Le carême est l’occasion d’être simple et vrai

hypocrite
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Le Pape François a souligné, ce vendredi 8 mars, la nécessité pour les croyants d’être de vrais chrétiens et d’éviter les apparences. Lors de la messe célébrée  dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe, il a commenté la première lecture tirée du livre du prophète Isaïe (Is 58.19a), condamnant toute forme d’hypocrisie et expliquant «la différence entre le réel et le formel dans nos vies».

«Le formel est une expression du réel», mais tous deux doivent procéder «ensemble», au risque de ne vivre qu’une existence «d’apparences», une vie «sans vérité».

Faire pénitence en étant heureux

La simplicité des apparences devrait être redécouverte en particulier en cette période de carême, à travers l’exercice du jeûne, de l’aumône et de la prière. En fait, les chrétiens ont à faire pénitence en étant heureux, généreux avec ceux qui sont dans le besoin sans en faire démonstration; s’adresser au Père presque «en secret», sans rechercher l’admiration des autres.

Au temps de Jésus, la conduite du pharisien et du publicain donnaient un exemple clair. Aujourd’hui des catholiques se sentent «justes» parce qu’ils appartiennent à  telle association, parce qu’ils vont à la messe tous les dimanches, et qu’ils ne sont pas «comme ces pauvres gens qui ne comprennent rien». Quand survient cette différence entre la réalité et l’apparence, le Seigneur utilise un adjectif: «Hypocrite».

L’hypocrisie du quotidien et des professionnels de la religion

Chaque individu est tenté par des hypocrisies et le temps qui nous mène à Pâques peut être l’occasion de reconnaître ses propres incohérences. «Le Seigneur demande de la cohérence».

«Beaucoup de chrétiens, même catholiques, qui se disent catholiques pratiquants, comme ils exploitent les gens!» «Comme ils exploitent les ouvriers! Et c’est un péché mortel! Combien ils humilient leurs travailleurs.»

Tout le monde est invité ainsi  à redécouvrir la beauté de la simplicité, de la réalité qui «doit être unie à l’apparence». «Nous demandons au Seigneur la grâce d’être cohérent, de ne pas être vain, de ne pas paraître plus digne de ce que nous sommes. Nous demandons cette grâce, en ce Carême: la cohérence entre le formel et le réel, entre la réalité et les apparences».

Préserver la mémoire de ce que le Seigneur a fait dans notre vie

Préserver la mémoire de l’histoire du salut: lorsque vous «détournez» votre cœur, vous risquez d’avoir un «cœur sans boussole».Tel était le message du pape François lors de son homélie dans la messe de ce matin à la Maison Sainte-Marthe.

La réflexion du Pape François est partie de la première lecture du jour, tirée du Livre du Deutéronome. Il s’agit d’une partie du discours que Moïse fait au peuple pour le préparer à entrer dans la Terre promise, en le mettant face à un défi qui est aussi un choix entre la vie et la mort.

«C’est un appel à notre liberté», en particulier trois paroles-clé de Moïse : «si ton cœur regarde en arrière», «si tu n’écoutes pas», et «si tu te laisses trainer à te prosterner devant d’autres dieux».

«Quand le cœur regarde en arrière, quand il prend une route qui n’est pas la bonne (…) il perd l’orientation, la boussole avec laquelle il doit aller de l’avant. Et un cœur sans boussole est un danger public pour celui qui le porte et pour les autres. Et un cœur qui prend un chemin erroné lorsqu’il n’écoute pas, qu’il se laisse entrainer par les autres, quand il devient idolâtre.»

Vaincre la surdité de l’âme

Mais nous ne sommes pas capables d’écouter, «tellement sourds dans l’âme»«Nous aussi à certains moments nous devenons sourds dans l’âme, nous n’écoutons pas le Seigneur.» Les idolâtries nous mettent en danger le long de la route «vers la terre qui nous a été promise à tous : la terre de la rencontre avec le Christ ressuscité».

«Le Carême nous aide à aller sur cette route.» «Ne pas écouter le Seigneur» et les promesses qu’il nous a fait, c’est perdre la mémoire. Commençons le Carême en demandant «la grâce de la mémoire», prenant l’exemple de Moïse invitant son peuple à se souvenir de tout le chemin accompli pour atteindre la terre promise. Un chemin que l’on risque d’oublier quand tout va bien et que l’on a une vie confortable.

Le risque d’être anesthésié par le bien-être

«Le bien-être, même le bien-être spirituel, a ce danger : le danger de tomber dans une certaine amnésie, un manque de mémoire : je suis bien comme ça et j’oublie ce qu’a fait le Seigneur dans ma vie, toutes les grâces qu’il m’a donné, je crois que c’est mon mérite, et j’avance comme ça. Et là le cœur commence à retourner en arrière, parce qu’il n’écoute pas la voie de son propre cœur : la mémoire, la grâce de la mémoire.»

Le peuple hébreu avait lui aussi perdu la mémoire, tombant même de la nostalgie du relatif confort de ses années de servitude en Égypte. Pourtant, le peuple «ne pouvait pas oublier» que Dieu l’avait sauvé.

Il ne faut donc pas perdre l’histoire : «l’histoire du salut, l’histoire de ma vie, l’histoire de Jésus avec moi». Et ne pas s’arrêter, ne pas retourner en arrière, ne pas se laisser piéger par les idoles. L’idolâtrie en effet «n’est pas seulement aller dans un temple païen et adorer une statue».

«L’idolâtrie est une attitude du cœur, quand tu préfères ceci parce que c’est plus commode pour moi, et non pas le Seigneur parce que tu as oublié le Seigneur. Au début du Carême, cela nous fera du bien à tous de demander la grâce de cultiver la mémoire, cultiver la mémoire de tout ce que le Seigneur a fait dans ma vie : comment il m’a aimé.Et à partir de ce souvenir, continuer à aller de l’avant.»

«Et cela nous fera aussi du bien de répéter continuellement le conseil de Paul à Timothée, son disciple bien-aimé : “Souviens-toi de Jésus-Christ, ressuscité d’entre les morts”. Je répète : Souviens-toi de Jésus-Christ ressuscité, souviens-toi de Jésus, Jésus qui m’a accompagné jusqu’à maintenant et qui m’accompagnera jusqu’au moment dans lequel je dois comparaître devant Lui, glorieux. Que le  Seigneur nous donne cette grâce de cultiver la mémoire.»

libérer le cœur des vanités

Le Pape François a célébré  la messe du Mercredi des Cendres, ce 6 mars, avec une liturgie déployée entre deux églises situées sur la colline de l’Aventin, l’église Saint-Anselme, siège de l’ordre des bénédictins, et la basilique Sainte-Sabine, siège des dominicains. Avant le rite d’imposition des Cendres, il a développé une homélie sur le sens du Carême, invitant à libérer le cœur des vanités qui brouillent l’horizon.

MESSE, BÉNÉDICTION ET IMPOSITION DES CENDRES

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique Sainte-Sabine
Mercredi 6 mars 2019


« Sonnez du cor, prescrivez un jeûne sacré » (Jl 2, 15), dit le prophète dans la Première Lecture. Le Carême s’ouvre avec un son strident, celui d’une corne qui ne caresse pas les oreilles, mais organise un jeûne. C’est un son puissant, qui veut ralentir notre vie qui va toujours au pas de course, mais souvent ne sait pas bien où. C’est un appel à s’arrêter – un arrête-toi – , à aller à l’essentiel, à jeûner du superflu qui distrait. C’est un réveil pour l’âme.

Au son de ce réveil est joint le message que le Seigneur transmet par la bouche du prophète, un message bref et pressant : « Revenez à moi » (v. 12). Revenir. Si nous devons revenir, cela signifie que nous sommes allés ailleurs.

Le Carême est le temps pour retrouver la route de la vie. Parce que dans le parcours de la vie, comme sur tout chemin, ce qui compte vraiment est de ne pas perdre de vue le but. Lorsqu’au contraire dans le voyage, ce qui intéresse est de regarder le paysage ou de s’arrêter pour manger, on ne va pas loin.

Chacun de nous peut se demander : sur le chemin de la vie, est-ce que je cherche la route ? Ou est-ce que je me contente de vivre au jour le jour, en pensant seulement à aller bien, à résoudre quelques problèmes et à me divertir un peu ? Quelle est la route ? Peut-être la recherche de la santé, que beaucoup disent venir avant tout mais qui un jour ou l’autre passera ? Peut-être les biens et le bien-être ?

Mais nous ne sommes pas au monde pour cela. Revenez à moi, dit le Seigneur. A moi. C’est le Seigneur le but de notre voyage dans le monde. La route est fondée sur Lui.

Pour retrouver la route, aujourd’hui nous est offert un signe : des cendres sur la tête. C’est un signe qui nous fait penser à ce que nous avons en tête. Nos pensées poursuivent souvent des choses passagères, qui vont et viennent. La légère couche de cendres que nous recevrons est pour nous dire, avec délicatesse et vérité : des nombreuses choses que tu as en tête, derrière lesquelles chaque jour tu cours et te donne du mal, il ne restera rien.

Pour tout ce qui te fatigue, de la vie tu n’emporteras avec toi aucune richesse. Les réalités terrestres s’évanouissent, comme poussière au vent. Les biens sont provisoires, le pouvoir passe, le succès pâlit. La culture de l’apparence, aujourd’hui dominante, qui entraîne à vivre pour les choses qui passent, est une grande tromperie.

Parce que c’est comme une flambée : une fois finie, il reste seulement la cendre. Le Carême est le temps pour nous libérer de l’illusion de vivre en poursuivant la poussière.

Le Carême c’est redécouvrir que nous sommes faits pour le feu qui brûle toujours, non pour la cendre qui s’éteint tout de suite; pour Dieu, non pour le monde ; pour l’éternité du Ciel, non pour la duperie de la terre ; pour la liberté des enfants, non pour l’esclavage des choses. Nous pouvons nous demander aujourd’hui : de quel côté suis-je ? Est-ce que je vis pour le feu ou pour la cendre ?

Dans ce voyage de retour à l’essentiel qu’est le Carême, l’Évangile propose trois étapes que le Seigneur demande de parcourir sans hypocrisie, sans comédie : l’aumône, la prière, le jeûne. A quoi servent-elles ? L’aumône, la prière et le jeûne nous ramènent aux trois seules réalités qui ne disparaissent pas. La prière nous rattache à Dieu ; la charité au prochain ; le jeûne à nous-mêmes.

Dieu, les frères, ma vie : voilà les réalités qui ne finissent pas dans le néant, sur lesquelles il faut investir. Voilà où le Carême nous invite à regarder : vers le Haut, avec la prière qui nous libère d’une vie horizontale, plate, où on trouve le temps pour le ‘je’ mais où l’on oublie Dieu. Et puis vers l’autre avec la charité qui libère de la vanité de l’avoir, du fait de penser que les choses vont bien si elles me vont bien à moi.

Enfin, il nous invite à regarder à l’intérieur, avec le jeûne, qui nous libère de l’attachement aux choses, de la mondanité qui anesthésie le cœur. Prière, charité, jeûne : trois investissements pour un trésor qui dure.

Jésus a dit : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur » (Mt 6, 21). Notre cœur regarde toujours dans quelque direction : il est comme une boussole en recherche d’orientation. Nous pouvons aussi le comparer à un aimant : il a besoin de s’attacher à quelque chose.

Mais s’il s’attache seulement aux choses terrestres, tôt ou tard, il en devient esclave : les choses dont on se sert deviennent des choses à servir. L’aspect extérieur, l’argent, la carrière, les passe-temps : si nous vivons pour eux, ils deviendront des idoles qui nous utilisent, des sirènes qui nous charment et ensuite nous envoient à la dérive.

Au contraire, si le cœur s’attache à ce qui ne passe pas, nous nous retrouvons nous-même et nous devenons libres. Le Carême est un temps de grâce pour libérer le cœur des vanités. C’est un temps de guérison des dépendances qui nous séduisent. C’est un temps pour fixer le regard sur ce qui demeure.

Où fixer alors le regard le long du chemin du Carême ? C’est simple: sur le Crucifié. Jésus en croix est la boussole de la vie, qui nous oriente vers le Ciel. La pauvreté du bois, le silence du Seigneur, son dépouillement par amour nous montrent les nécessités d’une vie plus simple, libre de trop de soucis pour les choses.

De la Croix Jésus nous enseigne le courage ferme du renoncement. Parce que chargés de poids encombrants, nous n’irons jamais de l’avant. Nous avons besoin de nous libérer des tentacules du consumérisme et des liens de l’égoïsme, du fait de vouloir toujours plus, de n’être jamais content, du cœur fermé aux besoins du pauvre.

Jésus sur le bois de la croix brûle d’amour, il nous appelle à une vie enflammée de Lui, qui ne se perd pas parmi les cendres du monde ; une vie qui brûle de charité et ne s’éteint pas dans la médiocrité. Est-il difficile de vivre comme lui le demande ? Oui, c’est difficile, mais il conduit au but. Le Carême nous le montre.

Il commence avec la cendre, mais à la fin, il nous mène au feu de la nuit de Pâques ; à découvrir que, dans le tombeau, la chair de Jésus ne devient pas cendre, mais resurgit glorieuse. Cela vaut aussi pour nous, qui sommes poussière : si avec nos fragilités nous revenons au Seigneur, si nous prenons le chemin de l’amour, nous embrasserons la vie qui n’a pas de couchant. Et nous serons certainement dans la joie.


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