La suprême révélation

La suprême révélation

JEUDI (5e semaine de Carême) Gn 17,3-9 – Jn 8,51-59

Avant qu’Abraham fût, Je Suis (Jn 8,58)

Avant qu'Abraham fût, je suis
Avant qu’Abraham fût, je suis

De mieux en mieux ! disent les Juifs. Ils sont mainte­nant certains que Jésus est fou. Abraham est mort et aussi les prophètes, et lui pourrait être préservé de la mort ?… Serait-il un personnage plus puissant que notre père Abra­ham, qui est tout de même mort ? Et les prophètes aussi sont morts.

Pas un des envoyés divins de l’Ancien Testa­ment n’a pensé à la possibilité, pour lui-même ou pour d’autres, de continuer à vivre éternellement ! Pour qui se prend-il ? N’était la totale absurdité de son affirmation, on penserait qu’il se prend à peu de chose près pour Dieu !

Mais Jésus ne cherche pas à se faire valoir. Il ne reven­dique aucun titre, il ne cherche pas son propre honneur. Il ne se glorifie pas. Le terme glorifier a quelque chose d’énigmatique. Il peut signifier : s’attribuer de l’honneur à soi-même et alors cette glorification n’a aucune valeur, car elle est signe d’honneur humain.

Ou bien, lorsque c’est Dieu qui glorifie, le terme « glorifier » désigne la révéla­tion de la gloire, par laquelle Dieu transmet au Fils la forme sous laquelle il apparaît : la glorification. C’est un défi adressé aux Juifs.

Jésus est au seuil de la révélation parfaite. Il identifie son Père avec celui que les Juifs appellent leur Dieu. La proposition relative : dont vous prétendez (Jn 8,54) est le dernier lambeau du voile qui masquait la révélation. Il est bien difficile de parler encore d’atténuation. Si la révélation personnelle de Jésus atteint son point culminant, la con­damnation des Juifs devient, elle aussi, définitive.

Les Juifs prétendent que le Père de Jésus est leur Dieu, mais ils ne le connaissent pas, ils ne le connaissent pas le moins du monde et, au fond, ils ne l’ont jamais connu.

Cette affir­mation contraste violemment avec la conviction du peu­ple selon laquelle ils connaissaient Dieu ; elle remonte aux paroles du Baptiste qui déclarait qu’ils ne connaissaient pas Jésus. Depuis que Jésus est là, on ne peut plus con­naître Dieu en dehors de Jésus…

Abraham, leur père, a exulté pour voir son jour. Ce jour est le moment de sa vie publique auquel l’Heure mettra fin… Comment Abraham a-t-il vu ce jour ? Jésus ne pré­tend pas qu’Abraham voit actuellement, de quelque part dans le ciel, comme le riche de la parabole voyait du fond de l’enfer Lazare dans le sein d’Abraham.

Non, Abraham a vu dans une contemplation prophétique (cf. He 11,13) comment, avec la venue du Messie, s’accomplissait la pro­messe faite à sa descendance. Jésus se rallie ici à une tra­dition juive tardive, qui parlait d’une révélation faite à Abraham par laquelle celui-ci aurait vu toute l’histoire de la rédemption, jusque dans le plus lointain avenir et entre autres les jours du Messie.

Mais les Juifs retournent à Jésus son affirmation et in­consciemment lui donnent l’occasion d’affirmer son exis­tence divine de toute éternité. Car, en réalité, son existence ne peut pas être comparée avec le « devenir », avec la nais­sance d’Abraham dans le temps. Il est Je-suis de toute éternité.

Henri Van den Bussche Jean, DDB, 1967, p. 316-319.