Regard de Georges Bernanos sur la Vierge Marie

Georges Bernanos
Georges Bernanos

Georges Bernanos a quitté ce monde voilà 70 ans. À ce propos, il est bon de méditer sur ce qu’il dit de la Vierge Marie, dans son roman « Journal d’un curé de campagne », par le biais du curé de Torcy rendant visite au jeune curé pour l’encourager :

« Elle est notre mère, c’est entendu. Elle est la mère du genre humain, la nouvelle Eve. Mais elle est aussi sa fille.

L’ancien monde, le douloureux monde, le monde d’avant la grâce l’a bercée longtemps sur son cœur désolé -des siècles et des siècles- dans l’attente obscure, incompréhensible d’une « virgo genitrix« …

Des siècles et des siècles, il a protégé de ses vieilles mains chargées de crimes, ses lourdes mains, la petite fille merveilleuse dont il ne savait même pas le nom.

Une petite fille, cette reine des anges! Et elle l’est restée, ne l’oublie pas!…

Notre pauvre espèce ne vaut pas cher, mais l’enfance émeut toujours ses entrailles, l’ignorance des petits lui fait baisser les yeux – ses yeux qui savent le bien et le mal, ses yeux qui ont vu tant de choses ! Mais ce n’est que l’ignorance, après tout.

La Vierge était l’innocence…

Oui, mon petit, pour la bien prier, il faut sentir sur soi ce regard qui n’est pas tout à fait celui de l’indulgence – car l’indulgence ne va pas sans quelque expérience amère – mais de la tendre compassion, de la surprise douloureuse, d’on ne sait quel sentiment encore, inconcevable, inexprimable, qui la fait plus jeune que le péché, plus jeune que la race dont elle est issue et, bien que Mère par la grâce, Mère des grâces, la cadette du genre humain. »

Georges BERNANOS, Journal d’un curé de campagne (Plon 1936), éditions « Le livre de poche », Paris, 1966, p. 180, 182

les conditions de vie du disciple

Jésus monte dans la barque, suivi de ses disciples (Mt 8, 18 et suivants). Ils s’apprêtent à prendre le large pour aller sur  l’autre rive, c’est-à-dire la terre païenne. Mais que va -t-il donc faire  dans cette contrée impure?

Dans l’agitation de l’embarquement, un scribe s’approche ; il insiste pour être du voyage, mais Jésus l’en dissuade. Le scribe manifeste une disponibilité généreuse dont on était en droit d’attendre qu’elle serait reçue avec bienveillance. La réponse de Jésus n’est ni un accueil, ni un rejet : il se contente de souligner les conditions de vie du disciple, afin que son interlocuteur ne s’engage pas à la légère.

Le Seigneur nous demande à nous aussi de vérifier si nous lui faisons suffisamment confiance pour quitter nos certitudes terrestres (les terriers par nous creusés ici-bas) et abandonner nos refuges imaginaires, nos rêves utopiques, afin de nous appuyer sur sa seule Parole.

Cette condition est difficile, car nous appréhendons de perdre nos repères, et nous hésitons à nous enfoncer dans le désert inhospitalier du renoncement à notre volonté propre. Pourtant nous le savons : nul ne peut entrer dans le Royaume si ce n’est par la porte étroite de la Croix.

Nous sommes loin du mythe de la religion « opium du peuple » ! Notre scribe intérieur – c’est-à-dire la part de nous-même qui ne s’avance que sur des chemins dont il peut garder la maîtrise – est-il prêt pour un tel exode hors de ses repères et de ses sécurités ? Osons-nous miser toute notre vie sur le Christ et l’Évangile?

Et sans compromission ! encore une manière subtile d’échapper à l’exigence d’un choix compromettant. On parie  à la fois sur Jésus et Bouddha, la mystique chrétienne et naturaliste, le Dieu personnel et l’Énergie cosmique, de manière à être sûr d’être gagnant.

Non ! La vie divine se communique au sein d’une relation d’amour, qui comme tout amour est éminemment personnel et présente un caractère exclusif dans le choix et définitif dans le don. « Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi la trouvera » (Mt 16, 25).

Personne n’est un « intrus » pour Dieu

Lève-toi, courage, lève-toi !

« Sur le chemin du Seigneur, tout le monde est admis  : personne ne doit se sentir un intrus, un abuseur ou un illégitime », a dit le pape François lors l’angélus de ce 1er juillet 2018 place Saint-Pierre à Rome : « pour avoir accès à son cœur, au cœur de Jésus, il faut sentir le besoin d’être guéri et de Lui faire confiance. » Il s’est aussi fait l’écho de « cette parole de Jésus adressée à chacun de nous : «je te le dis, lève-toi!» Va. Lève-toi, courage, lève-toi ! »

PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint Pierre
Dimanche, 1er juillet 2018

Chers frères et sœurs, bonjour !

L’Évangile de ce dimanche (cf. Mc 5,21-43) présente deux prodiges réalisés par Jésus, en les décrivant presque comme une sorte de marche triomphale vers la vie.

D’abord l’Évangéliste parle d’un certain Jaïre, l’un des chefs de la synagogue, qui vient à Jésus et le supplie de venir chez lui parce que sa fille de douze ans est mourante. Jésus accepte et va avec lui; mais, le long du chemin, parvient la nouvelle que la jeune est morte. Nous pouvons imaginer la réaction de ce papa. Mais Jésus lui dit: «Ne crains pas, crois seulement !» (v. 36).

Arrivés à la maison de Jaïre, Jésus fait sortir les gens qui pleuraient – il y avait aussi les femmes pleureuses qui criaient fort – et il entre dans la chambre seul avec les parents et trois disciples, et s’adressant à la défunte, dit : «Jeune fille, je te le dis, lève-toi!» (v. 41). Aussitôt la jeune fille se leva, comme si elle se réveillait d’un sommeil profond (cf. v. 42).

Dans le récit de ce miracle, Marc en insère un autre : la guérison d’une femme qui souffrait d’hémorragies et qui est guérie aussitôt qu’elle touche le vêtement de Jésus (cf. v. 27). Ici frappe le fait que la foi de cette femme attire – j’ai envie de dire « vole » – la puissance salvifique divine qu’il y a dans le Christ, lequel, sentant qu’une force « était sortie de lui », cherche à comprendre qui c’était. Et quand la femme, honteuse, s’avance et confesse tout, Il lui dit : «Ma fille, ta foi t’a sauvée.» (v. 34).

Il s’agit de deux récits encastrés, avec un unique centre : la foi; et ils montrent Jésus comme source de vie, comme Celui qui redonne la vie à celui qui se confie pleinement à Lui. Les deux protagonistes, c’est-à-dire le père de la jeune fille et la femme malade, ne sont pas des disciples de Jésus mais sont exaucés pour leur foi. De cela nous comprenons que tout le monde est admis sur le chemin du Seigneur : personne ne doit se sentir un intrus, un abuseur ou un illégitime.

Pour avoir accès à son cœur, au cœur de Jésus, il y a une seule condition : sentir que l’on a besoin d’une guérison et Lui faire confiance. Je vous demande : chacun de vous sent-il qu’il a besoin de guérison ? De quelque chose, de quelque péché, de quelque problème ? Et, s’il sent cela, a-t-il foi en Jésus ? Ce sont les deux conditions pour être guéris, pour avoir accès à son cœur : sentir que l’on a besoin de guérison et se confier à Lui.

Jésus va découvrir ces personnes dans la foule et les soustrait à l’anonymat, il les libère de la peur de vivre et d’oser. Il le fait avec un regard et avec une parole qui les remet en chemin après tant de souffrances et d’humiliations. Nous aussi nous sommes appelés à apprendre et à imiter ces paroles qui libèrent et ces regards qui rendent, à celui qui en est privé, la volonté de vivre.

Dans cet extrait évangélique s’entrecroisent les thèmes de la foi et de la vie nouvelle que Jésus est venu offrir à tous. Ils entrent dans la maison où la jeune fille gît morte, Il chasse tous ceux qui s’agitent et se lamentent (cf. v. 40) et dit : «L’enfant n’est pas morte : elle dort.» (v. 39). Jésus est le Seigneur, et devant Lui la mort physique est comme un rêve : il n’y a pas de raison de désespérer.

Autre chose est la mort dont il faut avoir peur : celle du cœur endurci par le mal ! De celle-là, il faut avoir peur ! Quand nous sentons que nous avons le cœur endurci, le cœur qui s’endurcit, et permettez-moi l’expression, le cœur momifié, nous devons avoir peur de cela. C’est la mort du cœur. Mais le péché aussi, pour Jésus, même le cœur momifié, n’est jamais le dernier mot, parce qu’Il nous a apporté la miséricorde infinie du Père.

Et même si nous sommes tombés bas, sa voix tendre et forte nous rejoint : «je te le dis, lève-toi!». Il est beau d’entendre cette parole de Jésus adressée à chacun de nous : «je te le dis, lève-toi!» Va. Lève-toi, courage, lève-toi ! Et Jésus redonne la vie à l’enfant et redonne la vie à la femme guérie : vie et foi ensemble.

Demandons à la Vierge Marie d’accompagner notre chemin de foi et d’amour concret, spécialement envers celui qui est dans le besoin. Et invoquons son intercession maternelle pour nos frères qui souffrent dans le corps et dans l’esprit.

Après la prière de l’angélus, le Pape François a évoqué plusieurs situations internationales : le Nicaragua, la ville de Deraa, en Syrie, la réconciliation entre Éthiopie et Érythrée, ou son prochain voyage à Bari.

 


© Copyright – Libreria Editrice Vaticana

site officiel en France