Jésus meurt sur la croix – chapelle 140 rue du Bac Paris
— Homme de douleurs et Dieu de patience, le Seigneur Jésus a tout souffert pour moi, les liens, les crachats, les fouets, les malédictions, les opprobres, les blessures, la mort, et la mort de la croix. O vous tous qui passez par le chemin, regardez, et voyez s’il est une douleur comparable à la mienne. Il a souffert en tout : dans son honneur, dans sa réputation, dans son âme, dans son corps, dans ses membres ; depuis la plante des pieds jusqu’au sommet de la tête, il n’y a rien de sain en lui.
II a souffert de la part de tous, de la part des rois comme un insensé ; de la part des gouverneurs comme un coupable ; de la part des pontifes comme un blasphémateur ; de la part des bourreaux comme un scélérat ; de la part des Juifs comme un objet de scandale ; de la part des chrétiens comme un homme délaissé ; de la part de ses amis comme un inconnu ; de la part de moi‑même comme s’il n’était pas mon Bien‑Aimé.
Le voilà posé comme un signe de contradiction pour tout le monde. Il a souffert en tout temps. Dans son enfance, une étable, les langes, la circoncision ; dans son bas âge, l’exil ; dans sa jeunesse, la pauvreté ; dans sa vie publique, les travaux et les contradictions ; dans sa Passion, tous les supplices ; sur l’autel, les sacrilèges ; dans le ciel, les crimes et les péchés quotidiens des hommes. Voilà tout ce qu’a souffert pour vous le Seigneur Jésus, qui, à la longanimité et à la patience, joint une grande miséricorde.
En effet, conduit à la mort, il s’est tu comme une brebis devant celui qui la tond ; comme un sourd, il n’entendait pas, et comme un muet, il n’ouvrait pas la bouche, tel qu’un agneau qu’on porte au sacrifice. Lorsqu’il était maudit, il ne maudissait pas, mais plutôt il bénissait, en disant : Mon Père, pardonnez‑leur, car ils ne savent ce qu’ils font. Vous ne voulez pas que je boive le calice que mon Père m’a donné ? Je suis prêt à souffrir. J’ai vivement désiré de manger cette Pâque avec vous, et que je suis pressé jusqu’à ce qu’elle s’accomplisse !
Noël Véran Aubry (1719-1756) – Manuel des Chrétiens
À l’occasion de la Passion du Seigneur, célébrée ce vendredi 15 avril à 17 heures, le Saint-Père François a présidé la célébration de la Passion du Seigneur en la basilique Saint-Pierre. Au cours de la Liturgie de la Parole, le récit de la Passion selon Jean a été lu; puis le Prédicateur de la Maison Papale, le cardinal Raniero Cantalamessa, O.F.M. Cap., chargé par le Saint-Père de prononcer l’homélie, a proposé une méditation sur le dialogue entre le Christ et Pilate.
MONTÉE AU CALVAIRE- DÉTAIL DU « PAREMENT DE DON MAZZA » (1845-1861) FAIT PAR DES ÉTUDIANTS DE SON ÉCOLE À VÉRONE – DON PAR L’EMPEREUR FERDINAND D’AUTRICHE AU PAPE PIE IX -SACRISTIE PONTIFICALE CITÉ DU VATICAN
À l’image de ce dernier, l’homme d’aujourd’hui continuer de tourner le dos à Celui qui est venu annoncer au monde la Vérité : le Christ. La Liturgie de la Passion s’est poursuivie par la Prière Universelle et l’adoration de la Sainte Croix et s’est terminée par la Sainte Communion.
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Le chemin de Croix du Vendredi Saint, présidé par le Saint-Père, s’est déroulé au Colisée ce 15 avril ce soir à 21h15 en présence d’environ 10 000 fidèles. Plusieurs familles ont porté la Croix au long des 14 stations, au rythme des méditations qu’elles avaient rédigées, en témoignant de situations d’épreuve telles que le handicap, la stérilité, le deuil. La guerre en Ukraine fut également évoquée, avec une famille ukrainienne et une famille russe priant en silence avec l’assemblée.
Prière du Saint-Père
Les textes des méditations et des prières proposés cette année pour le Chemin de Croix du Vendredi Saint au Colisée ont été confiés par le Pape François à quelques familles liées aux communautés catholiques et aux associations de volontariat et d’assistance. Nous rapportons ci-dessous la prière composée par le Saint-Père, qu’il a récitée à la fin :
Père Miséricordieux,
tu fais lever le soleil sur les bons et les méchants,
n’abandonne pas le travail de tes mains,
pour lequel tu n’as pas hésité
pour livrer ton Fils unique,
né de la Vierge,
crucifié sous Ponce Pilate,
mort et enterré au coeur de la terre,
ressuscité des morts le troisième jour,
apparut à Marie de Magdala,
à Pierre, aux autres apôtres et disciples,
toujours vivant dans la sainte Église,
son Corps vivant dans le monde.
Continue de faire brûler dans nos familles
la lampe de l’Évangile,
qui illumine les joies et les peines,
les efforts et les espoirs :
chaque maison reflète le visage de l’Église,
dont la loi suprême est l’amour.
Par l’effusion de ton Esprit,
aide-nous à dépouiller le vieil homme,
corrompu par des passions trompeuses,
et revêts-nous de l’homme nouveau,
créé selon la justice et la sainteté.
Tiens-nous par la main, comme un Père,
pour que nous ne nous détournons pas de toi ;
convertis nos cœurs rebelles à ton cœur,
pour que nous apprenons à suivre des projets de paix ;
amène les adversaires à se serrer la main,
afin qu’ils jouissent du pardon mutuel ;
désarme la main levée de son frère contre son frère,
afin que là où il y a de la haine, l’harmonie puisse s’épanouir.
Ne te comporte pas en ennemis de la croix du Christ,
partage la gloire de sa résurrection.
Il vit et règne avec toi,
dans l’unité du Saint-Esprit,
pour tous les âges.
R/. Amen.
Extraits de l’homélie du Cardinal Cantalamessa (page 2)
Marie n’est pas seule auprès de la croix ; l’amour y a conduit de saintes femmes qui symbolisent et amorcent, en vue de l’avenir, le rôle insigne que doit jouer dans le monde la femme chrétienne. Mais une présence plus significative encore a été ici ménagée. Seul parmi les apôtres, Jean avoisine le gibet; Jésus a besoin de lui pour exprimer, conformément au plan éternel, ce que seront les rapports du genre humain, bénéficiaire de son testament, et Marie, sa Mère.
C’est la seconde des Sept Paroles, qui est consacrée à cette déclaration. Elle succède à l’appel miséricordieux : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font », et cette corrélation est bien émouvante. Pendant que les hommes le crucifient, Jésus songe à les pardonner, et aussitôt, parce que ce serait trop peu, à leur procurer une mère. Cette mère est la sienne.
Le jour où la terre commet son plus grand forfait, il veut lui offrir ce trésor. Marie ne pouvant plus veiller sur lui veillera sur ses bourreaux, ceux de maintenant et ceux de tous les âges. Car on ne peut trop souvent le répéter : les vrais bourreaux sont les pécheurs. C’est à cause d’eux que Jésus souffre. Les autres, des comparses, avons-nous dit, sauf en ceci qu’ils sont, ainsi que nous tous, des pécheurs.
Voilà donc la situation. Jésus part ; avant de quitter les siens, il établit son disciple en sa place auprès de sa Mère, et sa Mère en sa place auprès du disciple, étant convenu qu’en celui-ci sont inclus mystérieusement tous ses frères humains.
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A coup sûr, ce testament en deux articles : « Voilà votre fus, voilà votre Mère », a une portée immédiate. Il s’agit bien d’un legs personnel. Jésus associe, avant de mourir, ses deux plus grandes tendresses, et il entend les conforter l’une par l’autre. Mais sur la croix, le Rédempteur manie d’autres intérêts que ceux de sa maison, et son regard porte sur de plus vastes espaces.
L’union de Marie et de Jean, émouvante réalité, est surtout pour lui un symbole : elle figure la maternité universelle et l’universelle filiation qui feront de l’Église catholique une union de tous les hommes en Jésus, par Marie; une union de Jésus, par Marie, avec tous les hommes.
C’est un mystère qui n’est pas nouveau ; il remonte à l’éternité, et il a déjà été révélé au cours de la vie du Maître ; il sera manifesté encore, historiquement, dans le groupe apostolique, cette Église des premiers temps; mais en ce moment il revêt le caractère d’un testament en forme solennelle, d’un testament élargi, et qui s’égale au plan spirituel tout entier, en sa durée et en toutes ses phases.
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Jésus ne nous quitte que visiblement ; invisiblement il nous reste; son sacrifice est de portée perpétuelle et la messe nous le conserve, peut-on dire, en sa plus essentielle réalité ; « en agonie jusqu’à la fin du monde », ainsi que dit Pascal, toujours en Passion, il aura toujours aussi Marie en Compassion. La croix pourrait-elle bien se séparer du « glaive » ? et le coup de lance ne percera-t-il pas les deux cœurs ?
Jésus a besoin de Marie ; il a besoin d’elle toujours, et notamment aux deux extrémités de sa vie, parce que c’est là que commence et se consomme ce qu’il est venu entreprendre sur terre. Au début, elle le conçoit ; à la fin, c’est nous qu’elle conçoit, d’une conception non pas nouvelle, encore une fois, mais décisive.
Elle a vécu jusque-là toute pour lui : il la renvoie aux hommes au moment où lui-même les quitte, en donnant à ce renvoi une signification permanente, tellement que le fait passager et les paroles qui l’expriment deviennent l’attestation d’un plan qui domine, perpétue et universalise ce qu’ils ont de transitoire et d’individuel.
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Le rôle perpétuel de Marie est ainsi fixé. Son droit n’est pas créé ; il est confirmé à l’heure de toutes la plus opportune, celle où se réalisent le plus pleinement et le plus magnifiquement ses titres. Le point culminant de la Rédemption n’est-il pas la croix ? La croix est donc bien choisie pour être aussi le point culminant, le centre de manifestation de la maternité mariale.
Depuis toujours Jésus appartient à l’humanité; depuis trois ans, il s’est de plus en plus transféré en elle, si l’on peut ainsi dire ; il s’est comme mué en elle ; cessant d’être lui-même par un sacrifice total, il est devenu nous, et c’était comme un temps de gestation de l’humanité religieuse.
Maintenant, c’est notre naissance. Auprès de Marie, nous allons, spirituellement, prendre sa place, et puisque aussi bien « le Christ ressuscité ne meurt plus », Marie aura deux fils : Jésus et le genre humain, Jésus et chaque âme, qui pour le Rédempteur vaut un univers.
Les mots qui tombent de la croix expriment ces choses. « Voilà votre fils ; voilà votre Mère », c’est une Annonciation que prononce l’Ange de la Nouvelle Alliance, avec toute l’efficacité qui s’attache à sa parole, à son sacerdoce, comme lorsqu’il dit, observe saint Pierre Damien : « Ceci est mon corps ; ceci est mon sang. » C’est un Fiat spirituel, une création mystique, établissant des rapports qui auront effet, autant que nous le voudrons, jusqu’à la vie éternelle.
Après tout, la Mère de Jésus n’a été élue Mère de Dieu que pour cela. Si elle est Mère du Rédempteur au titre même de Rédempteur, comme le suppose le plan spirituel tant de fois exposé, elle est Mère de la Rédemption et Mère des rachetés, en union avec Celui qui rachète. A ses yeux, Lui et nous tous, nous sommes inséparables ; elle se sent notre Mère de droit, et elle ne peut s’étonner de la parole qui le déclare.
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Éprouve-t-elle dans son cœur le sentiment que lui prête saint Bernard, quand il la suppose déçue d’une telle substitution : à la place du Fils divin, l’homme; à la place du Maître qui est sien, le serviteur ; à la place de l’Innocent de qui elle tient sa propre innocence, le pécheur et, ce qui est la même chose, le bourreau ?
Il se peut que Marie goûte, sensiblement, l’amertume de ce contraste; tout ce qui est humain a place dans le cœur humain de la Vierge ainsi que de Jésus. Mais ce qui n’est pas exclu a licence d’être surmonté. Ce que ressent le cœur le chair ne détermine pas le libre choix de l’âme.
Comme Jésus ne veut, même dans l’agonie, que la seule volonté de son Père : ainsi Marie ne veut et n’aime que la seule volonté et l’amour de son Fils. Ils n’eurent, un temps, qu’un même cœur, et c’était un symbole. Si ce cœur s’est dédoublé, les deux parts ne se sont pas disjointes ; leur battement est toujours un et leurs objets ne se distinguent pas.
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Aussi Jésus ne craint-il point de n’être pas compris. Il ne dit point, remarque Origène : Celui-ci est aussi votre fils, ou désormais votre fils ; mais simplement et absolument : votre fils, voulant marquer et sachant qu’elle entend : celui-ci est votre, et tous les miens sont vôtres au nom même de votre maternité à mon égard; car ils ne sont pas d’autres que moi; ils sont mon corps même, mon corps spirituel, et vous, ma mère selon l’esprit comme selon la chair, vous êtes donc leur mère.
Heureuse déclaration ! plus heureuse réalité, qui associe pour le salut de l’homme Celui qui est sa force et celle qui est sa douceur, la douceur étant une force elle-même, en cette vie où l’âpreté du devoir est parfois plus à craindre que ses périls.