Le pain est vraiment la nourriture fraternelle

Le pain est vraiment la nourriture fraternelle

DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN XXIII
AU CONGRÈS INTERNATIONAL DES BOULANGERS

Castelgandolfo – mercredi 20 septembre 1961
Il y a 60 ans aujourd’hui !

Chers Messieurs,

Les rencontres internationales se multiplient de plus en plus et ont lieu même à Rome à un rythme toujours croissant, ce qui permet au Pape de rencontrer familièrement ses enfants de tous les pays, unis par une même application consciencieuse à une certaine tâche quotidienne.

Mais si cette assemblée de l’Union Internationale des Maîtres Boulangers symbolise, par la présence de ses nombreux participants venus de tous les continents, la fraternité qui vous unit, cette fraternité – on peut le dire – existait déjà et est réellement présente chez tous les peuples, même avant se manifester, comme aujourd’hui, de manière organisée.

Car, en effet, le pain, comme l’eau que l’on boit et l’air que l’on respire, est le signe d’une véritable fraternité humaine qui prend son origine dans la paternité de Dieu et s’exprime dans l’usage commun de ses dons.

Il faut remercier le Seigneur pour les bienfaits de sa création, le louer d’avoir donné à l’homme l’intelligence pour penser et les mains pour travailler, et aussi lui demander de nous aider à accomplir sereinement notre travail au service de tous.

Il est vraiment commode que ce travail – nous l’avons rappelé récemment dans notre encyclique Mater et Magistra et nous voyons que c’est aussi le sujet choisi pour notre Congrès – soit équitablement rémunéré.

Vos besoins sont évidents et il est légitime que votre travail, si utile à la communauté, ait un salaire convenable qui correspond au prix de vente. Mais il faut aussi ne jamais perdre de vue que le pain, cet aliment de base, doit être accessible à tous comme l’a ordonné la Divine Providence.

Son prix doit également être établi au moyen d’un accord équitable qui assure un revenu légitime au producteur de blé, qui récompense commodément le boulanger et le vendeur, et qui, néanmoins, permet à chacun de se procurer chaque jour cette nourriture indispensable que Jésus-Christ lui-même nous a enseigné à demander à notre Père céleste : « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » (Luc 11 :13).

Le pain est vraiment la nourriture fraternelle qui devrait être accessible à toutes les bourses, même les plus pauvres. « Je rassasierai les pauvres avec du pain », dit le Seigneur à travers le psalmiste (Ps. 132, 15).

Votre présence éveille, par ailleurs, dans notre esprit un autre problème dont nous savons qu’il compte aussi parmi vos préoccupations. Le genre de travail, aussi particulier que soit le vôtre, non seulement vous absorbe pendant les heures où les autres hommes dorment généralement, mais vous oblige aussi à travailler fréquemment les dimanches et jours fériés, vous privant ainsi du bénéfice du repos dominical.

Nous croyons qu’il est de notre devoir, chers Messieurs, de vous dire un mot sur ce point, car il appartient aux racines mêmes de la vie religieuse. Qu’il suffise de vous rappeler la solennité et la précision avec lesquelles cette grande loi a été formulée, lorsque Dieu la promulgua sur le mont Sinaï :

« Observez le jour du sabbat pour le sanctifier, comme Yahvé, votre Dieu vous l’a commandé. Pendant six jours, vous travaillerez et fais ton travail, mais le septième jour est samedi pour l’Éternel, ton Dieu. Tu ne feras aucun travail, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucun de vos animaux. Pas même l’étranger qui réside dans votre maison. Tout comme vous, votre serviteur et votre servante pourront se reposer » (Deut. 5 :12-14).

Maintenant, nous le savons, et nous le disons tristement. que cet important précepte du décalogue est loin d’être observé par votre corporation et bien d’autres, même dans les pays qui veulent rester fidèles à l’ancienne loi promulguée au Sinaï, confirmée et précisée plus tard par Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Ce problème du repos dominical, dont traite votre Congrès – comme cela nous a été révélé à notre satisfaction -, implique, d’autre part, l’éducation du public et une intervention opportune des pouvoirs publics.

Mais ceux qui se soucient du vrai bien de l’homme, élèvent leurs vœux pour le jour où, en faisant d’avance tout ce qui peut être prédisposé la veille, le dimanche devient véritablement pour tous les ouvriers un jour de prière, de repos spirituel et de rencontre, joyeuse et amicale, dans la charité fraternelle.

Le dimanche sera alors vraiment le jour du Seigneur et le jour de la famille par excellence. Le repos dominical sera reconnu par tous, comme un droit social qui permet l’accomplissement des devoirs religieux, ainsi que l’exercice désintéressé et surnaturellement compris des quatorze œuvres de miséricorde. L’Église se réjouira et toute la société en bénéficiera.

Telles sont, chers messieurs, les pensées que nous suggère la rencontre amicale de ce jour, et que nous avons voulu vous confier au cours de cette conversation familiale. Voyez-y un signe de notre bienveillance paternelle pour vos personnes.

Et considérez-le comme un encouragement pour votre travail. Et en gage de l’abondance des grâces divines que nous invoquons de tout notre cœur sur vous-mêmes, sur vos familles et sur tous ceux qui vous sont chers, nous vous accordons de tout cœur notre Bénédiction Paternelle.


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Texte traduit et présenté par l’ASSOCIATION DE LA MÉDAILLE MIRACULEUSE