Moïse, un modèle de transmission entre générations

Moïse, un modèle de transmission entre générations

Le Pape François, au cours de l’Audience générale de ce 23 mars, a dispensé sa 4e catéchèse sur le thème de la vieillesse. A partir du récit de la mort de Moïse, le Saint-Père a invité tous les chrétiens à méditer sur l’expérience de foi du Patriarche, qu’il a transmise à l’Église en héritage. A son image, les personnes âgées sont aujourd’hui des relais de foi pour les jeunes générations.

 

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Salle Paul VI
Mercredi 23 mars 2022

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Catéchèse sur la vieillesse – 4. L’adieu et l’héritage : mémoire et témoignage 

Résumé :

Chers frères et sœurs,

dans la Bible, le testament spirituel de Moïse, encore appelé « Cantique de Moïse », est une belle profession de foi. Il transmet l’histoire que le peuple a vécue avec Dieu, y compris ses amertumes et ses désillusions. C’est la vieillesse qui lui donne cette lucidité, elle est un don précieux pour la génération future.

Cette transmission personnelle et directe de la foi vécue est irremplaçable et, aujourd’hui, elle manque beaucoup aux nouvelles générations. Souvent, la transmission de la foi est privée de la passion de l’expérience vécue. La connaissance de l’Église, qui naît de l’écoute et du témoignage de l’histoire de la communauté ecclésiale fait souvent défaut dans la catéchèse.

Ce récit de l’histoire de foi devrait être comme le Cantique de Moïse, comme le témoignage des Évangiles et des Actes des Apôtres, c’est-à-dire un récit capable de rappeler avec émotion les bénédictions de Dieu, ainsi que nos manquements.

Il serait bien que les itinéraires de catéchèse prévoient l’écoute de l’expérience vécue des personnes âgées, la confession lucide des bénédictions qu’elles ont reçues de Dieu. Les personnes âgées entrent dans la terre promise, que Dieu désire pour chaque génération, lorsqu’elles offrent aux jeunes la belle initiation de leur témoignage.

Catéchèse

Chers frères et sœurs, bonjour! Dans la bible, le récit de la mort du vieux Moïse est précédé de son testament spirituel, appelé « Cantique de Moïse ». Ce Cantique est avant tout une belle confession de foi, et il dit ainsi : « Je veux proclamer le nom du Seigneur : / magnifie notre Dieu ! / Il est le Rocher : parfaites sont ses œuvres, / justes toutes ses voies ; / c’est un Dieu fidèle sans malice, il est juste et droit » (Dt 32,3-4).

Mais c’est aussi la mémoire de l’histoire vécue avec Dieu, des aventures du peuple qui s’est formé à partir de la foi au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Et donc Moïse se souvient aussi de l’amertume et des déceptions de Dieu lui-même : sa fidélité continuellement éprouvée par les infidélités de son peuple.

Le Dieu fidèle et la réponse du peuple infidèle : comme si le peuple voulait mettre à l’épreuve la fidélité de Dieu, qui reste toujours fidèle, proche de son peuple. C’est précisément le cœur du Cantique de Moïse : la fidélité de Dieu qui nous accompagne tout au long de notre vie.

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Lorsque Moïse fait cette confession de foi, il est sur le seuil de la terre promise, et aussi de son adieu à la vie. Il avait cent vingt ans, note le récit, « mais ses yeux ne s’éteignaient pas » (Dt 34,7). Cette capacité de voir, de voir vraiment aussi de voir symboliquement, comme l’ont les personnes âgées, qui savent voir les choses, le sens le plus enraciné des choses.

La vitalité de son regard est un don précieux : elle lui permet de transmettre l’héritage de sa longue expérience de vie et de foi, avec la clarté nécessaire. Moïse voit l’histoire et transmet l’histoire ; les anciens voient l’histoire et transmettent l’histoire.

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Une vieillesse à qui cette lucidité est accordée est un don précieux pour la génération suivante. L’écoute personnelle et directe du récit d’une histoire de foi vécue, avec tous ses hauts et ses bas, est irremplaçable. Le lire dans des livres, le regarder dans des films, le consulter sur internet, aussi utile soit-il, ne sera plus jamais pareil.

Cette transmission – qui est la vraie tradition, la transmission concrète des vieux aux jeunes ! – cette transmission fait cruellement défaut aujourd’hui, et de plus en plus, aux nouvelles générations. Pourquoi? Parce que cette nouvelle civilisation a l’idée que l’ancien est un déchet, l’ancien doit être jeté. C’est de la brutalité ! Non, ce n’est pas comme ça.

L’histoire directe, de personne à personne, a des tonalités et des modes de communication qu’aucun autre moyen ne peut remplacer. Un vieil homme qui a vécu longtemps, et qui reçoit le don d’un témoignage lucide et passionné de son histoire, est une bénédiction irremplaçable. Sommes-nous capables de reconnaître et d’honorer ce don des personnes âgées ?

La transmission de la foi – et du sens de la vie – suit-elle cette voie d’écoute des personnes âgées aujourd’hui ? Je peux donner un témoignage personnel. J’ai appris la haine et la colère à la guerre de mon grand-père qui avait combattu sur la Piave en 1914 : il m’a transmis cette colère à la guerre. Parce qu’il m’a raconté les souffrances d’une guerre.

Et cela ne s’apprend ni dans les livres ni d’aucune autre manière, cela s’apprend de cette manière, en le transmettant des grands-parents aux petits-enfants. Et cela est irremplaçable. La transmission de l’expérience de vie des grands-parents aux petits-enfants.

Aujourd’hui ce n’est malheureusement plus le cas et on pense que les grands-parents sont des déchets : non ! Ils sont la mémoire vivante d’un peuple et les jeunes et les enfants doivent écouter leurs grands-parents.

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Dans notre culture, si « politiquement correcte », ce chemin apparaît entravé de bien des manières : dans la famille, dans la société, dans la communauté chrétienne elle-même. Quelqu’un propose même d’abolir l’enseignement de l’histoire, comme information superflue sur des mondes qui ne sont plus d’actualité, ce qui enlève des ressources à la connaissance du présent. Comme si nous étions nés hier !

La transmission de la foi, en revanche, manque souvent de la passion d’une « histoire vécue ». Transmettre la foi, ce n’est pas dire des choses « bla-bla-bla ». Cela signifie l’expérience de la foi. Et puis cela peut-il difficilement inciter les gens à choisir l’amour pour toujours, la fidélité à la parole donnée, la persévérance dans le dévouement, la compassion pour les visages blessés et abattus ?

Bien sûr, les histoires de vie doivent être transformées en témoignage, et le témoignage doit être fidèle. L’idéologie qui plie l’histoire à ses propres modèles n’est certainement pas juste ; la propagande, qui adapte l’histoire à la promotion de son groupe, n’est pas juste ; il n’est pas juste de faire de l’histoire un tribunal où tout le passé est condamné et tout l’avenir découragé.

Être juste, c’est raconter l’histoire telle qu’elle est, et seuls ceux qui l’ont vécue peuvent bien la raconter. C’est pourquoi il est très important d’écouter les personnes âgées, d’écouter les grands-parents, il est important que les enfants leur parlent.

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Les évangiles eux-mêmes racontent honnêtement l’histoire bénie de Jésus sans cacher les erreurs, les malentendus et même les trahisons des disciples. C’est l’histoire, c’est la vérité, c’est le témoignage. C’est le don de mémoire que les « anciens » de l’Église transmettent, depuis le tout début, en le transmettant « de main en main » à la génération suivante.

Cela nous fera du bien de nous demander : combien valorisons-nous cette manière de transmettre la foi, de passer le relais entre les anciens de la communauté et les jeunes ouverts sur l’avenir ? Et ici, je me souviens de quelque chose que j’ai dite à plusieurs reprises, mais que je voudrais répéter. Comment la foi est-elle transmise ? « Ah, voici un livre, étudiez-le »: non.

Ainsi la foi ne se transmet pas. La foi se transmet en dialecte, c’est-à-dire en langage familier, entre grands-parents et petits-enfants, entre parents et petits-enfants. La foi est toujours transmise en dialecte, dans ce dialecte familier et expérientiel appris au fil des années. C’est pourquoi le dialogue dans une famille est si important, le dialogue des enfants avec les grands-parents qui sont ceux qui ont la sagesse de la foi.

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Parfois, il m’arrive de réfléchir à cette étrange anomalie. Aujourd’hui, le catéchisme d’initiation chrétienne puise généreusement dans la Parole de Dieu et transmet des informations précises sur les dogmes, sur la morale de la foi et sur les sacrements.

Souvent, cependant, il y a un manque de connaissance de l’Église qui découle de l’écoute et du témoignage de la véritable histoire de la foi et de la vie de la communauté ecclésiale, depuis les origines jusqu’à nos jours. En tant qu’enfants, nous apprenons la Parole de Dieu dans les salles de catéchisme; mais l’Église est « apprise » en tant que jeunes, dans les salles de classe et dans les médias mondiaux d’information.

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La narration de l’histoire de la foi doit être comme le Cantique de Moïse, comme le témoignage des Évangiles et des Actes des Apôtres. C’est-à-dire une histoire capable d’évoquer les bienfaits de Dieu avec émotion et nos manquements avec loyauté.

Ce serait bien s’il y avait, dès le début, dans les itinéraires catéchétiques, aussi l’habitude d’entendre, à partir de l’expérience vécue des personnes âgées, la confession lucide des bénédictions reçues de Dieu, que nous devons garder, et le témoignage fidèle de nos échecs, fidélité, que nous devons réparer et corriger.

Les personnes âgées entrent dans la terre promise, que Dieu désire pour chaque génération, lorsqu’elles offrent aux jeunes la belle initiation de leur témoignage et transmettent l’histoire de la foi, la foi en dialecte, ce dialecte familier, ce dialecte qui passe des vieux aux jeunes .

Puis, guidés par le Seigneur Jésus, les personnes âgées et les jeunes entrent ensemble dans son Royaume de vie et d’amour. Mais tous ensemble. Chacun dans la famille, avec ce grand trésor qu’est la foi transmise en dialecte.

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Salutations

Je salue cordialement les personnes de langue française, en particulier le « Mouvement International d’Apostolat des Milieux Sociaux Indépendants », les pèlerins venus de Suisse, les jeunes venus de France et les Frères du Sacré Cœur. Frères et sœurs, apprenons à découvrir en chaque personne âgée un don de Dieu et une source de sagesse. Mettons-nous avec amour à leur écoute afin d’acquérir la connaissance et l’expérience nécessaires pour faire face aux défis actuels. Sur chacun, j’invoque la Bénédiction de Dieu.

Je salue les pèlerins et visiteurs anglophones qui participent à l’Audience d’aujourd’hui, en particulier les groupes d’Angleterre, du Danemark, des Pays-Bas, de Norvège et des États-Unis d’Amérique. Que notre chemin de Carême nous amène à célébrer Pâques avec des cœurs purifiés et renouvelés par la grâce de l’Esprit Saint. Sur chacun de vous et sur vos familles, j’invoque la joie et la paix dans le Christ notre Rédempteur.

Je salue chaleureusement les pèlerins de langue allemande. Dans la prière, nous tournons notre regard vers le Crucifix. En lui nous reconnaissons l’amour et la tendresse de Dieu, nous avons été guéris par ses blessures. Bon chemin de Carême.

Je salue cordialement les fidèles hispanophones, en particulier le groupe de pèlerins colombiens « Sur les chemins de Marie ». A l’exemple de Moïse et de la Vierge Marie, demandons au Seigneur que notre vie soit un chant de louange pour les merveilles qu’il fait en nous. Et que ce Magnificat soit un témoignage joyeux et un souvenir reconnaissant qui transmette le flambeau de la foi aux nouvelles générations. Que Dieu vous bénisse. Merci beaucoup.

Chers pèlerins lusophones ! Je vous invite à vous joindre à moi et à mes frères évêques dans l’acte de consécration au Cœur Immaculé de Marie, le 25 mars prochain, en demandant avec confiance au Seigneur, par l’intercession de Notre-Dame de Fátima, le don de la paix. Que Dieu vous bénisse!

Je salue les fidèles arabophones. Le dialogue entre les personnes âgées et les jeunes nous permet aussi de préserver et de transmettre les dons de Dieu. Nous regardons les nouvelles générations, dans la conscience qu’elles hériteront non seulement d’un bien, d’une culture et d’une tradition, mais aussi des fruits vivants de la foi qui sont les bénédictions de Dieu sur cette terre. Que le Seigneur vous bénisse tous et vous protège toujours de tout mal !

Je salue cordialement les pèlerins polonais. Cette année, sur le chemin de la pénitence du Carême, nous jeûnons et demandons la paix à Dieu, bouleversés par la guerre en cours en Ukraine. En Pologne, vous en êtes témoins en accueillant des réfugiés et en écoutant leurs histoires.

Alors que nous nous préparons à vivre une journée spéciale de prière en la solennité de l’Annonciation du Seigneur, nous demandons à la Mère de Dieu d’élever le cœur de nos frères et sœurs affligés par la cruauté de la guerre. Que l’acte de consécration des peuples à son Cœur Immaculé apporte la paix dans le monde entier. Je vous bénis de tout mon cœur.

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APPEL

Je voudrais prendre une minute pour me souvenir des victimes de la guerre. Les nouvelles des déplacés, des personnes en fuite, des morts, des blessés, de tant de soldats tombés des deux côtés, sont des nouvelles de la mort. Nous demandons au Seigneur de la vie de nous libérer de cette mort de guerre. Avec la guerre, tout est perdu, tout. Il n’y a pas de victoire dans une guerre : tout est vaincu.

Que le Seigneur envoie son Esprit afin qu’il nous fasse comprendre que la guerre est une défaite de l’humanité, comprenons que la guerre doit plutôt être vaincue. L’Esprit du Seigneur nous libère tous de ce besoin d’autodestruction, qui se manifeste dans la guerre.

Nous prions également pour que les dirigeants comprennent que l’achat d’armes et la fabrication d’armes ne sont pas la solution au problème. La solution est de travailler ensemble pour la paix et, comme le dit la Bible, de faire des armes des instruments de paix. Prions ensemble Notre-Dame : Je vous salue Marie…

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Je souhaite une cordiale bienvenue aux pèlerins de langue italienne. En particulier, je salue les fidèles de Biella qui, accompagnés de leur évêque, commémorent le 250e anniversaire de la fondation du diocèse. Ces Biellais [il le dit en dialecte], ce n’est pas facile de les comprendre : ils disent qu’il faut sept ans et sept mois pour les comprendre, et puis au final ils ne se comprennent jamais ! Bienvenue, Biella !

Je salue ensuite les Sœurs de la Providence pour les enfants abandonnés, les diacres de l’Archidiocèse de Milan, la Fédération Italienne des Cuisiniers – vous voyez que vous êtes cuisiniers -, le troisième groupe d’âge « Vivre ensemble » de Catane.

Enfin, comme d’habitude, mes pensées vont aux personnes âgées, aux malades, aux jeunes et aux jeunes mariés. Que la solennité de l’Annonciation, que nous célébrerons après-demain, soit une invitation pour chacun de nous à suivre l’exemple de la Mère de Dieu et se traduit par une généreuse disponibilité à l’appel du Père qui exhorte chacun à être un levain pour l’édification d’une société juste et solidaire.

A tous, ma bénédiction !


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse