Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis.

Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis.

JEUDI DE PÂQUES

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Marie-Madeleine-au-tombeau St Plogonnec

Alors que les apôtres sont partis, Marie-Madeleine, au cœur plus ardent, est revenue près du tombeau vide. Elle est malheureuse, exhalant sa plainte, aux anges d’abord, ensuite au bon Maître lui-même qu’elle ne recon­naît pas immédiatement. 1° On perd Jésus, 2° On retrouve Jésus.

1° On perd Jésus. — Madeleine avait assisté à la mort du Sauveur avec une âme déchirée ; elle l’avait, sans doute, vu mettre dans le sépulcre et 13, en ce matin de Pâques où avant le jour la ramène son amour, elle ne le voit plus ; la pierre est enlevée, le corps a disparu. Il ne reste pas même cette assurance d’une présence à laquelle sont rivées toutes ses puissances. Grande est sa déso­lation.

Voilà l’image d’une très dure épreuve de la vie spiri­tuelle : le sentiment que Jésus n’est pas là.

Cette âme fut généreuse ; elle a assisté à la passion, c’est-à-dire, qu’elle a consenti aux immolations imposées par un amour sincère, un service loyal ; elle a réalisé l’abneget semetipsum, le renoncement, le tollat crucem suam, elle porte sa croix (Matt., 16, 24), entraînée qu’elle était par sa ferveur, la joie intime du sacrifice, la paix du devoir accompli.

Et tout disparaît ; c’est la nuit, le vide, l’angoisse, l’anxiété, le doute. Elle souffre durement.

Qu’elle soit patiente et confiante, un merveilleux travail s’opère ainsi en’ elle. Le but de tout c’est l’union à Dieu ; or, le moindre atome d’humain est obstacle à la plénitude de cette union, la plus petite complaisance s’y oppose. Lorsque providentiellement, plus rien ne retient, n’arrête les facultés, on est apte au total investissement du divin : « Ne me touche pas, je ne suis pas encore remonté à mon Père. » (Joan., 20, 17).

Le moment présent n’est pas celui des joies, elles sont réservées pour plus tard. Sachons attendre, et il y aura toujours des heures de clartés passa­gères, mais suffisamment rassurantes.

Seigneur, ne sont-elles pas fréquentes en ma vie, les journées sombres et froides ? Fiat ! J’accepte tout ce que vous voulez. Travaillez-moi à votre gré, mais que je n’aie pas l’affreux malheur de vous perdre jamais réellement.

2° On retrouve Jésus. — Marie a fini par revoir Celui qu’elle cherchait ; saint Grégoire nous dit pourquoi : «L’ardeur de l’amour augmente celle de la recherche. Elle chercha, d’abord sans trouver. Elle s’obstina, et elle réussit. Ses désirs insatisfaits s’augmentaient, et leur intensité les fit aboutir. »

Parfaite indication des attitudes que doit adopter l’âme éprouvée. Quelle cherche avec empressement, avec obstination, avec amour.

Avec empressement : Madeleine est là avant le jour ; soyons vigilants, diligents, dans notre orientation vers Jésus. Qu’il soit notre première, notre instinctive, notre principale préoccupation : « Mon Dieu, mon Dieu, je vous cherche dès l’aurore. » (Ps., 62, 2).

Avec obstination : la vraie vie intérieure d’union à Dieu ne se réalisé pas en un jour ; c’est un travail de longue haleine, on y consacre tout son temps, sans interruption qui risquerait de faire perdre le bénéfice des efforts pré­cédents. D’ailleurs, jamais ne cessent de jouer les motifs péremptoires d’acquérir, de développer cette union.

Avec amour : tout est conditionné par la charité ; il n’en peut être autrement, « Dieu est charité » (1 Joan., 4,8), on ne va à lui qu’en s’harmonisant sur lui, qu’en obéis­sant au précepte résumant tous les autres : Tu aimeras ! Sans l’amour, il ne paraît pas possible de soutenir le labeur imposé : « Vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption. » (Rom., 8, 15).

Seigneur, je suis à vous, je veux être à vous de plus en plus ; je vous appellerai partout ; répondez-moi en m’appelant à votre tour, comme vous l’avez fait pour Made­leine, par mon nom ; je saurai vous répondre : Rabboni ! « Maître ! »

MgrAugustin Gonon, évêque de Moulins (+14 avril 1942)