Le Pape François a poursuivi ce mercredi matin sa série d’enseignements sur les commandements de Dieu, en invitant à comprendre ce qu’ils impliquent dans la relation entre les hommes et leur Créateur.
PAPE FRANÇOIS
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 20 juin 2018
Frères et sœurs, Jésus est venu accomplir la Loi et non pas l’abolir. En quel sens cela peut-il être compris ? Les dix Commandements ont assurément la forme extérieure d’une loi. Cependant la Bible les désigne, non pas comme les « dix commandements » mais comme les « dix paroles » : Décalogue.
Alors qu’un commandement n’appelle aucun dialogue, la parole, au contraire, est le moyen essentiel de la communication. Une chose est recevoir un ordre, autre chose est comprendre que quelqu’un cherche à parler avec nous.
Depuis les origines, le Tentateur suggère l’image d’un Dieu jaloux et possessif. Or, le premier commandement donné à l’homme et à la femme, plus qu’une interdiction, était le moyen qu’un père donnait à ses enfants pour les protéger de l’autodestruction.
Nous nous trouvons devant cette alternative : sommes-nous des esclaves ou bien des fils ? Dieu est-il un maître ou un Père ? Ses commandements sont-ils seulement une loi, ou bien contiennent-ils une parole ?
L’esprit de Jésus que nous avons reçu nous empêche d’accueillir la Loi de manière oppressive. Le christianisme opère ce passage de la lettre de la Loi à l’Esprit qui donne la vie.
Frères et sœurs, rappelons-nous que le monde a besoin du témoignage de chrétiens à l’esprit filial et non pas d’esclaves de la loi. Donnons ce témoignage par notre comportement dans toute notre vie.
«Aimez vos ennemis et priez pour vos persécuteurs»: tel est le «mystère» auquel les chrétiens doivent se conformer pour être parfaits à l’image de Dieu, a développé mardi 19 juin le Pape François pour son homélie, cette fois centrée sur l’Évangile de Matthieu.
Pardon, prière, amour pour ceux qui «veulent nous détruire», pour nos ennemis : seule la Parole de Jésus peut en obtenir autant. Ainsi le défi du chrétien est de demander au Seigneur la grâce de bénir ses ennemis, et de s’engager à les aimer.
Pardonner, prier et aimer ses ennemis
pardonner
Nous savons bien que «nous devons pardonner à nos ennemis», «nous le disons tous les jours dans le Notre Père, nous demandons pardon comme nous pardonnons», c’est difficile. Alors «priez pour les autres», pour «ceux qui nous donnent des difficultés», car cela nous met à l’épreuve.
Rappelons-nous le sort «des pauvres chrétiens russes envoyés en Sibérie pour leur seule foi», des martyrs d’Auschwitz et d’autres camps de concentration: il faut pardonner à ceux qui essayent de nous détruire.
Dans les familles, il est parfois difficile de pardonner aux époux après une dispute, ou de pardonner à la belle-mère. Plus que le pardon, c’est la prière à leur égard qui est nécessaire, priez pour eux, et aimez-les : «Seule la parole de Jésus peut expliquer cela, je ne peux pas aller plus loin.»
Demande la grâce d’être parfait comme le Père
C’est donc une «grâce» à demander de «comprendre quelque chose de ce mystère chrétien et d’être aussi parfait que le Père. Cela nous fera du bien de penser à nos ennemis, nous en avons tous. La prière de la mafia est ‘Vous allez payer pour cela’. La prière chrétienne est: ‘Seigneur, donne-lui ta bénédiction et apprends-moi à l’aimer’».
Naboth lapidé devant sa vigne – Chronique universelle de Rodolphe d’Ems Artiste anonyme (entre 1350 et 1375)
Lors de la messe de ce lundi matin à la Maison Sainte-Marthe, le Pape François a évoqué la séduction du scandale et le pouvoir destructeur de la communication calomnieuse, évoquant l’horreur de la persécution des juifs au XXe siècle.
Si l’on veut détruire des institutions ou des personnes, on commence à médire. On utilise la séduction que le scandale exerce dans la monde de la communication. Le Pape a donc mis en garde contre cette «communication calomnieuse».
Défendre l’héritage des pères
Sa réflexion est partie de l’histoire de Nabot h, évoquée aujourd’hui dans le Premier Livre des Rois et proposée comme Première Lecture. Le roi Acab désire la vigne de Naboth et il lui offre de l’argent. Mais ce terrain fait partie de l’héritage de ses pères et l’homme refuse donc.
Alors, Acab, qui était «capricieux, fait comme les enfants quand ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent : il pleure». Ensuite, sur le conseil de sa femme cruelle, Jézabel, il le fait accuser de mensonge, il le tue et prend possession de sa vigne. Naboth est donc un «martyr de la fidélité à l’héritage» qu’il avait reçu de ses pères : un héritage qui allait au-delà de la vigne, «un héritage du cœur».
Les martyrs condamnés avec les calomnies
L’histoire de Naboth suit la même trame que celle de Jésus, de saint Étienne et de tous les martyrs qui ont été condamnés en utilisant un scénario de calomnies. Mais elle est aussi révélatrice du modèle de fonctionnement de beaucoup de gens, de «nombreux chefs d’État ou de gouvernement». On commence avec un mensonge, et «après avoir détruit une personne ou une situation avec cette calomnie», on juge et on condamne.
Les dictatures altèrent la communication
«Aussi aujourd’hui, dans de nombreux pays, on utilise cette méthode : détruire la libre communication. Réfléchissons, par exemple : il y a une loi sur les médias, de la communication, on annule cette loi ; on donne tout l’appareil de la communication à une entreprise, à une société qui calomnie, qui dit des choses fausses, qui affaiblit la vie démocratique. Ensuite les juges viennent juger ces institutions affaiblies, ces personnes détruites, ils condamnent, et ainsi avance une dictature. Les dictatures ont toutes commencé comme cela, en faussant la communication, pour mettre la communication dans les mains d’une personne sans scrupule, d’un gouvernement sans scrupule.»
La séduction des scandales
«Même dans la vie quotidienne, c’est comme ça», : si on veut détruire une personne, on commence avec la communication : «médire, calomnier, dire des scandales». «Et communiquer des scandales est un fait qui a une séduction énorme, une grande séduction. On séduit avec les scandales. Les bonnes nouvelles ne sont pas séductrice : “Oui, c’est bien qu’il l’ait fait !” Et ça passe… Mais un scandale : “Mais tu as vu ! Tu as vu cela ! Tu as vu cette autre chose qu’il a fait ? Cette situation… Mais ça ne peut pas continuer comme ça!” Et ainsi la communication grandit, et cette personne, cette institution, ce pays finit dans la ruine. On ne juge pas les personnes à la fin. On juge les ruines des personnes ou des institutions, parce qu’elles ne peuvent pas se défendre.»
La persécution des juifs
«La séduction du scandale» détruit les personnes, comme c’est arrivé pour Naboth qui voulait seulement «être fidèle à l’héritage de ses ancêtres», ne pas le brader. L’histoire de saint Étienne est exemplaire aussi. Il fait une long discours pour se défendre mais ceux qui l’accusaient préfèrent le lapider plutôt que d’écouter la vérité. «Ceci est le drame de l’avidité humaine». Beaucoup de personnes sont en effet détruites par une communication malveillante.
«Beaucoup de personnes, beaucoup de pays sont détruits par des dictatures mauvaises et calomnieuses. Pensons par exemple aux dictatures du siècle passé. Pensons à la persécution des juifs, par exemple. Une communication calomnieuse, contre les juifs, et ils ont fini à Auschwitz parce qu’ils ne méritaient pas de vivre. Oh, c’est une erreur, mais une erreur qui arrive aujourd’hui : dans les petites sociétés, dans les personnes et dans de nombreux pays. Le premier pas, c’est de s’approprier la communication, et ensuite, la destruction, le jugement, et la mort.»
Relire l’histoire de Naboth
L’apôtre Jacques parle justement de la «capacité destructrice de la communication malveillante». En conclusion, relisons l’histoire de Naboth dans le chapitre 21 du Premier Livre des Rois, et pensons à «tellement de personnes détruites, tellement de pays détruits, tellement de dictatures avec des “gants blancs” qui ont détruit les pays».