EUCHARISTIE MÉDITÉE 21

EUCHARISTIE MÉDITÉE 21

Chute et secours.

Il n’éteindra pas la mèche encore fumante, il ne foulera pas le roseau à demi brisé. Mt 12, 20 ; cf Isaïe 42, 3

Eucharistie- Motif sculpté sur porte d'église - Bruxelles
Eucharistie- Motif sculpté sur porte d’église – Bruxelles

21e ACTION DE GRÂCES.

Abîmé dans le profond sentiment de mon indignité, je vous adore dans le fond de mon cœur, ô Jésus, Dieu de miséricorde et d’amour, vous que j’ai si souvent abandonné et qui ne dédaignez pas de descendre jusqu’à moi, de vous unir cœur à cœur, âme à âme.

Ah ! j’adore, Seigneur, avec une profonde reconnaissance, la bonté, l’infinie miséricorde de votre cœur adorable, de ce cœur sacré que je sens palpiter auprès du mien et qui fut toujours pour moi celui du père le plus tendre, du frère le plus dévoué, de la mère la plus aimante.

Le souvenir de mes fautes, vous le savez, ô Jésus, me cause une vive, une poignante douleur, mais cette douleur n’altère pas ma confiance en vous. Je gémis de mes égarements, de mes fautes, je les déteste, je les pleure à vos pieds ; mais j’en espère le pardon, bien plus je crois fermement que déjà vous me l’avez accordé, puisque vous avez daigné m’admettre à votre Table sainte.

Je crois que vous avez ratifié dans le ciel, l’absolution que votre ministre a prononcé sur moi. Oh ! qu’il est bien vrai, Seigneur, que votre miséricorde surpasse votre justice, et vous l’avez fait surabonder en moi cette miséricorde, parce que l’iniquité y avait abondé.

Mais, laissez-moi vous le dire, ô Jésus, votre générosité, votre bonté m’accablent; plus vous vous montrez miséricordieux envers moi,  plus vous multipliez vos pardons et les témoignages de votre amour, mieux je comprends mon ingratitude, et plus je me lare-proche.

Oui, je me repens, ô Jésus, de vous avoir offensé, parce que vous êtes infiniment bon et que je vous aime, et c’est parce que vous êtes assez bon pour me pardonner mes fautes. Jusqu’à mon dernier soupir, le cri de mon repentir s’élèvera vers vous avec celui de ma reconnaissance et de mon amour.

Vous avez été réellement pour moi le bon Pasteur, ô Jésus, loin d’abandonner la brebis ingrate et infidèle qui, oublieuse de vos bienfaits, de votre amour, vous fuyait pour aller chercher loin de vous des jouissances mensongères, et mendier auprès des créatures un bonheur qu’elles étaient impuissantes à lui donner.

Vous vous êtes mis à sa poursuite, vous l’avez appelée, cherchée., attendue, avec une infatigable patience, sans vous rebuter de ses délais, de ses résistances, de ses dédains.

Et quand abreuvée d’amertume, de déceptions, de douleurs, vous l’avez vue tomber épuisée et mourante sur cette voie qu’elle avait cru si douce et toujours semée de fleurs, mais où elle avait rencontré tant d’épines et de ronces qui avaient déchiré ses pieds et blessé son cœur.

Quand vous avez vu son regard éteint se tourner vers vous, vous êtes accouru, et malgré ce péché dont elle était souillée, malgré les plaies dont elle était couverte, vous ne l’avez point méconnue.

Et de même qu’une mère reconnaît son enfant sous les haillons de l’indigence et défiguré par les ravages de la maladie, que non seulement elle le reconnaît et n’en a pas horreur, mais qu’elle sent ses entrailles émues d’une tendre compassion, et son cœur plein d’une douloureuse pitié pour celui que la souffrance et la misère semblent lui rendre plus cher encore.

De même, Jésus, vous n’avez pas en horreur les souillures de mon âme. Sa misère ne vous a inspiré qu’une tendre et douloureuse compassion, et loin de l’accabler de vos reproches, de vos mépris, vous vous êtes penché vers elle avec une tendre pitié.

Votre cœur ne lui a fait entendre que des paroles d’espérance et de consolation, puis vous avez pansé ses plaies, et la touchant avec la délicatesse et les précautions d’une mère qui touche le corps endolori de son enfant blessé, vous l’avez prise entre vos bras, ou plutôt, ô mon bien-aimé Sauveur, vous l’avez reçue dans l’ouverture de votre cœur cette pauvre âme, vous l’avez cachée dans ce divin asile, et vous l’avez-ainsi rapportée au bercail.

Et puis, ô mon Sauveur, vous vous êtes réjoui de son retour, comme si cette âme ingrate eût été en quelque sorte nécessaire à votre bonheur, comme si le peu d’amour qu’elle est capable de vous donner pouvait ajouter à votre gloire et étancher cette soif de l’amour de l’homme qui consume votre cœur adorable.

Puis, aussi libéral que vous êtes miséricordieux, vous lui avez rendu les biens dont elle s’était volontairement dépouillée, et qu’elle avait follement dépensés loin de vous.

Bien plus, vous l’avez de nouveau admise à votre table, non pas seulement une fois pour fêter son retour, mais aussi souvent qu’elle éprouve le besoin de venir s’y asseoir, et si ce besoin se fait sentir tous les jours, tous les jours vous l’y recevez, et toujours vous l’accueillez avec la même tendresse, avec le même amour.

Par quels chants, par quelles hymnes, ô Jésus, pourrai-je dignement exalter et célébrer votre infinie miséricorde ? Quelles actions de grâces, quelles louanges pourront suffire à ma reconnaissance? Ah ! je suis impuissant à le faire, ô aimable Sauveur, mais votre cœur est uni à mon cœur, et c’est sa voix que j’ose emprunter, la voix de son amour, la voix de ses louanges, pour bénir l’éternelle miséricorde incarnée dans ce cœur adorable.

Ma reconnaissance, Seigneur, durera autant que ma vie, et aidée du secours puissant de votre sainte grâce, j’espère vous la prouver par ma fidélité et un amour qui ne se démentiront plus, mais je n’oublierai pas que si vous avez oublié en ma faveur les droits de votre justice, pour ne vous souvenir que de ceux de votre miséricorde, je me souviendrai que j’ai contracté envers elle une dette immense que je dois m’efforcer d’acquitter par les expiations d’une pénitence proportionnée à mes fautes.

Je me l’imposerai courageusement et avec joie, cette pénitence, ô Jésus, selon la mesure de mes forces, et si dans la prévoyance de ma lâcheté, il vous plaît de me l’imposer vous-même en m’envoyant des épreuves, des afflictions et des souffrances, je les accepterai non seulement sans plaintes, sans murmure, mais avec reconnaissance; je les supporterai avec une humble résignation.

Quelque grand que soit le châtiment, il sera toujours au-dessous de mes fautes, et quand votre main me frappera, quand elle s’appesantira sur mon corps par les douleurs de la maladie, sur mon cœur par l’amertume des chagrins, j’adorerai encore votre miséricorde qui ne me frappera dans le temps que pour m’épargner dans l’éternité.

Et puis, ô mon Sauveur, instruit par une triste expérience, le souvenir de ma faiblesse me rendra plus défiant de moi-même et m’inspirera une vigilance plus active et plus constante. Je veillerai sur mes sens, sur mon imagination, sur mon cœur, j’éviterai avec soin toutes les occasions qui pourraient être pour moi une source de fautes.

Mais, ô Jésus, je vous prierai surtout, je vous prierai sans cesse, je vous conjurerai, et je vous conjure dès ce moment de veiller sur moi, de me protéger, de me défendre contre le monde, contre le démon, contre moi-même, de me défendre surtout contre ma propre faiblesse, et me confiant en vous avec une humble et filiale confiance.

Mon âme, vous le savez, est plus faible que le frêle roseau qui plie et s’incline au souffle de tous les vents , et elle peut encore, si vous n’êtes vous-même sa force et sa constance, tous offenser et vous trahir.

Enfin, ô mon Sauveur, le double souvenir de mes fautes et de votre miséricorde me rendra compatissant et indulgent pour ceux de mes frères que je verrai faillir. Loin de les condamner, de les mépriser, de leur jeter la pierre, je les jugerai moins coupables, moins ingrats que je ne l’ai été moi-même ; je penserai que s’ils eussent reçu les mêmes grâces que moi, ils n’en eussent pas abusé comme je l’ai fait.

Je les plaindrai, je vous prierai pour eux, et s’il m’est possible de leur tendre la main, je le ferai avec une fraternelle affection, et je m’estimerais mille fois heureux, si en retour de ce que vous avez fait pour moi, je pouvais consoler votre divin cœur en aidant quelques âmes égarées à revenir à vous.

Mais je le sens, ô mon Sauveur, l’amour seul peut m’acquitter envers vous, c’est mon amour que vous me demandez pour prix de tout ce que vous avez fait pour moi. Ah ! n’est-il pas juste que je vous aime en proportion de ce que vous m’avez pardonné, et que je répare par un redoublement d’amour tant de jours, de mois, d’années peut-être, écoulées sans vous aimer.

Je vous le dois cet amour, ô Jésus, je veux, je désire vous le donner tout entier et sans partage ; mais hélas ! mon indigence est si grande, que je dois encore vous demander de me donner ce que je dois vous rendre, ce que je désire vous offrir.

Donnez-moi donc votre amour, ô mon aimable Sauveur, mais un amour fort, généreux, constant, un amour qui ne consiste pas seulement en paroles et dans ces sentiments qui attendrissent le cœur, mais qui se prouve par les œuvres, qui croît dans les épreuves, et ne recule devant aucun sacrifice.

O Marie, douce mère du Dieu des miséricordes, refuge assuré des pauvres pécheurs, vous qui les aimez malgré leurs erreurs et leurs égarements, vous avez eu, comme Jésus, pitié de nos misères, et malgré la grandeur de nos fautes, votre regard maternel ne s’est pas détourné de moi. Ah ! tendre Mère, qu’il me suive dans toutes mes voies, qu’il s’abaisse sur mon lit de mort et protège mon dernier soupir. Ainsi soit-il.

Léonie Guillebaut