construire sur mémoire, foi et amour miséricordieux

Vierge à l'enfant à GyumriLe Pape François a célébré ce samedi 25 juin au matin une messe à Gyumri, une ville d’environ 150 000 habitants au nord-ouest de l’Arménie. Le Saint-Père a ainsi pu saluer les catholiques du nord de l’Arménie et des fidèles arméniens venus de la Géorgie voisine. Les habitants de cette ville bénéficient notamment de la présence des Missionnaires de la Charité (sœurs de Mère Teresa) et des sœurs arméniennes de l’Immaculée Conception, la seule congrégation féminine de l’Église arménienne catholique, dont le couvent accueillera le Pape François pour le déjeuner.

Devant quelques 20 000 personnes, il a exhorté à ne jamais se lasser d’ «édifier des ponts d’union et de surmonter les barrières de séparation». Le Pape a également rappelé que l’«amour concret et la carte de visite du chrétien» et salué la foi chrétienne du peuple arménien, sa «respiration», «le cœur de sa mémoire».

Le Pape François a commencé son homélie en évoquant le souvenir tragique du séisme de 1988, qui avait dévasté la ville et fait des dizaines de milliers de morts. «Ils rebâtiront les ruines antiques, ils relèveront les demeures dévastées», citation le Livre d’Isaïe. «En ces lieux, chers frères et sœurs, nous pouvons dire que se sont réalisées les paroles du prophète Isaïe que nous venons d’écouter. Après les terribles destructions du tremblement de terre, nous nous trouvons ici aujourd’hui pour rendre grâce à Dieu pour tout ce qui a été reconstruit.» Invitant les fidèles à se demander «ce que le Seigneur nous invite à construire aujourd’hui dans la vie», le Pape a proposé «trois fondements stables»:

Tout d’abord la «mémoire», la mémoire personnelle de notre relation avec Dieu, qui «nous a choisis, aimés, appelés et pardonnés», mais aussi «la mémoire du peuple». «Les peuples ont en effet une mémoire, comme les personnes. Et la mémoire de votre peuple est très ancienne et précieuse.» Évoquant la beauté des chants arméniens, dans lesquels «fusionnent les gémissements et les joies» de l’histoire nationale, le pape François a rappelé aux Arméniens que Dieu s’est souvenu de leur fidélité à l’Évangile, de la primeur de leur foi, «de tous ceux qui ont témoigné, même au prix du sang, que l’amour de Dieu vaut plus que la vie».

Deuxième fondement : la foi, qui ne doit pas être «enfermée dans les archives de l’histoire». Permettre à la rencontre avec la tendresse du Seigneur «d’allumer la joie dans notre cœur nous fera du bien : une joie plus grande que la tristesse, une joie qui résiste même face à la souffrance, en se transformant en paix». Il ne faut pas avoir peur de s’engager à la suite de Dieu, car «Il nous connaît, il nous aime vraiment, et il désire libérer le cœur du poids de la crainte et de l’orgueil».

Enfin, troisième fondement : «l’amour miséricordieux». «C’est sur ce roc, sur le roc de l’amour reçu de Dieu et offert au prochain, que se fonde la vie du disciple de Jésus. Et c’est en vivant la charité que le visage de l’Église rajeunit et devient attrayant», notamment grâce à la fraternité entre les Églises. Répétant les paroles de Saint Jean-Paul II lors de sa venue en Arménie en 2001, le pape actuel a rappelé que «l’unique concurrence possible entre les disciples du Seigneur est celle de voir qui est en mesure d’offrir l’amour le plus grand !»

«Dieu demeure dans le cœur de celui qui aime ; Dieu habite là où on aime, surtout là où on prend soin, avec courage et compassion, des faibles et des pauvres, a martelé le Saint-Père. On en a tant besoin : on a besoin de chrétiens qui ne se laissent pas abattre par les fatigues et ne se découragent pas à cause des adversités, mais qui soient disponibles et ouverts, prêts à servir

«Nous avons besoin de miséricorde»

Le Pape a évoqué la figure de saint Grégoire de Narek, un moine arménien qu’il a élevé l’an dernier au rang de docteur de l’Église, et qu’il a qualifié de «parole et voix de l’Arménie». «Grégoire de Narek est un maître de vie, parce qu’il nous enseigne qu’il est avant tout important de reconnaître que nous avons besoin de miséricorde et puis, face aux misères et aux blessures que nous percevons, de ne pas nous replier sur nous-mêmes», mais de nous ouvrir avec sincérité et confiance au Seigneur «Dieu miséricordieux et proche» «ami des hommes, feu qui dévore[…] les broussailles des péchés».

A la fin de la messe, le Pape a remercié les personnes qui, «avec beaucoup de générosité et d’amour concret, aident ceux qui se trouvent dans le besoin», Il a évoqué «l’hôpital d’Ashotsk, inauguré il y a 15 ans et connu comme l’ »Hôpital du Pape » : né du cœur de Saint Jean-Paul II, il est encore une présence si importante et proche de quiconque souffre.»

Cette messe en plein air devant 20 000 personnes était un évènement exceptionnel en Arménie, dont la tradition religieuse prévoit la célébration des cultes à l’intérieur des églises, et non pas à l’extérieur. Le catholicos Karékine II a assisté à la messe, avec les évêques de l’Église apostolique. Dimanche 26 juin, ce sera l’inverse : la délégation catholique assistera à la Divine Liturgie célébrée à Etchmiadzin.

Autre signe fort d’oecuménisme : c’est ensemble que Karékine II et le Pape François ont béni la foule, en circulant en papamobile sur la place de Gyumri après la messe.

Le grand mal de 1915 pour les Arméniens

Au deuxième jour de son voyage en Arménie, le Pape s’est rendu ce matin au Mémorial de Tsitzernakaberd, dédié aux victimes du « Metz Yeghern », le « Grand Mal », c’est-à-dire le génocide arménien de 1915. Ce monument construit dans les années 1960, à l’époque soviétique, est devenu depuis l’indépendance de l’Arménie un symbole de la renaissance nationale, et un passage obligé pour tous les hôtes de marque accueillis dans le pays.

Le Pape est arrivé peu après 8h30 heure locale, accueilli comme dans plusieurs étapes de ce voyage à la fois par le président de la République arménienne et par le catholicos Karékine II. Entouré de ses hôtes, le pape s’est lentement dirigé vers la colonne de 44 mètres de haut, symbolisant la renaissance de l’Arménie, entouré de deux rangées de jeunes garçons et filles vêtus aux couleurs du Saint-Siège et de l’Église apostolique.

Comme le protocole le prévoit pour tous les chefs d’État en visite en Arménie, le Pape a déposé une gerbe au pied de la colonne, et l’hymne du Saint-Siège a été joué par un orchestre militaire. Puis il a déposé devant la flamme éternelle deux roses, jaune et blanche, les couleurs du Vatican.

Ensuite le protocole civil a laissé la place à un temps liturgique. Les évêques de l’Église apostolique ont récité le Notre Père et un chœur a entonné un chant en hommage à saint Grégoire l’Illuminateur, « Hrashapar ». Ce chant inclut un Alleluia, signe de la Résurrection, de la victoire de la vie sur la mort.

Des extraits de l’Évangile ont été lus, et le Pape a prononcé une courte prière d’intercession, en italien : «Seigneur, qui couronnes tes saints et accomplis la volonté de tes fidèles, et regardes avec amour et douceur tes créatures, écoute-nous des cieux de ta sainteté, par l’intercession de la sainte Mère de Dieu, par les suppliques de tous tes saints, et de ceux dont c’est aujourd’hui la mémoire. Écoute-nous, Seigneur, et prends pitié, pardonne-nous, expie et remet nos péchés. Rends-nous dignes de te glorifier, avec des sentiments de grâce, avec le Père et l’Esprit Saint, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.»

Une longue mélodie de deuil a été jouée par des musiciens, sous le regard ému du Saint-Père, et alors que le ciel dégagé laissait apparaitre le majestueux Mont Ararat à l’horizon. Le Pape a ensuite planté un arbre, et il a signé le livre d’or en écrivant ces mots : «Ici je prie, avec de la douleur dans le cœur, pour que jamais plus il n’y ait de tragédie comme celle-ci, pour que l’humanité n’oublie pas et sache vaincre la mal, avec le bien. Que Dieu concède au bien-aimé peuple arménien et au monde entier paix et consolation. Que Dieu cultive la mémoire du peuple arménien. La mémoire ne doit pas être annihilée ni oubliée, la mémoire est source de paix et de futur.»

Avant de partir, lz Pape a rencontré une dizaine de descendants d’Arméniens protégés par le Vatican dans les années 1920, sous le pontificat du Pape Pie XI. Une manifestation de la continuité de l’engagement du Saint-Siège auprès du peuple arménien.

«Je prie ici, avec une douleur au cœur, pour que plus jamais n’existent de telles tragédies, pour que l’humanité n’oublie pas et sache vaincre le mal par le bien», a écrit le Saint-Père dans le livre d’or. «Que Dieu protège la mémoire du peuple arménien! La mémoire ne peut être étouffée ni oubliée! La mémoire est source de paix et d’avenir !»

Le Pape en Arménie

Comme toujours fait avant d’entreprendre un voyage, le pape François, à la veille du XIVe voyage apostolique international  de son pontificat, est allé à la Basilique Sainte Marie  Majeure. Il a fait une pause dans la prière devant l’image de la Salus Populi Romani (Salut du Peuple Romain), lui demandant de bénir son voyage en Arménie, et il lui a offert un hommage floral, comme en d’autres occasions, avec les couleurs du drapeau de la nation où il va aller.

Le pape François vient donc d’arriver en Arménie ce vendredi 24 juin. Son avion a atterri à l’aéroport international d’Erevan à 15h heure locale. Il est d’abord accueilli par le Nonce apostolique et le Chef du Protocole avant de rencontrer, à sa descente d’avion, le président arménien Serge Sarkissian et le Catholicos Karékine II, patriarche de l’Église apostolique arménienne, ainsi que des évêques apostoliques et catholiques. Deux enfants en tenues traditionnelles viendront offrir le pain et le sel de bienvenue au Saint-Père.

Pour ce quatorzième voyage apostolique, le Saint-Père est attendu avec ferveur par la population chrétienne de ce pays. Il vient en Arménie en ami, pour rendre hommage à la fidélité chrétienne d’une nation martyre, «premier pays chrétien» comme le souligne le slogan de ce voyage.

Le Pape François a commencé par une visite à Etchmiazdin, le «Saint-Siège» de l’Église apostolique arménienne, situé à une quinzaine de kilomètres de la capitale Erevan.

Revêtu d’une simple étole arménienne, le Pape est entré dans la cathédrale accompagné par les fidèles, les prêtres et les évêques de l’Église apostolique et par le patriarche Karékine II qui a rencontré le Pape François deux fois à Rome, lors de son intronisation en mars 2013, et lors de la messe de commémoration du martyre arménien en avril 2015.

Ce sont donc deux frères dans la foi qui se sont rencontrés cet après-midi, une fraternité qu’ils ont mise en évidence dans leurs interventions respectives.

Les titulaires des sièges de Saint-Pierre et de celui des Saints-Apôtres Thaddée et Barthélémy réunis «pour prier et demander la paix pour nos fidèles et pour le monde entier, un esprit raffermi de charité et de fraternité et une coopération fructueuse entre nous» : c’est ainsi que Karékine II a défini le sens de cette prière commune. «Alors que les crises spirituelles, politiques, économiques et humanitaires ne cessent de s’amplifier, la prière commune et la coopération des Églises sœurs (…) doivent être privilégiées afin de garantir dans le monde les bons fruits que sont le droit à la sûreté et à une existence décente.»

L’indépendance de l’Arménie a redonné son élan à l’Église apostolique. «Notre Église vit une période de réveil spirituel dans le cadre de notre État souverain. Elle peut aujourd’hui poursuivre au sein de notre peuple la mission que lui avait confiée le Seigneur.»

En réponse, le Pape a rappelé que «la foi au Christ n’a pas été pour l’Arménie comme un vêtement que l’on peut mettre ou retirer selon les circonstances ou les convenances, mais une réalité constitutive de son identité même, un don d’une immense portée à accueillir avec joie et à garder avec application et force, au prix de la vie elle-même».

Le Pape François a retracé les différentes étapes du dialogue entre les deux Églises, notamment la Déclaration commune signée en 2001 par Jean-Paul II et Karékine II, définissant ces efforts comme «une lumière resplendissante dans une nuit obscure et un appel à vivre dans la charité et dans la compréhension mutuelle même les différences».

Ce vendredi soir, après son passage au Palais présidentiel, le Pape va rentrer à Etchmiadzin pour une nouvelle rencontre avec Karékine II et les 45 évêques de l’Église apostolique arménienne. Le Pape dinera et dormira sur place durant tout son séjour, un signe fort d’hospitalité œcuménique. «Merci, Sainteté, de m’avoir accueilli dans votre maison, a-t-il dit à Karékine II. Beaucoup plus que des paroles, ce signe d’amour dit, de manière éloquente, ce que signifient l’amitié et la charité fraternelle

site officiel en France