avoir un cœur comme celui de Dieu, en temps d’épreuves

Dieu aime chaque être humain avec le cœur et non par des idées. Il faut Lui demander la grâce de pleurer devant les désastres qui frappent notre monde, en particulier les guerres et les persécutions. Le Pape François en a parlé ce mardi dans son homélie.

 

Le déluge - Mosaïque de la basilique Saint-Marc, Venise
Le déluge – Mosaïque de la basilique Saint-Marc, Venise

La lecture du jour, tirée du livre de la Genèse (Gn 6, 5-8;7, 1-5.10), rapporte l’épisode du déluge universel. Il y a une continuité entre ce récit et certaines réalités actuelles: la souffrance des enfants affamés et orphelins, des plus faibles et des pauvres.

Nous sommes exhortés à garder un cœur qui ressemble à celui de Dieu, capable de se mettre en colère, de souffrir, mais surtout d’être un frère pour ses frères, un père pour ses fils. En bref, un cœur humain et divin.

Le cœur de Dieu, foyer de sentiments

Deux aspects  sont à relever : Dieu éprouve de la douleur face à la méchanceté des hommes; puis il se repend de les avoir créés, à tel point qu’il promet de les «effacer de la surface du sol». C’est un Dieu qui a des sentiments, «il n’est pas abstrait.» Il «souffre» même, et «c’est là le mystère du Seigneur, les sentiments de Dieu, Dieu père qui nous aime mais qui est capable de se mettre en colère, de se fâcher.»

«Notre Dieu nous aime avec le cœur, il ne nous aime pas avec ses idées, il nous aime avec le cœur.» «Et quand il nous caresse, il nous caresse avec le cœur, et quand il nous frappe, comme un bon père, il nous frappe avec le cœur, c’est davantage lui qui souffre que nous».

Une époque semblable à celle du déluge

Si Dieu «est capable d’avoir de la peine avec son cœur, nous aussi nous serons capables d’avoir de la peine devant Lui.» «Ce n’est pas du sentimentalisme, c’est la vérité.» Plusieurs maux affectent notre temps, par exemple «les gens qui meurent dans les guerres parce que l’on jette des bombes comme si c’étaient des bonbons.»

«Je ne crois pas que notre époque soit meilleure que le temps du déluge, je ne crois pas.» «Les catastrophes sont plus ou moins les mêmes, les victimes sont plus ou moins les mêmes. Pensons par exemple aux plus faibles, aux enfants. La quantité d’enfants affamés, d’enfants sans éducation: ils ne peuvent pas grandir en paix.» Pensons à eux ainsi qu’aux «enfants soldats».

S’unir à Dieu face au mal

La grâce à demander est celle d’avoir «cœur comme le cœur de Dieu». «Un cœur humain, comme celui de Jésus, est un cœur divin.» En conclusion, parlons au Seigneur et tenons-lui compagnie, comme avec un ami.

«Pensons que le Seigneur est affligé dans son cœur et approchons-nous du Seigneur, parlons-lui, parlons: “Seigneur, regarde ces choses, je te comprends”. Consolons le Seigneur: “Je te comprends et je t’accompagne”, je t’accompagne dans la prière, dans l’intercession, pour toutes ces catastrophes qui sont le fruit du diable qui veut détruire l’œuvre de Dieu».

unis par une solidarité surnaturelle

la communion des saints, solidarité surnaturelle
la communion des saints, solidarité surnaturelle

Dans le secret et la bonté du mystérieux dessein de Dieu, les hommes sont unis entre eux par une solidarité surnaturelle par laquelle le péché d’un seul nuit aussi aux autres, de même que la sainteté d’un seul profite également aux autres . C’est ainsi que les fidèles s’aident les uns les autres à parvenir à leur fin surnaturelle.

Nous trouvons un témoignage de cette communion déjà chez Adam, dont le péché passe par « propagation » à tous les hommes. Mais le principe le plus grand et le plus parfait de ce lien surnaturel, le fondement et le modèle en est le Christ lui-même, en la communion de qui Dieu nous a appelés .

En effet, le Christ « qui n’a pas commis de péché », « a souffert pour nous » , « a été transpercé à cause de nos iniquités, broyé à cause de nos perversités… lui dont les plaies nous ont guéris ».

En marchant sur les traces du Christ les fidèles se sont toujours efforcés de s’aider les uns les autres sur la voie qui mène au Père céleste, par la prière, par l’échange des biens spirituels et par l’expiation pénitentielle.

Plus ils étaient animés par la ferveur de la charité, et plus ils suivaient le Christ souffrant, en portant leur propre croix pour l’expiation de leurs propres péchés et de ceux des autres, étant assurés qu’ils pouvaient aider leurs frères auprès de Dieu, Père des miséricordes, à parvenir au salut.

Tel est le dogme très ancien de la communion des saints , en vertu duquel la vie de chacun des enfants de Dieu dans le Christ et par le Christ se trouve unie par un lien merveilleux avec la vie de tous ses autres frères chrétiens, dans l’unité surnaturelle du Corps mystique du Christ, en quelque sorte, en une seule personne mystique.

En cela apparaît le « trésor de l’Église ». En effet, il n’est pas comme une somme de biens, à l’instar des richesses matérielles accumulées au cours des siècles..

Mais il est le prix infini et inépuisable qu’ont auprès de Dieu les expiations et les mérites du Christ Notre-Seigneur, offerts pour que toute l’humanité soit libérée du péché et parvienne à la communion avec le Père; c’est le Christ Rédempteur lui-même, en qui sont et vivent les satisfactions et les mérites de sa rédemption.

En outre font aussi partie de ce trésor la valeur vraiment immense, incommensurable et toujours nouvelle, qu’ont devant Dieu les prières et les bonnes œuvres de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints qui se sont sanctifiés en marchant sur les traces du Christ Seigneur par sa grâce.

Et ils ont mené à bien l’œuvre que le Père leur avait confiée ; de sorte qu’en travaillant à leur propre salut, ils ont coopéré également au salut de leurs frères dans l’unité du Corps mystique.

« En effet, tous ceux qui sont du Christ et possèdent son Esprit constituent une même Église et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ (cf. Ep 4, 16). L’union de ceux qui sont encore en chemin avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ n’est nullement interrompue ; bien au contraire, selon la foi constante de l’Église, elle est renforcée par l’échange des biens spirituels. Parce qu’ils sont plus intimement unis au Christ, ceux qui sont au ciel affermissent plus solidement toute l’Église dans la sainteté… et contribuent de multiples manières à donner plus d’ampleur à son édification (cf. 1 Co 12, 12-27). En effet, accueillis dans la patrie et présents devant le Seigneur (cf. 2 Co 5, 8), ils ne cessent par Lui, avec Lui et en Lui d’intercéder pour nous auprès du Père, offrant les mérites qu’ils ont acquis par l’unique médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus (cf. 1 Tm 2, 5), alors qu’ils étaient sur terre, où ils ont servi le Seigneur en toutes choses et achevé dans leur chair ce qui manque aux souffrances du Christ pour son corps qui est l’Église (cf. Col 1, 24). Leur fraternelle sollicitude apporte une aide considérable à notre faiblesse. »

Il existe donc certainement entre les fidèles — ceux qui sont en possession de la patrie céleste, ceux qui ont été admis à expier au purgatoire ou ceux qui sont encore en pèlerinage sur la terre — un constant lien de charité et un abondant échange de tous biens.

Grâce à eux est apaisée la justice divine, tous les péchés du corps mystique tout entier étant expiés, tandis que la miséricorde de Dieu est inclinée au pardon, pour que les pécheurs contrits soient introduits plus tôt dans la jouissance complète des biens de la famille de Dieu.

Saint Paul VI, extrait de la Constitution apostolique Indulgentiarum doctrina, 1er janvier 1967


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Où est dans nos cœurs le frère affamé, malade et emprisonné

pas de «réponses de compromis» aux questions du Seigneur

Invitant l’assemblée à faire sienne la question que Dieu adresse à Caïn pour y répondre dans un esprit de vérité et mieux servir son prochain, le Saint-Père est d’abord revenu sur l’épisode du livre de la Genèse, dans l’homélie prononcée ce lundi matin en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican.

Caïn tuant Abel, par Daniele Crespi (1618-1620)
Caïn tuant Abel, par Daniele Crespi (1618-1620)

 

Où est ton frère Abel ?

«Où est ton frère Abel ?» (Gn 4,9). C’est ainsi que le Seigneur interpelle Caïn dans le passage biblique proposé par la lecture de ce jour. «Une question embarrassante» à laquelle nous sommes désormais appelés à répondre nous-mêmes, sans compromis.

Caïn au contraire cherche à se défendre face à Dieu: «Mais en quoi cela me concerne, la vie de mon frère? Est-ce que j’en suis, moi, le gardien? Je m’en lave les mains. Et c’est comme ça que Caïn cherche à fuir le regard de Dieu.»

Répondre aux questions embarrassantes

Le Pape a ensuite évoqué les «questions qui dérangent» formulées par Jésus. À son disciple Pierre par exemple: «M’aimes-tu ?» (Jn 21, 15 et s.); à ses disciples: «Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ?» (Mt 16,13) puis «Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?» (Mt 16,15).

La question posée par Dieu à Caïn est du même type, elle est dérangeante, «et nous connaissons tellement de réponses» pour nous dérober, par exemple «je ne m’introduis pas dans la vie d’un autre». En bref, «nous répondons un peu avec des principes génériques qui ne disent rien mais qui disent tout, tout ce qu’il y a dans le cœur.»

«Où est ton frère?», «Je ne sais pas», peut-on répondre, «Oui, oui, c’est sûr il déjeune avec la Caritas de la paroisse, oui, on lui donnera sûrement à manger», ou encore, «Ah, il est en train de payer ce qu’il mérite. Voilà ce qu’il a fait, qu’il le paye. Nous, on est si fatigué de tous ces délinquants dans la rue: qu’il  paye», à propos de celui «qui travaille au noir, neuf mois par an, pour continuer, après trois mois, une autre année» on dira «Eh bien, aujourd’hui il n’y a pas de travail et on prend ce qu’on peut…», «une autre réponse de compromis.»

Penser à son frère dans le besoin

«Le Seigneur me demande ‘Où est ton frère?’, mettons le nom des frères que le Seigneur nomme au chapitre 25 de Matthieu: le malade, l’affamé, l’assoiffé, celui qui n’a pas de vêtement, ce petit frère qui ne peut pas aller à l’école, le drogué, le prisonnier… où est-il? Où est ton frère dans ton cœur? Y a-t-il une place pour ces gens dans notre cœur? Ou nous parlons, oui, des gens, nous allégeons un peu notre conscience en donnant une aumône».

Mais il ne s’agit pas qu’on nous dérange trop, «parce qu’avec ces choses sociales de l’Église», cela finit par ressembler à «un parti communiste et ça nous fait mal. Ça va bien, mais le Seigneur a dit: où est ton frère? Ce n’est pas le parti, c’est le Seigneur.» «Nous sommes habitués à donner des réponses de compromis, des réponses pour échapper au problème, pour ne pas voir le problème, pour ne pas toucher le problème».

Rester réaliste

Gardons en mémoire ces personnes que nomme l’évangéliste saint Matthieu. Autrement, «une vie obscure» commence à émerger, et «lorsque nous portons cette vie obscure sans prendre en main ce que le Seigneur Jésus nous a enseigné, le péché se tient à la porte, tapi, attendant pour entrer. Et nous détruire».

Gardons en mémoire la question posée par Dieu à Adam: «Où es-tu donc ?» (Gn 3,9). «Et Adam se cache de honte, de peur. Peut-être que nous ressentons nous aussi cette honte. Où est ton frère? Où es-tu? Dans quel monde vis-tu, pour ne pas te rendre compte de ces choses, de ces souffrances, de ces douleurs?» «Ne te dérobe pas à la réalité. Répondre ouvertement, avec loyauté, voire avec joie, à ces deux questions du Seigneur.»

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