LE MOIS DES FIDÈLES DÉFUNTS – 25 novembre

LE MOIS DES FIDÈLES DÉFUNTS – 25 novembre

Selon LE MOIS DE NOVEMBRE CONSACRÉ AU SOUVENIR DES ÂMES DU PURGATOIRE par des considérations sur les peines qu’elles y souffrent, les motifs et les moyens de les soulager et sur l’utilité de la pensée du purgatoire. –  L. Grandmont Liège 1841

La pensée du purgatoire nous instruit sur la gravité du péché véniel.

La pensée du purgatoire doit nous préserver d’une erreur bien commune parmi les chré­tiens, et cependant bien funeste et très-souvent la cause de la damnation éternelle. Cette erreur consiste à n’attacher, pour ainsi dire, aucune importance ou du moins très-peu d’importance, aux fautes légères, au péché véniel.

On traite de bagatelle ce qui cependant est une offense faite à Dieu tout comme le péché mortel, quoique moindre ; et ce qui convient au péché mortel lui convient aussi, mais d’une autre manière.

Nous ne nous étendrons pas ici pour prouver que souvent le péché, que nous appelons véniel, est mortel, puisque ce qui fait la différence du mortel et du véniel, en beaucoup d’occasions, c’est le plus ou moins de matière, l’attention et la connaissance plus ou moins grande, le consentement plus ou moins parfait.

Supposons qu’en effet tous les péchés que nous commettons soient véniels : est-ce une raison d’être parfaitement tranquille cl de dire; Ce n’est rien, c’est une petite faute que Dieu pardonne aisément?

Chrétien, qui tenez ce langage, je vous demanderai d’abord : Croyez-vous encore à l’Évangile? hé bien ! qu’y lisez-vous? Celui qui méprise les petites fautes, dit le Sauveur, tombera peu à peu dans les grandes. Remarquez qu’il ne dit pas celui qui les commet par hasard et par fragilité, aucun saint n’est exempt de ces fautes; mais celui qui les méprise . c’est-à-dire celui qui les com­met de propos délibéré sans le moindre regret.

Vous ne connaissez donc point cet autre texte  de l’Écriture sainte : Abstenez-vous de tout ce qui a l’apparence de pêché. Ces paroles de l’apôtre saint Paul sont remarquables ; il veut que nous évitions jusqu’à l’apparence du mal.

Il n’est pas question pour lui de distinguer entre les grandes et les petites offenses : il sait, et nous devons tous savoir, qu’il n’y a rien de petit dans ce qui a rapport à un Dieu, si grand et si parfait, et dans ce qui peut lui plaire, ou lui déplaire. Le premier et le plus grand de tous les préceptes est celui d’aimer Dieu. Or, est-il croyable qu’on ait beaucoup d’amour pour Dieu, quand on consent librement à l’offenser ?

Quel­que légères qu’on suppose ces offenses, sont- elles compatibles avec une sincère tendresse, avec un attachement réel ? Non-seulement ce n’est pas avoir pour Dieu l’amour qu’il mérite que de se permettre, de propos délibéré, une multitude de fautes, sous prétexte qu’elles sont vénielles, ou réputées légères.

C’est de plus manquer au respect qui lui est dû, et se rendre digne du même reproche qu’il faisait autrefois au peuple d’Israël par un de ses Prophètes : « Vous m’appelez tous les jours votre père, votre maître : où est donc le respect, la crainte filiale que le titre de père exige? où » est donc la soumission, l’obéissance entière  et parfaite qu’un maître a droit d’attendre de » ses serviteurs ? »

*

Mais ne combattons aujourd’hui cette erreur que par la vue du purgatoire* Nous y distinguons deux sortes d’habitants : les uns , après avoir péché mortellement dans le cours de leur vie > se sont convertis et ont reçu la grâce de la justification ou dans le sacrement de Pénitence, ou par la contrition parfaite avec le désir du Sacrement.

La peine éternelle leur a été remise, mais ils n’ont pas expié la peine temporelle due à leurs péchés ; ils l’expient dans le purgatoire. Les autres expient des péchés véniels non effacés, ou la peine temporelle due à ces pé­chés. Oh ! qui pourrait comprendre les tour­ments qu’ils endurent !

Les saints Pères ne sont-ils pas d’avis qu’il vaudrait mieux souffrir les plus cruelles maladies, les douleurs les plus aiguës pendant des siècles que de passer un jour en purgatoire? Et vous oseriez dire que le péché véniel est peu de chose !

Les peines du purgatoire nous prouvent au contraire le f fondement de l’opinion des théologiens qui trouvent, jusqu’à un certain point, dans le péché véniel> les deux caractères d’insolence : et d’ingratitude qu’on remarque dans le péché | mortel* De là l’embarras d’expliquer la différence qu’il y a entre l’un et l’autre.

En effet, il semblerait d’abord que toute offense contre Dieu, toute désobéissance à ses lois devrait exciter sa colère, son indignation, sa haine et par conséquent, être mortelle de sa nature.

Ainsi la raison, guidée par les lumières de la foi, nous porterait plutôt à augmenter l’énor­mité du péché véniel, qu’à la diminuer ; et le purgatoire, en nous découvrant les supplices réservés au péché véniel, nous apprend qu’ils ne différent des supplices de l’enfer réservés au péché mortel, que par leur durée. Écou­terons-nous donc encore notre amour-propre, qui voudrait nous persuader que le péché véniel n’est rien d’important, et que Dieu ne peut, ni ne doit s’en tenir offensé?

*

La vue du purgatoire ne nous prouve-t-elle pas d’une manière certaine que le plus léger des péchés renferme toujours un fond de mali­gnité très-odieux en lui-même ; odieux à un tel degré que toutes les bonnes œuvres de l’âme qui l’a commis, que dis-je?

Que toutes les bonnes œuvres que pourraient faire toutes les créatures, ne plairaient pas tant à Dieu, ne le glorifieraient pas tant que ce seul péché véniel lui déplaît et le déshonore : tellement odieux que s’il ne fallait qu’un péché véniel, fût-ce le plus léger, pour tirer de l’enfer tous les démons et tous les damnés, il faudrait les abandonner à leur malheureux sort, plutôt que de com­mettre un simple péché véniel.

Voilà ce que tous les Saints ont pensé et enseigné. Aussi avec quelle douleur, avec quelles larmes abon­dantes ne s accusaient-ils pas dans le sacré tri­bunal de la réconciliation, même des fautes les plus légères, échappées à la fragilité humaine !

Ayant sous les yeux la satisfaction exigée par la justice divine dans le purgatoire, avec quelle rigueur ne se punissaient-ils pas des plus petites fautes ! Ils auraient mieux aimé souffrir toutes les humiliations, tous les outrages, tous les ! supplices imaginables, que de commettre, de | propos délibéré, le moindre péché véniel.

C’est qu’ils savaient combien il déplaît à Dieu, com­bien il s’en tient offensé ! Et peut-on douter, en effet, de l’énormité du péché véniel aux yeux de Dieu, non-seulement lorsqu’on pro­mène des regards attentifs sur les supplices du purgatoire, mais même lorsqu’on le fléchit sur la manière terrible dont il l’a souvent puni ?

Les saints Livres nous offrent mille exemples  dé la vengeance éclatante que le Seigneur a tirée des fautes les plus dignes de pardon en apparence; Citons-en quelques-uns ils sont i propres à détruire en nous toute espèce de doute, d’incrédulité sur la peine due à ce que nous appelons faute légère, notre esprit ne pou­vant comprendre l’infinie justice du Dieu trois fois saint. Méditons ces divers traits et tremblons.

*

Un Israélite est surpris ramassant un peu de bois le jour du sabbat. Ce péché nous paraît sans doute bien léger. On consulte le Seigneur ; il ordonne que ce malheureux soit lapidé.

Osa, voyant l’arche du Seigneur au moment d’être renversée, y porte la main pour la sou­tenir. Nous serions tentés de louer son zèle ; mais ce zèle parait au Seigneur, indiscret ou trop peu respectueux : il frappe Osa, et l’étend mort au pied de l’arche sainte.

Les Philistins renvoient celte même arche du Seigneur aux Israélites, à qui ils l’avaient enlevée. Dès qu’elle arrive au pays des Bethsamites, ce bon peuple, ravi de revoir le gage précieux de la protection du Seigneur, se livre au plaisir de la contempler.

Cette joie ne semble-t-elle pas juste î Ne paraissait-elle pas provenir d’un principe louable? Dieu lit dans les cœurs et voit dans les Bethsamites une curiosité trop libre et trop hardie, c’en est assez: l’arrêt de mort est prononcé et exécuté, contre une grande partie du peuple et des chefs.

Ézéchias reçoit une ambassade du roi de Babylone. Pour témoigner aux envoyés sa satisfaction et leur faire honneur, il leur montre tous ses trésors. Il est probable qu’il entra un peu d’ostentation, ou de vaine com­plaisance dans cette action, que l’œil de Dieu, secrètes pen­sées, aperçut ici quelque tache d’amour- propre. Mais qui de nous se croirait fort coupable, s’il était tombé en pareille faute?

Cependant Dieu lui envoie le prophète Isaïe pour lui déclarer, de sa part, que tous les trésors qu’il vient d’exposer aux regards des ambassadeurs étrangers, seront transportés dans leur ville ; et que ses propres enfants deviendront les esclaves du tyran de Babylone.

Un prophète ayant reçu ordre du Seigneur de faire sa route sans se détourner ni s’arrêter j nulle part, est engagé, chemin faisant, par un autre prophète, à prendre chez lui quelque nourriture. Celui-ci feint qu’un Ange lui a donné commission de l’inviter et de le conduire dans sa maison. Trompé par ce discours non suspect, il se rend à l’invitation. Qui ne croirait que Dieu lui pardonnera une déso­béissance presque involontaire ? Écoutez-en la punition : à peine s’est-il remis en route qu’un lion sort de la forêt et l’étrangle.

Des enfants rencontrent le prophète Élisée,  dont le front chauve les frappe ; ils crient après lui et l’insultent. Ce sont des enfants, et il semble que l’âge doit excuser ou diminuer leur faute. Cependant deux ours fondent sur eux tout à coup et en dévorent quarante-deux.

Tels sont quelques-uns des exemples rap­portés par l’Écriture sainte ; peuvent-ils nous laisser le moindre doute sur la sévérité avec laquelle Dieu punit le péché véniel ? Et, s’il ne le punit pas en cette vie, ne le fera-t-il pas dans l’autre ? Remarquez que ces exemples visibles de la justice divine n’ont eu lieu que pour un seul péché véniel ; qu’en sera-t-il donc de la punition de ces péchés que nous multiplions pour ainsi dire à l’infini?

Ne devons-nous pas dire avec l’Évangile : Si l’on traite ainsi le bois vert, que fera-t-on du bois sec ? Descendez un instant en esprit dans le lieu d’expiation, dans le purgatoire ; et de­mandez à ces âmes, qui sur la terre mépri­saient ces petites fautes, ce qu’elles souffrent dans les flammes expiatrices et ce qu’elles souffriront peut-être encore longtemps pour ces prétendus riens, qu’elles reconnaissent, mais hélas ! trop tard, avoir été autant d’of­fenses contre Dieu, dont la justice exige une sévère satisfaction.

RÉSOLUTION.

Il n’est pas trop tard pour nous de réfléchir sur la gravité du moindre péché. En nous faisant un devoir de secourir les âmes du purgatoire, le premier fruit de cette dévotion : sera de nous instruire sur l’offense que nous j faisons à Dieu en commettant la plus petite j faute. En conséquence nous regarderons le péché le plus léger comme un très-grand mal et nous l’éviterons avec le plus grand soin.

« Celui qui craint Dieu ne néglige rien. » (Eccl.)
« Peut-on appeler léger, un péché qu’on ne peut commettre sans quelque mépris de Dieu. » (S. Eucher.)

PRIÈRE.

Vierge sainte, conçue sans péché, c’est à vos pieds que je me jette aujourd’hui : je compte avec confiance sur votre protection pour obtenir la grâce de concevoir la plus grande horreur du péché. Qu’en méditant sans cesse la manière terrible dont Dieu le punit dans le purgatoire, j’en reconnaisse la gravité, et que je l’évite avec le plus grand soin. O Marie! ô ma mère! protégez-moi et secourez les âmes du purgatoire. Ainsi soit-il.

Indulgence applicable aux morts. —  L’indulgence une fois par jour, et trois fois les Jeudis. et tous les jours de l’octave de la Fête-Dieu, pour ceux qui récitent avec dévotion et un cœur contrit l’oraison jaculatoire suivante, en l’honneur du Saint-Sacrement. Que le très saint et très divin Sacrement soit loué et béni dans tous les moments. »

Indulgence plénière pour ceux qui l’auront récitée chaque jour pendant un mois, le jour, à leur choix, où, s’étant confessés et ayant communié , ils prieront pour les besoins de l’Église.

Enfin 100 jours pour ceux qui la réciteront à l’élé­vation de la sainte messe à laquelle on assiste ; ou au son de la cloche qui indique que l’on donne la bénédiction du saint Sacrement dans quelque église.

(Rescrits du 24 Mai 1770- — 50 Juin 1818. — 7 Dé­cembre 1819.)