Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

Pérou, un lieu d’espérance

Emblème national du Pérou
Emblème national du Pérou

Après ses rencontres en Amazonie, le Pape est revenu à Lima pour s’exprimer devant les autorités civiles péruviennes. Avant de s’entretenir en privé avec le président péruvien, le Souverain pontife s’est exprimé au palais du gouvernement devant 500 personnes, diplomates, politiques ou autorités religieuses.

Dans son discours, il est revenu sur l’espérance, thème-phare de son voyage apostolique dans le pays. «Cette terre péruvienne est un motif d’espérance.» Le Pérou, poumon amazonien est aussi cette «très riche pluralité culturelle qui constitue l’âme de ce peuple.» Elle a «un visage de sainteté», à l’image de Martin de Porres, fils de paysans, et grand saint  péruvien, connu et vénéré dans toute l’Amérique Latine.

«La dégradation de l’environnement, hélas, ne peut être séparée de la dégradation morale de nos communautés.» Ainsi, «unis pour défendre l’espérance», implique une plus grande culture de la transparence entre les entités publiques, le secteur privé, la société civile et la communauté ecclésiastique.

C’est vers la partie septentrionale du Pérou que le Pape François se dirige ce samedi 20 janvier, au deuxième jour de son voyage apostolique dans le pays.

Le Pape en Amazonie péruvienne

Après un peu plus de deux heures de vol depuis Santiago, l’avion du Souverain pontife s’est posé sur la piste de l’aéroport international de Lima ce jeudi 18 janvier 2018, point de départ d’une visite de trois jours en terre péruvienne.

Accueilli par le président de la République, par l’archevêque de Lima, par l’évêque de Callao, ainsi que par le président de la conférence épiscopale du Pérou, l’archevêque de Ayacucho, le Saint-Père a ensuite rallié la nonciature apostolique dans le centre de Lima, où il doit passer trois nuits.

Aux abords de la nonciature, des centaines de personnes dont beaucoup de jeunes étaient rassemblés, agitant le drapeau jaune et blanc du Vatican et chantant l’hymne du voyage. Le Pape a remercié les nombreuses personnes pour leur accueil chaleureux, a prié un Ave Maria et béni la foule.

L’Amazonie, première étape

Son voyage est entré dans le vif du sujet ce vendredi 19 janvier, puisqu’il était attendu dans l’Amazonie péruvienne, à Puerto Maldonado, près de la frontière avec la Bolivien pour aller à la rencontre des peuples indigènes qui vivent dans des conditions très difficiles, marquées par la destruction de la plus grande forêt de la planète.

Les habitants de Puerto Maldonado ont réservé un accueil triomphal et chaleureux  au Pape François ; avec eux, de nombreuses personnes venues des recoins de l’Amazonie péruvienne, mais aussi des pays voisins comme le Brésil ou la Bolivie.

«Quelle belle image de l’Église qui ne connaît pas de frontières et dans laquelle tous les peuples peuvent trouver place !» leur a dit le Pape, qui a rappelé la beauté du nom de cette région, dont Puerto Maldonado est la capitale:  «Madre de Dios», «Mère de Dieu».

Et c’est justement l’exemple de la Vierge Marie que le Pape a proposé à ces populations. Marie, un témoin à regarder, mais surtout une mère. «Et s’il y a une mère, il y a des enfants, il y a une famille, une communauté» ; «cette terre n’est pas orpheline ! Elle a une mère.»

La terre et les hommes, victimes de la culture du rejet

Or, «il est regrettable de constater comment certains veulent éteindre cette certitude et transformer Mère de Dieu en une terre anonyme, sans enfants, une terre stérile, facile à vendre et à exploiter».

Une nouvelle fois, le Pape a mentionné cette culture du rejet, laquelle, non contente d’écarter, progresse, «faisant taire, en ignorant et en écartant tout ce qui ne sert pas ses intérêts».

«C’est une culture anonyme, sans liens, sans visages», «qui ne veut que consommer», et dont les effets s’avèrent particulièrement prégnants sous ses latitudes tropicales. «La terre est traitée dans cette logique: les forêts, les fleuves et les ravins sont usés, utilisés jusqu’à la dernière ressource et ensuite abandonnés, inoccupés et inutiles», à l’instar des personnes qui la peuplent.

Le Pape a repris le cantique de Saint François d’Assise, «Loué sois-tu», titre de son encyclique sur la sauvegarde de la maison commune. « Loué sois-tu Seigneur pour cette œuvre merveilleuse de tes peuples amazoniens et pour toute la biodiversité que ces terres renferment. ».

Mais une nouvelle fois il a déploré les nombreuses meurtrissures infligées à cette terre luxuriante: «les peuples autochtones amazoniens n’ont probablement jamais été aussi menacés sur leurs territoires qu’ils le sont présentement.»

«Nous devons rompre avec le paradigme historique qui considère l’Amazonie comme une réserve inépuisable des États sans prendre en compte ses populations » «La défense de la terre n’a d’autre finalité que la défense de la vie. »

«Pour nous, il est nécessaire que les peuples autochtones modèlent culturellement les Églises locales amazoniennes.» «C’est avec ses évêques et ses missionnaires que vous pourrez façonner une Église avec un visage amazonien et une Église avec un visage indigène.»

Non à la culture machiste

Puis le Pape François a évoqué le thème douloureux de la traite des personnes, assimilable, selon lui, à de l’esclavage. Et les exemples de cette exploitation mortifère sont légion sur cette terre, pourtant confiée à la Mère de Dieu.

Le Pape a notamment mentionné les violences et outrages infligés aux femmes, -surtout adolescentes-, fustigeant avec force une «culture machiste qui ne prend pas en compte le rôle important de la femme dans nos communautés.»

Les multiples possibilités offertes par l’Amazonie ont attiré de nombreuses personnes en quête d’une vie meilleure, séduites par «l’éclat prometteur de l’exploitation de l’or». Mais l’or peut devenir un «faux dieu qui exige des sacrifices humains.»

Aimer la terre, en prendre soin comme d’un trésor

Pour affronter ces situations problématiques, le Pape a donc encouragé les habitants de cette région à s’organiser en mouvements et communautés ecclésiales.

«Notre Père regarde les personnes concrètes, avec leurs visages et leurs histoires. Toutes les communautés chrétiennes doivent être le reflet de ce regard, de cette présence qui crée des liens, qui crée une famille et une communauté. Des communautés, où chacun se sent partie prenante, se sent appelé par son nom et encouragé à être artisan d’une vie pour les autres, sont une manière de rendre visible le Royaume des cieux. »

«Aimez cette terre (…)! Flairez-la, écoutez-la, émerveillez-vous en! Tombez amoureux de cette Mère de Dieu, engagez-vous et sauvegardez-la !» Cette terre est comme d’un trésor, «à faire prospérer et à transmettre à vos enfants».

L’ode du Pape François au «précieux trésor qu’est l’enfance»

le Pape François a visité le foyer pour enfants «Le Petit Prince», à Puerto Maldonado, au cœur de l’Amazonie péruvienne, délivrant un lumineux message d’espoir.

 «L’Enfant Jésus est notre trésor, et vous, les enfants, vous êtes son reflet. Vous êtes aussi notre trésor, le trésor de nous tous, le trésor le plus précieux que nous devons protéger.»

«Chers enfants du Foyer Le Petit Prince, et vous les jeunes des autres maisons d’accueil, je sais que certains d’entre vous sont parfois tristes la nuit. Je sais que vous manquent le papa ou la maman qui ne sont pas là, et je sais aussi qu’il y a des blessures qui vous font beaucoup souffrir.»

«Les enfants ont besoin de regarder en avant et de trouver des modèles positifs : ‘‘je veux être comme lui ou comme elle’’. Tout ce que vous les jeunes pouvez faire, comme venir jouer avec eux, passer du temps avec eux, est important».

«Soyez pour eux, comme disait le Petit Prince: les petites étoiles qui éclairent dans la nuit (cf. Antoine de Saint-Exupéry, XXIV; XXVI).»

«Ne renoncez pas à l’héritage de vos grands-parents, à votre vie ni à vos rêves» «Nous avons besoin de vous comme moteur, qui impulse.» Le Pape leur recommande «d’écouter leurs grands-parents, de valoriser leurs traditions, de ne pas réfréner leur curiosité,… de chercher leurs racines, en même temps qu’ouvrir leurs yeux à la nouveauté.»

 «Vous apportez à l’humanité une alternative de vie vraie(…), un style de vie basé sur la sauvegarde et non sur la destruction de tout ce qui s’oppose à notre cupidité», a conclu le Saint-Père, remerciant chaleureusement et personnellement le père Xavier Arbex de Morsier, pour avoir crée ce lieu de tendresse et de famille.

troisième journée du Pape au Chili

Ce sera la troisième messe au pied des Andes chiliennes. Une estrade aux couleurs du Saint-Siège a été montée à même le sable, à quelques mètres de l’Océan pacifique, sur la Playa Lobito, à 20 km d’Iquique. Cette messe est célébrée en l’honneur de la Sainte Patronne du Chili, la Vierge du Mont Carmel.

À cette occasion, une statue de la Vierge a été acheminée du sanctuaire le plus proche, celui de la Tirana, un petit village au milieu des montagnes. La statue est placée à la droite de l’autel. Le Pape déposera une couronne sur le front de Marie.

Couronnement de la Vierge de la Porte à Trujillo

Mais cette messe est également célébrée en l’honneur la fraternité pour l’intégration des peuples, car la province et, encore plus, le grand port et vaste zone franche qu’est la ville d’Iquique est une terre de brassage. Un habitant du dix est un immigré venu, souvent illégalement, des pays limitrophes, la Bolivie et le Pérou, mais également de Colombie, d’Haïti ou du Venezuela en crise.

En venant à Iquique, le Pape souhaite leur exprimer sa proximité et encourager plus de fraternité au sein de la société chilienne. Plus de 500 000 étrangers vivent actuellement au Chili en situation légale, soit 3% de la population.

Des fleurs en fer blanc

L’autel est orné de quelque 12 000 fleurs en fer blanc, une tradition à Iquique, où les habitants de la région récupèrent des boîtes de conserve et d’autres objets pour fabriquer des fleurs, des couronnes et des croix qu’ils disposent sur les tombes dans les cimetières..

Les fleurs, des roses et les œillets, sont faites de cannettes, peintes dans des tons dorés et cuivrés. Elles seront insérées dans 48 tableaux, remis ensuite aux institutions et aux paroisses en témoignage de la visite du Pape François dans la ville.

L’origine des fleurs en fer-blanc remonte à l’époque de l’exploitation du salpêtre, lorsque les Anglais, voyant que les fleurs naturelles ne duraient pas en raison de l’aridité du désert, fabriquèrent des fleurs artificielles en métal.

 Joie évangélique

Dans son homélie prononcée en espagnol, François s’est appuyé sur la dimension festive de l’Évangile, souvent vécue avec une intensité particulière en Amérique latine.

Il a délivré une méditation sur la joie évangélique, s’appuyant sur le récit des noces de Cana, alors qu’il venait justement de célébrer dans l’avion entre Santiago et Iquique le mariage d’une hôtesse et d’un steward qui lui avaient demandé de bénir leur couple, uni jusqu’alors seulement civilement.

«Le message de l’Évangile est source de joie.» Le Pape a fait de cette affirmation l’un des axes centraux de son pontificat, il l’a répété aujourd’hui devant les fidèles chiliens en les remerciant de «savoir vivre la foi et la vie dans un climat de fête». Reprenant des propos de Paul VI, il a salué ceux qui savent célébrer en chantant et en dansant «la paternité, la providence, la présence amoureuse et constante de Dieu».

Ces fidèles chiliens dont la ville se situe dans le désert d’Atacama parviennent à illustrer les paroles du prophète Isaïe : «Alors le désert deviendra un verger, et le verger sera pareil à une forêt». «Cette terre, gagnée par le désert le plus sec du monde, parvient à se parer pour la fête»,.

L’attention de Marie s’exprime encore aujourd’hui

Comme elle s’inquiétait pour les invités des noces de Cana qui n’avaient plus de vin, Marie s’inquiète de notre situation, elle «nous accompagne dans nos ennuis de famille inextricables, ceux-là mêmes qui semblent nous étouffer le cœur, afin de s’approcher des oreilles de Jésus et de lui dire : « regarde, ils n’ont plus de vin » ».

En écho à cette attention de Marie, le Pape François a invité les habitants d’Iquique à assumer une «hospitalité festive, car nous savons bien qu’il n’y a pas de joie chrétienne lorsque des portes se ferment : il n’y a pas de joie chrétienne lorsqu’on fait sentir aux autres qu’ils sont de trop ou qu’ils n’ont pas leur place.»

«Comme Marie à Cana, efforçons-nous d’apprendre à être attentifs sur nos places et dans nos villages et à reconnaître ceux dont la vie ‘‘prend l’eau’’ ; qui ont perdu, ou auxquels on a volé, les raisons de célébrer», a exhorté le Pape, dans une région marquée par la présence de nombreux travailleurs migrants précaires.

Héberger Dieu parmi nous

François a appelé à ce que Jésus «transforme nos communautés et nos cœurs en signe vivant de sa présence, qui est joyeuse et festive, car nous avons fait l’expérience que Dieu-est-avec-nous, parce que nous avons appris à l’héberger parmi nous. Joie et fête contagieuses qui nous conduisent à ne laisser personne hors de l’annonce de cette Bonne Nouvelle.»

Au terme de la messe, le Pape a adressé un mot de remerciement à toutes les personnes qui ont été impliquées dans ce séjour au Chili. «Je continue mon pèlerinage vers le Pérou. Peuple ami et frère de cette grande patrie dont nous sommes invités à prendre soin. Une patrie qui trouve sa beauté dans le visage multiforme de ses peuples».

Le Pape a demandé au Seigneur de regarder la foi du peuple chilien et de lui donner «l’unité et la paix». Il a également eu un petit mot de remerciement pour ses compatriotes argentins venus le voir au Chili.

Une lettre de victimes de la dictature

Après la messe, deux victimes de la répression de Pinochet dans les années 70-80,  remettront une lettre au Pape. Et avant de partir pour le Pérou, le Saint-Père saluera des malades au sanctuaire de Notre Dame de Lourdes, toujours dans le nord chilien.