Les Sept Paroles de Jésus en Croix

LES TROIS HEURES

INTRODUCTION

La dévotion aux trois heures de l’Agonie n’a de valeur, pour les fidèles, que dans la mesure où ils comprennent, en s’y adonnant, qu’ils contemplent bien moins la tragédie d’il y a vingt siècles, que celle de leur propre vie et de leur temps. Insister uniquement sur la mort du Christ au Calvaire leur profiterait à peine davantage que l’étude de l’assassinat de César au pied de la statue de Pompée.

De telles considérations pourraient en vérité être intéressantes, excitantes, et même jusqu’à un certain point instructives ou pouvant être une source d’inspiration, mais elles ne sauraient valoir davantage si même elles n’allaient pas jusqu’à être morbides et dangereuses.

La mort du Christ, d’ailleurs, est unique parce qu’elle est, pour ainsi dire, universelle. Elle est plus que l’horreur culminante de toutes les histoires de meurtre ; elle est plus même que le type de tous les outrages que les hommes ont jamais pu commettre contre Dieu.

Car elle est la mise en acte, sur la scène historique du monde, de ces tragédies intérieures répétées dont chaque âme est le lieu quand elle le rejette ou l’insulte ; puisque le Dieu que nous crucifions au-dedans est le même Dieu qui fut jadis crucifié au dehors.

Il n’est pas un détail extérieur de l’Évangile qui ne puisse être intérieurement répété dans la vie spirituelle d’un pécheur ; le processus rapporté par les Évangélistes doit être plus ou moins identique avec celui de toute apostasie.

Car, il y a d’abord la trahison de la conscience, comme début de la tragédie ; sa trahison par ces éléments de notre nature désignés pour être ses amis et ses protecteurs — par l’émotion ou la prévision par exemple.

Puis la conscience est entraînée, liée, pour être jugée ; car il ne peut y avoir de péché mortel sans délibération, et jamais un homme n’y est tombé sans avoir d’abord conduit une ou deux sortes de procès dérisoires et rapides dans lesquels une feinte prudence ou une fausse idée de liberté décide solennellement que la conscience a tort.

Pourtant, même alors, la conscience persiste, et Dieu se voit revêtu d’apparences absurdes et ridicules et mis au-dessous du Barrabas d’une nature inférieure, grossière et brutale, d’une nature sans prétentions élevées et qui s’en vante. Et ainsi le drame se poursuit et la Conscience est crucifiée.

Elle commence à garder le silence, écartant de temps en temps l’obscurité qui s’épaissit, par des protestations qui deviennent chaque fois plus faibles, et enfin elle meurt en réalité. Et dès lors il ne peut plus y avoir d’espoir sauf dans le miracle de la Résurrection.

Cette Croix du Calvaire, donc, n’est pas seulement un type ou une peinture ; c’est un fait identique à celui qui nous est si terriblement familier dans la vie spirituelle. Car le Christ n’est pas une personne, et la conscience quelque chose d’autre, mais c’est réellement le Christ qui parle dans la conscience et c’est le Christ par conséquent qui est crucifié dans le péché mortel.

Soyons donc francs avec nous-mêmes. Nous ne contemplons pas seulement la mort du Christ mais la nôtre, puisque nous contemplons la mort du Christ qui est notre vie.

PARADOXES DU CATHOLICISME – LES SEPT PAROLES – Robert Hugh BENSON (1913)

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse