Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

Reconnaître et combattre les « bêtes » qui déchirent le cœur

Reconnaître et combattre les « bêtes » qui déchirent le cœur

Vices, passions désordonnées, avidité de richesse et de renommée : à l’Angélus, place Saint-Pierre, avant de commencer les exercices spirituels du Carême, le Pape met en garde contre ce qui séduit et dévore la liberté de l’homme et exhorte les fidèles à entrer dans le désert spirituel pour faire place à la voix de Dieu et des anges. Un appel fort est lancé pour arrêter les armes au Soudan, au Mozambique, en Ukraine et au Moyen-Orient.

LE PAPE FRANÇOIS

ANGELUS

Place Saint-Pierre
dimanche 18 février 2024

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Chers frères et sœurs, bonjour !

Aujourd’hui, premier dimanche du Carême, l’Évangile nous présente Jésus tenté dans le désert (voir Mc 1,12-15). Le texte dit : « Il resta quarante jours dans le désert, tenté par Satan ». Nous aussi, nous sommes invités pendant le Carême à « entrer dans le désert », c’est-à-dire dans le silence, dans le monde intérieur, à l’écoute du cœur, au contact de la vérité.

Dans le désert – ajoute l’Évangile d’aujourd’hui – le Christ « était avec les bêtes sauvages et les anges le servaient » (v. 13). Les bêtes sauvages et les anges étaient sa compagnie. Mais, dans un sens symbolique, ils sont aussi notre compagnie : lorsque nous entrons dans le désert intérieur, en effet, nous pouvons rencontrer des bêtes sauvages et des anges.

Bêtes sauvages. Dans quel sens? Dans la vie spirituelle, nous pouvons les considérer comme des passions désordonnées qui divisent le cœur en essayant de le posséder. Ils nous influencent, ils semblent séduisants mais, si nous n’y prenons pas garde, ils risquent de nous mettre en pièces.

On peut donner des noms à ces « bêtes » de l’âme : les vices divers, la soif de richesse, qui emprisonne dans le calcul et l’insatisfaction, la vanité du plaisir, qui condamne à l’inquiétude et à la solitude, et même l’avidité de la gloire, qui engendre l’insécurité. et un besoin continu de confirmation et de protagoniste. – n’oublions pas ces choses que nous pouvons rencontrer à l’intérieur : l’avidité, la vanité et la cupidité.

Ils sont comme des bêtes « sauvages » et en tant que tels, ils doivent être apprivoisés et combattus : sinon ils dévoreront notre liberté. Et le Carême nous aide à entrer dans le désert intérieur pour corriger ces choses.

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Et puis, dans le désert, il y avait des anges. Ce sont les messagers de Dieu, qui nous aident, nous font du bien ; en effet, leur caractéristique selon l’Évangile est le service (voir v. 13) : exactement le contraire de la possession, typique des passions. Service contre possession.

Les esprits angéliques rappellent les bonnes pensées et sentiments suscités par le Saint-Esprit. Tandis que les tentations nous déchirent, les bonnes inspirations divines nous unifient et nous mettent en harmonie : elles calment le cœur, elles insufflent le goût du Christ, « la saveur du Ciel ». Et pour saisir l’inspiration de Dieu, nous devons entrer dans le silence et la prière. Et le Carême est le moment de le faire.

On peut se demander : d’abord, quelles sont les passions désordonnées, les « bêtes sauvages » qui s’agitent dans mon cœur ? Deuxièmement : pour permettre à la voix de Dieu de parler à mon cœur et de le garder pour de bon, j’envisage de me retirer un peu dans le « désert », est-ce que j’essaie de lui consacrer un peu d’espace dans la journée ?

Que la Sainte Vierge, qui a gardé la Parole et ne s’est pas laissée toucher par les tentations du malin, nous aide sur le chemin du Carême.

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Après l’Angélus

Chers frères et sœurs !

Dix mois se sont désormais écoulés depuis le déclenchement du conflit armé au Soudan, qui a provoqué une situation humanitaire très grave. Je demande une fois de plus aux parties belligérantes de mettre fin à cette guerre qui nuit tant à la population et à l’avenir du pays. Prions pour que des voies de paix soient bientôt trouvées pour construire l’avenir de notre cher Soudan.

La violence contre les populations sans défense, la destruction des infrastructures et l’insécurité se propagent à nouveau dans la province de Cabo Delgado, au Mozambique, où la mission catholique Notre-Dame d’Afrique de Mazeze a également été incendiée ces derniers jours.

Prions pour que la paix revienne dans cette région tourmentée. Et n’oublions pas les nombreux autres conflits qui ont ensanglanté le continent africain et de nombreuses régions du monde : également l’Europe, la Palestine, l’Ukraine…

Ne l’oublions pas : la guerre est toujours une défaite. Partout où il y a des combats, les populations sont épuisées, elles sont fatiguées de la guerre qui, comme toujours, est inutile et peu concluante, et n’apportera que la mort, que la destruction, et n’apportera jamais la solution aux problèmes.

Prions plutôt sans nous fatiguer, car la prière est efficace, et nous demandons au Seigneur le don d’esprits et de cœurs concrètement dédiés à la paix.

Je salue les fidèles de Rome et de diverses régions d’Italie et du monde, en particulier les pèlerins venant des États-Unis d’Amérique, les communautés néocatéchuménales de diverses paroisses de la République tchèque, de la Slovaquie et de l’Espagne, les étudiants de l’Institut « Caroline Coronado» d’Almendralejo et l’association bénévole «Sur les traces des Serviteurs – vers le monde». Et je salue les agriculteurs et éleveurs présents sur la place !

Cet après-midi, avec les collaborateurs de la Curie, nous commencerons les Exercices Spirituels. J’invite les communautés et les fidèles à consacrer, en cette période du Carême et tout au long de cette année de préparation au Jubilé, qui est « l’Année de prière », des moments spécifiques pour se rassembler en présence du Seigneur.

Et je souhaite à tous un bon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et à bientôt.


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DISCOURS DU PAPE À LA COMMUNAUTÉ DU SÉMINAIRE DES ARCHEVÊQUES DE NAPLES

DISCOURS DU PAPE À LA COMMUNAUTÉ DU SÉMINAIRE DES ARCHEVÊQUES DE NAPLES

Salle Clémentine
Vendredi 16 février 2024

Ce texte s’adresse essentiellement à des séminaristes. Cependant il contient bien des éléments que nous pouvons prendre à notre compte en tant qu’associés de la médaille  miraculeuse  voulant contribuer au service de l’Église et de notre prochain.
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Quand tout est ennuyeux et dénué de sens, la « patience de la foi » nous sauve

Quand tout est ennuyeux et dénué de sens, la «patience de la foi» nous sauve

La paresse est le vice sur lequel le Pape nous invite à réfléchir lors de l’audience générale dans la salle Paul VI. « Une tentation très dangereuse » qui inspire presque « un souhait de mort ». Lorsqu’il attaque, il faut y répondre avec « une moindre mesure d’engagement », mais avec de la persévérance « en s’appuyant sur Jésus »

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI
Mercredi 14 février 2024

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Catéchèse – Les vices et les vertus – 8. L’acédie

Chers frères et sœurs, bonjour !

Parmi les vices capitaux, il en est un qui est souvent négligé, peut-être à cause de son nom que beaucoup ne comprennent pas : Je parle de l’acédie. C’est pourquoi, dans le catalogue des vices, le terme acédie est souvent remplacé par un autre beaucoup plus usité : la paresse.

En réalité, la paresse est plus un effet qu’une cause. Lorsqu’une personne est oisive, indolente, apathique, nous disons qu’elle est paresseuse. Mais, comme l’enseigne la sagesse des anciens pères du désert, souvent la racine de cette paresse est l’acédie, qui signifie littéralement, en grec, « manque de soin ».

C’est une tentation très dangereuse qu’il ne faut pas prendre à la légère. La personne qui en est victime est comme écrasée par une pulsion de mort : elle éprouve du dégoût pour tout, sa relation avec Dieu lui paraît ennuyeuse, et même les actes les plus saints, ceux qui dans le passé lui avaient réchauffé le cœur, lui semblent désormais tout à fait inutiles.

La personne commence à regretter le temps qui passe et la jeunesse qui est irrémédiablement derrière elle.

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L’acédie est définie comme le « démon de midi » : elle nous surprend au milieu de la journée, lorsque la fatigue est à son comble et que les heures à venir semblent monotones, impossibles à vivre. Dans une description célèbre, le moine Évagre représente ainsi cette tentation :

« l’œil de celui qui est sous l’acédie cherche continuellement les fenêtres, et son esprit fantastique est habité de ses visiteurs. […] Quand il lit, celui qui est sous l’acédie bâille souvent et se laisse facilement gagner par le sommeil, il plisse les yeux, se frotte les mains et, détournant les yeux du livre, fixe le mur ; puis, les tournant à nouveau vers le livre, il lit encore un peu […] ; enfin, baissant la tête, il dépose le livre en dessous, s’endort d’un sommeil léger, jusqu’à ce que la faim le réveille et le pousse à s’occuper de ses besoins » ; en conclusion, « celui qui est sous l’acédie n’accomplit pas avec sollicitude l’œuvre de Dieu » (Évagre le Pontique, Traité des huit esprits de malice, 14).

Les lecteurs contemporains voient dans ces descriptions quelque chose qui rappelle beaucoup le mal de la dépression, tant d’un point de vue psychologique que philosophique. En effet, pour ceux qui sont saisis par l’acédie, la vie perd son sens, prier devient ennuyeux, toute bataille semble dénuée de sens.

Même si nous avions nourri des passions dans la jeunesse, elles nous paraissent aujourd’hui illogiques, des rêves qui ne nous ont pas rendus heureux. Alors on se laisse aller et la distraction, l’absence de pensée, apparaissent comme la seule issue : on aimerait être hébété, avoir l’esprit complètement vide… C’est un peu comme mourir par anticipation, et c’est déplorable.

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Face à ce vice que l’on sait si dangereux, les maîtres de la spiritualité envisagent divers remèdes. Je voudrais signaler celui qui me semble le plus important et que j’appellerais la patience de la foi. Si, sous le fouet de l’acédie, le désir de l’homme est d’être « ailleurs », de fuir la réalité, il faut au contraire avoir le courage de rester et d’accueillir dans mon « ici et maintenant », dans ma situation telle qu’elle est, la présence de Dieu.

Les moines disent que la cellule est pour eux le meilleur maître de vie, parce qu’elle est le lieu qui te parle concrètement et quotidiennement de ton histoire d’amour avec le Seigneur. Le démon de l’acédie veut détruire précisément cette joie simple de l’ici et maintenant, cette crainte reconnaissante de la réalité ; il veut te faire croire que tout est vain, que rien n’a de sens, qu’il ne vaut pas la peine de se préoccuper de rien ni de personne.

Dans la vie, nous rencontrons des gens « sous l’emprise de l’acédie », des gens dont nous disons : « Mais qu’il est ennuyeux ! » et nous n’aimons pas être avec eux ; des personnes qui ont aussi une attitude d’ennui contagieuse. C’est l’acédie.

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Combien de personnes, sous l’emprise de l’acédie, mues par une inquiétude sans visage, ont stupidement abandonné le chemin du bien qu’elles avaient emprunté ! L’acédie est une bataille décisive, qu’il faut gagner à tout prix. Et c’est une bataille qui n’a pas épargné même les saints, parce que dans tant de leurs diaires, il y a quelques pages qui révèlent des moments terribles, de véritables nuits de la foi, où tout semblait obscur.

Ces saints et saintes nous enseignent à traverser la nuit dans la patience en acceptant la pauvreté de la foi. Ils nous ont recommandé, sous l’oppression de l’acédie, de tenir une plus petite mesure d’engagement, de nous fixer des objectifs plus accessibles, mais en même temps de résister et de persévérer en nous appuyant sur Jésus, qui jamais n’abandonne dans la tentation.

La foi, tourmentée par l’épreuve de l’acédie, ne perd pas sa valeur. Bien au contraire, c’est la vraie foi, la foi très humaine qui, malgré tout, malgré l’obscurité qui l’aveugle, croit encore humblement. C’est cette foi qui reste dans le cœur, comme les braises sous la cendre. Elle reste toujours.

Et si l’un de nous tombe dans ce vice ou dans la tentation de l’acédie, qu’il s’efforce de regarder à l’intérieur de soi et d’entretenir les braises de la foi : c’est ainsi que l’on va de l’avant.


Je salue cordialement les pèlerins de langue française venus de Belgique et de France, en particulier le groupe de jeunes du Diocèse de Créteil, accompagné par leur Évêque.

Je vous invite, au début de ce Carême, à combattre le vice de l’acédie par l’enthousiasme de la foi, confiants dans la présence puissante de Jésus en nous.

Que Dieu vous bénisse !


Résumé de la catéchèse du Saint-Père

Chers frères et sœurs,

Parmi tous les vices capitaux, il en est un peu connu : l’acédie. Ce mot, qui nous vient du grec, signifie le manque de soin pour la vie intérieure et conduit à l’indolence ou à la paresse spirituelle, jusqu’au dégoût. Il s’agit d’une tentation redoutable où le rapport avec Dieu devient ennuyeux, les actes de dévotions inutiles et la lutte contre nous-même privée de sens.

Sorte de « démon de midi » qui nous prend au moment, de la journée ou de la vie, où nous sommes le plus fatigués, l’acédie nous empêche d’accomplir nos tâches avec sollicitude ou passion ; elle nous conduit à laisser libre cours à la distraction ou au désir de ne penser à rien.

Devant ce péril redoutable pour la vie spirituelle, l’homme se doit de réagir par la patience de la foi, en accueillant la réalité de sa situation, toujours habitée par Jésus.


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