Jésus – Sermon sur la Montagne – Carl Heinrich Bloch (1834-1890) – National Museum Frederiksborg Hillerød, Danemark | DR
Introduisant la prière mariale qu’il a présidée place Saint-Pierre à Rome, le Pape François a médité sur l’Évangile du jour, les Béatitudes (Mt 5, 1-12a), en particulier sur la première béatitude : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des Cieux est à eux» (v. 4). La pauvreté en esprit est «sobriété», «capacité de goûter l’essentiel».
PAPE FRANÇOIS
ANGÉLUS
Place Saint Pierre
Dimanche, 29 janvier 2017
Chers frères et sœurs, bonjour !
La liturgie de ce dimanche nous conduit à méditer sur les Béatitudes (cf. Mt 5,1-12a), qui ouvrent le grand discours dit «de la montagne», la «Grande Charte» du Nouveau Testament. Jésus manifeste la volonté de Dieu de conduire les hommes vers le bonheur. Ce message était déjà présent dans la prédication des prophètes : Dieu est proche des pauvres et des opprimés, et les libère de ceux qui les maltraitent eux.
Mais dans sa prédication Jésus suit un chemin particulier: il commence par le mot «bienheureux», c’est-à-dire heureux; il poursuit avec l’indication de la condition pour l’être ; et il conclut en faisant une promesse. Le motif de la béatitude, c’est-à-dire du bonheur, ne réside pas dans la condition requise – «pauvres en esprit», «ceux qui pleurent», «ceux qui ont faim et soif de justice», «persécutés»… – mais dans la promesse qui la suit, à accueillir avec foi comme don de Dieu.
On part de la condition difficile, pour s’ouvrir au don de Dieu et accéder au monde nouveau, le «règne» annoncé par Jésus. Ce n’est pas un mécanisme automatique, mais un chemin de vie à la suite du Seigneur, sur lequel la réalité de malaise et d’affliction est vue dans une perspective nouvelle et expérimentée selon la conversion qui se met en œuvre. On n’est pas bienheureux si on n’est pas converti, en mesure d’apprécier et de vivre les dons de Dieu. Lire la suite →
sous la pluie – Rain water color painting Stanislav Sidorov
L’habit du chrétien doit être cousu avec « mémoire, courage, patience et espérance » pour résister également aux pluies les plus intenses sans céder et sans se rétrécir, finissant, justement, avec l’âme rétrécie de celui qui a peur de tout.
C’est précisément contre le « péché de la timidité » que le Pape François a mis en garde au cours de la Messe célébrée dans la matinée du vendredi 27 janvier, dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican. En rappelant que Jésus lui-même a averti que « qui veut conserver sa vie sans risquer et en ayant toujours recours à la prudence, la perdra. »
Pour sa méditation, le Pape François est parti des premières lectures d’aujourd’hui qui est un passage de la lettre aux Hébreux (10, 32-39) : « Une exhortation à vivre la vie chrétienne, une exhortation avec trois points de référence, trois points temporels, disons ainsi : le passé, le présent, le futur. On ne peut vivre de façon chrétienne sans mémoire. »
« La mémoire du salut de Dieu dans ma vie, la mémoire des ennuis dans ma vie : comment le Seigneur m’a-t-il sauvé de ces ennuis ? » Pour cela, « la mémoire est une grâce, une grâce à demander : ‘Seigneur, que je n’oublie pas ton passage dans ma vie, que je n’oublie pas les bons moments, mais aussi les mauvais ; les joies et les croix’. » Voilà que « l’exhortation pour bien vivre une vie chrétienne commence par ce point de référence : la mémoire »
Puis, l’auteur de la lettre aux Hébreux « nous fait comprendre que nous sommes en chemin, et que nous sommes en chemin dans l’attente de quelque chose, dans l’attente d’arriver ou de rencontrer. » Cela veut dire « arriver à un point : une rencontre ; rencontrer le Seigneur. » Et ici entre en jeu « l’espérance : se tourner vers l’avenir. »
En effet, « de même que l’on ne peut pas vivre une vie chrétienne sans la mémoire des pas accomplis, on ne peut pas vivre une vie chrétienne sans se tourner vers l’avenir avec l’espérance de la rencontre avec le Seigneur. » Et l’auteur de la lettre aux Hébreux écrit « une belle phrase : ‘Encore un peu…’ » Nous savons bien que « la vie est un souffle, elle passe ». Mais « l’espérance de le rencontrer est une vie en tension, entre mémoire et espérance, passé et futur. ».
Et « le troisième point se trouve à mi-chemin : c’est aujourd’hui, c’est-à-dire le présent. » « Un aujourd’hui entre le passé et le futur. » Et « le conseil pour vivre l’aujourd’hui est de continuer dans cette attitude, qui décrit les premiers chrétiens, de courage, de patience, de persévérance, sans avoir peur ». Parce que le chrétien vit le présent, souvent douloureux et triste, courageusement, avec patience. Il y a deux mots qui plaisaient à Paul et à son disciple qui a écrit cette lettre : ‘courage et patience’.
Ainsi « est notre vie chrétienne, c’est ainsi que la liturgie nous exhorte à la vivre : avec une grande mémoire du chemin vécu, avec une grande espérance de cette belle rencontre qui sera une belle surprise. » Certes, nous ne savons pas quand. Mais il doit toujours y avoir « l’espérance de la rencontre. » Et également l’attitude de « supporter, avec patience ; porter ici, patience et courage, franchise », avec « la tête haute, sans honte ». C’est précisément ainsi que « l’on porte de l’avant la vie chrétienne. »
« Il y a une petite chose, pour finir, sur laquelle l’auteur » de la lettre aux Hébreux attire l’attention de la communauté : c’est pour cette raison que « tant de fois, Jésus disait : ‘N’ayez pas peur’ », précisément pour mettre en garde contre la « timidité » et faire ainsi en sorte de ne pas céder, de ne pas aller « toujours en arrière », en se préservant « trop soi-même » par « peur de tout », pour « ne pas risquer », en ayant recours à la « prudence ».
Au point qu’ on peut également dire de suivre « tous les commandements, oui, c’est vrai, mais cela te paralyse, te fait oublier les nombreuses grâces reçues, cela t’ôte la mémoire, t’ôte l’espérance parce que cela te retient. » Et « le présent d’un chrétien, d’une chrétienne, est comme quand on va dans la rue et soudain il se met à pleuvoir, et le vêtement n’est pas de très bonne qualité et le tissu se rétrécit : des âmes rétrécies. » Cette image exprime précisément bien ce qu’est « la timidité : le péché contre la mémoire, le courage, la patience et l’espérance. »
« Apprendre les uns de autres » : tel est le chemin de réconciliation entre chrétiens indiqué par le Pape François en la solennité de la conversion de saint Paul.
En conclusion de la semaine de prière œcuménique selon l’habitude, le Pape a présidé le 25 janvier la célébration des deuxièmes vêpres dans la basilique qui porte le nom de l’apôtre.
Et avec le baiser donné – au moment du congé – aux croix pectorales du métropolite orthodoxe et de l’archevêque anglican, le Pape François a voulu donner au rite le sceau œcuménique d’un pontificat tout tendu à construire des ponts de réconciliation.
Du reste, même dans son homélie le Pape a insisté sur la nécessité de proclamer l’Évangile de la réconciliation, surtout après des siècles de divisions entre chrétiens. Il a identifié dans la prédication de Paul une aide « à trouver la voie ».
En effet, « il souligne que la réconciliation dans le Christ ne peut se réaliser sans sacrifice. De même, les ambassadeurs de la réconciliation sont appelés, en son nom, à donner leur vie, à ne plus vivre pour eux-mêmes. C’est la révolution chrétienne de toujours ».
En conséquence, «pour l’Église, pour chaque confession chrétienne», cela se traduit en «invitation à ne pas se fonder sur les programmes, sur les calculs et les avantages, à ne pas se fier aux opportunités et aux modes du moment». Et également à «sortir de tout isolement, à surmonter la tentation de l’autoréférentialité».
En substance, « réconciliation authentique parmi les chrétiens pourra se réaliser» que quand «lorsque nous saurons reconnaître les dons les uns des autres et que nous serons capables, avec humilité et docilité, d’apprendre les uns des autres, sans attendre que ce soient les autres qui apprennent d’abord de nous».
Et si «jeter un regard en arrière est nécessaire pour purifier la mémoire», il est tout aussi vrai qu’«être rivé au passé, en s’attardant à rappeler les torts subis et faits et en jugeant avec des paramètres uniquement humains, peut paralyser et empêcher de vivre le présent».
D’où l’exhortation à ne jamais se lasser «de demander à Dieu» le don de l’unité. «Allons de l’avant sur notre chemin de réconciliation et de dialogue, encouragés par le témoignage héroïque de nombreux frères et sœurs, unis hier et aujourd’hui dans la souffrance pour le nom de Jésus».
Et «profitons de chaque moment que la Providence nous offre pour prier ensemble, pour évangéliser ensemble, pour aimer et servir ensemble, surtout qui est plus pauvre et plus délaissé».