la médaille miraculeuse et le credo IV

La Croix nue

Signe de Résurrection et d’Ascension près de Dieu

Introduction

Richard Tassel (1580-1660) La Résurrection du Christ Beaune Collégiale Notre-Dame huile sur toile | DRNous voici réunis une nouvelle fois pour saisir tout ce que peut nous suggérer la médaille miraculeuse en vue de nous amener à la lecture, à la connaissance, à la compréhension et à la mise en œuvre de notre Credo.

Une face de la médaille présente le contenu objectif de notre foi : la Rédemption réalisée par le Christ Jésus, avec la douce présence d’intercession de Marie sa mère, dans le but d’une communion de tous les êtres avec Dieu.

L’autre face de la médaille représente le contenu subjectif de notre foi : l’acceptation de la Rédemption. Celle-ci est rendue possible à tous les hommes qui prient et qui ont un cœur pur, par la grâce du coeur de Jésus auquel s’unit celui de Marie.

Aujourd’hui nous regardons la face habituellement cachée de la médaille. Nous avons vu la croix, dans sa réalité douloureuse, exprimant la souffrance et la mort de Notre-Seigneur. Nous avons vu le Christ expirer sur la Croix. Pour s’assurer de sa mort, Longin d’après la tradition, soldat romain, lui transperce le cœur – et il en sort du sang et de l’eau. Avec sa descente de la croix et son ensevelissement, la croix devient vide. Elle restera là dans cet état durant la Pâque, car aucun travail ne doit se faire durant le sabbat.

Pendant ce temps que deviennent l’esprit, l’âme et le corps de celui qui a été élevé sur le bois de la croix ? Jésus a reposé dans le tombeau neuf, procuré par Joseph d’Arimathie. les scellés y sont mis et des soldats sont là pour les garder. Voilà bien Jésus englouti par la mort, plongé dans cet au-delà dont l’homme n’a jamais vu le fond.

I – AVANT LE TROISIÈME JOUR :

« est descendu aux enfers »

La Pâque achevée, les disciples vont venir pour voir le tombeau et se recueillir près de Jésus. Que se passe-t-il alors? Le corps inanimé du Sauveur est resté dans le tombeau depuis le vendredi jusqu’au dimanche. Et son âme, son esprit, où donc, dans quelle profondeur sont-ils descendus ? Jésus-Christ est descendu, en âme seulement mais réellement, dans un lieu appelé limbes. Et il descendit dans les parties inférieures de la terre. (Eph., IV, 9) Les enfers signifient le séjour des morts. Le Christ y descend, chargé du péché des hommes; ses stigmates en sont la trace. Il va chercher les défunts de tous les temps, ceux qui gisent dans les ténèbres, à l’ombre de la mort : Adam, Eve, Patriarches, prophètes, saints et saintes de l’Ancien Testament, voire des païens, peuple immense attendant, à la porte du paradis, l’arrivée du libérateur promis.

Au centre des icônes d’Orient, le Christ, rayonnant de lumière, apparaît comme le Maître de la vie. Vers lui les mains se tendent. Sa main nous arrache à la mort. Les portes brisées et les serrures éclatées montrent la violence et le dynamisme de l’Esprit contre les portes et les verrous qui nous tiennent prisonniers de la mort. Par sa mort et sa résurrection, Jésus sauve toute l’humanité. Les chrétiens orientaux représentent souvent la mort et la résurrection du Christ par la descente aux enfers : Je pénétrerai toutes les parties inférieures de la terre, et j’examinerai tous ceux qui dorment, et j’illuminerai tous ceux qui espèrent dans le Seigneur. (Si. 24, 45 vulgate)

Ces multitudes d’enfants d’Abraham jouissaient d’un tranquille repos, mais le bonheur véritable et plein, ils ne le possédaient pas encore, ils soupiraient après sa venue. Jésus, pendant qu’on garde son corps dans le tombeau, paraît donc en libérateur au milieu de tout ce peuple élu. Son corps est dans la nuit du sépulcre et son âme, brillante comme le jour éternel, illumine les Limbes, et fait luire à tous la vision béatifique. Ainsi commence, pour les hommes, le ciel ou le paradis. Ainsi le bon larron est-il, le jour même, admis en ce séjour de bonheur infini.

II – LA RÉSURRECTION

La difficile évidence de la Résurrection

Sur le chemin de la Résurrection, l’évangéliste Marc nous guide. Revenons au temps de la vie de Jésus. Les disciples redescendent de la montagne avec lui, après la transfiguration, et Jésus, écrit Marc, leur ordonne de ne raconter à personne ce qu’ils ont vu, « jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ». Ils gardent la recommandation, précise Marc, « tout en se demandant entre eux ce que signifiait ‘ressuscité d’entre les morts' » (Mc 9, 9-10) ! Ils gardent la recommandation jusque… Mais au fait ils le ne savent pas !

On est bien content que Marc ait ajouté cela, la place de notre doute. Et la fin de son évangile semble insister. Les femmes vont au tombeau au petit matin de Pâques et trouvent la pierre roulée et le tombeau vide. Et juste un jeune homme vêtu de blanc, qui annonce : « Il est vivant, celui que vous cherchez au pays de la mort. Il vous précède en Galilée… Allez le dire à ses disciples. » Et elles fuient, terrifiées (Mc 16, 1-8).

Ce sur quoi repose la foi des Apôtres en la Résurrection

L’acte de Dieu ressuscitant son Fils échappe à notre constatation. Aucun évangile ne nous décrit Jésus en train de ressusciter. Les quatre évangiles parlent de la découverte du tombeau vide. Ainsi Marie-Madeleine s’écrie-t-elle: « On a enlevé mon Seigneur et je ne sais où on l’a mis » (Jn 20, 2). Le tombeau vide est un signe très parlant qui renvoie au mystère. Ce signe indirect livre toute sa signification à la lumière du message des anges : «Pourquoi chercher parmi les morts celui qui est vivant ?» (Lc 24.)

Signification des apparitions

Les apparitions attestent sensiblement la présence du Ressuscité. Jésus n’est plus simplement celui qu’on voit parce qu’il arrive à tel endroit ou celui qu’on ne voit plus parce qu’il est déjà reparti vers un autre endroit. Ressuscité, il est celui qui se fait voir : il « apparaît » et il disparaît à Jérusalem ou en Galilée, au Cénacle ou sur le chemin d’Emmaüs, parce qu’il est toujours avec nous, même quand on ne le voit pas.

La présence du Ressuscité échappe à nos yeux de chair. C’est pourquoi Jésus s’est manifesté visiblement aux premiers témoins. Les récits des apparitions rapportent des faits significatifs et nous les transmettent dans une catéchèse. Ils sont de deux ordres: les apparitions à quelques-uns (aux femmes, à Marie-Madeleine et aux disciples d’Emmaüs) et les apparitions aux Apôtres, dès le soir de Pâques jusqu’à l’Ascension, tant à Jérusalem qu’en Galilée.

Les apparitions pour l’Eglise

Ces derniers récits comportent un envoi en mission des Apôtres: « De toutes les nations, faites des disciples » (Mt 28, 19); « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie » (Jn 20, 21).

Paul et Luc nous rapportent une apparition à Pierre seul ( I Co 15, 5; Lc 24, 34). Dans ce témoignage, la foi pascale de Pierre précède celle des Onze; la foi au Ressuscité est le fondement de l’Eglise. Dans les autres récits, c’est avec Pierre que les Onze font l’expérience de l’incrédulité, puis de la reconnaissance et de l’envoi en mission. Ces récits d’apparition disent comment l’Eglise naît de l’Esprit, source de la foi dans le Ressuscité, et comment elle s’appuie sur la foi collégiale des Apôtres.

La résurrection de Jésus, issue de l’imagination des Apôtres ?

La résurrection de Jésus n’est- elle pas le produit de la foi des Apôtres ? Les évangiles nous la présentent comme un événement qui a surpris les Apôtres et s’est imposé à eux malgré leur incrédulité. Ainsi, quand les femmes leur apportent la nouvelle de la résurrection, ils prennent leurs propos pour des radotages et ils ne les croient pas (Lc 24, 11). Quand Jésus lui-même leur apparaît, ils ne peuvent pas y croire et restent ébahis (Lc 24, 37- 41). Thomas ne croit rien de ce qu’on lui raconte, jusqu’à ce que le Christ se montre à lui aussi. Sur le chemin de Damas, Paul rencontre le Ressuscité et cette expérience s’impose irrésistiblement à lui malgré la fougue avec laquelle il s’acharnait à persécuter les croyants.

Comme la croix, le tombeau vide nous parle

C’est déjà ça la résurrection : un tombeau vide et l’absence totale des certitudes, peut-être même des repères, sauf celui de la mort, bouleversé, vidé de sens. Et une parole. Celle-ci vient d’ailleurs, de Dieu : un « jeune homme vêtu de blanc » dit Marc – Matthieu dit « des anges » -. Cette parole est inscrite au futur : « il vous précède… » La résurrection emporte le présent. Ce présent est si lourd du passé, de la mort, qu’on ne risque pas de l’oublier. Mais comme pour les deux disciples d’Emmaüs, ce passé est pris en compte, par Jésus lui-même.

Mais il est confronté aux Ecritures, Jésus en ouvre pour eux sur le chemin la compréhension et l’éveille en leur cœur (Lc 24). Ainsi il faut poursuivre la marche. Jésus leur dit : « Oh, cœurs lents à croire… ». Oui, nous aussi sommes ainsi. La résurrection lentement en nous fait son chemin. Sur ce chemin, Jésus invite au geste qu’il a donné comme son signe : le pain et le vin. C’est dans ce mystère que Jésus lui-même a donné, que s’ouvre le mystère de la Résurrection.

Retour vers la Communauté

La nuit, les disciples d’Emmaüs repartent, intérieurement illuminés. Ils retournent à Jérusalem, vers les frères. On croit à la résurrection, en échangeant des paroles qui disent la brûlante rencontre du ressuscité. Et c’est étonnant de voir la place des femmes dans l’annonce de la Résurrection : les femmes au tombeau, Marie-Madeleine (Jn 20)… Leur témoignage avait a priori si peu de poids dans la société. Mais elles ont le sens de la vie, de la vie étonnante de Dieu !

Quelques signes parlants

Parole seulement des témoins et quelques signes, parole humaine, et pourtant marquée par la présence de Dieu là où travaillent la vie et la mort, le doute et la foi. Les témoins dans la foi ont un rôle irremplaçable. Des gens sûrement dans la vie desquels quelque chose a été bouleversé, un passage de la mort à la vie, une ouverture discrète de l’espérance. Ces gens-là donnent leur vie, déjà tout autre.

La foi en la Résurrection de Jésus Christ est au cœur du christianisme authentique ; c’est pourquoi saint Paul écrit aux Corinthiens : Si le Christ n’est pas ressuscité, alors notre prédication est vide, vide aussi notre foi(1 Co 15, 14). Les apôtres sont par excellence les témoins du Christ ressuscité (voir surtout Ac 1, 21-22). C’est que la Résurrection a été l’éclatante manifestation de la messianité de Jésus et de sa divinité. L’attitude prise devant l’événement est la ligne de clivage entre la foi et l’incrédulité et cela demeure évidemment valable pour toutes les générations jusqu’à la fin des temps.

Réflexion sur « LE TROISIÈME JOUR EST RESSUSCITÉ DES MORTS »

L’histoire de Jonas

QUICONQUE a étudié l’Histoire Sainte connaît l’histoire du prophète Jonas, englouti par un poisson géant préparé par Dieu à cet effet : Et Dieu prépara un grand poisson qui déglutirait Jonas. Notre siècle railleur objecte qu’une baleine possède une gorge trop étroite, que la Méditerranée compte peu de ces poissons, et que le fait ne peut être qu’allégorique. Peu importe. L’épisode était connu et Jésus s’en est servi : De même que Jonas fut enseveli pendant trois jours dans le ventre d’un énorme poisson, de même le Fils de l’Homme passera trois jours au sein de la terre et puis il ressuscitera. (Matt 12, 40)

Quant à la baleine, pourquoi s’y arrêter? l’Ecriture ne parle pas d’une baleine, mais d’un poisson géant. Il n’en faut pas davantage pour examiner, avec intérêt et foi, le miracle de Jonas. Précipité dans la mer il y passe trois jours… et ce sont des jours d’actions de grâces… de mystère, après quoi la mer le rend à ses concitoyens.

Jésus de l’histoire et Christ de la foi

Pour nous, la mention du troisième jour maintient la foi arrimée à l’histoire. Elle se réfère à une suite d’événements. La mort de Jésus a eu, même dans notre monde, une suite. L’affirmation de la résurrection de Jésus d’entre les morts ne nous projette pas moins au-delà de l’histoire, dans le monde propre de la foi, qui est le monde de Dieu.

Déjà l’affirmation de la descente aux enfers avait bien une face historique: celle qui concerne le passage de Jésus par la mort, par le tombeau. Mais elle avait aussi une face tournée du côté de Dieu, du côté des réalités que seule la foi peut rejoindre. Dans les enfers, dans le séjour des morts, Jésus a pénétré comme le Fils de Dieu, comme celui qui incarnait l’invincible amour de ce Dieu pour les hommes.

De même, l’affirmation de la résurrection a une face historique: celle qui concerne la rencontre que les disciples ont faite de Jésus en un certain nombre de circonstances, alors qu’ils le pensaient définitivement disparu. Mais elle a également une face tournée du côté des réalités que seule la foi peut rejoindre, parce qu’elle concerne le monde de Dieu

La résurrection se confesse dans la foi dont elle est aussi bien le fondement. Depuis l’origine elle est annoncée d’en-haut. Auprès du tombeau vide, elle est annoncée aux femmes par l’ange, le messager de Dieu. Aux disciples elle est annoncée par Jésus lui-même qui vient toujours d’ailleurs et ne se laisse plus renfermer dans les limites du monde, ni dans celles des idées que les disciples, comme nous, peuvent se faire du possible. Jésus échappe, au moment même où l’on veut le saisir, car il n’appartient plus à ce monde.

La résurrection de Jésus est alors proclamée par ceux qui, après l’avoir accompagné sur les routes de Galilée et jusque dans sa passion, l’ont retrouvé vivant après sa mort et cependant selon un mode de présence radicalement nouveau. Depuis lors, la foi des chrétiens en la résurrection de Jésus est la réponse que l’Esprit Saint leur permet de donner à la solidité du témoignage de ceux qui seuls étaient en mesure d’identifier le ressuscité au crucifié du Golgotha. Cette foi illumine et transforme leur vie, comme elle a illuminé et transformé la vie des premiers témoins. « Bienheureux ceux qui n’ont pas vu et ont cru » (Jn 20, 29). Les chrétiens croient que Dieu est capable de triompher de toutes les obscurités, de toutes les épreuves de la vie, et même de ce « dernier ennemi » (I Cor 15, 26) qu’est la mort.

Jésus est vraiment RESSUSCITÉ

Comment peindre l’impression de puissance, de beauté, de joie, de gloire que dégageait l’âme de Notre-Seigneur, même à travers son corps? Jésus ressuscité c’est la puissance qui brise le sceptre de la mort : ubi est, mors, victoria tua?Lorsque ce corps corruptible aura revêtu l’incorruptibilité, et que ce corps mortel aura revêtu l’immortalité, alors s’accomplira la parole qui est écrite: La mort a été engloutie dans la victoire. O mort, où est ta victoire? O mort, où est ton aiguillon? L’aiguillon de la mort, c’est le péché; et la puissance du péché, c’est la loi. Mais grâces soient rendues à Dieu, qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ! Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, travaillant de mieux en mieux à l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur. (1 Co 15,54-58)

Et comment ne pas espérer notre propre résurrection ? Son corps, animé de nouveau par son âme, reprend vie et sort du tombeau, comme un soleil resplendissant. Les disciples en sont ravis. Madeleine en est hors d’elle-même. Quand les amis de Jonas le revirent, ce fut une fête ; combien plus quand Jésus apparut aux Apôtres : Et ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant au-dedans de nous, quand il nous parlait en chemin, quand il nous expliquait les Ecritures ? » (Luc, XXIV.)

III – L’ASCENSION

La résurrection, « le troisième jour », fait date, peut‑on dire, dans notre histoire. Et cependant elle est, dans notre histoire, l’ouverture d’une autre histoire. Elle est, dans notre monde, l’ouverture d’un autre monde: le monde de Dieu. Elle est l’ouverture de notre monde sur le « ciel », c’est‑à‑dire l’univers de Dieu. Elle est très précisément cette Pâque, ce passage accompli, dans le corps du Christ, de notre monde dans le monde de Dieu, et du monde de Dieu dans notre monde.

On ne parlerait pas justement de la résurrection du Christ si l’on omettait de parler de l’un de ces deux pôles entre lesquels elle s’accomplit. On la trahirait si l’on en faisait seulement un fait divers, alors qu’elle est plutôt, par la puissance de Dieu, le franchissement des limites de ce monde, tout entière communication du ciel et de la terre.

« EST MONTÉ AUX CIEUX »

Notre-Seigneur a passé quarante jours après sa résurrection, mangeant et conversant avec ses disciples. Son œuvre visible est achevée. Montant sur le mont des Oliviers, il bénit une dernière fois la foule et… il s’élève au-dessus d’elle, il monte avec majesté dans les airs, suivi de mille regards immobiles d’admiration. Il atteint la région des nues et disparaît au-dessus d’elles. Sous leurs yeux, il s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs regards (Actes I, 9). Voilà un spectacle vu, attesté, par plus de cinq cents hommes.

Le Christ voit les cieux s’entrouvrir sur sa tête, des esprits accourent au devant de lui, pendant que l’immense multitude des saints forment son cortège et chantent la Rédemption. C’est ainsi précédé, suivi, entouré des élus, qu’il entre corps et âme dans son royaume.

Le précédent d’Élie

Notre-Seigneur s’est élevé au ciel et s’y est assis à la droite de Dieu son Père. Bien qu’inouïe, prodigieuse, lassomption du prophète Elie n’est en rien comparable à l’ascension de Jésus-Christ. Elie devisait avec Elisée lorsque voici un char de feu, et des chevaux de feu qui passent au milieu d’eux. Et, dans le tourbillon Élie monta au ciel : Comme ils continuaient à marcher en parlant, voici, un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l’un de l’autre, et Élie monta au ciel dans un tourbillon. Élisée regardait et criait: Mon père ! mon père ! Char d’Israël et sa cavalerie ! Et il ne le vit plus. (2 Rois 2, 11-12.)

Elie a été caché, retiré pour une mission particulière, il n’est pas intronisé définitivement dans le royaume. Élie enfin est emporté dans un tourbillon. Son corps et son âme même sont incapables de produire cette assomption. La puissance du souffle de Dieu a dû intervenir et pour l’enlever de ce monde visible et pour le conserver vivant dans le monde inconnu qu’il habite.

Dans l’ascension de Jésus-Christ, tout est personnel et infini. Son corps désormais impassible s’élance au ciel avec facilité. Dans ce personnage adorable, Dieu et l’Homme ne font qu’une seule et même personne. La montée aux cieux, ce que nous appelons couramment l’Ascension, maintient vivant dans la foi le souvenir de cet au-delà divin d’où procède et où s’accomplit la résurrection de Jésus.

Temps de la mission et attente de l’Esprit Saint

L’Ascension est aussi datée : quarante jours après Pâques. C’est un chiffre symbolique qui figure dans les Actes des Apôtres, alors que saint Jean, et aussi saint Luc dans son évangile, semblent bloquer en un seul jour la résurrection de Jésus et sa montée aux cieux, ou sa glorification. En réalité, dans l’éternité de Dieu, dans laquelle Jésus a été rétabli par sa résurrection, « un jour est comme mille ans et mille ans comme un jour » (II Petr 3, 8). Mais, d’autre part, la présence et l’action continuées de Jésus se sont manifestées aux disciples de manière tout à fait particulière pendant un temps déterminé, jusqu’à ce qu’ils aient bien compris qu’ils ne devaient pas rester figés dans cette expérience qu’il leur était donné de faire.

Car cette expérience ne devait être que le point de départ d’une mission à conduire sur les routes du monde: « Gens de Galilée, pourquoi restez-vous à regarder le ciel ? », leur demandent les anges, en leur annonçant le retour de Jésus. En attendant, ils ont à être témoins « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8‑11).

Jésus avait d’ailleurs déclaré qu’il était bon qu’il s’en aille (Jn 16, 7), pour que ses disciples ne restent pas trop attachés à sa figure humaine et pour qu’ils vivent encore davantage de lui en étant intérieurement pénétrés de son Esprit. Cet Esprit, l’Esprit Saint, il le leur laissait en héritage. Il les ferait vivre de sa vie, de la vie d’amour qui l’unit au Père et qui l’a conduit à livrer sa vie pour les hommes, ses frères:  » Si je ne pars pas, le Paraclet, le consolateur, ne viendra pas à vous; si au contraire je pars, je vous l’enverrai… Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière.  » (Jn 16, 713.)

«EST ASSIS A LA DROITE DU PÈRE»

C’est-à-dire qu’il est confirmé dans un pouvoir illimité sur toute créature: Au ciel, sur terre et dans l’enfer. Voilà un article de notre foi. Élisée voyant Élie emporté dans les nuées criait : «Père, Père!» et il ne se possédait plus d’admiration.

L’Ascension et nous

Regardons Marie, les apôtres, amis, disciples du Sauveur, témoins de cette ascension. Voilà donc l’ordre rétabli. Voilà où devait le conduire l’anéantissement de l’Incarnation ! Voilà pourquoi, dans les conseils de sa divinité; il a pris un corps, il est né dans une étable, il a souffert la Passion, la Croix!

L’ascension est douce aussi pour nous, pauvres pèlerins de l’éternité : Notre chef est au cœur du royaume où nous tendons… Il y prépare notre place. De là il nous envoie son Esprit… Il se fait notre avocat. Aussi, je ne le vois pas seulement assis à la droite de son Père mais regardant vers nous, mais tendant les mains pour nous bénir, nous guider, nous encourager.

Nous devons aimer Jésus d’un amour spirituel, par l’Esprit-Saint, et non pas seulement comme si nos yeux pouvaient voir son corps. Nous devons espérer le suivre dans la gloire et la récompense. Et qu’avait-il besoin de prendre notre nature s’il ne voulait pas nous associer à sont triomphe? – Il faut donc l’espérer. Mais aussi faut-il marcher là où lui-même a marché. Penser et aimer comme il a pensé et agi. Qui nous en empêche ?… Son secours supplée à notre impuissance, aussitôt, autant, aussi longtemps que notre effort lui prouve notre bonne volonté.

Jésus est venu rendre les hommes à eux-mêmes. Il s’efface pour qu’ils puissent être entièrement, dans la mouvance de l’Esprit d’amour, ce qu’il a été, et faire ce qu’il a fait. Proclamant la foi en l’œuvre salutaire de notre Seigneur, le Credo, après avoir affirmé la Résurrection au troisième jour, mentionne l’Ascension « à la droite du Père ». Ainsi s’achève la série des articles du Credo relative au ministère terrestre du Christ. Pourtant si le temps de l’Incarnation, ou plus exactement de la présence corporelle du Christ sur la terre, est clos avec l’Ascension, il n’y a pas de rupture avec la période suivante, le temps de l’Église qui s’achèvera avec la seconde et glorieuse venue de notre Seigneur.

Le temps de l’Église

Ce lien entre les deux périodes est doublement souligné dans les saintes Écritures : d’abord d’une manière externe, par la composition littéraire : saint Luc termine son Évangile par la mention de l’Ascension et commence le livre des Actes en reprenant de façon plus étoffée le récit de l’événement ; ensuite d’une manière interne : le Nouveau Testament nous rapporte les paroles du Seigneur soulignant que sa montée au ciel ne constitue nullement un abandon. Dans l’Évangile selon saint Matthieu les dernières paroles du Christ qui sont mentionnées fondent l’assurance de l’Église en la sollicitude permanente du Sauveur (Mt 28, 20).

L’Ascension n’est pas une fête triste, comme si Jésus disparaissait à tout jamais. Elle est au contraire la fête de la réussite du Christ, de sa présence vivifiante à son Église, et la fête de notre réussite éternelle en Dieu. Si par l’Ascension le mystère du Christ devient communicable, c’est toute l’expérience liturgique qui y trouve donc sa source. En Ephésiens (4, 9), saint Paul commente le verset du psaume 68 : « Montant dans les hauteurs… il a fait des dons aux hommes » et introduit les multiples dons de l’Esprit qui forment le Corps du Christ.

Le lieu de cette construction est par excellence l’action liturgique. Là, les dons de Dieu nous sont donnés en abondance dans la célébration des mystères du Christ. Si par la Résurrection toute la richesse de la vie de Jésus divine et humaine se trouve reprise par l’Ascension, celle-ci devient communicable. Par exemple, les sacrements sont les gestes du Christ. Dans sa gloire, le Christ refait en notre faveur, par les prêtres conformés à lui par leur ordination, les gestes porteurs de guérison, de vie divine, d’amour, de force, qu’il avait accomplis dans sa vie terrestre.

CONCLUSION

La descente de Jésus aux enfers souligne que Jésus est vraiment mort. Sa montée au ciel, où il est «assis à la droite de Dieu», signifie qu’il est «Seigneur» : il règne avec le Père après avoir vaincu la mort. « Son règne n’aura pas de fin », proclamons-nous dans le Credo. Cette expression indique que le Christ ne règne pas seulement sur l’espace, mais aussi sur la totalité du temps. Pour notre vie quotidienne, cela signifie que toutes choses, même notre passé et nos projets, trouvent leur sens dans le Ressuscité. Ainsi notre vie de chaque jour est-elle totalement sous la garde du Seigneur.

«Quand je serai élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes.» (Jn 12,32)

C’est bien sur la croix que Jésus a été élevé, Marie étant au pied d’elle. Devenue vide, comme le tombeau, la croix retrouve sens par la résurrection et l’ascension du Seigneur. Nous verrons à notre prochaine rencontre qu’elle devient glorieuse au ciel, d’où le Christ Jésus reviendra pour juger les vivants et les morts.

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