Le Voyage apostolique en Colombie est terminé. Le Pape François est rentré au Vatican en début d’après-midi, ce lundi 11 septembre 2017. Le Pape s’est immédiatement rendu à la basilique Sainte-Marie-Majeure pour un temps de prière d’actions de grâce devant l’icône de la Vierge « Salus Populi Romani« , comme il l’a déjà fait plus de 50 fois depuis le début de son pontificat.
Durant ce long voyage de 11h, le Pape a adressé un tweet aux «frères colombiens». «J’ai connu de nombreuses personnes qui m’ont touché le cœur. Vous m’avez fait tellement de bien!»
Dans l’avion qui le ramenait de Carthagène à Rome, sa conférence de presse de retour de son voyage a duré une quarantaine de minutes. Le pape y a répondu entre autres à une question sur la corruption.
La Colombie a souffert de violence pendant des décennies à cause d’un conflit armé et à cause du narcotrafic. Même si la corruption dans notre pays n’est pas nouvelle, maintenant qu’il n’y a plus de nouvelles sur la guerre, elle est devenue très visible. Que faire de ce fléau ? Comment châtier les corrompus ? Faut-il les excommunier ?
Le corrompu a-t-il le pardon ? Je me le suis demandé quand il y a eu, dans la province de Catamarca en Argentine, un cas de mauvais traitement et d’abus, de violence sur une petite fille et les pouvoirs politiques étaient impliqués dans cette histoire. J’ai écrit un petit livre intitulé « Péché et corruption ». Nous sommes tous pécheurs et nous savons que le Seigneur est proche de nous et ne se lasse pas de pardonner. Le pécheur demande pardon, le problème est que le corrompu se lasse de demander pardon et oublie comment demander pardon : c’est un état d’insensibilité devant les valeurs, l’exploitation des personnes… c’est très difficile d’aider un corrompu mais Dieu peut le faire.
Le Pape François a conclu en se référant une fois de plus à la Colombie, ce qui l’impressionne beaucoup, en particulier les pères et les mères qui ont élevé leurs enfants et désirant être bénis.«C’est un symbole du futur, de l’espoir.»Un peuple «capable d’avoir des enfants et de les montrer comme s’il s’agissait d’un trésor, c’est un peuple qui a de l’espoir et qui a de l’avenir.»
Troisième Pape à se rendre en Colombie, après Paul VI en 1968 et Jean-Paul II en 1986, le Pape François a voulu entreprendre ce 20e voyage apostolique pour encourager le processus de réconciliation de la nation colombienne.
Au cinquième jour de son voyage en Colombie, dans la ville de Carthagène, lors de l’angélus dominical qu’il a présidé le 10 septembre 2017 devant l’église Saint-Pierre Claver de Carthagène, le Pape a affirmé : « Ce sont les pauvres, les humbles, qui contemplent la présence de Dieu ; c’est à eux que se révèle le mystère de l’amour de Dieu avec le plus de clarté. » Le pape a évoqué la situation du Venezuela, en concluant l’Angélus dominical.
Notre Dame de Chiquinquirá
Chers frères et sœurs,
Peu avant de rentrer dans cette église où sont conservées les reliques de saint Pierre Claver, j’ai béni les premières pierres de deux institutions destinées à offrir de l’assistance à des personnes dans de graves besoins et j’ai visité la maison de Madame Lorenza, où elle accueille chaque jour beaucoup de nos frères et sœurs pour leur donner de la nourriture et de l’affection.
Ces rencontres m’ont fait beaucoup de bien, parce que là, on peut voir comment l’amour de Dieu se rend concret, se rend quotidien.
Tous ensemble, nous prierons l’Angélus, en nous souvenant de l’Incarnation du Verbe. Et nous pensons à Marie, qui a conçu Jésus et lui a donné naissance. Nous la contemplons ce matin sous l’invocation de Notre Dame de Chiquinquirá.
Comme vous le savez, pendant longtemps, cette image a été abandonnée ; elle a perdu ses couleurs, elle était restée abîmée et trouée. Elle était traitée comme un morceau de vieux sac, utilisée sans aucun respect jusqu’à ce qu’on finisse par la jeter.
C’est alors qu’une femme simple, la première dévote de la Vierge de Chiquinquirá qui, selon la tradition s’appelait María Ramos, a vu en cette toile quelque chose de différent. Elle a eu le courage et la foi de placer cette image floue et détériorée en un lieu en vue, lui redonnant sa dignité perdue. Elle a su trouver et honorer Marie, qui tenait son Enfant dans les bras, précisément dans ce qui pour les autres était méprisable et inutile.
Ainsi, elle s’est faite le modèle de tous ceux qui, de diverses manières, cherchent à récupérer la dignité du frère abattu par la souffrance des blessures de la vie, de ceux qui ne se résignent pas et travaillent pour leur construire un logement digne, pour satisfaire leurs besoins urgents et, surtout, qui prient avec persévérance pour qu’ils puissent retrouver la splendeur d’enfants de Dieu qui leur a été arrachée.
Le Seigneur nous enseigne à travers l’exemple des humbles et de ceux qui ne comptent pas.
Oui il a concédé à María Ramos, une femme modeste, la grâce d’accueillir l’image de la Vierge dans la pauvreté de cette toile abîmée, oui il a accordé à Isabel, une femme indigène, et à son fils Miguel, le privilège d’être les premiers à voir ce tableau de la Vierge transformé et restauré.
Ils ont été les premiers à regarder avec des yeux simples ce morceau de toile totalement nouveau et à y voir la splendeur de la lumière divine qui transforme et renouvelle toute chose. Ce sont les pauvres, les humbles, qui contemplent la présence de Dieu ; c’est à eux que se révèle le mystère de l’amour de Dieu avec le plus de clarté.
Eux, les pauvres et les personnes simples, ont été les premiers à voir la Vierge de Chiquinquirá et sont devenus ses missionnaires, des annonciateurs de la beauté et de la sainteté de la Vierge.
Et dans cette église, nous prierons Marie, qui s’est désignée elle-même comme ‘‘l’esclave du Seigneur’’, et saint Pierre Claver l’‘‘esclave des noirs pour toujours’’, comme il s’est fait appeler dès le jour de sa profession solennelle.
Il attendait les navires qui arrivaient de l’Afrique au principal marché d’esclaves du Nouveau Monde. Bien des fois, il les attendait uniquement avec des gestes évangélisateurs, en raison de l’impossibilité de communiquer avec eux, à cause de la différence de langues.
Cependant, Pierre Claver savait que le langage de la charité et de la miséricorde était compris par tous. De fait, la charité aide à comprendre la vérité et la vérité réclame des gestes de charité. Quand il éprouvait de la répugnance envers eux, il baisait leurs plaies.
Austère et rempli de charité jusqu’à l’héroïsme, après avoir soulagé la solitude de centaines de milliers de personnes, il a passé les quatre dernières années de sa vie, malade et dans sa cellule, dans un état épouvantable d’abandon.
Effectivement, saint Pierre Claver a témoigné admirablement de la responsabilité et de l’intérêt que chacun d’entre nous doit avoir pour ses frères. Pour les autres, ce saint a été accusé injustement d’être indiscret par son zèle et a dû affronter de dures critiques ainsi qu’une opposition persistante de la part de ceux qui craignaient que son ministère n’entrave le commerce lucratif d’esclaves.
Cependant aujourd’hui, en Colombie et dans le monde, des millions de personnes sont vendues comme esclaves, ou bien mendient un peu d’humanité, un moment de tendresse, prennent la mer ou la route, parce qu’elles ont tout perdu, à commencer par leur dignité et leurs propres droits.
Notre Dame de Chiquinquirá et Pierre Claver nous invitent à travailler pour la dignité de tous nos frères, spécialement pour les pauvres et pour les personnes marginalisées par la société, pour ceux qui subissent la violence et la traite.
Tous, ils ont leur dignité et sont une image vivante de Dieu. Nous avons tous été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, et la Vierge nous tient tous dans ses bras comme des enfants chéris.
Adressons, à présent, notre prière à la Vierge Mère, pour qu’elle nous fasse découvrir, dans chacun des hommes et des femmes de notre temps, le visage de Dieu.
Angelus Domini…
Chers frères et sœurs,
De cet endroit, je voudrais assurer que je prie pour chacun des pays latino-américains, et de manière spéciale pour le Venezuela voisin. J’exprime ma proximité à chacun des fils et des filles de cette nation bien-aimée, ainsi qu’à ceux qui ont trouvé en cette terre colombienne un lieu d’accueil.
De cette ville, siège des droits humains, je lance un appel pour que tout genre de violence soit rejeté dans la vie politique et qu’on trouve une solution à la grave crise en cours et qui touche tout le monde, surtout les plus pauvres et les plus démunis de la société. Que la Très Sainte Vierge intercède pour tous les besoins du monde et de chacun de ses enfants.
Je salue tous ceux qui sont présents, venus de différentes localités, ainsi que ceux qui suivent cette visite par la radio et la télévision. À vous tous je souhaite un bon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.
Vous voulez la bénédiction?
[Tous: “Oui!”]
Que chacun de nous, avant de recevoir la bénédiction, pendant un instant de silence, place dans son cœur les noms des personnes que nous aimons le plus. Le nom des personnes qui nous aiment et les noms des personnes dont on sait qu’elles ne nous aiment pas.
Pour eux tous, et pour chacun, nous demandons la bénédiction. Pour tous. Que Dieu vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint Esprit.
Ce dimanche 10 septembre, dernière étape du voyage apostolique du Pape en Colombie , le Pape François est arrivé à Carthagène des Indes, la perle touristique et coloniale du pays, une ville portuaire fortifiée du 16ème siècle qui s’ouvre sur les Caraïbes, dans le nord de la Colombie.
Son centre historique, classé au patrimoine mondial de l’Unesco dès 1984 pour son intérêt artistique et culturel, attire les touristes. Pourtant, quelque 294.000 Carthaginois vivent dans la pauvreté, dont plus de 55.000 dans la rue. Une population qui représente un tiers du million d’habitants de la ville.
Le Pape voit certains d’entre eux à son arrivée à Carthagène des Indes. Dans le quartier de Getsemani, place de San Francisco, il rencontre une centaine de fidèles, avant de poser la première pierre de deux maisons qui leur sont destinées. L’une est mise à disposition de personnes défavorisées, actuellement sans abri, l’autre à des jeunes filles aidées par «Talitha Kum».
Le réseau international de lutte contre la traite et la prostitution, mis en place par l’Union des supérieures générales, prend actuellement près de 70 jeunes filles en charge, mais il est prévu de multiplier ce chiffre pour venir en aide à au moins 500 fillettes et adolescentes ces prochaines années, avec le soutien de l’archevêché.
Le pays des inégalités sociales
La Colombie est l’un des rare pays d’Amérique latine à afficher une croissance positive, mais la pauvreté y est très présente. A l’échelle nationale, elle affecte 18 % des 48 millions de Colombiens. Les 50 ans de conflit armé entre les Farc et les autorités n’ont pas été sans avoir un impact en termes socio-économiques.
Aujourd’hui, avec la signature des accords de paix l’an dernier à Carthagène, on espère que le pays puisse tirer pleinement profit de son potentiel de développement.
Après la bénédiction des deux pierres, le Pape se rend à pied chez Lorenza Pérez, une femme noire corpulente et radieuse de 77 ans qui travaille depuis plus de 50 ans comme volontaire, préparant des repas pour ses voisins dans la maison communautaire du vieux quartier de San Francisco, construit illégalement il y a 50 ans et qui compte aujourd’hui 8.000 habitants, en majorité des noirs descendants d’esclaves.
Le Pape en personne a demandé à visiter ce Barrios de Carthagène. Avant de rencontrer le Pape, Lorenza a prié le Seigneur pour recevoir sa bénédiction.
«Ces rencontres m’ont fait beaucoup de bien, a dit le Souverain Pontife, parce que là, on peut voir comment l’amour de Dieu se rend concret, se rend quotidien». Et d’ajouter : «Ce sont les pauvres, les humbles, qui contemplent la présence de Dieu ; c’est à eux que se révèle le mystère de l’amour de Dieu avec le plus de clarté».
Saint Pierre Claver
A bord de la papamobile, le Pape François s’est rendu ensuite à l’Église Saint Pierre Claver. Il y a prié l’Angélus, la prière traditionnelle de dévotion mariale, à l’extérieur de l’église avec les fidèles de Carthagène, les invitant à faire attention à l’exemple des pauvres et humbles de la Terre.
Puis il a visité la maison du Sanctuaire de Saint Pierre Claver (1581-1654). Ce bienheureux jésuite espagnol a passé quarante années de sa vie au service des victimes de la traite des esclaves, les nourrissant, les habillant, les soignant et les consolant. Il est mort d’épuisement.
«Saint Pierre Claver a témoigné admirablement de la responsabilité et de l’intérêt que chacun d’entre nous doit avoir pour ses frères. Il nous invite à travailler pour la dignité de tous nos frères, spécialement pour les pauvres et pour les personnes marginalisées par la société, pour ceux qui subissent la violence et la traite», a dit le Pape.
Il a prié devant les reliques du missionnaire et remis une croix de fer et de cristal au recteur du sanctuaire. Lors de cette visite, François a rencontre quelques 300 afro-américains aidés par des jésuites colombiens, avant d’échanger en privé avec une soixantaine d’entre eux.
La dernière messe en Colombie
Dans l’après-midi à Carthagène, vers 22h30 en Europe, le Pape François retrouve dans la cathédrale métropolitaine un groupe de 300 malades qui suit sur place la messe que le Pape célèbre à 10km de là dans la base portuaire de la ville pouvant accueillir jusqu’à 800 000 personnes. Il est accueilli sur place par des travailleurs des docks.
A Carthagène, Juan Pablo Escobar, le fils d’un des plus grands narcotrafiquants de ces dernières décennies, en compagnie de Jorge Lara, dont le père, Rodrigo Lara, assassiné par les hommes de Pablo Escobar alors qu’il était ministre de la justice, en 1984, doivent rencontrer le Pape et prier pour la réconciliation de la Colombie.
Puis, depuis l’aéroport de Carthagène, le Pape regagne Rome, où il est attendu autour de 12h40 ce lundi.