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sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

CÉLÉBRATION PÉNITENTIELLE AU VATICAN

MARDI SAINT

Chers frères et sœurs dans le Christ,

Aujourd’hui, l’Église nous exhorte à accomplir deux actions avant la confession.

Première action

L’Église nous demande de prier pour le pardon. Le pénitent invoque la miséricorde de Jésus qui « s’humilia plus encore, obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix » (Ph 2, 8). Toutefois, il ne fait aucun doute qu’aujourd’hui, de nombreuses personnes ont des difficultés à pardonner.

Il y a quelques années, j’ai rencontré de jeunes Américains qui ne croyaient pas dans la possibilité du pardon. Ils affirmaient: « Il est impossible de pardonner ce qui est arrivé. Comment peut-on effacer les événements qui ont eu lieu? Personne ne peut rivaliser avec la force obstinée du passé ».

En outre, ils insistaient sur le fait que certaines actions humaines sont si mauvaises, comme par exemple la violence contre les enfants ou les massacres d’innocents, qu’elles ne peuvent être oubliées, et, si elles sont rappelées, elles ne peuvent être pardonnées. Ces jeunes considéraient le pardon comme impossible.

En outre, ils soutenaient qu’il existait une question humainement restée sans réponse: « Qui doit pardonner? Certainement pas les innombrables victimes. La contamination du mal fait que les victimes d’un péché sont si nombreuses qu’il est impossible de les identifier toutes.

De même, il semble impossible d’identifier une force, qu’elle soit divine ou humaine, en mesure d’offrir un pardon total ». La Semaine Sainte répond à elle seule à leurs objections face à la possibilité de pardonner. Dieu, incarné, est devenu notre victime souveraine et le prêtre éternel.

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus a affirmé: « Le fils de l’homme… est venu… pour donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mc 10 45). Dans le Fils crucifié de l’homme, le Père céleste a dévoilé le mystère de son amour. Seul Jésus fut envoyé comme victime pour prendre sur lui le jugement de colère sur tous les péchés humains, passés, présents et futurs.

Unis autour des vingt-quatre vieillards dans le sanctuaire céleste, nous entonnons un chant nouveau à l’Agneau rédempteur: « Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang, des hommes de toute race, langue, peuple et nation » (Ap 5, 9).

La mort de Jésus fait revivre le passé. Jeunes et anciens reconnaissent dans la passion du Christ tous les péchés de l’humanité et le pardon de Dieu. L’Apôtre Pierre rappelle de façon essentielle ce à quoi il avait assisté en larmes: « Lui qui, sur le bois, a porté lui-même nos fautes » (1 P 2, 24).

L’Esprit Saint nous a réunis autour du martyrium de saint Pierre à Rome. La devise selon laquelle la ville est l’âme écrite en grand est valable pour la Rome ancienne. En effet, cette ville est l’âme chrétienne écrite en grand.

Les vertus intellectuelles, morales et théologiques des romains sont particulièrement évidentes dans l’approche plus détachée du martyrium de saint Pierre au-delà du Pont Saint-Ange. Huit anges sculptés sont placés sur ce pont antique et chacun d’eux porte un symbole de la Passion du Christ.

Les pèlerins arrivant à Rome contemplent les anges qui pleurent sur ces symboles. En inspirant la scène de la première semaine des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola, le Bernin imagina que traverser le pont sur le Tibre aurait conduit les pèlerins à la componction, au tourment de la conscience. Ce n’est qu’alors qu’ils auraient été prêts à entreprendre l’étape successive et cruciale des Exercices spirituels, la Confession générale.

Le piédestal du quatrième ange porte une inscription surprenante: « Regnavit Deus a ligno ». Ces paroles « le Seigneur règne », apparaissent dans le Psaume 95, 10. L’ajout a ligno est une première glose. Le mystère de Dieu qui règne du bois en tant que Prêtre et Victime est rappelé cette semaine.

De nombreux pénitents sont victimes d’actions injustes de la part d’autres personnes envers lesquelles ils éprouvent des sentiments de colère. Toutefois, même les victimes doivent redécouvrir que seul Jésus est « victime de propitiation pour nos péchés » (1 Jn 4, 10). Au nom de chaque victime, Jésus, « par une oblation unique, […] a rendu parfaits pour toujours ceux qu’il sanctifie » (He 10, 14).

L’homme divin sans péché « se substitue » aux pécheurs, vainquant de cette façon l’irréversibilité du temps. Toutes les personnes sont donc libres, rachetées, purifiées, libérées de la faute et du péché. Et Dieu est fidèle à sa promesse: « Ni de leurs péchés, ni de leurs offenses, je ne me souviendrai plus » (He 10, 17).

Seconde action

En invitant à un examen de conscience, l’Église suggère pour s’aider le Discours sur la Montagne. Les paroles de Jésus constituent le texte qui représente la nouvelle loi. La Croix est l’image spéculaire du Discours. Le corps déchiré de Jésus est la lumière qui n’a pas été vaincue par les ténèbres.

L’obscurité du péché ne pourra jamais supprimer la lumière de la miséricorde divine. Les pénitents laissent derrière eux l’obscurité grâce à une confession sincère des péchés. Afin d’approfondir votre componction, je vous propose l’examen suivant.

– Est-ce que j’abandonne l’orgueil, l’envie et l’ambition et suis-je le chemin d’humilité de Jésus? Le choix entre orgueil et humilité est-il manifesté de façon concrète par mon comportement à l’égard des Écritures? Suis-je docile et ouvert à la Parole de Dieu? Suis-je prêt à être jugé par celle-ci au lieu de la juger moi-même? Est-ce que je passe un temps excessif à lire les quotidiens et les journaux, à regarder la télévision et à utiliser Internet, par rapport au temps que je consacre à la méditation et à la lecture des Écritures Saintes?

– Ai-je été pauvre d’esprit et donc incapable de sanctifier le nom de Dieu parmi les hommes? Ai-je fait dépendre mon bonheur de la possession de biens extérieurs? Ai-je encouragé ceux qui étaient en proie au doute ou à l’erreur à suivre ce qui est vrai et bon?

– Ai-je ou non eu l’humilité d’invoquer l’avènement du Royaume de Dieu et de ne pas lui résister?

– Ai-je ou non versé des larmes face à la souffrance découlant de la conscience que la volonté de Dieu sur terre doit être réalisée au sein du conflit entre corps et esprit, entre ciel et terre puisque je suis contraint de dire: « Je vois une autre loi dans mes membres, je me préoccupe de celle de mon esprit? ».

– Ai-je ou non eu faim et soif de justice, au point que moi-même et d’autres, en particulier les pauvres, n’avons pas reçu le soutien du pain quotidien?

– Ai-je ou non été miséricordieux au point de pardonner les offenses des autres?

– Mon cœur a-t-il ou non été pur et ai-je cédé à la tentation qui crée la duplicité dans mon cœur? Ai-je recherché la satisfaction affective à travers des actes ou des pensées malveillantes envers moi-même ou d’autres, perdant ainsi la simplicité d’un cœur uniquement concentré sur Dieu?

– Ai-je ou non eu la volonté d’apporter la paix avec laquelle d’autres m’ont appelé fils de Dieu?

– Ai-je reçu les bonnes choses provenant de la munificence de Dieu avec un profond sentiment de gratitude et ai-je accepté avec patience les difficultés que j’ai rencontrées?

– Ai-je ou non exercé la justice qui régit mes relations avec les autres et a pour objectif l’instauration de la paix?

– Dans mon travail et dans l’accomplissement de mes responsabilités civiles et politiques, ai-je reconnu que la perfection de toutes les béatitudes réside dans l’acceptation de la persécution pour le bien du Royaume de Dieu?

– Ai-je suivi les préceptes de la nouvelle justice que Jésus mentionna après les béatitudes, c’est-à-dire les préceptes du jeûne, de la prière et du pardon?

Réunis autour de la tombe de l’Apôtre Pierre, rappelons la raison pour laquelle Pierre, repenti et en pleurs, décida d’obéir au commandement de Jésus: ce fut son amour pour Lui. Même les pénitents devraient s’efforcer d’observer les commandements uniquement par amour. La révélation du cœur déchiré de Jésus est suffisante. Pour saint Paul, rien d’autre ne fut nécessaire: « Ma vie présente dans la chair, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Rien d’autre que l’amour de Dieu n’est nécessaire. Tout le reste découle de lui.

L’Esprit Saint est sur la Chaire de Pierre. Nous avons répété ici, aujourd’hui, ce qui est arrivé à l’Église réunie au Cénacle de la première Pâque. Les pénitents sont appelés par ce même Esprit à observer les commandements par amour, le coeur enclin au pardon, afin qu’eux aussi soient libérés « de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8, 21).

HOMÉLIE DU CARDINAL JAMES FRANCIS STAFFORD  – Autel de la Confession de la Basilique Vaticane – Mardi Saint 11 avril 2006

le repas de Béthanie

Marie verse le parfum sur les pieds de Jésus, vitrail des studios de Meyer, Munich 1899
Marie verse le parfum sur les pieds de Jésus, vitrail des studios de Meyer, Munich 1899

Hier, avec le Dimanche des Rameaux, nous sommes entrés dans la Semaine Sainte, et la Liturgie nous fait revivre les dernières journées de la vie terrestre du Seigneur Jésus. Aujourd’hui, il nous conduit à Béthanie, où, précisément « six jours avant la Pâque » – comme le notait l’évangéliste Jean – Lazare, Marthe et Marie offrirent un repas au Maître.

Le récit évangélique confère un intense climat pascal à notre méditation:  le repas de Béthanie est un prélude à la mort de Jésus, sous le signe de l’onction que Marie accomplit en hommage au Maître et qu’Il accepta en prévision de sa sépulture (cf. Jn 12, 7). Mais c’est également l’annonce de la résurrection, à travers la présence même de Lazare ressuscité, témoignage éloquent du pouvoir du Christ sur la mort.

Outre l’importance de la signification pascale, le récit du repas de Béthanie porte en lui un écho déchirant, empli d’affection et de dévotion; un mélange de joie et de douleur:  une joie festive pour la visite de Jésus et de ses disciples, pour la résurrection de Lazare, pour la Pâque désormais proche; une profonde amertume car cette Pâque pouvait être la dernière, comme le laissaient craindre les intrigues des Juifs qui voulaient la mort de Jésus et les menaces contre Lazare lui-même dont on projetait l’élimination.

Dans cet épisode évangélique, un geste attire notre attention, qui, aujourd’hui encore, parle de façon particulière à nos cœurs:  à un certain moment, Marie de Béthanie, « prenant une livre de parfum de nard pur, de grand prix, oignit les pieds de Jésus et les essuya avec ses cheveux » (Jn 12, 3).

C’est l’un des détails de la vie de Jésus que saint Jean a recueillis dans la mémoire de son cœur et qui contiennent une profondeur expressive inépuisable. Il parle de l’amour pour le Christ, un amour surabondant, prodigue, comme l’onguent « de grand prix » versé sur ses pieds. Un fait qui scandalisa de façon caractéristique Judas l’Iscariote:  la logique de l’amour s’oppose à celle du profit.

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Trois cris retentissent au récit de la Passion

Trois cris retentissent au récit de la Passion. Le cri hostile du crucificateur, le cri d’amour du crucifié, et le cri d’espérance des jeunes. Une polyphonie expliquée par le Pape François dans son homélie lors de la messe du dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur, sommet de l’année liturgique, qu’il a célébrée place Saint-Pierre à Rome.

Le récit est autant radieux que douloureux. La lecture de la Passion du Christ, «ses histoires de joie et de souffrances, d’erreurs et de succès», sont à rapprocher de nos existences propres.

Les Très Riches Heures du Duc de Berry - Entrée de Jésus à Jérusalem - Limbourg brothers - 1416
Les Très Riches Heures du Duc de Berry – Entrée de Jésus à Jérusalem – Limbourg brothers – 1416

Ombres et lumières d’une fragile humanité

Tout comme Judas ou Pierre, femmes et hommes de notre temps, nous sommes capables «d’aimer autant que de haïr»…, conflit permanent qui sévit au sein de l’homme.

D’un côté, l’homme est capable «de courageux sacrifices», de l’autre, il sait «se laver les mains» au moment opportun ; d’un côté il est capable «de fidélité», de l’autre de «grands abandons et de grandes trahisons».

Parmi de telles batailles intérieures, différents cris résonnent. Un arsenal de sonorités qui laisse entendre «le cri de celui dont la voix ne tremble pas pour hurler: ‘’Crucifie-le !’’»

Ce cri issu du vacarme hiérosolymitain accompagnant l’entrée du Christ dans la ville, n’est assurément pas spontané, avance le Souverain Pontife, proposant une réflexion sur «l’arrogance, l’autosuffisance et l’orgueil de la calomnie»,  associée à ce mauvais cri.

Le poison des réalités truquées

«Crucifie-le», cet ordre lapidaire venu de la foule, est «artificiel, construit, fait de mépris, de calomnie et de faux témoignages suscités». Une voix manipulatrice et sans scrupules qui présente des réalités truquées pour défigurer les visages, en l’occurrence celui du Christ, et les transformer en «malfaiteurs.»

Des intrigues fabriquées et préfabriquées qui tuent les rêves, détruisent l’espérance, suppriment la joie. Résultat: les cœurs se blindent, la charité se refroidit, la solidarité s’endort, les idéaux s’éteignent. Un tableau bien sombre auquel seule la Croix peut redonner des couleurs.

«Le meilleur antidote, c’est de regarder la croix du Christ» pour demeurer dans la joie. Une joie, «motif de gêne et d’agacement pour certains», parce qu’un jeune joyeux est «difficile à manipuler».

«La décision de crier appartient aux jeunes»

Ainsi se distingue un troisième cri, après celui du crucificateur et du crucifié: le cri des jeunes, empreint d’un ton prophétique s’appuyant sur saint Luc: «Si eux se taisent, les pierres crieront» (Lc 19, 39-40).

Le Pape tient particulièrement à réveiller une jeunesse parfois «endormie ou anesthésiée» -contre ou de son plein gré-. L’objectif est d’éviter de tomber dans la vocifération du crucificateur, fausse et manipulatrice. «Tous les jeunes doivent donc se décider à crier» a dit le Pape qui à l’issue de la messe a reçu des mains d’un jeune le document final de la réunion pré-synodale tenue à ce sujet toute la semaine à Rome.

Ce sursaut doit se faire «avant que les pierres ne crient». «Si les autres se taisent, si nous, les aînés et les responsables, sommes silencieux, si le monde se tait et perd la joie, je vous le demande : vous, est-ce que vous crierez ?»