère du Samedi Saint. Dieu caché fait partie de la spiritualité de l’homme contemporain (…) comme un vide dans le cœur qui s’élargit toujours plus», référence tacite au silence de Dieu ressenti avec douleur, et parfois révolte, à certains moments de l’Histoire ou de nos vies personnelles.

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