
Nous célébrons l’Ascension comme une fête, et pourtant elle commémore la séparation de Jésus d’avec ses disciples et d’avec ce monde. Le Seigneur monte au Ciel, et la liturgie orientale raconte l’émerveillement des anges en voyant un homme qui, avec sa chair, s’élève à droite du Père.
Cependant, alors que le Christ est sur le point de monter au ciel, les disciples – qui l’ont pourtant vu ressuscité – ne semblent pas encore avoir bien compris ce qui s’est passé. Jésus commence l’accomplissement de son Royaume, et ses disciples se perdent encore en conjectures. Ils lui demandent s’il va restaurer la royauté d’Israël (cf. Ac1, 6).
Mais, lorsque le Christ les quitte, au lieu d’être tristes, ils retournent à Jérusalem « en grande joie », comme l’écrit Luc (cf. 24, 52). Ce fait serait étrange si quelque chose ne s’était pas passé. En fait, Jésus leur a déjà promis la force du Saint-Esprit, qui descendra sur eux à la Pentecôte.
Ceci est le miracle qui change tout. Ils deviennent plus assurés lorsqu’ils confient tout au Seigneur. Ils sont pleins de joie. Et la joie en eux est la plénitude de la consolation, la plénitude de la présence du Seigneur.
Paul écrit aux Galates que la plénitude de joie des Apôtres n’est pas l’effet d’émotions qui procurent satisfaction et rendent joyeux. C’est une joie débordante qui ne peut être vécue que comme fruit et don du Saint-Esprit (cf. 5, 22).
Recevoir la joie de l’Esprit est une grâce. Elle est la seule force que nous puissions avoir pour prêcher l’Évangile, pour professer la foi au Seigneur. La foi, c’est témoigner de la joie que le Seigneur nous donne. Une telle joie, personne ne peut se la donner à soi-même.
Avant de quitter ses disciples, Jésus leur a dit qu’il leur enverrait l’Esprit, le Consolateur. Ainsi, il a confié aussi à l’Esprit l’œuvre apostolique de l’Église, tout au long de l’histoire, jusqu’à son retour.
Le mystère de l’Ascension, avec l’effusion de l’Esprit à la Pentecôte, imprime et transmet à la mission de l’Église son caractère génétique le plus intime à tout jamais : celui d’être l’œuvre du Saint-Esprit et non la conséquence de nos réflexions et intentions.
C’est ce caractère qui la rend féconde et la préserve de toute autosuffisance présumée, de la tentation de prendre en otage la chair du Christ – monté au Ciel – en vue de ses propres projets cléricaux de pouvoir.
Lorsque, dans la mission de l’Église, on ne saisit pas et on ne reconnaît pas l’œuvre actuelle et efficace du Saint-Esprit, cela signifie que même les paroles de la mission – voire les plus exactes ou les plus réfléchies – ne sont plus que des « discours de sagesse humaine », utilisés pour se donner la gloire ou pour refouler et masquer ses déserts intérieurs.
LA JOIE DE L’ÉVANGILE
Le salut est la rencontre avec Jésus, qui nous aime et nous pardonne, en nous envoyant l’Esprit qui nous console et nous défend. Le salut n’est pas la conséquence de nos initiatives missionnaires, ni même de nos discours sur l’incarnation du Verbe. Le salut de chacun ne peut arriver que par le regard de la rencontre avec Lui, qui nous appelle.
Pour cette raison, le mystère de la prédilection commence et ne peut commencer que dans un élan de joie, de gratitude. La joie de l’Évangile, cette « grande joie » des pauvres femmes qui, au matin de Pâques, étaient allées au Sépulcre du Christ et l’avaient trouvé vide ; et qui, ayant rencontré les premières Jésus ressuscité, avaient couru le dire aux autres (cf. Mt 28, 8-10).
C’est seulement de cette manière que le fait d’être choisis et aimés peut témoigner, par nos vies, la gloire du Christ ressuscité devant le monde entier.
Les témoins, dans toute situation humaine, sont ceux qui attestent ce qui a été fait par quelqu’un d’autre. Dans ce sens, et seulement dans ce sens, nous pouvons être témoins du Christ et de son Esprit.
Après l’Ascension, comme le raconte la fin de l’Évangile de Marc, les Apôtres et les disciples « s’en allèrent prêcher en tout lieu. Le Seigneur agissait avec eux, confirmant la Parole par les signes qui l’accompagnaient » (16, 20). Le Christ, par son Esprit, donne son propre témoignage à travers les œuvres qu’il accomplit en nous et avec nous.
L’Église – Saint Augustin l’expliquait déjà – ne prierait pas le Seigneur pour demander que la foi soit donnée à ceux qui ne connaissent pas le Christ, si elle ne croyait pas que c’est Dieu lui-même qui convertit et attire à lui les volontés des hommes; l’Église ne ferait pas prier ses enfants pour demander au Seigneur de persévérer dans la foi au Christ si elle ne croyait pas que le Seigneur a lui-même nos cœurs en son pouvoir.
Car si l’Église lui demandait ces choses, mais pensait pouvoir se les donner à elle-même, cela voudrait dire que toutes ces prières ne sont pas authentiques mais sont des formules vides, des “manières de dire”, des convenances imposées par le conformisme ecclésiastique (cf. Le don de la persévérance. A Prosper et à Hilaire, 23, 63).
Si on ne reconnaît pas que la foi est un don de Dieu, même les prières que l’Église lui adresse n’ont aucun sens. Et on n’exprime à travers elles aucune passion sincère pour le bonheur et le salut des autres, et de ceux qui ne reconnaissent pas le Christ ressuscité, même si on consacre du temps à organiser la conversion du monde au christianisme.
C’est le Saint-Esprit qui enflamme et garde la foi dans les cœurs, et le fait de reconnaître cela change tout. En fait, c’est l’Esprit qui enflamme et anime la mission, il l’imprègne des connotations « génétiques », des accents et des mouvements singuliers qui font de l’annonce de l’Évangile et de la confession de la foi chrétienne une autre chose par rapport à tout prosélytisme politique ou culturel, psychologique ou religieux.
MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS AUX ŒUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES
Donné à Rome, près Saint Jean de Latran, le 21 mai 2020, Solennité de l’Ascension du Seigneur