Saint Vincent de Paul est un maître spirituel qui peut nous aider spirituellement dans le cadre de l’Association de la Médaille Miraculeuse. C’est pourquoi nous reprenons quelques-unes de ses maximes à cet effet, tirées d’un ouvrage de 1808, d’abord pour le mois de janvier.
JANVIER
Premier jour
Le premier pas que doit faire celui qui veut suivre Jésus-Christ, c’est de renoncer à soi-même, c’est-à-dire à ses propres sentiments, à ses passions, à sa volonté, à son jugement propre, et à tous les mouvements de la nature.
2e.
On ne doit point examiner les choses de la foi avec un esprit curieux et subtil : il suffit que l’Église nous les propose, pour que nous ne puissions jamais nous tromper en les croyant.
3e.
Dieu demande de nous que nous ne fassions jamais le bien pour nous faire considérer ; mais que nous ayons sa gloire pour motif dans toutes nos actions, et que nous ne fassions rien par respect humain.
4e.
Un remède très-puissant et très-efficace pour tous les maux; un moyen pour se corriger de toute imperfection, pour triompher de toutes les tentations, pour conserver dans son cœur une paix inaltérable, c’est la conformité à la volonté de Dieu.
5e.
Si nous avons à demander à Dieu quelque chose, demandons-lui son esprit; parce que cet esprit divin est la vie de nos âmes.
6e.
On ne doit pas se décourager quand on ne peut pas arrêter tous les scandales, ni détruire tous les péchés ; parce qu’on ne doit pas regarder comme peu de chose de remédier en partie à de si grands maux, et d’empêcher, avec l’aide de Dieu, la perte d’une seule âme.
7e.
Nous ne devons jamais parler mal de ceux qui se déclarent contre nous : nous devons bien plutôt accepter de bon cœur le mépris et la confusion, pour ménager l’honneur de notre prochain.
8e.
Il n’y a que ceux qui ont une humilité profonde, et un sincère mépris d’eux-mêmes, qui puissent être propres aux œuvres de Dieu.
9e.
La prudence de la chair et du monde est celle qui ne s’occupe que de choses temporelles et souvent injustes, et qui n’emploie que des moyens humains et très incertains.
10e.
Celui qui néglige les mortifications extérieures, sous le prétexte que les mortifications intérieures sont plus parfaites, fait voir clairement qu’il n’est mortifié ni extérieurement ni intérieurement.
11e.
C’est tomber dans un bien grand défaut, que de souffrir les maladies avec impatience.
12e.
Si celui qui gouverne les âmes, et qui est chargé de leur apprendre comment elles doivent vivre, n’est animé que d’un esprit tout humain, les personnes qui l’écouteront et qui s’étudieront à l’imiter, n’apprendront de lui qu’à agir dans un esprit semblable au sien ; il leur communiquera l’apparence, et jamais la réalité de la vertu.
13e.
Quoique notre Seigneur Jésus-Christ eût pu très-aisément donner au peuple des instructions sublimés et merveilleuses, il a cependant préféré d’employer les comparaisons d’un ouvrier, d’un vigneron, d’un champ, d’un petit grain de sénevé, et autres paraboles semblables.
14e.
Notre Seigneur se communique sans cesse aux âmes qui se conforment entièrement et constamment à la sainte volonté de Dieu, et qui ne consultent que son bon plaisir dans ce qu’elles veulent ou ne veulent pas.
15e.
L’indifférence (a) est une vertu, non seulement très-excellente; mais encore très-utile pour avancer dans la vie spirituelle : on peut même assurer qu’elle est nécessaire à tous ceux qui veulent servir Dieu parfaitement.
(a) On entend ici par indifférence, le détachement des chose» même bonnes en soi, telles que la réussite des bonnes œuvres; ce qui n’exclut pas le zèle qu’on doit y mettre dan» la vue de plaire à Dieu.
16e.
On doit regarder comme un jour heureux, celui où l’on a empêché quelque mal ou fait quelque bien.
17e.
Notre-Seigneur a, en quelque sorte, ennobli et sanctifié les misères humaines, en s’assujettissant à toutes, excepté l’ignorance et le péché. Il nous a appris par là à ne pas mépriser ceux qui en sont les plus accablés, et à ne pas refuser de les soulager.
18e.
* Il n’y a qu’une profonde humilité qui puisse nous faire profiter parfaitement de certaines grâces très-particulières que Dieu daigne quelquefois nous accorder : mais il faut que cette humilité soit accompagnée d’une confiance sans; bornes à la bonté divine, et il faut encore y joindre un détachement parfait de tout ce que nous sommes, et de tout ce que nous pouvons faire de nous-mêmes. La prudence sainte que Jésus-Christ nous recommande dans l’Évangile, est celle qui se propose toujours une fin divine, et qui prend des moyens proportionnés à cette fin. Il y a deux manières de bien choisir ces moyens : la première, c’est de consulter la raison, quoique toujours faible ; la seconde manière, c’est de consulter la foi et les maximes toujours infaillibles que Jésus-Christ Notre-Seigneur nous a enseignée.
20e.
Malheur à celui qui recherche sa propre satisfaction ; malheur à celui qui fuit les croix, parce qu’il en trouvera de si pesantes, qu’elles l’accableront.
21e.
La mort, la vie, la maladie, la santé, tout nous arrive par l’ordre de la Providence.
22e.
Notre-Seigneur Jésus-Christ ne s’est pas contenté de faire servir à notre salut ses prédications, ses fatigues, ses jeûnes, son sang, sa vie même, il a encore ajouté ses prières. Ce n’est pas que ce moyen lui fût nécessaire; mais il voulait apprendre aux supérieurs à l’imiter en cela, et à prier, non seulement pour eux-mêmes, mais encore pour ceux dont ils doivent, avec Jésus-Christ, devenir les sauveurs.
23e.
Un supérieur doit avoir de la complaisance pour les scrupuleux ; il doit supporter leurs faiblesses, et les écouter avec une grande patience. Il doit en agir de même avec les esprits difficiles et pointilleux, qu’il faut traiter avec beaucoup de ménagement. Leur faiblesse étant plus digne encore de compassion que les maladies corporelles.
24e.
L’amour-propre couvert du voile de la charité nous fait croire souvent que nous servons Dieu, tandis que nous cherchons à nous satisfaire.
25e.
Les prédicateurs qui parlent le langage de l’Évangile, font bien plus de fruit que ceux qui remplissent leurs sermons de paroles humaines et de raisonnements philosophiques; parce que les paroles de la foi sont toujours accompagnées d’une onction céleste, qui se répand en secret dans le cœur des personnes qui les écoutent.
26e.
La perfection de l’amour divin ne consiste pas dans les extases; elle consiste à faire la volonté de Dieu.
27e.
Il faut être tout à Dieu, pour aider son prochain par une correction fraternelle, sur-tout lorsqu’il retombe souvent dans le péché par une habitude invétérée; ce qui ne nous dispense pas de le corriger, puisque, quelle que soit la cause d’un mal, on doit toujours y appliquer le remède.
28e.
Nous ne devons jamais témoigner du ressentiment contre ceux qui nous persécutent par leurs injures, leurs calomnies, les torts qu’ils nous font, etc. ; mais nous devons continuer à les traiter avec cordialité, comme nous le faisions auparavant, ne disant d’eux que du bien, et leur rendant tous les services qu’il nous est permis de leur rendre.
29e.
Il n’y a rien de plus contraire au succès des affaires que la précipitation : les délais sont ordinairement plus avantageux que nuisibles.
30e.
Quelques prêtres vraiment mortifiés font plus de fruit que beaucoup de prêtres trop tendres sur eux-mêmes, et trop empressés à rechercher leurs propres commodités.
31e.
La perfection consiste à se renoncer soi-même, à porter sa croix, à suivre Jésus-Christ ; or, celui qui se renonce davantage, qui porte mieux sa croix, qui suit de plus près Jésus-Christ, c’est celui qui ne fait jamais sa propre volonté, mais toujours celle de Dieu.
***
AVERTISSEMENT
Il est très utile de faire connaître aux véritables enfants de l’Église, les pensées et les sentiments des hommes illustres qui nous ont précédés, et qui, par la vivacité de leur foi, par l’éminence de leurs vertus, sont devenus des preuves éclatantes de la divinité de notre sainte religion.
On croit encore entendre ces hommes vénérables, on croit vivre avec eux, quand on a sous les yeux les maximes sages d’après lesquelles ils dirigeaient leurs démarches, quand on lit les avis salutaires qu’ils donnaient à ceux dont ils étaient les guides et les modèles. Aussi, dans tous les temps, a-t-on pris soin d’extraire des livres saints et des ouvrages des pères de l’Église, les vérités les plus utiles aux besoins des fidèles, et les plus capables d’entretenir et d’accroître en eux la piété.
C’est par ce motif, que dans des siècles très rapprochés du nôtre, on a publié les pensées de saint Ignace de Loyola, celles de saint Philippe de Néri, de saint François de Sales, de sainte Françoise de Chantal. On peut joindre à ces recueils édifiants celui que nous publions aujourd’hui, qui présente les maximes, les paroles mémorables de saint Vincent de Paul fondateur de la Congrégation des Prêtres de la mission, et de celle des Filles de la charité.
Ce recueil a déjà été imprimé plus d’une fois en différentes villes d’Italie, sous le titre de Journal pour l’instruction et l’édification des fidèles. Comme les exemplaires de ce pieux ouvrage sont devenus très rares, on a cru, pour seconder le désir des âmes empressées d’imiter saint Vincent de Paul, devoir publier de nouveau ses maximes extraites de ses lettres, de ses conférences, de ses règles de conduite, et surtout de sa vie, écrite en français par Abelly, évêque de Rodez.
On trouvera dans cet ouvrage, l’esprit d’un homme uniquement dévoué à la gloire de Dieu et au salut de ses frères; d’un homme extraordinaire, suscité, dans des temps malheureux, pour réprimer et prévenir de grands désordres, pour procurer, par de saints établissements, les plus précieux avantages à la Religion et à l’État.
On y admirera une connaissance profonde du cœur humain, un talent rare de se proportionner à tous les esprits, et de se faire, comme l’apôtre saint Paul, tout à tous, (1ère Épître aux Corinthiens, 9, 22) une profonde sagesse dans les décisions, et surtout une attention constante à présenter Jésus-Christ pour modèle, et les maximes de l’Évangile pour l’unique règle des pensées, des discours, des projets, en un mot, de toutes les démarches du vrai chrétien.
Du reste, on n’a pas prétendu réunir dans ce recueil toutes les maximes de saint Vincent de Paul, l’entreprise aurait été trop vaste ; mais on a fait choix de celles qui ont paru d’un plus fréquent usage, et plus capables d’accroître une piété solide dans les cœurs de ceux qui les liront et qui les méditeront.
Des pensées détachées présentent quelquefois un sens défectueux qu’elles n’avaient pas dans le texte : afin de remédier à cet inconvénient, on s’est permis de légers changements dans quelques-unes des maximes.de ce recueil, que l’on trouvera, pour cette raison, marquées d’une *.
Toutes les maximes relatives à un même objet n’ont pas été placées de suite ; on les a séparées, pour ne pas affaiblir le pieux empressement des lecteurs : la diversité des matières éveille davantage l’attention, comme la diversité des objets qu’on découvre dans un vaste jardin, augmente le plaisir de ceux qui le parcourent.
On trouvera dans ce recueil, des avis qui, peut-être, ne conviendront pas aux besoins spirituels de tous ceux qui les liront] mais chacun pourra faire choix des maximes qui seront pour lui les plus utiles, et imiter ceux qui, assis à une table splendidement servie, choisissent parmi les mets qui leur sont présentés, ce qui leur convient davantage.
Nous devons surtout, en lisant ces saintes maximes, demander à Dieu la grâce de les bien comprendre et d’en faire la règle invariable de notre conduite. On peut, à cet effet, adresser au Seigneur cette prière de l’Église :
« Faites, ô mon Dieu ! qu’animés de la ferveur et du zèle de saint Vincent de Paul, nous aimions ce qu’il a aimé, et que nous pratiquions ce qu’il a enseigné. »
MAXIMES SPIRITUELLES DE SAINT VINCENT DE PAUL,
Fondateur de la Congrégation des Prêtres de la mission, et de celle des Filles de la charité ;
Avec une Neuvaine qui peut servir de préparation à la fête de ce Saint ;
Ouvrage traduit de l’italien.
A PARIS, Chez Mme Veuve NYON, l’aîné, Libraire,
rue du Jardinet, n° 1. 1808.