Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

MOIS DE SAINT JOSEPH – XVIIe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XVIIe JOUR

Saint Joseph éprouvé par les épreuves de Jésus-Christ.

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adoration des Mages église saint Joseph Angers 49
adoration des Mages église saint Joseph Angers 49

BOSSUET

« Voici, chrétiens, le dernier effort de la simplicité du juste Joseph dans la pureté de sa foi. Le grand mystère de notre foi, c’est de croire un Dieu dans la faiblesse. Mais, afin de bien comprendre combien est parfaite la foi de Joseph, il faut, s’il vous plaît, remarquer que la faiblesse de Jésus-Christ peut être considérée en deux états, ou comme étant soute-, nue par quelque effet de puissance, ou comme étant délaissée et abandonnée à elle-même.
Dans les dernières années de la vie de notre Sauveur, quoique l’infirmité de sa chair fût visible par ses souffrances, sa toute-puissance divine ne l’était pas moins par ses miracles. Il est vrai qu’il paraissait homme ; mais cet homme disait des choses qu’aucun homme n’avait jamais dites ; mais cet homme faisait des choses qu’aucun homme n’avait jamais faites.
Alors, la faiblesse étant soutenue, je ne m’étonne pas que, dans cet état, Jésus ait attiré des adorateurs, les marques de sa puissance pouvant donner lieu de juger que l’infirmité était volontaire ; et la foi n’était pas d’un si grand mérite. Mais, en l’état qu’on a vu Joseph, j’ai quelque peine à comprendre comment il a cru si fidèlement; parce que jamais la faiblesse n’a paru plus abandonnée, non pas même, je le dis sans crainte, dans l’ignominie de la vie.
Car c’était cette heure importante pour laquelle il était venu : son Père l’avait délaissé ; il était d’accord avec lui qu’il le délaisserait en ce jour ; lui-même s’abandonnait volontairement pour être livré aux mains des bourreaux.
Si, durant ces jours d’abandonnement, la puissance de ses ennemis a été fort grande, ils ne doivent pas s’en glorifier, parce que, les ayant renversés d’abord par une seule de ses paroles, il leur a bien fait connaître qu’il ne leur cédait que par une faiblesse volontaire.  « Vous n’auriez aucun pouvoir sur moi, s’il ne vous était donné d’en haut. » Mais, en l’état dont je parle, et dans lequel je vois Joseph, la faiblesse est d’autant plus grande, qu’elle semble en quelque sorte forcée.

« Car enfin, mon divin Sauveur, quelle est en cette rencontre la conduite de votre Père céleste ? Il veut sauver les Mages qui vous sont venus adorer, et il les fait échapper par une autre voie. Je ne l’invente pas, chrétiens, je ne fais que suivre l’histoire sainte. Il veut vous sauver vous-même, et il semble qu’il ait peine à l’exécuter.
Un ange vient du ciel, éveiller, pour ainsi dire, Joseph en sursaut, et lui dire, comme pressé par un péril imprévu : « Fuyez « vite, partez cette nuit, avec la mère et l’Enfant, et sauvez-vous en Égypte. » Fuyez; ô quelle parole ! Encore s’il avait dit : Retirez-vous ! Mais fuyez pendant la nuit ; ô précaution de faiblesse ! Quoi donc, le Dieu d’Israël ne se sauve qu’à la faveur des ténèbres !
Et qui le dit? C’est un ange qui arrive soudainement à Joseph, comme un messager effrayé : « de sorte,  dit un ancien, qu’il semble que tout le ciel soit alarmé, et que la terreur s’y soit répandue avant même de passer à la terre. » Mais voyons la suite de cette aventure. Joseph se sauve en Égypte, et le même ange revient à lui: « Retourne, dit-il, en Judée; car ceux-là sont morts, qui cherchent l’âme de l’Enfant. »
Eh quoi! s’ils étaient vivants, un Dieu ne serait pas en sûreté ! O faiblesse délaissée et abandonnée ! voilà l’état du divin Jésus ; et, en cet état, saint Joseph l’adore avec la même soumission que s’il avait vu ses plus grands miracles. Il reconnaît le mystère de ce miraculeux délaissement; il sait que la vertu de la foi, c’est de soutenir l’espérance sans aucun sujet d’espérance.
Il s’abandonne à Dieu en simplicité, et exécute, sans s’enquérir, tout ce qu’il commande. En effet, l’obéissance est trop curieuse, qui examine les causes du commandement; elle ne doit avoir des yeux que pour considérer son devoir, et elle doit chérir son aveuglement qui la fait marcher en sûreté. Mais cette obéissance de saint Joseph venait de ce qu’il croyait en simplicité, et que son esprit, ne chancelant pas entre la raison et la foi, suivait avec une intention droite les lumières qui venaient d’en haut.
O foi vive, ô foi simple et droite, que le Sauveur a raison de dire qu’il ne te trouvera plus sur la terre ! car comment croyons-nous? Qui nous donnera aujourd’hui de pénétrer au fond de nous-mêmes, pour voir si ces actes de foi, que nous faisons quelquefois, sont véritablement dans le cœur, ou si ce n’est pas la coutume qui les y amène du dehors ?

« Que si nous ne pouvons pas lire dans nos cœurs, interrogeons nos œuvres, et connaissons notre peu de foi. Une marque de la faiblesse , c’est que nous n’osons entreprendre de bâtir dessus; nous n’osons nous y confier, ni établir sur ce fondement l’espérance de notre bonheur. Démentez – moi, si je ne dis pas la vérité.
Lorsque nous flottons incertains entre la vie chrétienne et la vie du monde, n’est-ce pas un doute secret qui nous dit dans le fond du cœur : Mais cette immortalité que l’on nous promet, est-ce une chose assurée? et n’est-ce pas hasarder son repos, son bonheur, que de quitter ce qu’on voit, pour suivre ce qu’on ne voit pas? Nous ne croyons donc pas en simplicité, nous ne sommes pas chrétiens de bonne foi.

« Mais je croirais, direz-vous, si je voyais un ange, comme saint Joseph. O homme, désabusez-vous : Jonas a disputé contre Dieu, quoiqu’il fût instruit de ses volontés par une vision manifeste; et Job a été fidèle, quoiqu’il n’eût point encore été confirmé par des apparitions extraordinaires. Ce ne sont pas les voix extraordinaires qui font fléchir notre cœur, mais la sainte simplicité, et la pureté d’intention que produit la charité véritable, qui attachent aisément notre esprit à Dieu, en le détachant des créatures. »

(Bossuet, 2e Panégyrique de saint Joseph)

Le mystère insondable du Dieu fait homme

Le mystère insondable du Dieu fait homme

SAMEDI (4e semaine de Carême) Jr 11,18-20 – Jn 7,40-53

Jamais homme n’a parlé comme cet homme ! (Jn 7,46)

Jamais homme n'a parlé comme cet homme !
Jamais homme n’a parlé comme cet homme !

Parmi toutes les grandes choses et les merveilles que l’on peut dire du Christ, il en est une qui dépasse absolu­ment l’admiration dont est capable l’esprit humain ; et la fragilité de notre intelligence mortelle ne sait comment la comprendre ou l’imaginer.

C’est que la toute-puissance de la majesté divine, la Parole même du Père, la propre Sagesse de Dieu, en laquelle toutes choses ont été créées — les visibles comme les invisibles —, s’est laissé enfer­mer dans les limites de cet homme qui s’est manifesté en Judée.

Tel est l’objet de notre foi ; et il y a plus encore. Nous croyons que la Sagesse de Dieu est entrée dans le sein d’une femme, qu’elle est née dans les vagissements et les pleurs communs à tous les nourrissons.

Et nous avons appris qu’après cela le Christ a connu le trouble devant la mort au point de s’écrier : Mon âme est triste à en mourir (Mt 26,38), et qu’enfin il a été traîné à une mort honteuse entre toutes parmi les hommes, même si nous savons qu’il est ressuscité le troisième jour.

Nous rencontrons en lui des traits si humains qu’ils n’ont rien qui les distingue de notre commune faiblesse à nous mortels, et en même temps des traits si divins qu’ils ne peuvent convenir qu’à la souveraine et ineffable nature divine.

Devant cela, l’intelligence humaine, trop étroite, est frappée d’une telle admiration qu’elle ne sait à quoi s’en tenir ni quelle direction prendre. Sent-elle Dieu dans le Christ, elle le voit pourtant mourir. Le prend-elle pour un homme, voici qu’il revient d’entre les morts, avec son butin de victoire, après avoir détruit l’empire de la mort.

Aussi notre contemplation doit-elle s’exercer avec tant de révérence et de crainte qu’elle considère dans le même Jésus la vérité des deux natures, évitant d’attribuer à l’i­neffable essence divine des choses qui sont indignes d’elle ou qui ne lui conviennent pas, mais évitant aussi de ne voir dans les événements de l’histoire que des apparences illusoires.

Vraiment, faire entendre de telles choses à des oreilles humaines, essayer de les exprimer par des mots dépasse largement nos forces, notre talent et notre langage. Je pense même que cela dépasse la mesure des apôtres. Bien plus, l’explication de ce mystère transcende probable­ment tout l’ordre des puissances célestes.

Origène Des Principes, livre II, ch. 6,2 : PG 11, 210-211. Traduction Orval.

MOIS DE SAINT JOSEPH – XVIe JOUR

MOIS DE SAINT JOSEPH – XVIe JOUR

Saint Joseph associé aux souffrances de Jésus-Christ
dans le retour d’Égypte.

I

Vitrail de saint Joseph - Église Saint-Sulpice - Le Bugue
Vitrail de saint Joseph – Église Saint-Sulpice – Le Bugue |DR

Pourquoi saint Joseph avait-il reçu l’ordre de conduire l’Enfant Jésus en Égypte de préférence à tout autre pays? Et quel dessein de la Providence avait-il servi par son obéissance à gagner, au prix de tant de fatigues, une terre aussi lointaine?

« Dieu, répond saint Chrysostome, s’était souvenu qu’il n’est pas toujours irrité. Après avoir envoyé de grands maux au peuple de Pharaon, il lui envoyait son Fils comme un signe de réconciliation. Les Égyptiens, persécuteurs de son peuple, devinrent contre le même peuple le refuge du Sauveur enfant. » (Sur saint Matthieu)

« Mystère de grâce, s’écrie saint Augustin , « Moïse leur a enlevé la lumière que le Christ leur rapporte; car il fuit pour illuminer, et non pour se cacher.» ( Sermon sur l’Épiphanie)

Mais ce don de Dieu devait rester ignoré du peuple qui le possédait. Une tradition, recueillie par saint Bonaventure, rapporte, il est vrai, qu’à l’arrivée de la sainte famille les idoles de l’Égypte furent ébranlées, et tombèrent sur le pavé de leurs temples. (Vie du Christ, ch. XII). Cette tradition est rapportée par Eusèbe et par plusieurs autres historiens.

Mais ce fut là un signe isolé et incompris de la présence du voyageur divin. L’Égypte ne le reconnut pas ou ne voulut pas le reconnaître; et saint Joseph, chargé de l’y conduire, n’avait pas reçu d’autre mission que de continuer à exercer sur lui « cette providence silencieuse et muette qui, par des précautions nécessaires, devait cacher les desseins de Dieu, jusqu’à ce que le temps de la révélation fût arrivé. » (Fléchier)

Aussi rien ne vint-il adoucir cet exil dont saint Joseph devait porter et conjurer les rigueurs. « Combien dut-il souffrir, s’écrie  saint Alphonse de Liguori, pendant un séjour de sept années en Égypte, au milieu d’une  nation idolâtre, barbare et inconnue î puisqu’il n’avait ni parents ni amis qui pussent l’assister. Aussi saint Bernard disait-il que, pour nourrir son épouse et ce divin Enfant, qui pourvoit à la nourriture de tous les hommes et de tous les animaux de la terre, le saint patriarche était contraint de travailler constamment.»

II

FLÉCHIER.— SAINT THOMAS D’AQUIN

« Et cependant saint Joseph ne s’informe jamais du temps qu’il doit passer en Égypte. Il prend aux malheureux une inquiète curiosité de savoir jusqu’où doit aller leur malheur. C’est une espèce de consolation de prévoir la fin de ses peines, et de trouver dans l’espérance de l’avenir de quoi soulager une affliction présente. Mais Joseph suit aveuglément les ordres dont il est chargé, et sans pénétrer dans l’avenir, sans craindre la longueur de son exil, il ne veut ni satisfaire sa curiosité, ni donner des bornes à sa patience. » (Fléchier)

« Enfin les temps sont accomplis, l’Ange apparaît encore à Joseph, et, comme toujours, pendant le sommeil de ce saint homme, ce qui exprime d’une manière mystique que ceux qui se reposent des soins terrestres et des affaires du siècle méritent de jouir des visions célestes. L’Ange lui dit donc : Levez-vous, et retournez dans la terre d’Israël; car ceux qui cherchaient la vie de l’Enfant sont morts.
« Et Joseph, se levant aussitôt, prit l’Enfant et sa mère, et vint dans la terre d’Israël. Quand il avait pris l’Enfant et sa mère pour les emmener en Égypte, remarque saint Thomas, c’était la nuit et dans les ténèbres ; mais quand il les ramena en Judée, l’Évangile ne parle plus de ténèbres; car les embûches des tyrans conviennent à la nuit, et la délivrance au jour. »(Saint Thomas, Chaîne d’or, ch. I, II, III.)

III

SAINT THOMAS. — SAINT LIGUORI. — FLÉCHIER

Cependant le pieux auteur qui s’est appliqué surtout à méditer les souffrances de Joseph durant ce voyage, dont la signification mystique a été souvent étudiée par les Pères de l’Église, le même auteur rappelle notre attention sur les circonstances qui rendirent pour les membres de la sainte famille le retour plus pénible encore que la fuite; « car Jésus étant alors âgé de sept ans environ, il était trop grand pour être porté sur les bras, et trop petit pour faire à pied un si long voyage. Aussi bien souvent cet aimable Enfant était  obligé de s’arrêter, et de se coucher à terre par l’excès de la fatigue. » (Saint-Alphonse de Liguori)

Joseph a toujours gardé le silence durant les traverses de ce voyage. Quand il faut obéir et souffrir, il se tait, et l’Évangile se tait sur lui. On ne le voit sortir de l’effacement habituel où il demeure volontairement que dans les occasions où il est incertain des desseins de Dieu, et s’efforce de les connaître pour s’y conformer. C’est ainsi qu’en arrivant sur la terre d’Israël, il apprend qu’Archélaüs, fils d’Hérode, règne à la place de son père: il s’arrête, craignant d’exposer l’Enfant Jésus à retrouver dans ce jeune roi un nouveau persécuteur. «Il ne désobéit point ainsi aux instructions qu’il a reçues du Ciel,» remarque saint Thomas,

car l’Ange ne lui a pas indiqué dans quel lieu de la terre d’Israël il doit s’abriter. Un nouveau doute se présente à lui; il cherche seulement à s’éclairer, et bientôt un messager divin lui apporte la lumière. (Saint Thomas, op. cit.). » « II est averti en songe de s’établir à Nazareth. Et, avec la même promptitude qu’il a mise à obéir quand il a reçu l’ordre de partir pour l’Égypte, il reprend le chemin de la bourgade de Galilée, portant dans ses bras le trésor du monde, en portant Celui qui devait dire un jour : « Je suis la voie, la vérité et la Vie. » (Fléchier)