Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

Compassion, partage, Eucharistie

03-08-2014 source : Radio Vatican

Compassion, partage, Eucharistie, c’est le chemin que nous indique Jésus. Le Pape François l’a rappelé ce dimanche lors de la prière de l’angélus en commentant l’Évangile du jour qui relate le miracle de la multiplication des pains et des poissons par Jésus afin de nourrir la foule. (Mt 14,13-21). Le Saint-Père s’est attardé sur le sens de ce geste qui nous livre trois messages. 

Le premier est la compassion. « Face à la foule qui le suit, Jésus ne réagit pas avec irritation, mais il éprouve de la compassion, parce qu’il sait que la foule ne le cherche pas par curiosité, mais par nécessité. Et le signe de cette compassion sont les nombreuses guérisons opérées par Jésus. Le Christ nous apprend à faire passer les besoins des pauvres avant les nôtres. Nos besoins, même s’ils sont légitimes, précise le Saint-Père, ne seront jamais aussi urgent que ceux des pauvres, qui n’ont pas le minimum indispensable pour vivre ».

Le Pape invite au partage

 Le deuxième message de Jésus est le partage. Et le Pape invite à comparer la réaction des disciples face à la foule fatiguée et affamée, à celle de Jésus. « Les disciples pensent qu’il convient de congédier la foule afin qu’elle puisse aller chercher de la nourriture. Jésus lui, les invite à lui donner à manger ». Deux réactions différentes qui « reflètent deux logiques opposées ».

« Les disciples raisonnent selon le monde, où chacun doit penser à soi-même, Jésus, en revanche, pense selon la logique de Dieu, qui est celle du partage ». Combien de fois avons-nous détourné le regard pour congédier les pauvres. C’est une façon éduquée de dire « débouillez-vous tout seul. C’est de l’égoïsme ».

Comment recevoir l’Eucharistie

Le miracle des pains annonce l’Eucharistie. C’est le troisième message de Jésus. « Il est visible dans le geste du Christ qui “récite la bénédiction” avant de rompre le pain et de le distribuer à la foule. C’est le même geste que fera Jésus lors de la dernière Cène. Dans l’Eucharistie, Jésus ne donne pas de pain, mais le pain de la vie éternelle, il se donne lui-même, en s’offrant au Père par amour pour nous ».

« Celui qui reçoit l’Eucharistie, sans éprouver de compassion et le sens du partage ne chemine pas sur les traces de Jésus ». La compassion le partage et l’Eucharistie sont le chemin que Jésus nous indique dans l’Évangile. « Un chemin qui nous conduit à affronter avec fraternité les besoins de ce monde, mais qui nous mène au-delà de ce monde, parce qu’il provient de Dieu le Père et retourne à Lui ».

Sur la multiplication des pains, on peut lire aussi BENOÎT XVI Angelus du 31 juillet 2011

Quitter l’Irak n’est pas une solution

02-08-2014 source : L’Osservatore Romano

Entretien avec le patriarche de Babylone des Chaldéens

Une délégation d’évêques français s’est rendue en visite en Irak pour manifester sa solidarité à la communauté chrétienne. Au cours de la visite, la délégation a rencontré, entre autres, le patriarche de Babylone des Chaldéens, Louis Raphaël Ier Sako, qui a accordé à l’envoyé du quotidien «Le Figaro» cet entretien publié samedi. Le responsable d’une des plus anciennes Églises orientales chrétiennes, l’Église Chaldéenne, qui regroupe un million et demi de fidèles dont les deux tiers en diaspora, tire la leçon de la visite de solidarité, cette semaine dans le nord de l’Irak, d’une délégation de l’Église de France, conduite par le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon, venus rencontrer les réfugiés chrétiens qui ont été chassés de la ville de Mossoul, l’ancienne Ninive, par les islamistes. La délégation était composée de Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry et de Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’œuvre d’Orient qui a organisé le voyage.

A quoi peut servir une visite d’évêques français en Irak alors que les Chrétiens affrontent là une situation inextricable ?

Nous sommes tous conscients qu’il n’y a pas de solutions immédiates et magiques. Mais la délégation épiscopale française est la première à être vraiment venue sur place. Je la remercie donc particulièrement ainsi que tous les catholiques qu’elle représentait.

Craignez-vous d’autres Mossoul ailleurs en Irak ?

Il reste encore entre 400.000 et 500.000 chrétiens dans notre pays. Mais aujourd’hui c’est la peur qui domine.

Certains affirment que des Chrétiens seraient restés à Mossoul ?

Comment des chrétiens seraient restés ? C’est impossible psychologiquement. Il y a eu et il y a encore une panique puisque des musulmans partent aussi. Il n’y a plus de chrétiens à Mossoul. Tous sont réfugiés dans les villages chrétiens de la plaine de Ninive où ils sont accueillis par des familles chrétiennes, les paroisses ou les monastères. On estime que 1000 familles ont fui Mossoul les 18 et 19 juillet alors que cette ville a compté jusqu’à 25 000 chrétiens. Mais beaucoup de familles étaient parties dès le 10 juillet. Et dès 2006 un exode chrétien régulier et profond a commencé dans cette ville qui a connu d’autres persécutions comme l’assassinat de son évêque et de trois prêtres et diacres. Cette fois, c’est le dernier exode…

Vous voyez une négociation possible ?

Pour eux il n’y a qu’un choix : accepter ou refuser. Accepter c’est être sous leur contrôle. Refuser c’est être tué. Ils ont utilisé le mot « épée » pour définir leur relation avec les chrétiens : « entre vous chrétiens et nous musulmans, il n’y a que l’épée… ».

A quel horizon voyez-vous un rétablissement ?

Je ne sais pas mais je sais que c’est notre terre. C’est toute notre histoire. C’est ici qu’une partie de l’histoire des chrétiens a été écrite. Partir, c’est abandonner ce patrimoine, se couper de nos racines. Celui qui ne croit pas ou qui croit à sa manière est libre mais comme chrétien nous avons ici une vocation et un témoignage à donner. La base musulmane, la population, nous apprécient beaucoup. Un ministre musulman vient de me dire : « vous êtes des fleurs pour le pays, vous êtes formidables, vous n’avez pas de problèmes, vous êtes ouverts, vous êtes pacifiques ».

de Jean-Marie Guénois

Est-ce que l’on prie la Vierge Marie ?

Voici une page saisissante, décapante, ironique, dérangeante, au vitriol, injuste même, mais qui exprime un amour profond pour Celle que nous allons honorer de tout notre cœur au milieu de ce mois en son Assomption :

Mais, disait déjà Rimbaud :

est-ce que l’on prie la Vierge Marie ?

Il y a des années que l’on n’a pas entendu un « Je vous salue, Marie » dans une église, excepté, çà et là, durant ces heures de l’après-midi dont les vieilles dames sont seules à disposer, quand on ne leur fait pas promener leurs petits-enfants. A la messe, seul l’ange Gabriel fait résonner son salut sous les voûtes le jour de l’Annonciation. Encore est-il contesté par des prédicateurs qui croiraient aux petits hommes verts de la planète Mars plus volontiers qu’aux anges. Je sais un curé des plus braves qui se bat avec lui tous les ans comme pour le forcer à confesser qu’il n’existe pas, qu’il n’est qu’une forme émer­gente du subconscient de Marie prenant tout à coup le sentiment d’une mission. A la fin de ce genre de sermon, on se demande pourquoi les prêtres jugent nécessaire d’allumer des bougies pour parler psychanalyse.

Si encore la Vierge Marie découronnée en devenait une femme comme les autres ! Mais ce n’est même pas le cas. Je me rappelle une vaste campagne de presse contre la proclama­tion de la doctrine de « Marie Médiatrice ». L’on ne pouvait, nous disait-on, lui recon­naître cette qualité sans la retirer à son Fils, si bien que toutes les femmes, qui passent leur existence à s’interposer entre le père et les enfants, entre le monde et le mari, entre les garçons et entre les filles, qui reçoivent, les premières, tous les chocs de la vie en s’efforçant d’en protéger leur entourage, qui sont déléguées d’office aux deuils et aux douleurs, toutes les femmes, dis-je, seraient médiatrices par nature, excepté la Vierge Marie. Et que de fois nous aura-t-on mis en garde contre les excès d’une dévotion dont on se plaît à décrire les effets émollients et à moquer les manifestations, comme si le siècle était porté aux égarements mystiques, et comme s’il y avait de l’esprit à railler tant de misères et de souffrances qui n’auront retiré du monde que ce grain de chapelet, ce noyau d’espérance qu’emportent des doigts crispés.

Certes, l’exubérance crémeuse du plâtre colorié que j’ai devant les yeux à Saint-Antoine incline aux considérations pâtissières plus qu’aux âpres escalades métaphysiques, mais la faiblesse de la représentation n’empê­che pas que par son effacement, sa pureté, la promptitude de son acquiescement au divin, sa médiation initiale et crucifiée entre le visible et l’invisible, et par sa manière même de se dire « la servante du Seigneur », Marie soit, plus que l’image en bleu et or de la soumis­sion résignée puis triomphante, la figure évangélique de l’intelligence, et que l’on ait peu de chance de rien comprendre à l’Évan­gile si l’on ne s’arrête un instant devant elle, et si l’on ne prononce en soi-même le « je vous salue » qui fait doucement pivoter l’his­toire, pour l’exposer à l’éternité.

André Frossard , dans « Il y a un autre monde », Fayard 1976