Jésus se taisait

Jésus se taisait

chemin de croix 01 - Carmel de Dijon
chemin de croix 01 – Carmel de Dijon

QUE fait-il donc dans sa passion ? Le voici en un mot dans l’Écriture : Tradebat autem judicanti se injuste (I Pierre 2, 23) : * Il se livrait, il s’abandonnait à celui qui le jugeait injustement » ; et ce qui se dit de son juge, se doit entendre conséquemment de tous ceux qui entreprennent de l’insulter : Tradebat autem ; il se donne à eux pour en faire tout ce qu’ils veulent.

On le veut baiser, il donne les lèvres ; on le veut lier, il présente les mains ; on le veut souffleter, il tend les joues ; frapper à coups de bâton, il tend le dos ; flageller inhumainement, il tend les épaules ; on l’accuse devant Caïphe et devant Pilate, il se tient pour tout convaincu ; Hérode et toute sa cour se moque de lui, et on le renvoie comme un fou ; il avoue tout par son silence.

On l’abandonne aux valets et aux sol­dats, et il s’abandonne encore plus lui-même. Cette face autrefois si majestueuse, qui ravissait en admiration le ciel et la terre, Il la présente droite et immobile aux crachats de cette canaille ; on lui arrache les cheveux et la barbe ; il ne dit mot, il ne souffle pas ; c’est une pauvre brebis qui se laisse tondre.

Venez, venez, camarades, dit cette soldatesque insolente ; voilà ce fou dans le corps-de-garde, qui s’imagine être roi des Juifs ; il faut lui mettre une couronne d’épines : Trabedat autem judicanti se injuste ; il la reçoit : et elle ne tient pas assez, il faut l’enfoncer à coups de bâton ; frappez, voilà la tête. Hérode l’a habillé de blanc comme un fou : apporte cette vieille casaque écarlate pour le changer de couleur ; mettez, voilà les épaules: donne, donne ta main, Roi des Juifs, tiens ce roseau en forme de sceptre ; la voilà, faites-en ce que vous voudrez.

Ah ! maintenant ce n’est plus un jeu,, ton arrêt de mort est donné ; donne encore ta main qu’on la cloue : tenez, la voilà encore.

Enfin assemblez-vous, ô Juifs et Romains, grands et petits, bourgeois et soldats ; revenez cent fois à la charge ; multipliez sans fin les coups, les injures, plaies sur plaies, douleurs sur douleurs, indignités sur indignités ; insultez à sa misère jusque sur la croix ; qu’il devienne l’unique objet de votre risée comme un insensé, de votre fureur comme un scélérat ; Tradebat autem : il s’abandonne à vous sans réserve, il est prêt à soutenir tout ensemble tout ce qu’il y a de dur et d’insupportable dans une raillerie inhumaine et dans une cruauté malicieuse.

BOSSUET