Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

Jésus marche dans nos villes pour ranimer l’espérance

Après avoir rappelé aux religieuses péruviennes que leur vocation est fondamentale pour l’Église, après son appel à l’unité aux évêques du Pérou, le Pape François, devant plus d’un million de fidèles, dimanche 21 janvier 2018, a célébré la messe sur la base aérienne de las Palmas, au sud de Lima, point d’orgue de son voyage au Pérou.

Christ de Pachacamilla - Le Seigneur des miracles - Sanctuaire des Nazaréens, (Lima, Pérou)
Christ de Pachacamilla – Le Seigneur des miracles – Sanctuaire des Nazaréens, (Lima, Pérou)

Cette cérémonie s’est déroulée sous le regard du Seigneur des miracles, cette image du Christ crucifié révéré par tout un peuple, et qui avait été déplacée de son sanctuaire lors d’un impressionnant cortège quelques jours auparavant.

Au cours de son homélie, le Saint-Père a repris les paroles avec lesquelles le Seigneur s’adresse à Jonas dans la première lecture : « Lève-toi, va à Ninive, la grande ville païenne, proclame le message que je te donne sur elle », tout comme dans l’Évangile, Jésus est en route vers la Galilée pour prêcher sa Bonne nouvelle.

Ces deux lectures nous révèlent Dieu en mouvement vers les villes d’hier et d’aujourd’hui. Le Seigneur se met en marche, et tout comme il va à Ninive ou en Galilée, il va aussi à Lima, à Trujillo et à Puerto Maldonado.

L’Emmanuel  est le Dieu qui veut « être toujours avec nous. » Il est dans la vie quotidienne du travail routinier, dans l’éducation des enfants avec espérance, dans l’intimité du foyer et dans le bruit assourdissant de nos rues.

Ceux qui sont laissés au bord du chemin

Les « Ninive » existent aujourd’hui. Nous aussi nous pouvons avoir le « syndrome de Jonas », avoir la tentation initiale de fuir l’appel du Seigneur. Ces raisons de s’échapper ne manquent pas.

En regardant la ville nous pourrions constater qu’aux côtés de ceux qui ont les moyens de survivre, beaucoup sont laissés sur le bord du chemin et il est douloureux  de constater que, très souvent, parmi ces “restes urbains” on distingue des visages de beaucoup d’enfants et d’adolescents.

Les villes ne doivent pas devenir le lieu de l’indifférence, qui nous transforme en des personnes anonymes et sourdes vis-à-vis des autres, qui nous font devenir des êtres impersonnels au cœur insensible.

L’Évangile, un antidote contre l’indifférence

Lorsque Jésus entre en Galilée, c’est pour annonce la proximité du Royaume de Dieu, et l’Évangile nous rappelle la joie que cela produit de savoir que Dieu est au milieu de nous. Cet Évangile a été porté jusqu’à nous dans l’histoire depuis les apôtres, en passant par les saints péruviens Rose de Lima, saint Torobio, Martin de Porres, Jean Macias, François Solano. « Il est parvenu jusqu’à nous pour être de nouveau un antidote renouvelé contre la globalisation de l’indifférence. »

Jésus a invité ses disciples à vivre aujourd’hui ce qui a saveur d’éternité : l’amour de Dieu et du prochain et il le fait de la seule manière dont il peut le faire, avec son amour miséricordieux. En parcourant les villes avec ses disciples, Jésus change leur regard, il leur montre de nouvelles urgences, lui qui a prêté attention à ceux qui ont succombé sous le manteau de l’indifférence, lapidés à cause du grave péché de la corruption.

Jésus continue à marcher dans nos rues

Combien, aujourd’hui encore Jésus continue à marcher dans nos rues ! Comme hier il continue à frapper aux portes, à frapper aux cœurs pour rallumer l’espérance et les aspirations : que l’avilissement soit surmonté grâce à la fraternité, l’injustice vaincue par la solidarité et la violence réduite au silence par les armes de la paix.

Dieu ne se lasse pas ni ne se lassera jamais de marcher pour rejoindre ses enfants, chacun d’entre eux. « Comment ferons-nous face à l’avenir s’il nous manque l’unité ? Comment Jésus parviendra-t-il à tant de lieux reculés si des témoins courageux et audacieux manquent ? » Le Seigneur invite chacun à parcourir la ville avec lui, à être son disciple missionnaire et à faire résonner dans nos vie cette certitude qu’il est avec nous.

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A l’issue de la messe finale à Lima,  le Souverain pontife a pris la parole pour adresser ses remerciements au peuple péruvien, ses dirigeants et son Église, qui l’ont accueilli pendant trois jours.

« J’ai commencé mon pèlerinage parmi vous en disant que le Pérou est une terre d’espérance. Terre d’espérance par la biodiversité dont elle est dotée et par la beauté d’une géographie capable de nous aider à découvrir la présence de Dieu. »

« Terre d’espérance par la richesse de ses traditions et des coutumes qui ont marqué l’âme de ce peuple. Terre d’espérance en raison des jeunes qui ne sont pas l’avenir mais le présent du Pérou. A eux, je leur demande de découvrir dans la sagesse de leurs grands-parents, de leurs anciens, l’ADN qui a guidé vos grands saints. Qu’ils ne soient pas déracinés »

« Grands-parents et anciens, ne vous lassez pas de transmettre aux jeunes générations les racines de votre peuple et la sagesse concernant le chemin pour parvenir au ciel. Je vous invite tous à ne pas avoir peur d’être les saints du XXIème siècle. »

« Chers frères péruviens, vous avez tant de raisons d’espérer, je l’ai vu, je l’ai ‘‘touché’’ en ces jours. Gardez l’espérance. Il n’y a pas de meilleure manière de garder l’espérance que de rester unis, pour que toutes les raisons qui la soutiennent, grandissent chaque jour davantage. »

« L’espérance en Dieu ne déçoit pas » (cf. Rm 5, 5).

« Je vous porte dans mon cœur. Que Dieu vous bénisse ! Et, s’il vous plaît, je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi. »

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Puis le Souverain Pontife s’est envolé de l’aéroport de Lima dimanche soir vers 19 heures locales pour rentrer à Rome. Il achève ainsi son 22 ème voyage apostolique, le 6ème de son pontificat en Amérique Latine.

la prière du Pape devant les reliques de saints péruviens

Martin de Porres
Martin de Porres
Toribio de Mogrovejo, archevêque de Lima
Toribio de Mogrovejo, archevêque de Lima
Rose de Lima
Rose de Lima

Le Pape François a prié dans la cathédrale Saint-Jean de l’Apôtre de Lima devant les reliques des cinq grands saints péruviens: Toribio de Mogrovejo(+1606), Rosa de Lima († 1617), Martin de Porres (+1579), Francisco Solano (+1610) et Jean Macias (+1645), qui avait été transférés à la cathédrale de Lima pour l’occasion. Dans sa prière, le Saint-Père a appelé à suivre les traces de ces saints pour vivre et annoncer au monde la joie de l’Évangile.

Prière sur les reliques des saints péruviens

Francisco Solano
Francisco Solano
Jean Macias
Jean Macias

«Dieu notre Père, qui par Jésus-Christ a institué ton Église sur le roc des Apôtres, pour que, guidée par l’Esprit Saint, elle soit dans le monde signe et instrument de ton amour et de ta miséricorde, nous te rendons grâce pour les bienfaits que tu as accomplis dans notre Église à Lima.

Nous Te remercions en particulier pour la sainteté qui a fleuri sur notre terre. Notre Église archidiocésaine, fécondée par le travail apostolique de saint Turibio de Mogrovejo ; renforcée par la prière, la pénitence et la charité de sainte Rose de Lima et de saint Martin de Porrès ; embellie par le zèle missionnaire de saint François Solano et par l’humble service de saint Jean Macias ; bénie par le témoignage de vie chrétienne d’autres frères fidèles à l’Évangile, Te remercie pour ton action dans notre histoire et Te demande la fidélité à l’héritage reçu.

Aide-nous à être une Église en sortie, en nous faisant proches de tous, en particulier des moins favorisés ; apprends-nous à être des disciples-missionnaires de Jésus-Christ, le Seigneur des Prodiges, en vivant de l’amour, en recherchant l’unité, et en pratiquant la miséricorde, pour que, protégés par l’intercession de Notre-Dame de l’Évangélisation, nous vivions et annoncions au monde la joie de l’Évangile.»

 

couronnement de la Vierge de la Porte à Trujillo

couronnement de la Vierge de la Porte à Trujillo

Ce samedi 20 janvier 2018, après sa rencontre avec les prêtres, consacrés et séminaristes péruviens, les invitant à se remémorer leurs racine, à un témoignage enthousiaste et à se rappeler avec joie de leur vocation, le Pape François, lors d’une veillée mariale,  place de Las Armas, au coeur de la ville, a rendu hommage à la piété populaire au Pérou en couronnant la «Virgen de la Puerta» («Vierge de la Porte»), portée en procession dans les rue deTrujillo.

Cette statue de Marie vient du sanctuaire d’Otuzco, un village de montagne situé à 75 kilomètres de Trujillo. Le 15 janvier, elle a été transportée en procession jusqu’à la cathédrale de la ville, accompagnée de milliers de personnes chantant et dansant, d’orchestres multicolores.

Parmi eux: «los negritos d’Otuzco», d’anciens travailleurs pauvres descendant d’esclaves d’Afrique, qui portaient une grande vénération pour la Vierge dont ils estiment qu’elle les a affranchis de leur servitude. Cette foi du peuple est chère au Pape François qui ne cesse de vanter ses richesses et son apport à la vie de l’Église locale.

 

La cérémonie très recueillie était placée sous la protection de la «Vierge de la Porte», patronne du Nord du Pérou, particulièrement vénérée dans le pays. Images de Vierges et de saints de la région avaient convergé à cette occasion, incarnant cette fois populaire très enracinée chez les Péruviens.

« Nous sommes réunis aujourd’hui pour nous retrouver avec la ‘‘Petite Mère de Otzuco’’», a dit le Pape avec affection, en évoquant cette Vierge de la Porte, placée sur la tribune installée pour cette veillée, devant la cathédrale. «Sur cette place, on veut faire trésor de la mémoire d’un peuple qui sait que Marie est Mère et qu’elle n’abandonne pas ses enfants», thématique de la mère protectrice évoquée en Amazonie.

Le Pape a également salué les autres images et statues de Vierges ou de saints qui avaient également été portés en procession jusqu’au centre de Trujillo, comme Notre-Dame de Grandes Grâces de Huamachuco, la Vierge de l’Assomption d’Usquil ou encore les reliques des Martyrs Conventuels de Chimbote, ville située sur la côte pacifique, au sud de Trujillo.

Au total elles étaient quarante à avoir rejoint le centre de Trujillo ces derniers jours, chacune portée avec ferveur par les peuples de ses villes et villages alentour.

«Chaque communauté, chaque petite localité de ce territoire est assistée par le visage d’un saint, par l’amour pour Jésus Christ et pour sa Mère.» «Là où il y a de la vie et des cœurs qui battent et qui sont désireux de trouver des raisons pour espérer, pour chanter, pour danser, pour vivre dignement.»

Marie, une mère métisse

Dieu se rend proche de chacun,  de manière à ce qu’on puisse le recevoir, «la langue de l’amour de Dieu, c’est toujours un dialecte». C’est dans cette Amérique Latine et plus particulièrement dans ce pays andin qu’est le Pérou que la Vierge manifeste sa proximité en adoptant les traits caractéristiques de ses enfants. Ainsi «Marie sera toujours une Mère métisse, parce que dans son cœur tous les sangs trouvent une place.»

‘‘Mère de la Miséricorde et de l’Espérance’’. C’est une Vierge qui a montré son amour pour les enfants de cette terre, quand placée sur une porte, elle les a défendus et les a protégés des menaces qui les affectaient, suscitant l’amour de tous les Péruviens jusqu’à nos jours. «Elle nous accompagne et nous conduit jusqu’à la Porte qui donne la Vie, parce que Jésus ne veut que personne reste dehors, à la merci de l’intempérie.» 

Le Pape est revenu sur l’année jubilaire de la miséricorde qu’il a convoquée il y a deux ans, formulant un vœu pour le Pérou: «que cette terre habitée par la Mère de la Miséricorde et de l’Espérance puisse démultiplier et apporter la bonté et la tendresse de Dieu en tout lieu.»

La violence faite aux femmes

Le Pape a conclu son discours en rendant hommage à d’autres figures maternelles qui marquent l’histoire péruvienne, à savoir les mères et les grand-mères. «Que serait notre vie sans elles! L’amour pour Marie doit nous aider à avoir des attitudes de reconnaissance et de gratitude envers la femme, envers nos mères et nos grands-mères qui sont un rempart dans la vie de nos cités. Presque toujours silencieuses, elles font avancer la vie.»

Le Souverain pontife a enfin dénoncé le fléau du féminicide, qui affecte particulièrement le continent américain, invitant à lutter contre cette source de souffrance. «Il y a de nombreuses situations de violence qui sont étouffées derrière tant de murs»,

«La Vierge de la Porte, Mère de la Miséricorde et de l’Espérance nous montre le chemin et nous indique la meilleure protection contre le mal de l’indifférence et de l’insensibilité.»