L’Évangile de Noël : le Verbe s’est fait chair

ENCORE NOËL, un sujet de méditation sans fin, toujours inépuisable et riche de thèmes fondamentaux qui concernent nos rapports avec Dieu.

« Et le Verbe s est fait chair, il a habité parmi nous... » (Jn 1, 14) Nativité Fra Angelico couvent Saint Marc Florence 1440-1441
« Et le Verbe s est fait chair, il a habité parmi nous… » (Jn 1, 14) Nativité Fra Angelico couvent Saint Marc Florence 1440-1441

Nous allons prendre congé de cette célébration du grand événement de Noël, en gardant sa particulière exemplarité qui peut nous servir d’une part comme révélation de la pensée divine sur nos vicissitudes, et d’autre part, nous guider dans l’adaptation de notre existence présente à la forme qui permettra le mieux de la modeler sur celle de Dieu fait homme.

Avant même de nous instruire par la parole, le Seigneur nous a enseigné par l’exemple de ses actions, par l’Évangile de sa venue comme homme parmi nous.

… La présence du Christ dans le monde fait rayonner une telle lumière de Vérité, un tel réconfort d’espérance que nous nous convaincrons qu’il est la lumière du monde et que c’est uniquement dans le cône lumineux de la doctrine que nous en donne l’Église que nous pouvons jouir de sa lumière et trouver notre salut.

Cela veut dire que notre foi doit avoir le regard fixé sur le Christ dans une totale adhésion de pensée et de vie. Souvenons-nous des paroles par lesquelles Saint Jean termine le prologue de son Évangile :

« Et le Verbe s’est fait chair, et il est venu habiter parmi nous ; et nous avons contemplé sa gloire, la gloire que peut recevoir de son père, un fils unique, plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14).

Mais à ce point de notre contemplation fixée sur le Verbe de Dieu qui s’est fait chair, nous rencontrons, dans le cadre de la vie temporelle de Jésus, non pas sa gloire, mais son humilité, sa petitesse, son anéantissement; nous rencontrons, non la grandeur, mais la négation des valeurs de notre vie présente. La crèche nous le dit. L’humilité du Christ sera notre surprise.

Une humilité qui mortifie nos attentes messianiques et nous oblige à modifier et même à contredire l’estimation de ce que nous croyons être des biens nécessaires à notre existence naturelle. Et nous rappelons cela au sujet de deux vertus chrétiennes, c’est-à-dire de deux dimensions négatives caractéristiques de notre présence dans le monde; nous voulons dire l’humilité et la pauvreté.

Que Dieu ait voulu se manifester et qu’il ait voulu coexister avec nous sous un vêtement d’humilité absolue est chose qui nous bouleverse et transforme nos jugements sur nous-mêmes et sur nos rapports avec les biens et avec les événements du monde. « Apprenez, enseignera Jésus dans son Évangile, que je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29).

Et cette attitude d’humilité ne marque pas seulement les formes extérieures de la vie du Christ, mais aussi les formes essentielles de la vie, de la doctrine et de la mission du Dieu fait homme. Ici il est nécessaire de citer une sentence très connue de Saint Paul : elle contient la synthèse – et nous offre la clé pour la comprendre – de la figure du Christ.

Il s’agit des termes relatifs à la Kénosis du Christ, c’est-à-dire de son abaissement dans l’accomplissement du dessein de notre rédemption. Voici donc ce que dit Saint Paul dans son Épitre aux Philippiens :

« Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus :
Le Christ Jésus,
ayant la condition de Dieu,
ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu.

Mais il s’est anéanti,
prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.

Reconnu homme à son aspect,
il s’est abaissé,
devenant obéissant jusqu’à la mort,
et la mort de la croix.

C’est pourquoi Dieu l’a exalté :
il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom,

afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse
au ciel, sur terre et aux enfers,

et que toute langue proclame :
« Jésus Christ est Seigneur »
à la gloire de Dieu le Père. »
(Ph 2, 5-11).

Ici notre méditation s’arrête et devient admiration sans limite. La mortification du Christ devient principe et modèle de notre exaltation. Ceci au sujet de l’humilité que l’Homme-Dieu a introduite dans son apparition dans le monde; mais de semblables observations peuvent se faire également au sujet de la pauvreté de la venue du Christ parmi les hommes.

De là naît un changement radical dans l’évolution des biens propres au milieu naturel de notre vie présente; ce changement qualifie le christianisme où l’humilité et la pauvreté trouveront des expressions qu’ignorent les conceptions naturelles de la manière humaine de vivre.

Mais, en compensation, nous aurons la conquête surnaturelle du Royaume de Dieu, de la vie nouvelle promise aux humbles de cœur et aux pauvres en esprit. Pensons-y bien ! c’est cela, l’Évangile (cf. Saint Augustin, Sermons. 30; P.L. 38, 191-192).

PAUL VI, AUDIENCE GÉNÉRALE, mercredi 11 janvier 1978

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