EUCHARISTIE MÉDITÉE 15

EUCHARISTIE MÉDITÉE 15

Première entrevue du guide et du pèlerin, ou le plus beau jour de la vie.

Laissez venir à moi les petits enfants. Mt 19, 14 ; Lc 18, 16 ; Mc 10 14

Eucharistie- Motif sculpté sur porte d'église - Bruxelles
Eucharistie- Motif sculpté sur porte d’église – Bruxelles

15e ACTION DE GRÂCES.

Je vous adore, ô Jésus, mon Sauveur et mon Dieu! vous qui avez réjoui les jours de mon enfance et ceux de ma jeunesse, ami toujours fidèle qui revenez encore au déclin de ma vie consoler les jours de ma vieillesse; ah! réchauffez à la chaleur de votre divin cœur ce cœur devenu de nouveau votre tabernacle et votre autel.

Je ne vous demande pas, Seigneur de renouveler en lui les joies que lui fit éprouver votre première visite ; mais rendez à ce pauvre cœur flétri par le péché et si souvent brisé par la douleur, rendez-lui l’innocence, la ferveur, l’amour avec lequel il vous reçut pour la première fois. Oubliez mes fautes, mon ingratitude, mes infi­délités, et couvrez-les toutes de votre grande, de votre infinie miséricorde.

Souffrez, Seigneur, que la voix de mon repentir se mêle à l’hymne de ma reconnaissance, et qu’en vous offrant mes humbles actions de grâces pour tous les bienfaits dont vous m’avez comblé depuis le jour à jamais béni où vous êtes venu à moi pour la pre­mière fois ; je déplore à vos pieds, mon ingratitude, ma faiblesse, mes nombreuses infidélités.

Je ne puis, ô Jésus, me rappeler sans rougir, sans que les larmes viennent mouiller mes yeux et la douleur oppresser mon cœur, mes promesses et mon inconstance. Et cependant vous le savez, Seigneur, elles étaient sincères ces promesses et faites avec l’élan d’une vive et profonde reconnaissance.

Oh ! alors il me semblait que l’amour était en moi, plus fort que la mort et que rien ne pourrait ralentir l’ardeur du feu divin dont je sentais brûler mon cœur. Hélas ! combien de fois ne vous l’ai-je pas repris ce misérable cœur ; que de fois n’ai-je pas cherché à étancher ailleurs qu’en vous cette soif de bonheur et d’amour qui dévorait mon âme et que seul vous pouviez apaiser.

Ah ! soyez béni, Seigneur, de l’avoir créée cette âme si grande et si profonde, que nul autre que vous ne peut combler le vide qui est en elle et répondre à ses aspirations qui tendent sans cesse à l’infini. Non, non rien de tout ce qui est sur la terre n’a pu et ne pourra jamais la satisfaire. C’est le ciel qu’elle demande, le ciel auquel elle aspire, et le ciel, ô Jésus, c’est vous ! N’en êtes-vous pas la gloire, la joie, le bonheur?

Soyez béni encore, ô Jésus, d’avoir permis toutes ces déceptions, qui si souvent ont fait saigner mon cœur ; mais qui l’ont forcé à se retourner vers vous et à vous rendre ce qu’il vous dérobait. Oui, je vous bénis, Seigneur, pour ces peines, pour ces épreuves, qui si souvent ont oppressé mon âme et qui toujours ont été misé­ricordieuses pour moi.

Ma route a été longue, elle a été pénible, vous le savez, ô mon Dieu, mes pieds se sont souvent meurtris aux aspérités du chemin, il n’a pas été pour moi toujours bordé de fleurs ; mais bien plus souvent encombré d’épines dont les piqûres ont fait à mon cœur de profondes et douloureuses blessures.

Je n’ai connu que  peu  des bon­heurs, des joies de la vie; mais aucune de ses douleurs ne m’a été étrangère; mes lèvres ne se sont pas seulement trempées à la coupe amère de l’affliction, je l’ai épuisée jusqu’à la lie et son amer­tume a pénétré mon âme et l’a souvent couverte de flots de tristesse et de douleur.

Mais de toutes ces épreuves, de toutes ces souffrances, de toutes ces larmes versées, je ne me plains pas, Seigneur, dans toutes je reconnais votre miséricorde et votre amour. Toutes d’ailleurs n’ont-elles pas été adoucies, con­solées par vous ? Votre Eucharistie n’a-t-elle pas été le pain qui a fortifié mon âme au jour de l’adver­sité, et l’amertume de mes larmes ne s’est-elle pas changée en douceur ?

En me reportant par la pensée, ô Jésus, à ce jour béni où pour la première fois mon cœur d’enfant devint votre tabernacle, où avec vous le Ciel descendit en lui, je sens s’éveiller en moi les plus doux sentiments de la reconnaissance. Après tant d’années écoulées, ce souvenir toujours pal­pitant des mêmes émotions de bonheur et d’amour réjouit encore mon âme.

Le passé revit à mes yeux, je me revois dans votre temple entouré de ces parents, de ces amis qui saluaient de leurs larmes de joie le jour le plus beau, le plus heureux de ma vie, je revois cette tendre mère dont les yeux baignés de pleurs m’enveloppaient d’un long regard d’amour, ce bon père dont les mains s’étaient étendues sur ma tête et qui d’une voix émue et tremblante d’émotion avait appelé sur moi vos grâces et vos bénédictions.

Hélas! Seigneur, ils rêvaient pour moi les joies, les bonheurs de la terre, ils vous demandaient pour leur enfant chéri un doux, un riant avenir. Vous n’avez pas rejeté leurs prières, ô mon Dieu, vous ne m’avez pas refusé les grâces, les bénédictions qu’ils vous demandaient pour moi ; mais votre amour plus éclairé que le leur, a choisi pour moi, non les grâces qu’ils me désiraient, mais les plus précieuses, les plus utiles, les grâces de la souffrance et de la croix.

N’ai-je pas à vous bénir, Seigneur, d’avoir choisi pour moi et de m’avoir donné ce que vous avez choisi pour vous? Ma part n’a-t-elle pas été la meilleure puisqu’elle fut la vôtre?

Et maintenant, Seigneur, elles se sont éteintes toutes ces étoiles qui brillèrent sur le ciel de ma vie pendant mes premières années ; ils ont cessé de battre, tous ces cœurs qui réchauffaient mon cœur d’enfant à la chaleur de leur amour.

Ils ne sont plus, tous ces êtres chéris dont la sollicitude et la tendresse m’étaient une si douce image de la vôtre : hélas ! je les cherche en vain; la mort les a tous moissonnés, sa main a creusé des tombes tout autour de moi, elle en a semé la route que j’ai parcourue.

Ah! pardonnez, Seigneur, mes regrets et mes larmes; je pleure, mais je bénis la main qui m’avait tout donné et qui m’a tout repris. Vous me les avez ôtés, mais pour les recueillir et me les rendre un jour. A ces pauvres exilés de la terre, vous avez ouvert les portes de la patrie, et votre main divine a essuyé leurs larmes comme un jour, je l’espère, elle essuiera les miennes.

Et si ma pensée se reporte aux jeunes convives qui pour la première fois prirent place avec moi à votre table sainte, c’est encore en vain que je les cherche et les appelle, le silence seul répond à ma voix, déjà ils ont disparu; presque tous sont tombés sous les coups de la mort; pour beaucoup le voyage n’a duré qu’un jour, et la mort n’a pas attendu l’automne et le soir de la vie pour moissonner ses fleurs naguère si brillantes de jeunesse et de fraî­cheur.

Beaucoup sont tombés sous sa faux avant de s’être entièrement épanouies. J’ai vu tout tomber, tout disparaître, tout périr autour de moi, ô mon Dieu. Dans le passé je ne vois plus que des ruines, que des espérances déçues, que des rêves de bonheur évanouis, tous les appuis sur lesquels j’ai voulu reposer mon cœur lui ont manqué, partout je n’ai trouvé que mécomptes, déceptions, douleurs.

Seul, ô Jésus, vous avez été pour moi l’ami toujours constant, l’appui qui jamais ne m’a fait défaut; seul votre amour ne m’a jamais manqué, seul il me reste ; mais aussi seul il suffît à toutes les aspirations de mon âme, il comble tous les vides qui se sont faits en elle, élève mes espérances bien plus haut que cette terre, où rien n’est stable, où tout périt; et votre Eucharistie, ô Jésus, console les jours de ma vieillesse, comme elle a réjoui les jours de ma jeunesse.

Elle adoucit la fin de mon triste pèlerinage, et je l’espère de votre bonté, ô mon Sauveur, elle sanctifiera mes derniers pas.

O Marie, ma tendre mère, obtenez que l’éternelle communion du ciel succède pour moi à la communion de la terre. Ainsi soit-il !

Léonie Guillebaut