Tous les articles par P. Jean-Daniel Planchot

Il les aima jusqu’au bout

Le Christ lavant les pieds des apôtres (vitrail dans l’église Saint-Étienne-du-Mont Paris)

Les jours de la Passion s’ouvrent avec l’évangile de saint Jean au chapitre 13,  dont ce soir nous pouvons méditer le verset : « Il les aima jusqu’au bout. »

La première exigence pour comprendre ce que veut dire aimer, et aimer jusqu’au bout, est de se mettre en mouvement. En effet, Jésus nous invite d’abord à venir dans le Cénacle. Il nous faut monter, discrètement, parmi les disciples rassemblés autour de lui. Là notre Seigneur livre ses pensées les plus intimes.

Ceci nous ouvre à la seconde exigence de l’amour : se mettre à l’écoute. Pendant ces trois jours, nous devons veiller à ce que le silence règne dans nos cœurs, pour accueillir l’initiative d’amour de notre Seigneur. Ce soir il pose un geste et fait un don qu’il nous faut savoir accueillir comme ils le méritent.

Se mettre dans de telles dispositions est répondre à la volonté de Jésus. Il nous dit en effet : « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Le message est clair : une fois rentrés chez nous, il nous faudra trouver les gestes de service réciproque qui disent l’amour de charité qui constitue l’Église.

L’insistance de saint Jean sur cette volonté explicite de Jésus ne trompe d’ailleurs pas : « Jésus se lève de table, quitte son vêtement, prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin, il se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture ». Saint Jean n’omet aucun détail. Il veut que nous voyions bien ce qui se passe. Il veut imprimer cette scène dans nos cœurs comme elle est imprimée dans le sien.

Chaque geste traduit la délicatesse du maître, sa totale disponibilité pour le service. Mais ce geste dérange. Car il ne suffit pas de dire que le maître prend la place de l’esclave pour rendre compte de la surprise des disciples. Il faut se rappeler que le lavement des pieds est un rituel qui a lieu normalement au moment de l’accueil des convives, c’est-à-dire avant le repas.

Il s’agit donc d’un enseignement. Une volonté délibérée de Jésus que nous le voyions s’agenouiller devant chacun de ses disciples. Et cet enseignement ne s’arrête pas à ce geste symbolique. Jésus repasse à table et partage le pain.

Nous n’avons pas là deux anecdotes originales juxtaposées l’une dernière l’autre. Il s’agit d’un même et unique enseignement. A ceux dont il a lavé les pieds, Jésus donne son corps en nourriture et son sang en boisson. Voilà le témoignage d’un amour allant jusqu’au bout.

A ceux qu’il a aimés d’un amour qui fait se mettre au service de l’autre, sans recherche de soi, Jésus se livre, il se donne pour ne faire qu’un avec eux. Et pour qu’eux-mêmes ne soient qu’un. C’est le sens du commandement « faites cela en mémoire de moi ». Ce qui importe pour Jésus, c’est que notre charité se manifeste d’abord dans notre unité.

La table eucharistique est donc la table de la fraternité. Pas seulement la table de la convivialité, mais celle d’une fraternité qui révèle son visage et son origine dans le service des autres. Dans le lavement des pieds.

Celui qui prend le pain partagé à cette table ne peut pas, ne doit pas, rester insensible à l’exigence de service de ses frères, de tous ces frères, quels qu’ils soient, un nécessiteux ou un membre de notre propre famille.

Aimer jusqu’au bout, c’est aimer avec la radicalité dont Jésus nous rend capables d’aimer. C’est aimer en respectant sans concession l’appel de Jésus. En mettant en pratique toutes les exigences, les plus grandes comme les plus petites, qui sont liées à notre état de vie.

Parce que le sacrement de l’eucharistie nous permet d’accueillir l’initiative d’amour de notre Seigneur, de garder vivante la mémoire de sa volonté sur nous, et parce qu’il possède la vertu de mettre en œuvre son commandement d’amour, il est un sacrement tellement précieux. Si précieux que nous allons tout à l’heure consacrer une partie de notre nuit à l’adorer.

Mais ce n’est pas tout. Ce verset, « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout », nous rend aussi une idée précise du climat de cette nuit unique. La nuit qu’il fut livré. Les sentiments que Jésus a éprouvés, les angoisses qu’il a traversées, nous nous les rappelons en cette nuit. Ils nous motivent à rester avec Jésus ce soir.

Non pas pour éviter qu’il soit seul. Les disciples se sont tous endormis, nous ne valons guère mieux. Non pas par quelque regret ou repentir des souffrances que nous lui avons causées. Il faut certes en avoir, nous le méditerons demain. Mais bien plutôt par gratitude ! Merci Seigneur d’avoir choisi d’aller jusqu’au bout pour notre liberté.

Merci Seigneur d’avoir bu la coupe amère de la trahison et de la mort pour nous faire revivre. Ton sacrifice n’est pas vain, nous l’accueillons. Ton sacrifice portera du fruit dans nos vies. Émerveillés devant la gratuité de ton amour, nous aussi nous sommes prêts à aller jusqu’au bout, à aimer jusqu’à se donner soi-même. A aimer jusqu’au bout.

L’amour est l’héritage le plus précieux que Jésus laisse à ceux qu’il appelle à sa suite. Or cet amour, partagé entre ses disciples, est ce soir offert à l’humanité entière. Qui ira le leur porter ? Telle est notre responsabilité ; telle est notre réponse.

Seigneur, tu nous as aimés jusqu’au bout, nous irons porter cet amour jusqu’au bout de notre cercle familial, social, humain ; tu nous a aimés jusqu’au bout, nous remercions en mettant cet amour en pratique jusqu’au bout de tes exigences.

Il est grand le mystère de la foi que nous célébrons ce soir ! Seigneur Jésus, unis à toute l’Église, nous annonçons ta mort. Remplis de gratitude, nous goûtons la joie de ta résurrection. Remplis de confiance, nous nous engageons à vivre conformément à ton commandement dans l’attente de ton retour glorieux. Aujourd’hui et à jamais, ô Christ, notre Rédempteur. Amen !

F. D.

De la croix germe l’espérance

Le Pape François a poursuivi son cycle de catéchèse sur l’espérance chrétienne, Place Saint-Pierre, ce mercredi 12 avril 2017 durant l’audience générale. S’appuyant sur l‘épisode évangélique du grain qui meurt en terre pour donner du fruit, il a rappelé que, venu sur Terre, Jésus aussi est mort sur la croix d’où jaillit l’espérance nouvelle. À l’image du Christ, il a alors invité les fidèles à donner leur vie par amour.

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 12 avril 2017


Frères et sœurs, après les acclamations de la foule lors de l’entrée de Jésus à Jérusalem, les espérances terrestres de ces gens se sont écroulées devant la croix. En réalité, notre espérance est autre que celle du monde. Jésus a porté au monde une espérance nouvelle.

Comme le grain de blé tombé en terre meurt et porte beaucoup de fruit, c’est au plus profond de l’abaissement de Jésus – qui est aussi le sommet de l’amour – qu’a germé notre espérance. Elle a germé par la force de l’amour.

A Pâques, Jésus a transformé notre péché en pardon, notre mort en résurrection, notre peur en confiance. Quand nous choisissons de suivre Jésus, nous découvrons peu à peu qu’il n’y a pas d’autre chemin que l’amour humble pour vaincre le mal et donner espérance au monde. C’est le chemin de Dieu, le seul qui donne du fruit.

Certes cet amour passe par la croix, le sacrifice, comme pour Jésus. La croix est le passage obligé, mais ce n’est pas le but. Le but c’est la gloire, comme nous le montre Pâques. L’amour fait naître la vie et donne sens à la souffrance. L’amour est le moteur qui fait progresser notre espérance.

Au cours de cette Semaine Sainte, je vous invite à contempler le Crucifié, pour comprendre qu’espérer avec Jésus c’est apprendre à voir déjà la résurrection dans la croix, la vie dans la mort. Regardez-le en lui disant : Avec toi rien n’est perdu, avec toi nous pouvons toujours espérer ! Que Dieu vous bénisse !


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Judas et le disciple bien-aimé

la communion de Judas – église de Lanvénégen (56)

Par le lavement des pieds et l’institution de l’Eucharistie, Jésus manifeste l’amour motivant le don de sa vie comme Serviteur pour le salut des hommes. En face, le « disciple bien-aimé » et Judas représentent deux réponses.

Le premier vit en intimité toute particulière, proche du cœur de Jésus comme Jésus est lui-même caché dans le cœur du Père. Il est tout accueil au don du Seigneur et a compris que son cœur en est la source, ce cœur qui sera transpercé et duquel jailliront l’eau qui purifie et le sang qui donne la vie, ce cœur qui est la porte ouverte vers une relation restaurée et renouvelée avec notre Père du ciel.

Si Jésus lui confie qui va le livrer c’est sans doute parce qu’il sait que chez lui cela ne suscitera aucune haine mais au contraire une compassion à l’image de celle qui habite son propre cœur.

Le cas de Judas est troublant. Était-il prédestiné à cela ? Et s’il n’avait pas trahi, y aurait-il eu un autre apôtre pour le faire ? La seule chose que nous pouvons affirmer de façon sûre est qu’il est hors de question que les acteurs du drame de l’arrestation, du procès et de la mort de notre Seigneur aient été de simples marionnettes. La Passion est un tout auquel ont concouru un ensemble de libertés : Pilate, les juifs qui lui livrèrent le Seigneur, Judas aussi.

C’est librement que Judas a trahi Jésus. Sa réaction au geste du Seigneur à son égard le dit bien. En effet, offrir une bouchée de pain après l’avoir trempée dans le plat était le geste que le Maître de maison se réservait pour honorer tout particulièrement un hôte de marque. Et Judas a bien perçu l’intention du Seigneur puisque saint Jean nous précise que c’est quand il «eut pris la bouchée, que Satan entra en lui».

Au moment où Jésus invite une dernière fois Judas à accueillir le don de son amour, lui qui avait été choisi comme tous les autres apôtres pour «être avec lui», ce dernier décide de s’en couper définitivement. Dès lors, il ne peut que s’éloigner dans la ténèbre : «quand il eut pris la bouchée, il sortit aussitôt ; il faisait nuit», nous dit saint Jean.

Pierre trahira lui aussi Jésus mais il ne se dérobera pas à son regard miséricordieux après que le coq aura chanté trois fois : «Se retournant, Jésus posa son regard sur Pierre ; et Pierre se rappela la parole que le Seigneur lui avait dite. Il sortit et pleura amèrement» (Lc 22, 61-62).

Seigneur, s’il nous arrivait de te trahir, fais-nous la grâce de savoir reconnaître notre faute en confessant ton infinie miséricorde toujours disponible.