Dieu nous pardonne si nous pardonnons aux autres

Icône byzantine des Saints Ananias, Azarias and Misael, Schola Sainte Cécile, VIIe siècle

‘Dieu nous pardonne si nous pardonnons aux autres’ a dit le Pape François lors de la messe ce matin à la Maison Sainte Marthe. Méfions-nous de la rancœur qui se nidifie dans nos cœurs. Le Pape a mis en garde contre le danger d’être asservi par la haine et a rappelé que le premier pas pour être pardonné par Dieu est de se reconnaître pécheur. Le thème commun est le pardon : de quoi s’agit-il et d’où vient-il ?

Tu es grand, Seigneur et, moi, j’ai péché

Dans la première lecture tirée du Livre du prophète Daniel, il est raconté qu’Azarias, jeté dans la fournaise ardente pour ne pas avoir renié le Seigneur, ne se plaint pas du traitement subi, et ne réprouve pas Dieu en revendiquant sa fidélité. Il continue à professer la grandeur de Dieu et va à la racine du mal en disant : «Toi, tu nous as toujours sauvés, mais malheureusement nous avons péché». Il s’accuse lui-même et son peuple. «L’accusation de nous-mêmes est le premier pas vers le pardon».

«S’accuser soi-même est un partie de la sagesse chrétienne : non pas accuser les autres, mais s’accuser soi-même. Moi, j’ai péché. Et quand nous nous rapprochons du sacrement de la pénitence, il faut avoir cela à l’esprit : Dieu est grand et il nous a donné beaucoup de choses, et malheureusement, moi, j’ai péché, moi, j’ai offensé le Seigneur et je demande le salut.»

C’est Dieu qui nous justifie

«Et ceci plait au Seigneur, parce que le Seigneur reçoit le cœur contrit, comme celui d’Azarias : “Il n’y a pas de déception pour ceux qui se confient en Toi”, le cœur contrit qui dit la vérité au Seigneur : “Moi, j’ai fait cela, Seigneur. J’ai péché contre Toi.” Le Seigneur lui ferme la bouche, comme le père au fils prodigue. Il ne le laisse pas parler, son amour le couvre. Il pardonne tout.»

Dieu nous pardonne à condition que nous pardonnions

N’ayons pas honte de dire nos propres péchés parce que c’est le Seigneur qui nous justifie en nous pardonnant non pas une fois, mais toujours. Mais à une seule condition : «Le pardon de Dieu vient fortement en nous, à condition que nous pardonnions les autres. Et ceci n’est pas facile, parce que la rancœur s’insinue dans notre cœur, et il y a toujours cette amertume.»

Le diable nous enferme dans la haine

Ne  nous rendons pas esclaves de la haine. Deux choses nous aideront à comprendre la route du pardon : si nous disons «Tu es grand, Seigneur, malheureusement j’ai péché», Dieu pourra nous répondre : «Oui, je te pardonne, 77 fois sept fois, à condition que tu pardonnes aux autres.»

L’équation du pardon

La parabole des deux débiteurs, ou de la remise de peine, évangéliaire de Reichenau (11ème siècle)
La parabole des deux débiteurs, ou de la remise de peine, évangéliaire de Reichenau (11ème siècle)

Dans l’extrait de l’Évangile, pour expliquer à Pierre qu’il faut toujours pardonner, Jésus raconte la parabole des deux débiteurs. Le premier obtient une remise de son patron, alors qu’il lui doit une somme énorme, mais il est lui-même incapable peu après d’être aussi miséricordieux avec un autre qui lui doit seulement une petite somme.

«Dans le Notre Père nous prions ‘Pardonne-nous nos dettes comme nous pardonnons aussi à nos débiteurs’.» (dans la liturgie francophone, cette phrase correspond à « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés »).

Comme nous pardonnons

«C’est une équation, tout cela va ensemble. Si toi, tu n’es pas capable de pardonner, comment Dieu pourrait-il te pardonner ? Lui, il veut te pardonner, mais il ne pourra pas le faire si tu as le cœur fermé, et que la miséricorde ne peut pas entrer. ‘Mais, Père, je pardonne, mais je ne peux pas oublier cette chose mauvaise qu’il m’a fait…’ ‘Alors, demande au Seigneur qu’il t’aide à oublier.’»

«Mais c’est une autre chose. On peut pardonner, mais oublier, on n’y arrive pas toujours. Mais “pardonner” et tu me le paieras” : ça, non! Il faut pardonner comme pardonne Dieu. Le pardon au maximum.»

La miséricorde qui “oublie”

«Miséricorde, compassion, pardon, le pardon du cœur que nous donne Dieu est toujours miséricorde».

«Que le Carême nous prépare le cœur pour recevoir le pardon de Dieu. Mais le recevoir et ensuite faire la même chose avec les autres. Pardonner du fond du cœur. « Peut-être que tu ne me salues plus, mais dans mon cœur, moi, je t’ai pardonné ». Et ainsi nous nous rapprochons de cette chose tellement grande, de Dieu, qui est la miséricorde. Et en pardonnant, ouvrons notre cœur pour que la miséricorde de Dieu et nous pardonne. Parce que nous tous, nous avons à demander pardon. Pardonnons, et nous serons pardonnés. Ayons de la miséricorde avec les autres, et nous sentirons cette miséricorde de Dieu, qui, quand il pardonne, oublie.»

Le Pape François – extrait de l’homélie du 1er mars 2016 lors de la messe à Sainte Marthe – Vatican

La foi n’est pas un spectacle

Le bain de Naaman
Le bain de Naaman

L’Église nous demande une conversion de la pensée, selon les enseignements du Christ. La religion et la foi ne sont pas «un spectacle».

Dans la Première lecture dédiée à Naaman le Syrien et dans l’Évangile de Luc, Jésus explique qu’aucun prophète n’est bien accepté dans sa patrie. Le Pape a expliqué que dans ce temps de Carême, l’Église nous fait réfléchir aujourd’hui sur la conversion de la pensée, ainsi que sur la conversion des œuvres et des sentiments.

La conversion de la pensée

«L’Église nous dit que nos œuvres doivent se convertir, et il nous parle du jeûne, de l’aumône, de la pénitence : c’est une conversion des œuvres. Faire des œuvres nouvelles, avec le style chrétien, ce style qui vient des Béatitudes, dans Matthieu 25 : faire cela. L’Église aussi nous parle de la conversion des sentiments : les sentiments doivent aussi se convertir.»

«Pensons par exemple à la parabole du Bon Samaritain : se convertir à la compassion. Des sentiments chrétiens. Conversion des œuvres, conversion des sentiments : mais aujourd’hui, les textes nous parlent de la conversion de la pensée ; non pas de ce que nous pensons, mais aussi de comment nous pensons, du style de pensée. Je pense avec un style chrétien ou un style païen ? Ceci est le message que l’Église nous donne aujourd’hui.»

Ne pas attendre de Dieu un spectacle

Dans l’épisode de Naaman le Syrien, malade de la lèpre,  ce dernier «va voir Élisée pour être guéri», et on lui conseille de se baigner sept fois dans le Jourdain. Il pense au contraire que les fleuves de Damas sont meilleurs que les eaux d’Israël, «il s’énerve, il s’indigne et veut s’en aller sans le faire», parce que «cet homme attendait le spectacle». Mais le style de Dieu est tout autre : «Il guérit d’une autre façon.»

L’Esprit Saint agit dans les cœurs

La même chose arrive avec Jésus, quand il revient à Nazareth et va à la Synagogue. Au début, «les gens le regardaient, ils étaient surpris, ils étaient contents». Mais ensuite ont commencé les bavardages, les critiques. L’attitude des gens a changé, et ils ont voulu le tuer. «De l’admiration, de l’étonnement, à la volonté de le tuer. Ceux-ci aussi, ils voulaient le spectacle.»

«’Mais, qu’ils fassent des miracles, ce qu’ils disent qu’il a fait en Galilée, et nous croirons.’ Et Jésus explique : ‘En vérité, moi je vous dis : aucun prophète n’est bien accepté dans sa patrie‘. Parce que nous résistons quand quelqu’un de nous peut nous corriger. Il doit venir nous corriger d’une façon spectaculaire… Et la religion n’est pas un spectacle. La foi n’est pas un spectacle : c’est la Parole de Dieu et l’Esprit Saint qui agit dans les cœurs.»

La grâce de la conversion

L’Église nous invite donc à changer la façon de penser, le style de pensée. On peut réciter «tout le Credo, et même tous les dogmes de l’Église», mais si on ne le fait pas «avec l’esprit chrétien», cela ne sert à «rien». «La conversion de la pensée. Il n’est pas habituel que nous pensions de cette façon. Ce n’est pas habituel. Aussi la façon de penser, la façon de croire, doit être convertie.»

«Nous pouvons nous poser cette question : Avec quel esprit est-ce que je pense ? Avec l’esprit du Seigneur, ou avec mon propre esprit, avec l’esprit de la communauté à laquelle j’appartiens , ou du petit groupe, ou de la classe sociale à laquelle j’appartiens, ou du parti politique auquel j’appartiens ? Avec quel esprit est-ce que je pense ?»

«Chercher si je pense vraiment avec l’Esprit de Dieu. Demander la grâce de discerner quand je pense avec l’esprit du monde, et quand je pense avec l’Esprit de Dieu. Et demander la grâce de la conversion de la pensée.»

D’après le Pape François, lors de la messe matinale à la Maison Sainte-Marthe au Vatican, ce 5 mars 2018

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