Marie, secours face à la misère religieuse

Marie, secours face à la misère religieuse

Marie, la Mère de Jésus
Marie, la Mère de Jésus

La doctrine de la coopération nous montre logiquement en Marie le plus puissant des secours dont la foi en détresse puisse disposer, la seule défense victorieuse contre la régression religieuse. Ce n’est pas un hasard si de nos jours ceux que l’Église a mis sur ses autels se tournent si souvent vers Marie; ce n’est pas un hasard si aujourd’hui toute la théologie s’efforce de mettre au point le dogme de Marie, médiatrice de toute grâce.

La Litanie de Lorette affirme déjà ce dogme quand elle appelle Marie «Reine des Anges», c’est-à-dire aussi «Reine de saint Michel au combat», quand elle la proclame «Reine des Apôtres» — sans Marie la prédication apostolique n’eût pas eu d’objet; — quand elle l’invoque enfin comme «Reine du Saint Rosaire» — la prière n’existe pas si le cœur humain n’est pas disponible et consentant. Le dogme marial n’évoque pas seulement la coopération de la créature accomplie en Marie, mais, en Marie, la coopération de toutes les créatures.

La misère religieuse entraîne toujours de plus amples misères. Sans doute notre époque ne croit-elle plus que le châtiment suit de près le rejet de Dieu, elle a oublié ce simple truisme suivant lequel un trouble au cœur de l’organisme dérègle fatalement toutes les fonctions extérieures; elle s’en est pourtant vu administrer les preuves les plus grandioses et les plus terribles qui aient jamais été fournies au monde.

La foi en Marie triomphatrice de l’impiété couronne ainsi la foi en Marie «perpétuel secours». La femme nous a, au sens le plus fort du mot, «porté» le salut; vraie sur le plan religieux, et parce qu’elle est vraie sur ce plan, cette proposition vaut également partout. Les peuples et les États, pour s’épanouir, ont besoin de vraies mères…

Cette idée ne correspond pas seulement à la vérité biologique immédiate, elle correspond aussi à cette vérité plus profonde que le monde spirituel lui-même ne se contente pas d’hommes aux vues droites, il réclame aussi la Mère.

Ici, les chemins se croisent. Si d’un côté la création a possibilité de collaborer à la Rédemption, elle a prétendu se l’approprier. Notre époque sécularisée a commis la folie masculine de se fier à soi-même pour son salut, comme si nous étions nos propres créateurs ; cette folie explique tous ses échecs. La créature n’est jamais rédemptrice, mais elle doit prendre part à la Rédemption.

L’activité créatrice ne peut échoir à l’être créé qu’à la faveur d’une « conception ». Car l’homme lui aussi, quand son esprit conçoit quelque étincelle créatrice, il l’accueille sous le signe de Marie, dans l’humilité et le don de soi, — ou bien il ne conçoit rien du tout; tout au plus conçoit-il un esprit «qu’il peut comprendre» et incapable lui-même d’aucune compréhension profonde.

Le monde est bien mû par la force virile, mais il ne peut être fécondé, au sens profond du terme, que sous le signe de la femme. La créature ne jouit absolument que d’une seule faculté : s’offrir à Dieu; seule l’Ancilla Domini [Servante du Seigneur] est la Regina Coeli [Reine du Ciel].

Partout où la créature collabore en toute sincérité, on voit poindre la «mère du Créateur», la «mère du bon conseil». Partout où la créature s’arrache à elle-même, la «mère tout aimable», la « mère du bel amour », se porte au secours du monde blessé. Partout où les peuples sont de bonne volonté, la «reine de la paix » intercède pour eux.

Gertrude von Le Fort