Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Catéchèse sur Noël

PAPE FRANÇOIS

AUDIENCE GÉNÉRALE

Bibliothèque du palais apostolique
Mercredi 23 décembre 2020


Catéchèse sur Noël

Chers frères et sœurs, bonjour!

Dans cette catéchèse, à la veille de Noël, je voudrais offrir quelques éléments de réflexion en préparation à la célébration de Noël. Dans la Liturgie de la Nuit retentira l’annonce de l’ange aux pasteurs: «Soyez sans crainte, car voici que je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple: aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous servira de signe: vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche» (Lc 2,10-12).

Imitant les pasteurs, nous aussi nous nous rendons spirituellement vers Bethléem, où Marie a donné le jour à l’Enfant dans une étable, «car – dit encore saint Luc – ils manquaient de place dans la salle» (2, 7). Noël est devenu une fête universelle, et même ceux qui ne croient pas perçoivent la fascination de cette célébration.

Mais le chrétien sait que Noël est un événement décisif, un feu éternel que Dieu a allumé dans le monde, et qui ne peut pas être confondu avec les choses éphémères. Il est important que celui-ci ne se réduise pas à une fête uniquement sentimentale ou consumériste.

Dimanche dernier, j’ai attiré l’attention sur ce problème, en soulignant que le consumérisme a pris Noël en otage. Non: Noël ne doit pas se réduire à une fête seulement sentimentale ou de consommation, riche de cadeaux et de vœux, mais pauvre de foi chrétienne, et également pauvre d’humanité.

C’est pourquoi il est nécessaire de freiner une certaine mentalité mondaine, incapable de saisir le noyau incandescent de notre foi, qui est le suivant: «Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, et nous avons contemplé sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jn 1,14). Tel est le cœur de Noël ; c’est même la vérité de Noël, il n’y en a pas d’autre.

Noël nous invite à réfléchir, d’une part, sur le caractère dramatique de l’histoire, dans laquelle les hommes, blessés par le péché, sont sans cesse à la recherche de vérité, à la recherche de miséricorde, à la recherche de rédemption; et, de l’autre, sur la bonté de Dieu, qui est venu à notre rencontre pour nous communiquer la Vérité qui sauve et nous rendre participants de son amitié et de sa vie. Et ce don de grâce, il est pure grâce, sans mérite de notre part.

Il y a un Saint-Père qui dit: « Mais regardez de ce côté, de l’autre, par là: cherchez le mérite et vous ne trouverez rien d’autre que grâce». Tout est grâce, un don de grâce. Et ce don de grâce, nous le recevons à travers la simplicité et l’humanité de Noël, et il peut faire disparaître de nos cœurs et de nos esprits le pessimisme qui s’est aujourd’hui diffusé encore davantage à cause de la pandémie.

Nous pouvons surmonter ce sens d’égarement inquiétant, ne pas nous laisser submerger par les défaites et par les échecs, dans la conscience retrouvée que cet Enfant humble et pauvre, caché et sans défense, est Dieu lui-même, qui s’est fait homme pour nous. Le Concile Vatican II, dans un passage célèbre de la Constitution sur l’Eglise dans le monde contemporain, nous dit que cet événement concerne chacun de nous: «

Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché» (Const. past. Gaudium et spes, n. 22).

Mais Jésus est né il y a deux mille ans et cela me concerne ? — Oui, cela concerne toi et moi, chacun de nous. Jésus est l’un de nous: Dieu, en Jésus, est l’un de nous.

Cette réalité nous donne beaucoup de joie et beaucoup de courage. Dieu ne nous a pas regardés d’en-haut, de loin, il n’est pas passé à côté de nous, il n’a pas eu horreur de notre misère, il ne s’est pas revêtu d’un corps apparent, mais il a assumé pleinement notre nature et notre condition humaine. Il n’a rien laissé de côté, à l’exception du péché: l’unique chose qu’Il n’a pas.

Toute l’humanité est en Lui. Il a pris tout ce que nous sommes, tels que nous sommes. Cela est essentiel pour comprendre la foi chrétienne. Saint Augustin, en repensant à son chemin de conversion, écrit dans ses Confessions: «Je n’avais pas encore assez d’humilité pour posséder mon Dieu, l’humble Jésus, et je ne connaissais pas encore les enseignements de sa faiblesse» (Confessions VII,8).

Et quelle est la faiblesse de Jésus? La “faiblesse” de Jésus est un “enseignement”! Parce qu’elle nous révèle l’amour de Dieu. Noël est la fête de l’Amour incarné, de l’amour né pour nous en Jésus Christ. Jésus Christ est la lumière des hommes qui resplendit dans les ténèbres, qui donne son sens à l’existence humaine et à l’histoire tout entière.

Chers frères et sœurs, que ces brèves réflexions nous aident à célébrer Noël avec une plus grande conscience. Mais il y a une autre manière de se préparer, que je désire vous rappeler ainsi qu’à moi-même, et qui est à la portée de tous: méditer un peu en silence devant la crèche. La crèche est une catéchèse de cette réalité, de ce qui a été fait cette année, ce jour, que nous avons entendu dans l’Evangile.

C’est pourquoi, l’année dernière, j’ai écrit une lettre qu’il sera bon que nous reprenions. Elle s’intitule “Admirabile signum”, “Signe admirable”. A l’école de saint François d’Assise, nous pouvons un peu devenir des enfants en restant en contemplation devant la scène de la Nativité, et en laissant renaître en nous l’étonnement pour la manière “merveilleuse” dont Dieu a voulu venir au monde.

Demandons la grâce de l’émerveillement: devant ce mystère, cette réalité si tendre, si belle, si proche de nos cœurs, que le Seigneur nous donne la grâce de l’émerveillement, pour le rencontrer, pour nous approcher de Lui, pour nous approcher de nous tous. Cela fera renaître la tendresse en nous.

L’autre jour, en parlant avec plusieurs scientifiques, nous avons discuté de l’intelligence artificielle et des robots… il y a des robots programmés pour tous et pour tout, et cela se développe. Et je leur ai dit: «Mais quelle est la chose que les robots ne pourront jamais faire?». Ils ont réfléchi, ils ont fait des propositions; mais à la fin, il ont été d’accord sur une chose: la tendresse.

Les robots ne pourront pas faire cela. Et c’est ce qui nous conduit à Dieu, aujourd’hui: une manière merveilleuse avec laquelle Dieu a voulu venir au monde, et cela fait renaître en nous la tendresse, la tendresse humaine qui est proche de celle de Dieu.

Et aujourd’hui, nous avons tellement besoin de tendresse, tellement besoin de caresses humaines, face à tant de misères! Si la pandémie nous a obligés à être plus éloignés, Jésus, dans la crèche, nous montre la voie de la tendresse pour être proches, pour être humains. Suivons cette voie. Joyeux Noël!


Je salue cordialement les personnes de langue française. A tous je souhaite de saintes et heureuses fêtes de Noël. Que l’Enfant de Bethléem vous garde dans la joie et l’espérance. Et que Dieu vous bénisse !


Résumé de la catéchèse :

Frères et sœurs, en préparation à Noël, je voudrais vous offrir quelques points de réflexion. Noël est un événement décisif, un feu éternel que Dieu a allumé dans le monde.

Cette fête nous invite à réfléchir d’une part sur le tragique de l’histoire, dans laquelle les hommes blessés par le péché sont sans cesse à la recherche de vérité, de miséricorde, de libération ; et d’autre part sur la bonté de Dieu, venu à notre rencontre pour nous communiquer la Vérité qui sauve et nous rendre participants de son amitié et de sa vie.

Nous recevons ce don de grâce à travers la simplicité et l’humanité de Noël qui peuvent enlever de nos cœurs et de nos esprits le pessimisme aujourd’hui répandu à cause de la pandémie. Nous pouvons ne pas nous laisser submerger par les défaites et les échecs, dans la conscience retrouvée que cet Enfant  humble et pauvre, caché et sans défense, est Dieu lui-même fait homme pour nous.

Cet événement concerne chacun de nous et nous donne beaucoup de joie et de courage. Dieu ne nous a pas regardés d’en haut, il n’est pas passé à côté, il n’a pas eu horreur de notre misère. Noël est la fête de l’Amour incarné pour nous en Jésus Christ.

Il est la lumière des hommes qui luit dans les ténèbres, qui donne sens à l’existence humaine et à toute l’histoire. Chers frères et sœurs, je vous invite à méditer un moment en silence devant la crèche. Jésus nous y montre le chemin de la tendresse pour être proches, pour être humains. Bon Noël !


© Copyright – Libreria Editrice Vaticana

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

adhérer sans délai à la volonté de Dieu

Lors de l’Angélus, place Saint-Pierre, le Pape François a parlé sur le « oui » de Marie au Seigneur qui traduisit son adhésion sans délai à sa volonté. Le Saint-Père a invité les fidèles à dire « oui » également, exhortant à faire quelque chose pour ceux qui ont moins que nous, critiquant le consumérisme qui a enlevé Noël.

PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint Pierre
Dimanche 20 décembre 2020

Chers frères et sœurs, bonjour!

En ce quatrième et dernier dimanche de l’Avent, l’Évangile nous propose l’histoire de l’Annonciation. «Réjouis-toi», dit l’ange à Marie, «tu concevras un fils, tu lui donneras naissance et tu l’appelleras Jésus» (Lc 1, 28,31). Cela semble une annonce de pure joie, destinée à rendre la Vierge heureuse : qui parmi les femmes de l’époque ne rêvait pas de devenir la mère du Messie?

Mais, avec la joie, ces paroles annoncent une grande épreuve pour Marie. Pourquoi? Parce qu’à ce moment, elle était «fiancée» (v. 27). Dans cette situation, la loi de Moïse a établi qu’il ne devrait y avoir ni relations ni cohabitation. Ainsi, ayant un fils, Marie aurait transgressé la Loi, et les peines pour les femmes étaient terribles: la lapidation était prévue (cf. Dt 22, 20-21).

Le message divin aura certainement rempli le cœur de Marie de lumière et de force; cependant, elle a été confrontée à un choix crucial: dire «oui» à Dieu en risquant tout, y compris sa vie, ou refuser l’invitation et continuer son chemin ordinaire.

Qu’est ce que cela fait? Elle répond ainsi: « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38). Mais dans la langue dans laquelle est écrit l’Évangile, ce n’est pas simplement un «laissez être». L’expression verbale indique un désir fort, elle indique la volonté que quelque chose se passe. En d’autres termes, Marie ne dit pas: «Si cela doit arriver, que cela se produise…, si cela ne peut pas être fait autrement…».

Ce n’est pas de la résignation.  Elle n’exprime pas une acceptation faible et soumise, Elle exprime un désir fort, un désir vif. Ce n’est pas passif, c’est actif. Elle ne souffre pas Dieu, elle adhère à Dieu, elle est une aimante prête à servir son Seigneur en tout et immédiatement.

Elle aurait pu demander un peu de temps pour y réfléchir, ou plus d’explications sur ce qui se serait passé; peut-être mettre quelques conditions … Au lieu de cela, cela ne prend pas de temps, cela ne fait pas attendre Dieu, cela ne retarde pas.

Combien de fois – nous pensons à nous maintenant – combien de fois notre vie est faite d’ajournements, même la vie spirituelle! Par exemple: je sais que ça me fait du bien de prier, mais aujourd’hui je n’ai pas le temps… «demain, demain, demain, demain…» reportons les choses: je le ferai demain; Je sais qu’il est important d’aider quelqu’un – oui, je le dois: je le ferai demain. C’est la même chaîne que celle de demain… Reporter les choses.

Aujourd’hui, aux portes de Noël, Marie nous invite à ne pas reporter, à dire « oui »: « Dois-je prier? » «Oui, et je t’en prie». «Dois-je aider les autres? Oui ». Comment faire? Je fais. Sans tarder. Chaque «oui» coûte. Chaque «oui» coûte, mais toujours moins que ce que ce «oui» courageux lui a coûté, ce «oui» prêt, que ce que ce  «puisse-t-il m’arriver selon ta parole» qui nous a apporté le salut.

Et quel «oui» pouvons-nous dire? En cette période difficile, au lieu de nous plaindre de ce que la pandémie nous empêche de faire, nous faisons quelque chose pour ceux qui en ont moins: pas encore un cadeau pour nous et pour nos amis, mais pour une personne dans le besoin à laquelle personne ne pense!

Et un autre conseil: pour que Jésus naisse en nous, préparons nos cœur: allons prier. Ne nous laissons pas «porter» par le consumérisme: «Je dois acheter des cadeaux, je dois faire ceci et cela…». Cette frénésie de faire tant de choses … l’important est Jésus.

Le consumérisme, frères et sœurs, nous a enlevé Noël. Le consumérisme n’est pas dans la crèche de Bethléem: il y a la réalité, la pauvreté, l’amour. Préparons le cœur comme Marie l’a fait: libéré du mal, accueillant, prêt à accueillir Dieu.

«Que cela m’arrive selon ta parole». C’est la dernière phrase de la Vierge en ce dernier dimanche de l’Avent, et c’est l’invitation à faire un pas concret vers Noël. Car si la naissance de Jésus ne touche pas notre vie – la mienne, la vôtre, tout – si elle ne touche pas la vie, elle passe en vain.

Dans l’Angélus maintenant nous dirons aussi « que ta parole s’accomplisse en moi »: que Notre Dame nous aide à la dire avec nos vies, avec l’attitude de ces derniers jours, pour bien préparer Noël.

Après l’angélus

Chers frères et sœurs, la pandémie de coronavirus a causé une détresse particulière aux gens de mer. Beaucoup d’entre eux – environ 400 000 dans le monde – sont bloqués sur les navires au-delà des termes de leurs contrats et ne peuvent pas rentrer chez eux. Je demande à la Vierge Marie, Stella Maris, de réconforter ces personnes et tous ceux qui vivent dans des situations difficiles, et j’exhorte les gouvernements à faire tout leur possible pour qu’ils puissent retourner vers leurs proches.

Cette année, les organisateurs ont eu l’heureuse idée de tenir l’exposition «100 scènes de la Nativité» sous la colonnade. Il existe de nombreuses crèches qui effectuent une catéchèse de la foi au peuple de Dieu. Je vous invite à visiter les crèches sous la colonnade, pour comprendre comment les gens essaient de montrer comment Jésus est né. Les crèches qui sont sous la colonnade sont une grande catéchèse de notre foi.

Je vous salue tous, Romains et pèlerins de divers pays, familles, groupes paroissiaux, associations et fidèles individuels. Que Noël, qui approche, soit pour chacun une occasion de renouveau intérieur, de prière, de conversion, de pas en avant dans la foi et la fraternité entre nous.

Regardons autour de nous, regardons avant tout les pauvres: le frère qui souffre, où qu’il soit, le frère qui souffre nous appartient. C’est Jésus dans la crèche: celui qui souffre est Jésus, réfléchissons-y un peu. Et que Noël soit une proximité avec Jésus en ce frère et en cette sœur.

Là, dans le frère nécessiteux, se trouve la crèche vers laquelle nous devons aller avec solidarité. C’est la crèche vivante: la crèche dans laquelle nous rencontrerons véritablement le Rédempteur parmi les personnes dans le besoin. Marchons donc vers la Nuit Sainte et attendons l’accomplissement du mystère du Salut.

Je souhaite à tous un bon dimanche. N’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et au revoir!

Texte présenté et traduit par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Marie, icône de la foi obéissante

Vierge Marie - église de la Souterraine (Creuse)
Vierge Marie – église de la Souterraine (Creuse)

Sur le chemin de l’Avent, la Vierge Marie occupe une place particulière comme celle qui, de façon unique, a attendu la réalisation des promesses de Dieu, en accueillant dans la foi et dans la chair Jésus, le Fils de Dieu, en pleine obéissance à la volonté divine. Aujourd’hui, je voudrais réfléchir brièvement avec vous sur la foi de Marie à partir du grand mystère de l’Annonciation.

« Chaîre kecharitomene, ho Kyrios meta sou », « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). Telles sont les paroles — rapportées par l’évangéliste Luc — par lesquelles l’archange Gabriel s’adresse à Marie.

À première vue, le terme chaîre, « réjouis-toi », semble une salutation normale, habituelle dans le contexte grec, mais s’il est lu dans le cadre de la tradition biblique, ce mot acquiert une signification beaucoup plus profonde. Ce même terme est présent quatre fois dans la version grecque de l’Ancien Testament et toujours comme une annonce de joie pour la venue du Messie (cf. So 3, 14 ; Jl 2, 21 ; Za 9, 9 ; Lm 4, 21).

Le salut de l’ange à Marie est donc une invitation à la joie, à une joie profonde, il annonce la fin de la tristesse qu’il y a dans le monde face à la limite de la vie, à la souffrance, à la mort, à la méchanceté, aux ténèbres du mal qui semblent obscurcir la lumière de la bonté divine. C’est un salut qui marque le début de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle.

Mais pourquoi Marie est-elle invitée à se réjouir de cette façon ? La réponse se trouve dans la deuxième partie du salut :  «Le Seigneur est avec toi ». Ici aussi, pour bien comprendre le sens de l’expression, nous devons nous tourner vers l’Ancien Testament.

Dans le Livre de Sophonie, nous trouvons cette expression : « Pousse des cris de joie, fille de Sion… Le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi… Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur » (3, 14-17). Dans ces paroles, il y a une double promesse faite à Israël, à la fille de Sion : Dieu viendra comme sauveur et habitera précisément au milieu de son peuple, dans le sein de la fille de Sion.

Dans le dialogue entre l’ange et Marie se réalise exactement cette promesse : Marie est identifiée avec le peuple épousé par Dieu, elle est véritablement la Fille de Sion en personne; en elle s’accomplit l’attente de la venue définitive de Dieu, en elle habite le Dieu vivant.

Dans le salut de l’ange, Marie est appelée « pleine de grâce » ; en grec, le terme « grâce », charis, a la même racine linguistique que le terme « joie ».

Dans cette expression également est éclaircie ultérieurement la source de la joie de Marie : la joie provient de la grâce, c’est-à-dire qu’elle provient de la communion avec Dieu, du fait d’avoir une relation si vitale avec Lui, du fait d’être demeure de l’Esprit Saint, entièrement formée par l’action de Dieu. Marie est la créature qui de façon unique a ouvert toute grande la porte à son Créateur, elle s’est placée entre ses mains, sans limite.

Elle vit entièrement de la et dans la relation avec le Seigneur ; elle est dans une attitude d’écoute, attentive à saisir les signes de Dieu sur le chemin de son peuple ; elle est insérée dans une histoire de foi et d’espérance dans les promesses de Dieu, qui constitue le tissu de son existence. Et elle se soumet librement à la parole reçue, à la volonté divine dans l’obéissance de la foi.

L’évangéliste Luc raconte l’histoire de Marie à travers un subtil parallélisme avec l’histoire d’Abraham. Comme le grand Patriarche est le père des croyants, qui a répondu à l’appel de Dieu à quitter la terre où il vivait, ses certitudes, pour entamer le chemin vers une terre inconnue et possédée uniquement dans la promesse divine, de même Marie s’en remet avec une totale confiance à la parole que lui a annoncée le messager de Dieu et devient modèle et mère de tous les croyants.

Je voudrais souligner un autre aspect important : l’ouverture de l’âme à Dieu et à son action dans la foi inclut aussi l’élément de l’obscurité. La relation de l’être humain avec Dieu n’efface pas la distance entre le Créateur et la créature, n’élimine pas ce qu’affirme l’apôtre Paul face aux profondeurs de la sagesse de Dieu : « Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles ! » (Rm 11, 33).

Mais justement celui qui — comme Marie — est ouvert de façon totale à Dieu, parvient à accepter le vouloir divin, même s’il est mystérieux, même si souvent il ne correspond pas à notre propre volonté et qu’il est une épée qui transperce l’âme, comme le dira prophétiquement le vieux Syméon à Marie, au moment où Jésus est présenté au Temple (cf. Lc 2, 35).

Le chemin de foi d’Abraham comprend le moment de joie pour le don de son fils Isaac, mais aussi le moment de l’obscurité, lorsqu’il doit monter sur le mont Moriah pour accomplir un geste paradoxal : Dieu lui demande de sacrifier le fils qu’il vient de lui donner.

Sur le mont, l’ange lui ordonne : « N’étends pas la main contre l’enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22, 12) ; la pleine confiance d’Abraham dans le Dieu fidèle aux promesses ne manque pas non plus lorsque sa parole est mystérieuse et difficile, presque impossible à accueillir.

Ainsi en est-il pour Marie, sa foi vit la joie de l’Annonciation mais passe aussi à travers l’obscurité de la crucifixion de son Fils, pour pouvoir atteindre la lumière de la Résurrection.

Il en est de même aussi pour le chemin de foi de chacun de nous: nous rencontrons des moments de lumière, mais nous rencontrons aussi des passages où Dieu semble absent, son silence pèse dans notre cœur et sa volonté ne correspond pas à la nôtre, à ce que nous voudrions.

Mais plus nous nous ouvrons à Dieu, plus nous accueillons le don de la foi, plus nous plaçons totalement en Lui notre confiance — comme Abraham et comme Marie — alors plus Il nous rend capables, par sa présence, de vivre toute situation de la vie dans la paix et dans la certitude de sa fidélité et de son amour. Mais cela signifie sortir de soi et de nos projets, afin que la Parole de Dieu soit la lampe qui guide nos pensées et nos actions.

Je voudrais m’arrêter encore sur un aspect qui émerge des récits sur l’Enfance de Jésus raconté par saint Luc. Marie et Joseph portent leur fils à Jérusalem, au Temple, pour le présenter et le consacrer au Seigneur comme le prescrit la loi de Moïse : «Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur » (cf. Lc 2, 22-24).

Ce geste de la Sainte Famille acquiert un sens encore plus profond si nous le lisons à la lumière de la science évangélique de Jésus à douze ans qui, après trois jours de recherche, est retrouvé au Temple en train de discuter parmi les docteurs.

Aux paroles pleines d’inquiétude de Marie et Joseph : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchons, angoissés », correspond la mystérieuse réponse de Jésus : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la maison de mon Père ? » (Lc 2, 48-49).

C’est-à-dire dans la propriété du Père, dans la maison du Père, comme l’est un fils. Marie doit renouveler la foi profonde avec laquelle elle a dit « oui » lors de l’Annonciation ; elle doit accepter que la priorité soit donnée au Père véritable et propre de Jésus ; elle doit savoir laisser libre ce Fils qu’elle a engendré pour qu’il suive sa mission.

Et le « oui » de Marie à la volonté de Dieu, dans l’obéissance de la foi, se répète tout au long de sa vie, jusqu’au moment le plus difficile, celui de la Croix.

Face à tout cela, nous pouvons nous demander : comment Marie a-t-elle pu vivre ce chemin aux côtés de son Fils avec une foi aussi solide, même dans l’obscurité, sans perdre la pleine confiance dans l’action de Dieu ?

Il existe une attitude de fond que Marie prend face à ce qui se passe dans sa vie. Lors de l’Annonciation, elle est troublée en écoutant les paroles de l’Ange — c’est la crainte que l’homme éprouve lorsqu’il est touché par la proximité de Dieu —, mais ce n’est pas l’attitude de celui qui a peur devant ce que Dieu peut demander. Marie réfléchit, elle s’interroge sur la signification de ce salut (cf. Lc 1, 29).

Le terme grec utilisé dans l’Évangile pour définir cette « réflexion », « dielogizeto », rappelle la racine de la parole « dialogue ». Cela signifie que Marie entre dans un dialogue intime avec la Parole de Dieu qui lui a été annoncée, elle ne la considère pas superficiellement, mais elle s’arrête, elle la laisse pénétrer dans son esprit et dans son cœur pour comprendre ce que le Seigneur veut d’elle, le sens de l’annonce.

Nous trouvons une autre mention de l’attitude intérieure de Marie face à l’action de Dieu, toujours dans l’Évangile de saint Luc, au moment de la naissance de Jésus, après l’adoration des bergers.

Il y est affirmé que Marie « retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur » (Lc 2, 19) ; en grec le terme est symballon, nous pourrions dire qu’Elle « retenait ensemble », qu’elle « mettait ensemble » dans son cœur tous les événements qui lui arrivaient ; elle plaçait chaque événement particulier, chaque parole, chaque fait à l’intérieur du tout et elle le confrontait, elle le conservait, reconnaissant que tout provient de la volonté de Dieu.

Marie ne s’arrête pas à une première compréhension superficielle de ce qui se passe dans sa vie, mais elle sait regarder en profondeur, elle se laisse interpeller par les événements, elle les élabore, elle les discerne et acquiert cette compréhension que seule la foi peut garantir.

C’est l’humilité profonde de la foi obéissante de Marie, qui accueille en elle également ce qu’elle ne comprend pas dans l’action de Dieu, en laissant Dieu ouvrir son esprit et son cœur. « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur » (Lc 1, 44), s’exclame sa parente Élisabeth. C’est précisément en raison de sa foi que toutes les générations l’appelleront bienheureuse.

Chers amis, la solennité du Noël du Seigneur que nous célébrerons d’ici peu, nous invite à vivre cette même humilité et obéissance de foi. La gloire de Dieu ne se manifeste pas dans le triomphe et dans le pouvoir d’un roi, elle ne resplendit pas dans une ville célèbre, dans un palais somptueux, mais elle prend sa demeure dans le sein d’une vierge, elle se révèle dans la pauvreté d’un enfant.

La toute-puissance de Dieu, même dans notre vie, agit avec la force, souvent silencieuse, de la vérité et de l’amour. La foi nous dit alors que la puissance sans défense de cet Enfant vainc le bruit des puissances du monde.

* * *

Marie est appelée bienheureuse à cause de sa foi obéissante. Comme elle, laissons la Parole de Dieu illuminer nos pensées et nos actions. Durant les fêtes de la Nativité, demandons-lui la grâce de sentir comment la toute-puissance de Dieu agit dans nos vies avec la force de la vérité et de l’amour. Joyeux Noël à tous !

BENOÎT XVI AUDIENCE GÉNÉRALE – Salle Paul VI Vatican – mercredi 19 décembre 2012

© Copyright 2012 – Libreria Editrice Vaticana

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse