Préserver la mémoire de ce que le Seigneur a fait dans notre vie

Préserver la mémoire de l’histoire du salut: lorsque vous «détournez» votre cœur, vous risquez d’avoir un «cœur sans boussole».Tel était le message du pape François lors de son homélie dans la messe de ce matin à la Maison Sainte-Marthe.

La réflexion du Pape François est partie de la première lecture du jour, tirée du Livre du Deutéronome. Il s’agit d’une partie du discours que Moïse fait au peuple pour le préparer à entrer dans la Terre promise, en le mettant face à un défi qui est aussi un choix entre la vie et la mort.

«C’est un appel à notre liberté», en particulier trois paroles-clé de Moïse : «si ton cœur regarde en arrière», «si tu n’écoutes pas», et «si tu te laisses trainer à te prosterner devant d’autres dieux».

«Quand le cœur regarde en arrière, quand il prend une route qui n’est pas la bonne (…) il perd l’orientation, la boussole avec laquelle il doit aller de l’avant. Et un cœur sans boussole est un danger public pour celui qui le porte et pour les autres. Et un cœur qui prend un chemin erroné lorsqu’il n’écoute pas, qu’il se laisse entrainer par les autres, quand il devient idolâtre.»

Vaincre la surdité de l’âme

Mais nous ne sommes pas capables d’écouter, «tellement sourds dans l’âme»«Nous aussi à certains moments nous devenons sourds dans l’âme, nous n’écoutons pas le Seigneur.» Les idolâtries nous mettent en danger le long de la route «vers la terre qui nous a été promise à tous : la terre de la rencontre avec le Christ ressuscité».

«Le Carême nous aide à aller sur cette route.» «Ne pas écouter le Seigneur» et les promesses qu’il nous a fait, c’est perdre la mémoire. Commençons le Carême en demandant «la grâce de la mémoire», prenant l’exemple de Moïse invitant son peuple à se souvenir de tout le chemin accompli pour atteindre la terre promise. Un chemin que l’on risque d’oublier quand tout va bien et que l’on a une vie confortable.

Le risque d’être anesthésié par le bien-être

«Le bien-être, même le bien-être spirituel, a ce danger : le danger de tomber dans une certaine amnésie, un manque de mémoire : je suis bien comme ça et j’oublie ce qu’a fait le Seigneur dans ma vie, toutes les grâces qu’il m’a donné, je crois que c’est mon mérite, et j’avance comme ça. Et là le cœur commence à retourner en arrière, parce qu’il n’écoute pas la voie de son propre cœur : la mémoire, la grâce de la mémoire.»

Le peuple hébreu avait lui aussi perdu la mémoire, tombant même de la nostalgie du relatif confort de ses années de servitude en Égypte. Pourtant, le peuple «ne pouvait pas oublier» que Dieu l’avait sauvé.

Il ne faut donc pas perdre l’histoire : «l’histoire du salut, l’histoire de ma vie, l’histoire de Jésus avec moi». Et ne pas s’arrêter, ne pas retourner en arrière, ne pas se laisser piéger par les idoles. L’idolâtrie en effet «n’est pas seulement aller dans un temple païen et adorer une statue».

«L’idolâtrie est une attitude du cœur, quand tu préfères ceci parce que c’est plus commode pour moi, et non pas le Seigneur parce que tu as oublié le Seigneur. Au début du Carême, cela nous fera du bien à tous de demander la grâce de cultiver la mémoire, cultiver la mémoire de tout ce que le Seigneur a fait dans ma vie : comment il m’a aimé.Et à partir de ce souvenir, continuer à aller de l’avant.»

«Et cela nous fera aussi du bien de répéter continuellement le conseil de Paul à Timothée, son disciple bien-aimé : “Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts”. Je répète : Souviens-toi de Jésus-Christ ressuscité, souviens-toi de Jésus, Jésus qui m’a accompagné jusqu’à maintenant et qui m’accompagnera jusqu’au moment dans lequel je dois comparaître devant Lui, glorieux. Que le  Seigneur nous donne cette grâce de cultiver la mémoire.»

libérer le cœur des vanités

Le Pape François a célébré  la messe du Mercredi des Cendres, ce 6 mars, avec une liturgie déployée entre deux églises situées sur la colline de l’Aventin, l’église Saint-Anselme, siège de l’ordre des bénédictins, et la basilique Sainte-Sabine, siège des dominicains. Avant le rite d’imposition des Cendres, il a développé une homélie sur le sens du Carême, invitant à libérer le cœur des vanités qui brouillent l’horizon.

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 6 mars 2019


« Sonnez du cor, prescrivez un jeûne sacré » (Jl 2, 15), dit le prophète dans la Première Lecture. Le Carême s’ouvre avec un son strident, celui d’une corne qui ne caresse pas les oreilles, mais organise un jeûne. C’est un son puissant, qui veut ralentir notre vie qui va toujours au pas de course, mais souvent ne sait pas bien où. C’est un appel à s’arrêter – un arrête-toi – , à aller à l’essentiel, à jeûner du superflu qui distrait. C’est un réveil pour l’âme.

Au son de ce réveil est joint le message que le Seigneur transmet par la bouche du prophète, un message bref et pressant : « Revenez à moi » (v. 12). Revenir. Si nous devons revenir, cela signifie que nous sommes allés ailleurs.

Le Carême est le temps pour retrouver la route de la vie. Parce que dans le parcours de la vie, comme sur tout chemin, ce qui compte vraiment est de ne pas perdre de vue le but. Lorsqu’au contraire dans le voyage, ce qui intéresse est de regarder le paysage ou de s’arrêter pour manger, on ne va pas loin.

Chacun de nous peut se demander : sur le chemin de la vie, est-ce que je cherche la route ? Ou est-ce que je me contente de vivre au jour le jour, en pensant seulement à aller bien, à résoudre quelques problèmes et à me divertir un peu ? Quelle est la route ? Peut-être la recherche de la santé, que beaucoup disent venir avant tout mais qui un jour ou l’autre passera ? Peut-être les biens et le bien-être ?

Mais nous ne sommes pas au monde pour cela. Revenez à moi, dit le Seigneur. A moi. C’est le Seigneur le but de notre voyage dans le monde. La route est fondée sur Lui.

Pour retrouver la route, aujourd’hui nous est offert un signe : des cendres sur la tête. C’est un signe qui nous fait penser à ce que nous avons en tête. Nos pensées poursuivent souvent des choses passagères, qui vont et viennent. La légère couche de cendres que nous recevrons est pour nous dire, avec délicatesse et vérité : des nombreuses choses que tu as en tête, derrière lesquelles chaque jour tu cours et te donne du mal, il ne restera rien.

Pour tout ce qui te fatigue, de la vie tu n’emporteras avec toi aucune richesse. Les réalités terrestres s’évanouissent, comme poussière au vent. Les biens sont provisoires, le pouvoir passe, le succès pâlit. La culture de l’apparence, aujourd’hui dominante, qui entraîne à vivre pour les choses qui passent, est une grande tromperie.

Parce que c’est comme une flambée : une fois finie, il reste seulement la cendre. Le Carême est le temps pour nous libérer de l’illusion de vivre en poursuivant la poussière.

Le Carême c’est redécouvrir que nous sommes faits pour le feu qui brûle toujours, non pour la cendre qui s’éteint tout de suite; pour Dieu, non pour le monde ; pour l’éternité du Ciel, non pour la duperie de la terre ; pour la liberté des enfants, non pour l’esclavage des choses. Nous pouvons nous demander aujourd’hui : de quel côté suis-je ? Est-ce que je vis pour le feu ou pour la cendre ?

Dans ce voyage de retour à l’essentiel qu’est le Carême, l’Évangile propose trois étapes que le Seigneur demande de parcourir sans hypocrisie, sans comédie : l’aumône, la prière, le jeûne. A quoi servent-elles ? L’aumône, la prière et le jeûne nous ramènent aux trois seules réalités qui ne disparaissent pas. La prière nous rattache à Dieu ; la charité au prochain ; le jeûne à nous-mêmes.

Dieu, les frères, ma vie : voilà les réalités qui ne finissent pas dans le néant, sur lesquelles il faut investir. Voilà où le Carême nous invite à regarder : vers le Haut, avec la prière qui nous libère d’une vie horizontale, plate, où on trouve le temps pour le ‘je’ mais où l’on oublie Dieu. Et puis vers l’autre avec la charité qui libère de la vanité de l’avoir, du fait de penser que les choses vont bien si elles me vont bien à moi.

Enfin, il nous invite à regarder à l’intérieur, avec le jeûne, qui nous libère de l’attachement aux choses, de la mondanité qui anesthésie le cœur. Prière, charité, jeûne : trois investissements pour un trésor qui dure.

Jésus a dit : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21). Notre cœur regarde toujours dans quelque direction : il est comme une boussole en recherche d’orientation. Nous pouvons aussi le comparer à un aimant : il a besoin de s’attacher à quelque chose.

Mais s’il s’attache seulement aux choses terrestres, tôt ou tard, il en devient esclave : les choses dont on se sert deviennent des choses à servir. L’aspect extérieur, l’argent, la carrière, les passe-temps : si nous vivons pour eux, ils deviendront des idoles qui nous utilisent, des sirènes qui nous charment et ensuite nous envoient à la dérive.

Au contraire, si le cœur s’attache à ce qui ne passe pas, nous nous retrouvons nous-même et nous devenons libres. Le Carême est un temps de grâce pour libérer le cœur des vanités. C’est un temps de guérison des dépendances qui nous séduisent. C’est un temps pour fixer le regard sur ce qui demeure.

Où fixer alors le regard le long du chemin du Carême ? C’est simple: sur le Crucifié. Jésus en croix est la boussole de la vie, qui nous oriente vers le Ciel. La pauvreté du bois, le silence du Seigneur, son dépouillement par amour nous montrent les nécessités d’une vie plus simple, libre de trop de soucis pour les choses.

De la Croix Jésus nous enseigne le courage ferme du renoncement. Parce que chargés de poids encombrants, nous n’irons jamais de l’avant. Nous avons besoin de nous libérer des tentacules du consumérisme et des liens de l’égoïsme, du fait de vouloir toujours plus, de n’être jamais content, du cœur fermé aux besoins du pauvre.

Jésus sur le bois de la croix brûle d’amour, il nous appelle à une vie enflammée de Lui, qui ne se perd pas parmi les cendres du monde ; une vie qui brûle de charité et ne s’éteint pas dans la médiocrité. Est-il difficile de vivre comme lui le demande ? Oui, c’est difficile, mais il conduit au but. Le Carême nous le montre.

Il commence avec la cendre, mais à la fin, il nous mène au feu de la nuit de Pâques ; à découvrir que, dans le tombeau, la chair de Jésus ne devient pas cendre, mais resurgit glorieuse. Cela vaut aussi pour nous, qui sommes poussière : si avec nos fragilités nous revenons au Seigneur, si nous prenons le chemin de l’amour, nous embrasserons la vie qui n’a pas de couchant. Et nous serons certainement dans la joie.


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Comment vivre concrètement le Carême ?

Photo prise dans la Chapelle ce mardi 5 mars à la fin de la messe de 15h30 pour les associés de la Médaille Miraculeuse, juste la veille du Carême.
Photo prise dans la Chapelle ce mardi 5 mars à la fin de la messe de 15h30 pour les associés de la Médaille Miraculeuse, juste la veille du Carême.

Pour nous préparer à la fête de Pâques durant le temps du Carême, nous sommes invités nous aussi, comme Associés de la Médaille Miraculeuse, à entrer dans le combat spirituel à la suite de Jésus : prier avec lui, jeûner avec lui, partager avec nos frères avec lui.

Comme Jésus au désert a résisté par trois fois à Satan, nous aussi nous pouvons être vainqueurs des trois tentations de la parole, du pouvoir et de nier nos limites humaines, en écoutant et méditant la Parole de Dieu de chaque jour, qui est très riche en ce temps liturgique du Carême.

Jeûner, prier, partager
Jeûner, prier, partager

La prière

Nous devons prendre le temps, dans une vie agitée, de nous recueillir. Prier à l’image de Jésus qui savait prendre du temps, échappant à la foule pour la mieux retrouver après son dialogue avec le Père.

En méditant la Parole dans le silence, en éteignant la télévision ou la radio, en évitant d’être trop dépendant des smartphones, nous acceptons chaque jour de nous mettre quelques minutes devant le Seigneur pour nous laisser saisir par Lui. Essayons donc de faire silence en nos vies, de sortir de la superficialité de certains emplois du temps pour donner priorité à l’Essentiel.

Le jeûne

L’ascèse est une réalité qui nous fait peur. Nous n’avons pas l’habitude de nous priver même si, aujourd’hui chez nous, beaucoup de nos concitoyens vivent dans des conditions précaires et connaissent l’inquiétude du lendemain. Certes, l’Église nous rappelle certains actes pénitentiels significatifs : manger moins chaque vendredi ; jeûner  le mercredi des Cendres et le Vendredi Saint ; maîtriser nos instincts.

Mais surtout, elle attire notre attention sur l’importance de notre style de vie. S’inspire-t-il du Christ et des encouragements de l’Église ou bien, sous prétexte de modernité, s’inspire-t-il des complicités subtiles avec la mode, les mondanités et le péché ?

Avec tous nos frères chrétiens, mais aussi avec tous ceux qui souffrent de la faim, d’un manque de liberté ou de dignité, avec tous ceux pour qui la vie quotidienne est une ascèse imposée, entrons dans ce jeûne du Carême comme dans le bain d’une nouvelle naissance.

Le partage

Le but du jeûne n’est pas seulement la privation, mais le partage, l’aumône : ce que nous avons économisé, nous sommes invités à le donner à ceux qui jeûnent tous les jours, car ils n’ont pas de quoi s’acheter à manger. Ils sont des millions dans le monde et des milliers en France !

Arrachons de nos vies l’individualisme et l’inertie pour nous engager au service des plus déshérités que soi. Développons la solidarité à l’intérieur de nos communautés ou à travers des associations ou des mouvements qui s’emploient à rejoindre et à servir les personnes diversement fragilisées.

N’oublions pas tous ceux et celles qui, dans le Tiers-monde, vivent dans des situations encore plus tragiques que chez nous, marqués par la malnutrition, le manque de soins médicaux, l’extrême pauvreté, quand ce n’est pas la violence aveugle ou le regroupement dans des camps de réfugiés où règnent misère et promiscuité.

La pénitence et la réconciliation

Ce temps du Carême ne sera véritablement conversion que si nous allons jusqu’à l’accueil du pardon du Seigneur dans le Sacrement de réconciliation. Ce sacrement reçu personnellement témoigne, pour la communauté chrétienne et pour tous les hommes marqués par l’échec et le péché, que le Dieu de Jésus-Christ ouvre largement Son pardon à tout homme de bonne volonté, qu’il n’y a pas d’échec définitif et que Dieu est plus grand que notre cœur.

Engageons-nous sur la longue route du Carême, résolument et avec foi. Après avoir accompagné Jésus dans son entrée à Jérusalem aux Rameaux, participé à la Cène le Jeudi Saint, monté avec Lui au Golgotha le Vendredi Saint, dans la nuit de Pâques, avec tous les nouveaux baptisés, nous renouvellerons les engagements de notre baptême et nous chanterons l’Alleluia Pascal, en tenant nos cierges allumés par lesquels Jésus ressuscité illuminera nos visages.

Source : © Copyright CEF

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