Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Où est dans nos cœurs le frère affamé, malade et emprisonné

pas de «réponses de compromis» aux questions du Seigneur

Invitant l’assemblée à faire sienne la question que Dieu adresse à Caïn pour y répondre dans un esprit de vérité et mieux servir son prochain, le Saint-Père est d’abord revenu sur l’épisode du livre de la Genèse, dans l’homélie prononcée ce lundi matin en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican.

Caïn tuant Abel, par Daniele Crespi (1618-1620)
Caïn tuant Abel, par Daniele Crespi (1618-1620)

 

Où est ton frère Abel ?

«Où est ton frère Abel ?» (Gn 4,9). C’est ainsi que le Seigneur interpelle Caïn dans le passage biblique proposé par la lecture de ce jour. «Une question embarrassante» à laquelle nous sommes désormais appelés à répondre nous-mêmes, sans compromis.

Caïn au contraire cherche à se défendre face à Dieu: «Mais en quoi cela me concerne, la vie de mon frère? Est-ce que j’en suis, moi, le gardien? Je m’en lave les mains. Et c’est comme ça que Caïn cherche à fuir le regard de Dieu.»

Répondre aux questions embarrassantes

Le Pape a ensuite évoqué les «questions qui dérangent» formulées par Jésus. À son disciple Pierre par exemple: «M’aimes-tu ?» (Jn 21, 15 et s.); à ses disciples: «Au dire des gens, qui est le Fils de l’homme ?» (Mt 16,13) puis «Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ?» (Mt 16,15).

La question posée par Dieu à Caïn est du même type, elle est dérangeante, «et nous connaissons tellement de réponses» pour nous dérober, par exemple «je ne m’introduis pas dans la vie d’un autre». En bref, «nous répondons un peu avec des principes génériques qui ne disent rien mais qui disent tout, tout ce qu’il y a dans le cœur.»

«Où est ton frère?», «Je ne sais pas», peut-on répondre, «Oui, oui, c’est sûr il déjeune avec la Caritas de la paroisse, oui, on lui donnera sûrement à manger», ou encore, «Ah, il est en train de payer ce qu’il mérite. Voilà ce qu’il a fait, qu’il le paye. Nous, on est si fatigué de tous ces délinquants dans la rue: qu’il  paye», à propos de celui «qui travaille au noir, neuf mois par an, pour continuer, après trois mois, une autre année» on dira «Eh bien, aujourd’hui il n’y a pas de travail et on prend ce qu’on peut…», «une autre réponse de compromis.»

Penser à son frère dans le besoin

«Le Seigneur me demande ‘Où est ton frère?’, mettons le nom des frères que le Seigneur nomme au chapitre 25 de Matthieu: le malade, l’affamé, l’assoiffé, celui qui n’a pas de vêtement, ce petit frère qui ne peut pas aller à l’école, le drogué, le prisonnier… où est-il? Où est ton frère dans ton cœur? Y a-t-il une place pour ces gens dans notre cœur? Ou nous parlons, oui, des gens, nous allégeons un peu notre conscience en donnant une aumône».

Mais il ne s’agit pas qu’on nous dérange trop, «parce qu’avec ces choses sociales de l’Église», cela finit par ressembler à «un parti communiste et ça nous fait mal. Ça va bien, mais le Seigneur a dit: où est ton frère? Ce n’est pas le parti, c’est le Seigneur.» «Nous sommes habitués à donner des réponses de compromis, des réponses pour échapper au problème, pour ne pas voir le problème, pour ne pas toucher le problème».

Rester réaliste

Gardons en mémoire ces personnes que nomme l’évangéliste saint Matthieu. Autrement, «une vie obscure» commence à émerger, et «lorsque nous portons cette vie obscure sans prendre en main ce que le Seigneur Jésus nous a enseigné, le péché se tient à la porte, tapi, attendant pour entrer. Et nous détruire».

Gardons en mémoire la question posée par Dieu à Adam: «Où es-tu donc ?» (Gn 3,9). «Et Adam se cache de honte, de peur. Peut-être que nous ressentons nous aussi cette honte. Où est ton frère? Où es-tu? Dans quel monde vis-tu, pour ne pas te rendre compte de ces choses, de ces souffrances, de ces douleurs?» «Ne te dérobe pas à la réalité. Répondre ouvertement, avec loyauté, voire avec joie, à ces deux questions du Seigneur.»

Briser les idoles mondaines

entrer dans la logique de l’amour

Avant de réciter l’Angélus place Saint-Pierre de Rome, le Pape François a livré une méditation sur les Quatre Béatitudes et l’esprit du monde dans l’évangile du jour selon saint Luc (cf. Lc 6, 17-20-26), ce dimanche 17 février 2019. Il a mis en garde contre «les professionnels de l’illusion.»
Les Béatitudes -Évangile de Luc - vitrail de l'église de Senzoku au Japon, réalisé par Gilles Caron en 1985.
Les Béatitudes dans l’Évangile de Luc – vitrail de l’église de Senzoku au Japon, réalisé par Gilles Caron en 1985.

Au-delà des apparences

Avec ces Béatitudes fortes et incisives, «Jésus ouvre nos yeux, nous fait voir avec son regard, au-delà des apparences, outre la superficie, et nous enseigne à discerner les situations avec foi.» Jésus déclarait bienheureux «les pauvres, les affamés, les affligés, les persécutés», et mettait en garde «ceux qui sont riches, repus, rieurs et acclamés par les gens.»

Tant qu’il en est encore temps

Jésus voit la Béatitude au-delà des réalités négatives.  C’était pour cette raison paradoxale que les problèmes surgissant sur le chemin de «ceux qui vivent bien aujourd’hui», étaient plutôt destinés à les «réveiller de la dangereuse illusion de l’égoïsme», de même qu’à les ouvrir à «la logique de l’amour», «tant qu’il en est temps

Le péché d’idolâtrie

Il s’agit donc «de briser les idoles mondaines, ouvrir son cœur au Dieu vivant et vrai», d’autant que «nombreux sont ceux qui se proposent comme distributeurs de bonheur: ceux qui promettent le succès en peu de temps, qui promettent de gros gains ou des solutions magiques à chaque problème.» L’idolâtrie se profile alors, péché contre le premier commandement.

Ne pas faire confiance au matériel et à l’éphémère

Or Jésus ouvre nos yeux à la réalité: «Nous sommes appelés au bonheur, à être dans la Béatitude, et nous le devenons à partir du moment où nous nous plaçons du côté de Dieu, de son royaume, du côté de ce qui n’est pas éphémère mais dure pour la vie éternelle.»

«Nous atteignons la joie si nous évitons les idoles auxquelles nous vendons notre âme, mais que nous partageons avec nos frères.» «Les Béatitudes du Christ sont un message déterminant, qui nous encourage à ne pas faire confiance aux choses matérielles et passagères, à ne pas rechercher le bonheur en suivant les vendeurs de fumée et les professionnels de l’illusion.»

Un regard plus pénétrant sur le réel

Ainsi, le Seigneur nous aide à acquérir un regard plus pénétrant sur la réalité, à guérir de la myopie chronique dont l’esprit mondain nous contamine. «Il nous secoue et nous fait reconnaître ce qui nous enrichit vraiment, nous satisfait, nous donne joie et dignité. En somme, ce qui donne vraiment du sens et de la plénitude à nos vies.»

«Que la Vierge Marie nous aide à écouter cet évangile avec un esprit et un cœur ouverts, afin qu’il porte ses fruits et que nous devenions des témoins du bonheur qui ne déçoit pas, de celui de Dieu qui ne déçoit jamais.»

reconnaître le Christ en toute personne rencontrée

reconnaître le Christ en toute personne rencontrée

Le Pape François s’est rendu près de Rome, à Sacrofano, afin de célébrer une messe ce vendredi après-midi à la Fraterna Domus pour l’ouverture de la rencontre des structures d’accueil des migrants, qui se tient jusqu’au 17 février sur le thème «Libérés de la peur». Dans son homélie, le Saint-Père a invité à mettre toute sa confiance dans le Seigneur et à reconnaître le Christ en toute personne rencontrée.

N’ayez pas peur

Telle est la phrase qui résume le mieux les textes choisis pour cette messe. La lecture et le psaume, extraits du livre de l’Exode (Ex 14, 5-18 et Ex 15,1-7a.17-18), ainsi que l’Évangile (Mt 14,22-33), sont en effet un appel à la confiance en Dieu en temps d’épreuve.

«N’ayez pas peur! Tenez bon! Vous allez voir aujourd’hui ce que le Seigneur va faire pour vous sauver!», lance ainsi Moïse aux fils d’Israël (Ex 14, 13). «Confiance! c’est moi ; n’ayez plus peur!» (Mt 14,27), demande aussi Jésus à ses disciples regroupés dans la barque.

«À travers ces épisodes bibliques, le Seigneur nous parle aujourd’hui et nous demande de le laisser Lui nous libérer de nos peurs». Des mots qui ont touché l’assemblée présente à cette messe: migrants, familles et associations engagées dans l’accueil et l’intégration des migrants en Italie. De nombreux prêtres occupaient aussi les premiers rangs.

La peur, sentiment répandu et paralysant

«La peur est à l’origine de l’esclavage» et de «toute dictature, parce que sur la peur du peuple grandit la violence des dictateurs». «Face aux méchancetés et aux horreurs de notre temps, nous sommes tentés d’abandonner notre rêve de liberté» et parfois «nous éprouvons une peur légitime».

«Les paroles humaines d’un chef ou d’un prophète ne suffisent pas à nous rassurer, quand nous ne parvenons pas à sentir la présence de Dieu et que  nous ne sommes pas capables de nous abandonner à sa providence.» D’où un «repli sur soi», dans «nos fragiles sécurités humaines, dans le cercle des personnes aimées, dans notre routine rassurante».

Une attitude qui «accroît notre peur envers les ‘autres’.» Une attitude répandue aujourd’hui, vis-à-vis des «migrants et réfugiés qui frappent à notre porte». Mais «la crainte est légitime», car «la préparation à cette rencontre manque». Pour autant, «renoncer à une rencontre n’est pas humain».

Faire confiance et reconnaître Jésus-Christ

Les textes bibliques nous ouvrent un autre chemin: celui du dépassement de la peur «pour nous ouvrir à la rencontre». Pour s’y engager, «les justifications rationnelles et les calculs statistiques ne suffisent pas.» Il s’agit d’avoir «pleine confiance en l’action salvifique et mystérieuse du Seigneur», et de croire que «la rencontre avec l’autre» est une «rencontre avec le Christ».

L’Évangile lui-même ne l’affirme-t-il pas? «Amen, je vous le dis: chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait» (Mt 25, 40).

Comme l’apôtre Pierre, nous pourrions être tentés «de mettre Jésus à l’épreuve» ou peiner à Le reconnaître. Pourtant, «c’est vraiment Lui», «avec les vêtements cassés, avec les pieds sales, avec le visage déformé, le corps couvert de plaies, incapable de parler notre langue…»

Et si la peur vient à reprendre le dessus, «le Seigneur ne nous abandonne pas», «le Christ continue à tendre sa main pour nous sauver et permettre la rencontre avec Lui, une rencontre qui nous sauve et nous rend la joie d’être ses disciples.»

Une rencontre dont témoigner

Par conséquent, «nous devrions commencer à remercier» ces «’autres’ qui frappent à notre porte, nous offrant la possibilité de surmonter nos peurs pour rencontrer, accueillir et aider Jésus en personne». Celui qui est libéré de la peur et porteur de la joie de la rencontre est «appelé aujourd’hui à l’annoncer sur les toits, ouvertement, pour aider les autres à faire de même.»

Plus qu’un devoir, c’est «une grâce qui porte en elle-même une mission, fruit d’une confiance totale dans le Seigneur, qui est pour nous l’unique véritable certitude.»

Pour conclure cette homélie pleine d’espérance, le Souverain Pontife a repris le verset du psaume: «Ma force et mon chant, c’est le Seigneur: il est pour moi le salut» (Ex 15,2).

Mots à la fin de la messe

Avant de dire au revoir, je voudrais remercier chacun de vous pour tout ce que vous faites : les petits pas … Mais les petits pas font le grand voyage de l’histoire.

N’ayez pas peur, soyez courageux!

Que le Seigneur vous bénisse. Merci.