Messe du Pape au Tokyo Dome: «Ne pas s’inquiéter et avoir confiance»

Messe du Pape au Tokyo Dome: «Ne pas s’inquiéter et avoir confiance»

Ce lundi 25 novembre. François a d’abord rencontré des «victimes du triple désastre» du 11 mars 2011. Après une rencontre en privé avec l’empereur Naruhito au Palais impérial, le Pape s’est rendu à la cathédrale Saint Marie pour un temps de partage avec les jeunes catholiques nippons. Il a ensuite célébré la messe au Tokyo Dome, une des grandes enceintes sportives de la capitale japonaise.

Lors de la messe célébrée au Tokyo Dome, la dernière de son voyage apostolique, le Pape François a invité les fidèles japonais à savoir se décentrer de vies parfois frénétiques pour accepter, à l’écoute du Seigneur la liberté «comme une grâce», «pour le don de la vie humaine», en écho au thème de ce voyage apostolique dans l’archipel nippon.

La cérémonie, célébrée en plusieurs langues, latin, japonais ou anglais s’est tenue devant plus de 50 000 fidèles qui ont réservé un accueil très chaleureux au Saint-Père, qui a effectué un tour de papamobile, très souriant. L’euphorie de l’accueil a ensuite laissé place au recueillement.

Dans son homélie, François est revenu sur le sermon de Jésus sur la montagne évoqué dans l’Évangile. «Il nous décrit la beauté du chemin que nous sommes invités à parcourir. Selon la Bible, la montagne, c’est le lieu où Dieu se manifeste et se fait connaître.»

Une liberté asphyxiée

« Nous trouvons en Jésus le sommet de ce que signifie être humain, et en lui, nous trouvons une vie nouvelle où nous faisons l’expérience de la liberté de nous savoir des fils bien-aimés.» Une liberté «qui peut se trouver asphyxiée et affaiblie lorsque nous nous enfermons dans le cercle vicieux de l’anxiété et de la compétition.»

«Beaucoup de personnes se sentent perdues et inquiètes, sont accablées par trop d’exigences et de préoccupations qui leur ôtent la paix et l’équilibre.»

«La compétition excessive dans la recherche du profit et de l’efficacité» peut marquer la société japonaise. «Comme baume réparateur, les paroles du Seigneur nous disent de ne pas nous inquiéter et d’avoir confiance. C’est une incitation à ouvrir nos priorités à un horizon de sens plus large et à créer ainsi de l’espace pour regarder dans la même direction que lui : «Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît.»

«Le Seigneur nous invite plutôt à reconsidérer nos choix quotidiens pour ne pas rester englués ou nous isoler dans la recherche du succès à tout prix.» «Le contraire du moi isolé, enfermé jusqu’à l’étouffement, ne peut être qu’un nous partagé, célébré et communiqué, (…) cette invitation du Seigneur nous rappelle qu’il nous faut “accepter joyeusement » que notre être soit un don, et accepter même notre liberté comme une grâce.»

Protéger toute vie

Le Saint-Père, revenant sur la première lecture tirée du livre de la Genèse a rappelé la «beauté et la bonté offertes pour que nous puissions nous aussi les partager et les offrir aux autres».

Face à cette réalité, nous sommes «comme communauté chrétienne, invités à protéger toute vie et à témoigner avec sagesse et courage d’une attitude marquée par la gratitude et la compassion, la générosité et l’écoute simple, en mesure d’embrasser et de recevoir la vie comme elle se présente avec toute sa fragilité, sa petitesse et, souvent, avec toutes ses contradictions et ses insignifiances.»

Le Pape a ainsi invité les fidèles japonais à «former une communauté» en mesure de développer cette pédagogie capable d’accueillir «tout ce qui n’est pas parfait, tout ce qui n’est pas pur ni distillé, mais non pas moins digne d’amour», toute personne, même la plus faible ou malade est digne d’être aimée, comme Jésus qui a embrassé le lépreux.

«L’annonce de l’Évangile de la vie nous pousse et exige que, comme communauté, nous devenions un hôpital de campagne, destiné à soigner les blessures et à toujours indiquer un chemin de réconciliation et de pardon.»

Le Pape a invité chaque fidèle, unis au Seigneur, avec les hommes et femmes de bonne volonté et ceux de traditions religieuses différentes à «devenir le levain prophétique dans une société en mesure de protéger et de prendre soin, toujours davantage, de toute vie.»

Le dialogue est «l’unique arme digne de l’être humain»

Le dialogue est «l’unique arme digne de l’être humain»

Le Pape François a rencontré l’empereur du Japon Naruhito. Il a été reçu ce lundi 25 novembre 2019 au Palais impérial pour une conversation privée d’environ 30 minutes vers 11h, accueilli par l’empereur en personne à l’entrée du Palais.

Puis après avoir rencontré en privé le Premier ministre Shinzo Abe, c’est l’ensemble des membres du gouvernement et du corps diplomatique japonais que le Pape François a rencontrés, à la fin de sa deuxième journée au Pays du Soleil levant.

Le Saint-Père est revenu sur quelques aspects caractéristiques de la société japonaise, invitant les gouvernants à toujours être attentifs aux personnes dans le besoin et à se faire «promoteurs de vie», en particulier par le dialogue et la rencontre.

Cette rencontre venue clore une journée très dense pour le Pape François s’est tenue au Kantei, siège de l’exécutif japonais. Après l’allocution de Shinzo Abe, le Saint-Père a commencé en évoquant les relations d’amitié «très anciennes» unissant le Saint-Siège et le Japon, et qui sont enracinées «dans la reconnaissance et l’admiration que les premiers missionnaires ont éprouvées pour ce pays.»

La recherche du dialogue et du consensus face au nucléaire

Il a ensuite mentionné le thème de cette deuxième étape de son 32e voyage apostolique – “Protéger toute vie” -, expliquant qu’il tenait à confirmer «les catholiques japonais dans la foi, dans leurs efforts de charité en faveur des démunis et au service du pays dont ils se sentent des citoyens fiers». «Comme nation, le Japon est particulièrement sensible à la souffrance des moins nantis et des personnes avec handicap.»

Que «plus jamais, dans l’histoire de l’humanité, ne se reproduise la destruction causée par les bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki». Le dialogue est «l’unique arme digne de l’être humain», «capable de garantir une paix durable». La question nucléaire doit être abordée «sur le plan multilatéral, en promouvant un processus politique et institutionnel capable de créer un consensus et une action internationale de plus grande envergure».

Répandre un esprit de solidarité dans tous les domaines

Le dialogue s’inscrit plus largement dans une «culture de rencontre» dont le Japon est un représentant, comme le montrent ses efforts «dans les domaines de l’éducation, de la culture, du sport et du tourisme».

L’«esprit olympique» y participe aussi. «Je suis certain que les Jeux olympiques et paralympiques qui se dérouleront l’année prochaine au Japon donneront une impulsion au développement d’un esprit de solidarité qui transcende les frontières nationales et régionales et vise le bien de toute notre famille humaine.»

«De profondes valeurs religieuses et morales caractérisent cette culture ancienne». La «bonne relation entre les différentes religions» est porteuse de «principes éthiques qui servent de fondement pour une société vraiment juste et humaine».

Puis la «beauté naturelle» du Japon a permis de rappeler «la fragilité de notre maison commune, soumise non seulement à des désastres naturels mais aussi à la cupidité, à l’exploitation et à la dévastation par le fait de l’homme».

La culture japonaise en offre une image éloquente, la délicate fleur de cerisier. Le Saint-Père a salué l’engagement des jeunes pour la protection de la création: ils «nous invitent à regarder le monde non pas comme une propriété à exploiter, mais comme un précieux héritage à transmettre.»

La véritable mesure d’une civilisation n’est pas le pouvoir économique

Cette démarche écologique doit être «intégrale», en tenant compte de «l’écologie humaine». Cela signifie «affronter le fossé croissant entre riches et pauvres» dans un monde marqué par les inégalités. Il convient de poursuivre les programmes de solidarité ainsi que «la formation d’une conscience croissante d’une coresponsabilité entre les nations».

«La dignité humaine doit être au centre de toute activité sociale, économique et politique.» «Il faut promouvoir la solidarité entre les générations et à tous les niveaux de la vie communautaire; on doit se préoccuper de ceux qui sont oubliés et exclus», en particulier les jeunes et les «personnes âgées ou seules», nombreuses au Japon.

La «civilisation de chaque nation ou peuple ne se mesure pas à son pouvoir économique»«mais à l’attention qu’elle accorde aux personnes dans le besoin et à leur capacité de se révéler féconds et promoteurs de vie.»

Enfin, le Pape a exprimé sa «gratitude» pour l’invitation reçue à venir au Japon, et remercié tous ses hôtes pour leur «hospitalité cordiale» et leur «générosité». Puis cet ultime encouragement, «pour façonner un ordre social qui protège toujours davantage la vie, qui respecte toujours plus la dignité et les droits des membres de la famille humaine».

Les jeunes Japonais invités à se mettre à l’écoute des autres

Les jeunes Japonais invités à se mettre à l’écoute des autres

Le Pape François a consacré un temps à la jeunesse, dans la cathédrale de Tokyo. Il a notamment insisté sur l’importance de lutter contre le harcèlement et de s’ouvrir aux autres. Non pas qu’est-ce que je possède? Mais avec qui je partage et « pour qui je vis« .

Avec cette question, le Pape François provoque les jeunes Japonais pour qu’ils ne vivent pas comme des « zombies » dans une société riche mais esclaves de la solitude. La forte invitation du pape, c’est d’apprendre à se donner et à accueillir ceux qui cherchent refuge dans le pays

Il a tout d’abord écouté trois témoignages, notamment celui d’une jeune enseignante, qui a souligné la difficulté des jeunes à se situer face à une pression compétitive et à une logique concurrentielle venant parfois des parents eux-mêmes ou des frères et sœurs.

Un immigré philippin, arrivé au Japon alors qu’il était scolarisé en primaire, a raconté avoir été victime de harcèlement à l’école et avoir pensé au suicide. Il a expliqué comment sa foi chrétienne et l’écoute des paroles de Jésus l’ont sauvé.

«Il faut un grand courage et de l’audace pour partager, comme vous l’avez fait, ce qu’on a dans le cœur, les a remercié le Pape. Je suis certain que vos voix ont été un écho de celles de beaucoup de vos compagnons ici présents. Merci ! Je sais que parmi vous il y a des jeunes d’autres nationalités dont certains cherchent un refuge. Apprenons à construire ensemble la société que nous voulons pour demain.» 

Lutter contre le harcèlement

Il s’est appuyé sur le témoignage de Leonardo pour remarquer que «de plus en plus les jeunes ont le courage de parler» des humiliations vécues dans leur enfance. «Autrefois on en parlait pas.» «Le plus cruel dans le harcèlement en milieu scolaire, c’est qu’il blesse notre esprit et notre auto-estime au moment où nous avons le plus besoin de force intérieure pour nous accepter nous-même et pouvoir faire face à de nouveaux défis dans la vie».

«Cependant, paradoxalement, ce sont ceux qui harcèlent qui sont les vrais faibles, parce qu’ils pensent qu’ils peuvent affirmer leur identité propre en faisant du mal aux autres.» «Nous devons tous nous unir contre cette culture de harcèlement et apprendre à dire : ça suffit !»

«Les grandes religions enseignent la tolérance, l’harmonie et la miséricorde ; elles n’enseignent pas la peur, la division ou le conflit. Jésus disait constamment à ses disciples de ne pas avoir peur. Pourquoi ? Parce que si nous aimons Dieu ainsi que nos frères et sœurs, cet amour chasse la crainte » (citation de l’Évangile selon saint Jean).

«Pour beaucoup d’entre nous, comme nous l’a si bien rappelé Leonardo, regarder la vie de Jésus nous permet de trouver la consolation, car Jésus savait lui-même ce que signifie être méprisé et rejeté, jusqu’au point d’être crucifié. Il savait également ce que c’est que d’être un étranger, un migrant, quelqu’un de ‘‘différent’’. Dans un certain sens, Jésus a été le plus ‘‘marginalisé’’, un marginalisé rempli de Vie à donner.»

«Le Seigneur a besoin de toi pour que tu puisses donner du courage à tant d’autres qui demandent aujourd’hui une main qui les aide à se relever.»

Le temps donné aux autres n’est jamais perdu

Il faut donc cultiver «une qualité très importante, mais dévaluée : la capacité d’apprendre à donner du temps aux autres, de les écouter, de partager avec eux, de les comprendre».

«Si nous ne donnons pas et ‘‘gagnons du temps’’ au dépens des personnes, nous le perdrons dans beaucoup de choses qui, en fin de compte, nous laissent vides et abrutis, nous constipent, comme on dirait dans mon pays.» «Un guide spirituel sage a dit une fois : prier, c’est d’abord être simplement là. Reste calme, crée de l’espace pour Dieu, laisse-toi regarder et il te remplira de sa paix.»

«Il est fréquent de constater qu’une personne, une communauté ou une société entière peuvent être très développées extérieurement, mais avoir une vie intérieure pauvre et rabougrie, ainsi qu’une âme et une vitalité éteinte. Tout les ennuie, elles ne rêvent plus, ne rient pas, ne jouent pas, ignorent le sens de l’admiration et de la surprise. Tels des zombies, leur cœur a cessé de battre en raison de l’incapacité à célébrer la vie avec les autres. Que de personnes dans le monde sont matériellement riches, mais vivent esclaves d’une solitude sans pareille. Je pense ici à la solitude que connaissent tant de personnes, jeunes et adultes, de nos sociétés prospères, mais souvent si anonymes. Mère Teresa, qui travaillait parmi les plus pauvres des pauvres, a dit une fois quelque chose de prophétique :’La solitude et le sentiment de ne pas être aimé sont la pauvreté la plus terrible’.»

Diffuser l’amitié vers les nouveaux arrivants

«À titre particulier, je vous demande d’étendre les bras de l’amitié et de recevoir ceux qui viennent, parfois après une grande souffrance, chercher refuge dans votre pays.» Le pays conserve l’un des plus faibles taux d’immigration au monde, mais commence à ouvrir ses frontières non par philanthropie, mais en raison du manque de main d’oeuvre.

Avec nous est présent un petit groupe de réfugiés ; votre accueil témoignera que pour beaucoup ils peuvent être des étrangers, mais que pour vous ils peuvent être considérés comme des frères et des sœurs. »

«Le Japon a besoin de vous, le monde a besoin de vous, éveillés et généreux, joyeux et enthousiastes, capables de construire une maison pour tous. Je prie pour que vous grandissiez en sagesse spirituelle et pour que vous découvriez dans cette vie le chemin du vrai bonheur.»

site officiel en France