Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

La guerre est une folie

13-09-2014 source : Radio Vatican

Émotion, prière et recueillement au cimetière militaire italien de Redipuglia, dans la région du Frioul-Vénétie-Julienne, non loin de la frontière avec la Slovénie. C’est là que le Pape François a effectué ce samedi matin un pèlerinage dans ce lieu où sont enterrés quelque cent mille soldats italiens dont soixante mille ne portent pas de nom, tous victimes des terribles combats qui eurent lieu dans cette région au cours de la Première Guerre mondiale. Sous un ciel couvert et parfois pluvieux, le Pape y a célébré la messe en mémoire des victimes de toutes les guerres en compagnie notamment des archevêques de Zagreb et de Vienne. Ce déplacement s’inscrit dans le cadre des commémorations du centenaire de la Grande Guerre mais le Pape a voulu élargir sa prière et embrasser toutes les victimes. C’est pourquoi, avant de se rendre dans le cimetière de Redipuglia, il est allé prier devant le monument central du cimetière austro-hongrois de Fogliano, situé à quelques mètres du sanctuaire italien.

Dans son homélie, le Pape a répété cette phrase, cette « devise narquoise de la guerre : que m’importe ? » soulignant ainsi l’une des causes premières de tout conflit, l’indifférence à son prochain, à l’image de Caïn envers Abel.

« La guerre est une folie » : une évidence que le Pape souligne dès le début, expliquant clairement que « son plan de développement est la destruction » de la Création mais aussi de « ce que Dieu a créé de plus beau : l’être humain ». Aux racines de ce mal, « la cupidité, l’intolérance, l’ambition du pouvoir ». Mais surtout, quand l’idéologie ne justifie même plus la guerre, l’indifférence, celle qui fit dire à Caïn : « que m’importe ?  Suis-je le gardien de mon frère ?». Depuis le début du vingtième siècle, le monde a été confronté à deux guerres mondiales, et même une troisième selon le Pape, « combattue par morceaux, avec des crimes, des massacres, des destructions ». Et cela à cause de l’humanité qui a dit : « que m’importe ? ».

Derrière cette formule, se cache une réalité bien concrète. Celle « des intérêts, des plans géopolitiques », de « l’avidité de l’argent et du pouvoir », celle de « l’industrie des armes qui semble être tellement importante ! ». « Ces planificateurs de la terreur, ces organisateurs de l’affrontement, comme également les marchands d’armes, ont écrit dans leurs cœurs : que m’importe ? » « Le cœur corrompu » de ces « affairistes de la guerre » « a perdu la capacité de pleurer ». C’est Caïn qui règne en maître sur notre monde marqué par tant de conflits.

Prier pour toutes les victimes

Or, cette attitude est à l’opposé du message de Jésus qui nous enseigne que « celui qui prend soin du frère entre dans la joie du Seigneur ». Pour que les cœurs ne s’assèchent pas, le Pape demande donc la conversion du cœur : passer de cette indifférence aux larmes, non seulement pour les victimes de la Première Guerre mondiale mais pour « toutes les victimes de la folie de la guerre, en tout temps ». A l’aridité des faiseurs de guerre qu’il dénonce avec force, le Pape demande à l’humanité de pleurer car elle en a besoin.

correction fraternelle avec amour, humilité

12-09-2014 source : Radio Vatican

La vraie correction fraternelle est belle et douloureuse à la fois, mais doit toujours s’exercer avec amour, en vérité et avec humilité. Si nous ressentons un plaisir à corriger notre prochain, alors cela ne vient pas de Dieu. Voilà en résumé le thème développé par le Pape François dans l’homélie de la messe célébrée ce vendredi matin en la chapelle de la Maison Sainte Marthe au Vatican, en ce jour de la fête liturgique du Très Saint Nom de Marie.

Dans l’Évangile du jour, Jésus met en garde ceux qui voient la paille dans l’œil de leur frère et ne se rendent pas compte de la poutre qui se trouve dans leur propre œil. Commentant ce passage de l’Évangile, le Pape François revient sur le thème de la correction fraternelle qu’il avait déjà abordé ces jours-derniers. Avec pour idée centrale: il faut corriger notre prochain avec charité:

“Nous ne pouvons corriger un personne sans amour et sans charité. On ne peut en effet réaliser une intervention chirurgicale sans anesthésie: c’est impossible, parce que sinon le patient meurt de douleur. Et la charité représente comme une anesthésie qui aide à recevoir le traitement et accepter la correction. Il faut donc prendre notre prochain à part, avec douceur, avec amour et lui parler”.

Deuxièmement  il faut parler en vérité: “ne pas dire des choses qui ne sont pas vraies. Il arrive si souvent que dans notre entourage nous disions des choses à propos d’autres personnes qui ne sont pas vraies: cela s’appelle de la calomnie. Ou si elles sont vraies, on s’arroge le droit de détruire la réputation de ces personnes”. “Les commérages blessent; ils représentent des gifles à la réputation de telle ou telle personne, ce sont des gifles portées au cœur de l’autre”. Certes, “quand quelqu’un te dit la vérité, ce n’est pas facile de l’entendre, mais si cette vérité est dite avec charité et avec amour, c’est plus facile de l’accepter”. Donc, “il faut absolument parler des défauts des autres” avec charité.

La troisième chose, il faut corriger avec humilité: “Si tu dois corriger un petit défaut chez l’autre, pense tout d’abord que tu en as personnellement de tellement plus gros”:

“La correction fraternelle est une action pour guérir le corps de l’Église. Il y a un trou, là, dans le tissu de l’Église, qu’il faut absolument recoudre. Et comme les mères et les grands-mères le font quand elles reprisent un vêtement, avec tellement de délicatesse, c’est de la même manière que nous devons exercer cette correction fraternelle. Si tu n’es pas capable de l’exercer avec amour, avec charité, dans la vérité et avec humilité, tu risques d’offenser, de détruire le cœur de cette personne, tu ne feras qu’ajouter un commérage qui blesse, et tu deviendras un aveugle hyprocrite, comme le dit Jésus. ‘Hypocrite, enlève d’abord la poutre de ton œil…’ Hypocrite ! Reconnais que tu es plus pécheur que ton prochain, mais que toi comme frère tu dois le corriger”.

“Un signe qui peut-être peut nous aider, c’est le fait de ressentir “un certain plaisir” quand” l’on voit quelque chose qui ne vas pas” et que l’on estime qu’il nous faut exercer une correction: il faut être “attentifs parce qu’alors cela ne vient pas du Seigneur”.

“Quand cela vient du Seigneur, il y a toujours la croix, et l’amour qui nous porte, la douceur. Ne nous transformons pas en juge. Nous chrétiens nous avons cette fâcheuse tentation: nous extraire du jeu du péché et de la grâce comme si nous étions des anges…Et bien non! C’est ce que Paul nous dit: ‘Il ne faut pas qu’après avoir prêché aux autres, nous soyons ensuite disqualifiés’. Et si un chrétien, dans sa communauté, ne fait pas les choses – également la correction fraternelle- dans la charité, en vérité et avec humilité, il est disqualifié! Il est tout sauf un chrétien mature. Prions donc afin que le Seigneur nous aide à exercer ce service fraternel, si beau mais si douloureux, d’aider nos frères et nos sœurs à devenir meilleurs, et qu’il nous aide à le faire toujours avec charité, en vérité, et avec humilité”.

L’Évangile renverse les critères du monde

11-09-2014 source : L’Osservatore Romano

Être chrétien signifie être «un peu sots», tout au moins selon la logique mondaine. Et en aucune façon autoréférentiels, au point que nous ne réussissons à rien faire seuls et, précisément pour ne pas nous effrayer, la grâce de Dieu vient à notre secours. Ce sont les lignes fondamentales de la vie chrétienne, axée sur la nouveauté de l’Évangile qui renverse les critères du monde, qui ont été reproposées par le Pape François au cours de la Messe célébrée ce matin, jeudi 11 septembre, dans la chapelle Sainte-Marthe.

En invitant à lire et à relire, même quatre fois si nécessaire, le sixième chapitre de l’Évangile de saint Luc – la liturgie d’aujourd’hui nous propose en particulier les versets 27-38 — le Pape a rappelé que Jésus nous a donné «la loi de l’amour: aimer Dieu et nous aimer comme des frères». Il nous demande tout d’abord d’«aimer». Et nous nous demandons «mais qui dois-je aimer?». Il nous répond «vos ennemis». Ainsi, surpris, nous demandons une confirmation: précisément nos ennemis? «Oui» nous dit le Seigneur, précisément «nos ennemis!».

Ensuite, il nous demande aussi de «bénir ceux qui nous maudissent». Et de ne pas «prier» seulement «pour ma mère, pour mon père, mes enfants, la famille», mais «pour ceux qui nous traitent mal». Et de «ne pas refuser à celui qui te demande » quelque chose. La «nouveauté de l’Évangile» consiste à «se donner soi-même, à donner son cœur, précisément à ceux qui nous veulent du mal, qui nous font mal, à nos ennemis». On lit dans le passage de Luc: «Ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le pareillement pour eux. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quel gré vous en saura-t-on?». Ce serait un simple «échange: tu m’aimes, je t’aime».

Tout ce raisonnement de Jésus conduit à une forte conclusion: «Aimez, en revanche, vos ennemis. Faites du bien et prêtez sans rien espérer. Sans intérêt. Et votre récompense sera grande. Et ainsi, vous serez des fils du Très-Haut».

Il est donc évident que «l’Évangile est une nouveauté difficile à mener de l’avant». En un mot, cela signifie «suivre Jésus». L’imiter. Jésus ne répondit pas à son Père «j’irai et je dirai quatre mots, je ferai un beau discours, j’indiquerai la voie et puis je reviendrai». Non, la réponse de Jésus au Père est: «Je ferai ta volonté». Et en effet, dans le jardin des Oliviers, il dit au Père: «Que ta volonté soit faite». Ainsi «il donne sa vie non pour ses amis» mais «pour ses ennemis!».

La vie chrétienne telle que nous la présente Jésus semble vraiment «une sottise». Saint Paul lui-même, du reste, parle de la «folie de la croix du Christ qui n’a rien à voir avec la sagesse du monde». C’est pourquoi, «être chrétien est, dans un certain sens, devenir sot». Et «renoncer à cette malice du monde pour faire tout ce que Jésus nous dit de faire. Et si nous faisons les comptes, si nous faisons un bilan, il semble en notre défaveur». Mais «la voie de Jésus» est «la magnanimité, la générosité, se donner soi-même sans mesure».