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sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Moïse, un modèle de transmission entre générations

Moïse, un modèle de transmission entre générations

Le Pape François, au cours de l’Audience générale de ce 23 mars, a dispensé sa 4e catéchèse sur le thème de la vieillesse. A partir du récit de la mort de Moïse, le Saint-Père a invité tous les chrétiens à méditer sur l’expérience de foi du Patriarche, qu’il a transmise à l’Église en héritage. A son image, les personnes âgées sont aujourd’hui des relais de foi pour les jeunes générations.

 

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI
Mercredi 23 mars 2022

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Catéchèse sur la vieillesse – 4. L’adieu et l’héritage : mémoire et témoignage 

Résumé :

Chers frères et sœurs,

dans la Bible, le testament spirituel de Moïse, encore appelé « Cantique de Moïse », est une belle profession de foi. Il transmet l’histoire que le peuple a vécue avec Dieu, y compris ses amertumes et ses désillusions. C’est la vieillesse qui lui donne cette lucidité, elle est un don précieux pour la génération future.

Cette transmission personnelle et directe de la foi vécue est irremplaçable et, aujourd’hui, elle manque beaucoup aux nouvelles générations. Souvent, la transmission de la foi est privée de la passion de l’expérience vécue. La connaissance de l’Église, qui naît de l’écoute et du témoignage de l’histoire de la communauté ecclésiale fait souvent défaut dans la catéchèse.

Ce récit de l’histoire de foi devrait être comme le Cantique de Moïse, comme le témoignage des Évangiles et des Actes des Apôtres, c’est-à-dire un récit capable de rappeler avec émotion les bénédictions de Dieu, ainsi que nos manquements.

Il serait bien que les itinéraires de catéchèse prévoient l’écoute de l’expérience vécue des personnes âgées, la confession lucide des bénédictions qu’elles ont reçues de Dieu. Les personnes âgées entrent dans la terre promise, que Dieu désire pour chaque génération, lorsqu’elles offrent aux jeunes la belle initiation de leur témoignage.

Catéchèse

Chers frères et sœurs, bonjour! Dans la bible, le récit de la mort du vieux Moïse est précédé de son testament spirituel, appelé « Cantique de Moïse ». Ce Cantique est avant tout une belle confession de foi, et il dit ainsi : « Je veux proclamer le nom du Seigneur : / magnifie notre Dieu ! / Il est le Rocher : parfaites sont ses œuvres, / justes toutes ses voies ; / c’est un Dieu fidèle sans malice, il est juste et droit » (Dt 32,3-4).

Mais c’est aussi la mémoire de l’histoire vécue avec Dieu, des aventures du peuple qui s’est formé à partir de la foi au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Et donc Moïse se souvient aussi de l’amertume et des déceptions de Dieu lui-même : sa fidélité continuellement éprouvée par les infidélités de son peuple.

Le Dieu fidèle et la réponse du peuple infidèle : comme si le peuple voulait mettre à l’épreuve la fidélité de Dieu, qui reste toujours fidèle, proche de son peuple. C’est précisément le cœur du Cantique de Moïse : la fidélité de Dieu qui nous accompagne tout au long de notre vie.

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Lorsque Moïse fait cette confession de foi, il est sur le seuil de la terre promise, et aussi de son adieu à la vie. Il avait cent vingt ans, note le récit, « mais ses yeux ne s’éteignaient pas » (Dt 34,7). Cette capacité de voir, de voir vraiment aussi de voir symboliquement, comme l’ont les personnes âgées, qui savent voir les choses, le sens le plus enraciné des choses.

La vitalité de son regard est un don précieux : elle lui permet de transmettre l’héritage de sa longue expérience de vie et de foi, avec la clarté nécessaire. Moïse voit l’histoire et transmet l’histoire ; les anciens voient l’histoire et transmettent l’histoire.

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Une vieillesse à qui cette lucidité est accordée est un don précieux pour la génération suivante. L’écoute personnelle et directe du récit d’une histoire de foi vécue, avec tous ses hauts et ses bas, est irremplaçable. Le lire dans des livres, le regarder dans des films, le consulter sur internet, aussi utile soit-il, ne sera plus jamais pareil.

Cette transmission – qui est la vraie tradition, la transmission concrète des vieux aux jeunes ! – cette transmission fait cruellement défaut aujourd’hui, et de plus en plus, aux nouvelles générations. Pourquoi? Parce que cette nouvelle civilisation a l’idée que l’ancien est un déchet, l’ancien doit être jeté. C’est de la brutalité ! Non, ce n’est pas comme ça.

L’histoire directe, de personne à personne, a des tonalités et des modes de communication qu’aucun autre moyen ne peut remplacer. Un vieil homme qui a vécu longtemps, et qui reçoit le don d’un témoignage lucide et passionné de son histoire, est une bénédiction irremplaçable. Sommes-nous capables de reconnaître et d’honorer ce don des personnes âgées ?

La transmission de la foi – et du sens de la vie – suit-elle cette voie d’écoute des personnes âgées aujourd’hui ? Je peux donner un témoignage personnel. J’ai appris la haine et la colère à la guerre de mon grand-père qui avait combattu sur la Piave en 1914 : il m’a transmis cette colère à la guerre. Parce qu’il m’a raconté les souffrances d’une guerre.

Et cela ne s’apprend ni dans les livres ni d’aucune autre manière, cela s’apprend de cette manière, en le transmettant des grands-parents aux petits-enfants. Et cela est irremplaçable. La transmission de l’expérience de vie des grands-parents aux petits-enfants.

Aujourd’hui ce n’est malheureusement plus le cas et on pense que les grands-parents sont des déchets : non ! Ils sont la mémoire vivante d’un peuple et les jeunes et les enfants doivent écouter leurs grands-parents.

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Dans notre culture, si « politiquement correcte », ce chemin apparaît entravé de bien des manières : dans la famille, dans la société, dans la communauté chrétienne elle-même. Quelqu’un propose même d’abolir l’enseignement de l’histoire, comme information superflue sur des mondes qui ne sont plus d’actualité, ce qui enlève des ressources à la connaissance du présent. Comme si nous étions nés hier !

La transmission de la foi, en revanche, manque souvent de la passion d’une « histoire vécue ». Transmettre la foi, ce n’est pas dire des choses « bla-bla-bla ». Cela signifie l’expérience de la foi. Et puis cela peut-il difficilement inciter les gens à choisir l’amour pour toujours, la fidélité à la parole donnée, la persévérance dans le dévouement, la compassion pour les visages blessés et abattus ?

Bien sûr, les histoires de vie doivent être transformées en témoignage, et le témoignage doit être fidèle. L’idéologie qui plie l’histoire à ses propres modèles n’est certainement pas juste ; la propagande, qui adapte l’histoire à la promotion de son groupe, n’est pas juste ; il n’est pas juste de faire de l’histoire un tribunal où tout le passé est condamné et tout l’avenir découragé.

Être juste, c’est raconter l’histoire telle qu’elle est, et seuls ceux qui l’ont vécue peuvent bien la raconter. C’est pourquoi il est très important d’écouter les personnes âgées, d’écouter les grands-parents, il est important que les enfants leur parlent.

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Les évangiles eux-mêmes racontent honnêtement l’histoire bénie de Jésus sans cacher les erreurs, les malentendus et même les trahisons des disciples. C’est l’histoire, c’est la vérité, c’est le témoignage. C’est le don de mémoire que les « anciens » de l’Église transmettent, depuis le tout début, en le transmettant « de main en main » à la génération suivante.

Cela nous fera du bien de nous demander : combien valorisons-nous cette manière de transmettre la foi, de passer le relais entre les anciens de la communauté et les jeunes ouverts sur l’avenir ? Et ici, je me souviens de quelque chose que j’ai dite à plusieurs reprises, mais que je voudrais répéter. Comment la foi est-elle transmise ? « Ah, voici un livre, étudiez-le »: non.

Ainsi la foi ne se transmet pas. La foi se transmet en dialecte, c’est-à-dire en langage familier, entre grands-parents et petits-enfants, entre parents et petits-enfants. La foi est toujours transmise en dialecte, dans ce dialecte familier et expérientiel appris au fil des années. C’est pourquoi le dialogue dans une famille est si important, le dialogue des enfants avec les grands-parents qui sont ceux qui ont la sagesse de la foi.

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Parfois, il m’arrive de réfléchir à cette étrange anomalie. Aujourd’hui, le catéchisme d’initiation chrétienne puise généreusement dans la Parole de Dieu et transmet des informations précises sur les dogmes, sur la morale de la foi et sur les sacrements.

Souvent, cependant, il y a un manque de connaissance de l’Église qui découle de l’écoute et du témoignage de la véritable histoire de la foi et de la vie de la communauté ecclésiale, depuis les origines jusqu’à nos jours. En tant qu’enfants, nous apprenons la Parole de Dieu dans les salles de catéchisme; mais l’Église est « apprise » en tant que jeunes, dans les salles de classe et dans les médias mondiaux d’information.

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La narration de l’histoire de la foi doit être comme le Cantique de Moïse, comme le témoignage des Évangiles et des Actes des Apôtres. C’est-à-dire une histoire capable d’évoquer les bienfaits de Dieu avec émotion et nos manquements avec loyauté.

Ce serait bien s’il y avait, dès le début, dans les itinéraires catéchétiques, aussi l’habitude d’entendre, à partir de l’expérience vécue des personnes âgées, la confession lucide des bénédictions reçues de Dieu, que nous devons garder, et le témoignage fidèle de nos échecs, fidélité, que nous devons réparer et corriger.

Les personnes âgées entrent dans la terre promise, que Dieu désire pour chaque génération, lorsqu’elles offrent aux jeunes la belle initiation de leur témoignage et transmettent l’histoire de la foi, la foi en dialecte, ce dialecte familier, ce dialecte qui passe des vieux aux jeunes .

Puis, guidés par le Seigneur Jésus, les personnes âgées et les jeunes entrent ensemble dans son Royaume de vie et d’amour. Mais tous ensemble. Chacun dans la famille, avec ce grand trésor qu’est la foi transmise en dialecte.

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Salutations

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier le « Mouvement International d’Apostolat des Milieux Sociaux Indépendants », les pèlerins venus de Suisse, les jeunes venus de France et les Frères du Sacré Cœur. Frères et sœurs, apprenons à découvrir en chaque personne âgée un don de Dieu et une source de sagesse. Mettons-nous avec amour à leur écoute afin d’acquérir la connaissance et l’expérience nécessaires pour faire face aux défis actuels. Sur chacun, j’invoque la Bénédiction de Dieu.

Je salue les pèlerins et visiteurs anglophones qui participent à l’Audience d’aujourd’hui, en particulier les groupes d’Angleterre, du Danemark, des Pays-Bas, de Norvège et des États-Unis d’Amérique. Que notre chemin de Carême nous amène à célébrer Pâques avec des cœurs purifiés et renouvelés par la grâce de l’Esprit Saint. Sur chacun de vous et sur vos familles, j’invoque la joie et la paix dans le Christ notre Rédempteur.

Je salue chaleureusement les pèlerins de langue allemande. Dans la prière, nous tournons notre regard vers le Crucifix. En lui nous reconnaissons l’amour et la tendresse de Dieu, nous avons été guéris par ses blessures. Bon chemin de Carême.

Je salue cordialement les fidèles hispanophones, en particulier le groupe de pèlerins colombiens « Sur les chemins de Marie ». A l’exemple de Moïse et de la Vierge Marie, demandons au Seigneur que notre vie soit un chant de louange pour les merveilles qu’il fait en nous. Et que ce Magnificat soit un témoignage joyeux et un souvenir reconnaissant qui transmette le flambeau de la foi aux nouvelles générations. Que Dieu vous bénisse. Merci beaucoup.

Chers pèlerins lusophones ! Je vous invite à vous joindre à moi et à mes frères évêques dans l’acte de consécration au Cœur Immaculé de Marie, le 25 mars prochain, en demandant avec confiance au Seigneur, par l’intercession de Notre-Dame de Fátima, le don de la paix. Que Dieu vous bénisse!

Je salue les fidèles arabophones. Le dialogue entre les personnes âgées et les jeunes nous permet aussi de préserver et de transmettre les dons de Dieu. Nous regardons les nouvelles générations, dans la conscience qu’elles hériteront non seulement d’un bien, d’une culture et d’une tradition, mais aussi des fruits vivants de la foi qui sont les bénédictions de Dieu sur cette terre. Que le Seigneur vous bénisse tous et vous protège toujours de tout mal !

Je salue cordialement les pèlerins polonais. Cette année, sur le chemin de la pénitence du Carême, nous jeûnons et demandons la paix à Dieu, bouleversés par la guerre en cours en Ukraine. En Pologne, vous en êtes témoins en accueillant des réfugiés et en écoutant leurs histoires.

Alors que nous nous préparons à vivre une journée spéciale de prière en la solennité de l’Annonciation du Seigneur, nous demandons à la Mère de Dieu d’élever le cœur de nos frères et sœurs affligés par la cruauté de la guerre. Que l’acte de consécration des peuples à son Cœur Immaculé apporte la paix dans le monde entier. Je vous bénis de tout mon cœur.

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APPEL

Je voudrais prendre une minute pour me souvenir des victimes de la guerre. Les nouvelles des déplacés, des personnes en fuite, des morts, des blessés, de tant de soldats tombés des deux côtés, sont des nouvelles de la mort. Nous demandons au Seigneur de la vie de nous libérer de cette mort de guerre. Avec la guerre, tout est perdu, tout. Il n’y a pas de victoire dans une guerre : tout est vaincu.

Que le Seigneur envoie son Esprit afin qu’il nous fasse comprendre que la guerre est une défaite de l’humanité, comprenons que la guerre doit plutôt être vaincue. L’Esprit du Seigneur nous libère tous de ce besoin d’autodestruction, qui se manifeste dans la guerre.

Nous prions également pour que les dirigeants comprennent que l’achat d’armes et la fabrication d’armes ne sont pas la solution au problème. La solution est de travailler ensemble pour la paix et, comme le dit la Bible, de faire des armes des instruments de paix. Prions ensemble Notre-Dame : Je vous salue Marie…

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Je souhaite une cordiale bienvenue aux pèlerins de langue italienne. En particulier, je salue les fidèles de Biella qui, accompagnés de leur évêque, commémorent le 250e anniversaire de la fondation du diocèse. Ces Biellais [il le dit en dialecte], ce n’est pas facile de les comprendre : ils disent qu’il faut sept ans et sept mois pour les comprendre, et puis au final ils ne se comprennent jamais ! Bienvenue, Biella !

Je salue ensuite les Sœurs de la Providence pour les enfants abandonnés, les diacres de l’Archidiocèse de Milan, la Fédération Italienne des Cuisiniers – vous voyez que vous êtes cuisiniers -, le troisième groupe d’âge « Vivre ensemble » de Catane.

Enfin, comme d’habitude, mes pensées vont aux personnes âgées, aux malades, aux jeunes et aux jeunes mariés. Que la solennité de l’Annonciation, que nous célébrerons après-demain, soit une invitation pour chacun de nous à suivre l’exemple de la Mère de Dieu et se traduit par une généreuse disponibilité à l’appel du Père qui exhorte chacun à être un levain pour l’édification d’une société juste et solidaire.

A tous, ma bénédiction !


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Dieu nous accompagne avec patience

Dieu nous accompagne avec patience

Pour le Pape François, au cours de l’Angélus de ce troisième dimanche de Carême, nous ne devons pas imputer à Dieu la responsabilité de nos maux, mais au contraire regarder en nous-mêmes. La guerre ou la pandémie ne sont pas des punitions de Dieu; ce sont nos choix erronés et violents qui déchaînent le mal.

 

PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint-Pierre
Dimanche 20 mars 2022

Chers frères et sœurs, bon dimanche !

Nous sommes au cœur du cheminement du Carême et aujourd’hui l’Évangile présente d’abord Jésus commentant quelques faits divers. Alors que le souvenir de dix-huit personnes mortes sous l’effondrement d’une tour était vivant, on lui parle de  quelques Galiléens que Pilate avait tués (cf. Lc 13, 1). Et il y a une question qui semble accompagner ces nouvelles tragiques : qui est responsable de ces faits terribles ?

Peut-être que ces gens étaient plus coupables que d’autres et que Dieu les a punis ? Ce sont des questions qui sont toujours pertinentes; quand l’actualité criminelle nous opprime et que nous nous sentons impuissants face au mal, nous nous demandons souvent : est-ce peut-être une punition de Dieu ? Est-ce Lui qui envoie une guerre ou une pandémie pour nous punir de nos péchés ? Et pourquoi le Seigneur n’intervient-il pas ?

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Nous devons être prudents : lorsque le mal nous opprime, nous risquons de perdre la lucidité et, pour trouver une réponse facile à ce que nous ne pouvons pas expliquer, nous finissons par blâmer Dieu. Et bien souvent la vilaine et mauvaise habitude des blasphèmes vient de là.

Combien de fois lui attribuons-nous nos malheurs, les malheurs du monde à celui qui, au contraire, nous laisse toujours libres et donc n’intervient jamais en s’imposant, seulement en se proposant ; à celui qui n’a jamais recours à la violence et qui, en effet, souffre pour nous et avec nous !

Jésus, en effet, refuse et conteste fortement l’idée d’imputer nos maux à Dieu : ceux qui avaient été tués par Pilate et ceux qui sont morts sous la tour n’étaient pas plus coupables que les autres et ne sont pas victimes d’une impitoyable et vindicative Dieu qui n’existe pas !

Le mal ne peut jamais venir de Dieu car il « ne nous traite pas selon nos péchés » (Ps 103,10), mais selon sa miséricorde. C’est le style de Dieu, il ne peut pas nous traiter autrement. Il nous traite toujours avec miséricorde.

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Mais au lieu de blâmer Dieu, dit Jésus, nous devons regarder à l’intérieur : c’est le péché qui produit la mort ; c’est notre égoïsme qui déchire les relations ; ce sont nos choix erronés et violents qui déchaînent le mal. À ce stade, le Seigneur offre la vraie solution. Quelle est-elle?

Conversion : « Si vous ne vous convertissez pas – dit-il -, vous périrez tous de la même manière » (Lc 13, 5). C’est une invitation urgente, surtout en ce temps de Carême. Accueillons-le avec un cœur ouvert. Convertissons-nous du mal, renonçons à ce péché qui nous séduit, ouvrons-nous à la logique de l’Évangile : car, là où règnent l’amour et la fraternité, le mal n’a plus de pouvoir !

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Cependant, Jésus sait que la conversion n’est pas facile, et il veut nous y aider. Il sait que bien des fois nous retombons dans les mêmes erreurs et les mêmes péchés ; que nous sommes découragés et, peut-être, il nous semble que notre engagement pour le bien est inutile dans un monde où le mal semble régner.

Et puis, après son appel, il nous encourage avec une parabole qui parle de la patience de Dieu : il faut penser à la patience de Dieu, la patience que Dieu a envers nous. Il nous offre l’image consolante d’un figuier qui ne porte pas de fruits dans la période établie, mais qui n’est pas abattu : on lui donne plus de temps, une autre possibilité.

J’aime à penser qu’un beau nom de Dieu serait « le Dieu d’une autre possibilité » : il nous donne toujours une autre opportunité, toujours, toujours. Ainsi est sa miséricorde. C’est ce que le Seigneur fait de nous : il ne nous coupe pas de son amour, il ne se décourage pas, il ne se lasse pas de nous redonner confiance avec tendresse.

Frères et sœurs, Dieu croit en nous ! Dieu nous fait confiance et nous accompagne avec patience, la patience de Dieu avec nous. Il ne se décourage pas, mais place toujours de l’espoir en nous.

Dieu est Père et vous regarde comme un père : comme le meilleur des pères, il ne voit pas les résultats que vous n’avez pas encore atteints, mais les fruits que vous pourrez encore porter ; ne tient pas compte de vos lacunes, mais encourage vos possibilités ; il ne s’attarde pas sur votre passé, mais parie avec confiance sur votre avenir.

Parce que Dieu est proche de nous, Il est proche de nous. Le style de Dieu – ne l’oublions pas – est proximité, il est proche, avec miséricorde et tendresse. Et ainsi Dieu nous accompagne : proche, miséricordieux et tendre.

Demandons donc à la Vierge Marie de nous donner espérance et courage, et d’allumer en nous le désir de conversion.

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Après l’angélus

Chers frères et sœurs,

Malheureusement, l’agression violente contre l’Ukraine se poursuit, un massacre insensé où ravages et atrocités se répètent chaque jour. Il n’y a aucune justification à cela ! Je supplie tous les acteurs de la communauté internationale de s’engager véritablement à mettre fin à cette guerre répugnante.

Cette semaine également, des missiles et des bombes ont touché des civils, des personnes âgées, des enfants et des femmes enceintes. Je suis allé visiter les enfants blessés qui sont ici à Rome. L’un a un bras en moins, l’autre est blessé à la tête… Des enfants innocents.

Je pense aux millions de réfugiés ukrainiens qui doivent fuir en laissant tout derrière eux et je ressens une grande douleur pour ceux qui n’ont même pas la possibilité de s’échapper.

De nombreux grands-parents, malades et pauvres, séparés de leurs familles, de nombreux enfants et personnes fragiles restent à mourir sous les bombes, sans pouvoir recevoir d’aide et sans trouver de sécurité même dans des abris anti-aériens. Tout cela est inhumain !

En effet, c’est aussi un sacrilège, car cela va à l’encontre de la sacralité de la vie humaine, en particulier contre la vie humaine sans défense, qui doit être respectée et protégée, non éliminée, et qui passe avant toute stratégie ! N’oublions pas : c’est de la cruauté, inhumaine et sacrilège ! Prions en silence pour ceux qui souffrent.

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Je suis consolé de savoir que les personnes laissées sous les bombes ne manquent pas de la proximité des Pasteurs qui, en ces jours tragiques, vivent l’Évangile de la charité et de la fraternité. Ces derniers jours, j’ai entendu certains d’entre eux au téléphone, combien ils sont proches du peuple de Dieu.

Merci, chers frères, chères sœurs, pour ce témoignage et pour le soutien concret que vous offrez courageusement à tant de personnes désespérées. ! Je pense aussi au nonce apostolique, qui vient d’être nommé nonce, Monseigneur Visvaldas Kulbokas, qui est resté à Kiev avec ses collaborateurs depuis le début de la guerre et par sa présence me rend chaque jour proche du peuple ukrainien torturé.

Soyons proches de ce peuple, embrassons-le avec affection et avec un engagement concret et avec la prière. Et s’il vous plaît, ne vous habituez pas à la guerre et à la violence ! Ne nous lassons pas d’accueillir généreusement, comme nous le faisons : non seulement maintenant, dans l’urgence, mais aussi dans les semaines et les mois à venir.

Car vous savez qu’au premier instant, on fait tous le maximum pour accueillir, mais ensuite, l’habitude nous refroidit un peu le cœur et on oublie. On pense à ces femmes, ces enfants qui avec le temps, sans travail, séparés de leurs maris, seront recherchés par les « vautours » de la société. Protégeons-les, s’il vous plaît.

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J’invite chaque communauté et chaque fidèle à se joindre à moi le vendredi 25 mars, solennité de l’Annonciation, pour accomplir un acte solennel de consécration de l’humanité, en particulier de la Russie et de l’Ukraine, au Cœur Immaculé de Marie, afin qu’elle, la Reine de la paix, obtienne la paix pour le monde.

Je vous salue tous, Romains et pèlerins d’Italie et de divers pays…

Je souhaite à tous un bon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et au revoir.


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Saint Joseph, exemple et modèle de notre vie chrétienne

Saint Joseph, exemple et modèle de notre vie chrétienne

La fête de ce jour nous invite à la méditation sur saint Joseph, père légal et putatif de Jésus Notre-Seigneur. En raison de sa fonction près du Verbe Incarné pendant son enfance et sa jeunesse, il fut aussi déclaré protecteur de l’Église, qui continue dans le temps et reflète dans l’histoire l’image et la mission du Christ.

Statue de Saint Joseph - Oraoire Saint Joseph Montréal
Statue de Saint Joseph – Oraoire Saint Joseph Montréal

Pour cette méditation, de prime abord la matière semble faire défaut: que savons-nous de saint Joseph, outre son nom et quelques rares épisodes de la période de l’enfance du Seigneur? L’Évangile ne rapporte de lui aucune parole.

Son langage, c’est le silence; c’est l’écoute de voix angéliques qui lui parlent pendant le sommeil; c’est l’obéissance prompte et généreuse qui lui est demandée; c’est le travail manuel sous ses formes les plus modestes et les plus rudes, celles qui valurent à Jésus le qualificatif de « fils du charpentier » (Mt 13, 55). Et rien d’autre: on dirait que sa vie n’est qu’une vie obscure, celle d’un simple artisan, dépourvu de tout signe de grandeur personnelle.

Cependant cette humble figure, si proche de Jésus et de Marie, si bien insérée dans leur vie, si profondément rattachée à la généalogie messianique qu’elle représente le rejeton terminal de la descendance promise à la maison de David (Mt 1, 20), cette figure, si on l’observe avec attention, se révèle riche d’aspects et de significations. L’Église dans son culte et les fidèles dans leur dévotion traduisent ces aspects multiples sous forme de litanies.

Et un célèbre et moderne sanctuaire érigé en l’honneur du Saint par l’initiative d’un simple religieux laïc, Frère André, de la Congrégation de Sainte-Croix de Montréal, au Canada, met ces titres en évidence dans une série de chapelles situées derrière le maître-autel, toutes dédiées à saint Joseph sous les vocables de protecteur de l’enfance, protecteur des époux, protecteur de la famille, protecteur des travailleurs, protecteur des vierges, protecteur des réfugiés, protecteur des mourants.

Si vous observez avec attention cette vie si modeste, vous la découvrirez plus grande, plus heureuse, plus audacieuse que ne le paraît à notre vue hâtive le profil ténu de sa figure biblique. L’Evangile définit saint Joseph comme « juste » (Mt 1, 19). On ne saurait louer de plus solides vertus ni des mérites plus élevés en un homme d’humble condition, qui n’a évidemment pas à accomplir d’actions éclatantes.

Un homme pauvre, honnête, laborieux, timide peut-être, mais qui a une insondable vie intérieure, d’où lui viennent des ordres et des encouragements uniques, et, pareillement, comme il sied aux âmes simples et limpides, la logique et la force de grandes décision, par exemple, celle de mettre sans délai à la disposition des desseins divins sa liberté, sa légitime vocation humaine, son bonheur conjugal.

De la famille il a accepté la condition, la responsabilité et le poids, mais en renonçant à l’amour naturel conjugal qui la constitue et l’alimente, en échange d’un amour virginal incomparable. Il a ainsi offert en sacrifice toute son existence aux exigences impondérables de la surprenante venue du Messie, auquel il imposera le nom à jamais béni de Jésus (Mt 1, 21).

il Le reconnaîtra comme le fruit de l’Esprit-Saint et, quant aux effets juridiques et domestiques seulement, comme son fils. S. Joseph est donc un homme engagé. Engagé — et combien! —: envers Marie, l’élue entre toutes les femmes de la terre et de l’histoire, son épouse non au sens physique, mais une épouse toujours virginale; envers Jésus, son enfant non au sens naturel, mais en vertu de sa descendance légale.

A lui le poids, les responsabilités, les risques, les soucis de la petite et singulière Sainte Famille. A lui le service, à lui le travail, à lui le sacrifice, dans la pénombre du tableau évangélique, où il nous plaît de le contempler et, maintenant que nous savons tout, de le proclamer heureux, bienheureux.

C’est cela, l’Évangile, dans lequel les valeurs de l’existence humaine assument une tout autre mesure que celle avec laquelle nous avons coutume de les apprécier: ici, ce qui est petit devient grand (souvenons-nous des effusions de Jésus, au chapitre XI de saint Matthieu: « Je vous bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux simples »).

Ici, ce qui est misérable devient digne de la condition sociale du Fils de Dieu fait fils de l’homme; ici, ce qui est le résultat élémentaire d’un travail artisanal rudimentaire et pénible sert à initier à l’œuvre humaine l’Auteur du cosmos et du monde (cf. Jn 1, 3; 5, 17) et à fournir d’humble pain la table de celui qui se définira lui-même « le pain de vie » (Jn 6, 48).

Iici ce que l’on a perdu par amour du Christ est retrouvé (cf. Mt 10, 39), et celui qui sacrifie pour Lui sa vie en ce monde la conserve pour la vie éternelle (cf. Jn 12, 25). Saint Joseph est le type évangélique que Jésus, après avoir quitté l’atelier de Nazareth pour entreprendre sa mission de prophète et de maître, annoncera comme programme pour la rédemption de l’humanité.

Saint Joseph est le modèle des humbles que le christianisme élève à de grands destins. Saint Joseph est la preuve que pour être bon et vrai disciple du Christ, il n’est pas nécessaire d’accomplir de grandes choses; qu’il suffit de vertus communes, humaines, simples, mais authentiques.

Et ici la méditation porte son regard de l’humble Saint au tableau de notre humaine condition personnelle, comme il advient d’habitude dans l’exercice de l’oraison mentale. Elle établit un rapprochement, une comparaison entre lui et nous: une comparaison dont nous n’avons assurément pas à nous glorifier, mais où nous pouvons puiser quelque bonne réflexion.

Nous serons portés à imiter saint Joseph suivant les possibilités de nos conditions respectives; nous serons entraînés à le suivre dans l’esprit et la pratique concrète des vertus que nous trouvons en lui si vigoureusement affirmées, de la pauvreté, spécialement, dont on parle tant aujourd’hui.

Et nous ne nous laisserons pas troubler par les difficultés qu’elle présente, dans un monde tourné vers la conquête de la richesse économique, comme si elle était la contradiction du progrès, comme si elle était paradoxale et irréelle dans notre société de consommation et de bien-être.

Mais, avec saint Joseph pauvre et laborieux, occupé comme nous à gagner quelque chose pour vivre, nous penserons que les biens économiques aussi sont dignes de notre intérêt de chrétiens, à condition de n’être pas considérés comme fin en soi, mais comme moyens de sustenter la vie orientée vers les biens supérieurs.

À condition de n’être pas l’objet d’un égoïsme avare, mais le stimulant et la source d’une charité prévoyante; à condition encore de n’être pas destinés à nous exonérer d’un travail personnel et à favoriser une facile et molle jouissance des prétendus plaisirs de la vie, mais d’être au contraire honnêtement et largement dispensés au profit de tous.

La pauvreté laborieuse et digne de ce saint évangélique nous est encore aujourd’hui un guide excellent pour retrouver dans notre monde moderne la trace des pas du Christ.

Elle est en même temps une maîtresse éloquente de bien-être décent qui, au sein d’une économie compliquée et vertigineuse, nous garde dans ce droit sentier, aussi loin de la poursuite ambitieuse de richesses tentatrices que de l’abus idéologique de la pauvreté comme force de haine sociale et de subversion systématique.

Saint Joseph est donc pour nous un exemple que nous chercherons à imiter; et, en tant que protecteur, nous l’invoquerons. C’est ce que l’Église, ces derniers temps, a coutume de faire, pour une réflexion théologique spontanée sur la coopération de l’action divine et de l’action humaine dans la grande économie de la Rédemption.

Car, bien que l’action divine se suffise, l’action humaine, pour impuissante qu’elle soit en elle-même (cf. Jn 15, 5), n’est jamais dispensée d’une humble mais conditionnelle et ennoblissante collaboration. Comme protecteur encore, l’Église l’invoque dans un profond et très actuel désir de faire reverdir son existence séculaire par des vertus véritablement évangéliques, telles qu’elles ont resplendi en saint Joseph.

Enfin l’Église le veut comme protecteur, dans la confiance inébranlable que celui à qui le Christ voulut confier sa fragile enfance humaine voudra continuer du ciel sa mission tutélaire de guide et de défenseur du Corps mystique du même Christ, toujours faible, toujours menacé, toujours dramatiquement en danger.

Et puis nous invoquerons saint Joseph pour le monde, sûrs que dans ce cœur maintenant comblé d’une sagesse et d’une puissance incommensurables réside encore et pour toujours une particulière et précieuse sympathie pour l’humanité entière. Ainsi soit-il.

SOLENNITÉ DE SAINT JOSEPH – HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE PAUL VI – mercredi 19 mars 1969

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Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse