16-04-2016 source : Radio Vatican
L’île grecque de Lesbos est touchée par le drame des réfugiés qui fuient leurs pays en guerre. A son arrivée dans cette île, ce samedi 16 avril 2016, le Pape François a été accueilli par le Premier ministre grec Alexis Tsipras. Les deux hommes ont eu un entretien privé avant que le Saint-Père n’aille visiter le camp de Moira.
Il a débuté cette rencontre en remerciant Alexis Tsipras pour son accueil. «Je suis avant tout venu pour remercier le peuple grec de sa générosité. La Grèce est le berceau de l’humanité (…) Et on voit qu’elle continue à donner un exemple d’humanité», malgré la difficile situation économique du pays. Il a également rappelé sa visite, trois ans auparavant, sur l’île de Lampedusa pour alerter aussi les consciences sur le drame des migrants et réfugiés.
Ont été soulignées la nécessité d’une réponse compréhensive à la crise migratoire, qui respecte les législations européennes et internationales et la nécessité de protéger les personnes qui risquent leur vie en traversant la mer Egée et la Méditerranée, notamment en combattant les réseaux du trafic d’êtres humains et en développant des procédures sécurisées de répartition en Europe.
Accompagné du patriarche œcuménique de Constantinople et de l’archevêque d’Athènes, le Saint-Père a longuement salué des migrants, rassemblés dans une grande tente: des hommes femmes et enfants venant d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak ou du Pakistan. Nombre d’entre eux ont baisé la main du Pape et raconté leur histoire. Certains étaient bouleversés aux larmes. Les trois responsables religieux ont ensuite pris la parole pour prononcer un discours. Le Pape François a souligné que beaucoup restait à faire pour assurer un accueil digne des migrants.
« Je veux vous dire que vous n’êtes pas seul, vous avez enduré ces derniers mois et semaines des souffrances dans la recherche d’une vie meilleure, beaucoup d’entre vous ont été forcés à fuir des situations de conflit et de persécution, surtout pour vos enfants et vos petits. Vous avez fait de grands sacrifices pour vos familles, tout quitté sans savoir ce que l’avenir vous réserverait» …
« Ensemble nous sommes venus pour écouter vos histoires, pour réclamer l’attention du monde sur cette grave crise humanitaire et pour en implorer la résolution… comme hommes de foi, nous désirons unir nos voix pour parler ouvertement en votre nom.»
Un appel à l’Europe
Nous savons tous combien il est facile pour certaines personnes d’ignorer les souffrances des autres et même en exploiter la vulnérabilité, mais cette crise peut aussi faire émerger «le meilleur de nous-même». «Le message que j’ai voulu vous laisser est de ne pas perdre l’espérance !» Le plus grand don que nous pouvons nous offrir les uns les autres est l’amour, un regard miséricordieux, le soin d’écouter et de comprendre, une parole d’encouragement, une prière. Le Pape a rappelé la parabole du Bon Samaritain qui témoigne de la miséricorde de Dieu, et un appel à témoigner de cette miséricorde envers ceux qui en ont besoin.
Le Pape a conclu par un appel à l’Europe : « Que tous nos frères et sœurs de ce continent puissent vous venir en aide dans cet esprit de solidarité et de respect de la dignité humaine qui ont marqué sa longue histoire » Le Saint-Père a reconnu que les préoccupations des institutions et des personnes, en Grèce comme dans d’autres pays d’Europe, étaient compréhensibles et légitimes. Mais l’Europe est la patrie des droits humains, et quiconque pose le pied en terre européenne devrait pouvoir en faire l’expérience.
Dans le camp de réfugiés de Moria, le Pape François, le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée et l’archevêque d’Athènes et de toute la Grèce Hiéronymos ont posé un geste œcuménique fort en signant une déclaration conjointe. Les trois chefs religieux appellent la communauté internationale, et précisément les dirigeants politiques, à répondre avec courage à cette crise humanitaire massive et ses causes sous-jacentes, par des initiatives diplomatiques, politiques et de charité ainsi que par des efforts de coopération, à la fois au Moyen-Orient et en Europe. Ensemble, ils plaident solennellement pour la fin de la guerre et de la violence au Moyen-Orient, et pour le retour honorable de ceux qui ont été contraints à abandonner leurs maisons.
Le Pape François a prié pour ceux qui sont morts après avoir quitté leur pays à la recherche d’une vie meilleure. «Beaucoup de leurs tombes ne portent aucun nom. Puissions-nous ne jamais les oublier, mais honorer leur sacrifice plus par les actes que par les paroles.» Avec le Patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée et l’archevêque orthodoxe d’Athènes et de toute la Grèce, Hiéronymos, le Saint-Père a présidé une cérémonie poignante, sur le port de Mytilène, en mémoire des migrants qui se sont noyés pendant la traversée. Après une brève prière, une minute de silence a été observée. Avant d’être des numéros, les migrants sont des personnes. Certains, parmi lesquels beaucoup d’enfants, n’ont même pas réussi à arriver : ils ont perdu la vie en mer, victimes de voyages inhumains et soumis aux brimades de lâches bourreaux.
Puis les trois religieux ont lancé des couronnes de lauriers dans la mer, répétant le geste que le Pape François avait accompli à Lampedusa, en juillet 2013. Le Souverain Pontife a prié aussi pour tous ceux qui ont fait ce voyage, affrontant la peur, l’incertitude et l’humiliation. «En prenant soin d’eux, puissions-nous travailler pour un monde où personne n’est contraint à abandonner sa maison et où chacun peut vivre dans la liberté, la dignité et la paix.» Enfin, il a demandé à Dieu «de nous réveiller du sommeil de l’indifférence, d’ouvrir nos yeux à leur souffrance, et libère-nous de l’insensibilité générée par le confort mondain et l’égocentrisme.»
Après avoir déjeuné avec huit réfugiés dans un conteneur aménagé, le Pape François a rencontré en début d’après-midi la population de Lesbos et des catholiques venus de toute la Grèce rassemblés sur le port de Mytilène, la capitale de l’île de Lesbos.
Construire la paix là où la guerre a apporté destructions
Le Pape François appelle donc à construire des ponts et à renoncer à l’illusion de construire des enclos pour se sentir plus en sécurité. En effet, les barrières créent des divisions, au lieu d’aider le vrai progrès des peuples, et les divisions provoquent tôt ou tard des conflits. Il faut s’opposer avec fermeté à la prolifération et au trafic des armes, et de leurs réseaux souvent occultes. Que ceux qui poursuivent des projets de haine et de violence soient privés de tout soutien.
Pour résoudre cette crise, il faut en supprimer les causes, et développer des politiques de longue haleine, qui ne soient pas unilatérales. Il faut avant tout construire la paix là où la guerre a apporté destructions et mort, et empêcher que ce cancer se répande ailleurs, encourageant la collaboration entre les pays, les Organisations internationales et les Institutions humanitaires. Le Pape François renouvelle le souhait que le premier Sommet Humanitaire Mondial, qui aura lieu à Istanbul le mois prochain, soit un succès. Face aux tragédies qui blessent l’humanité, Dieu n’est pas indifférent, il n’est pas distant.
Le Pape François achève sa visite à Lesbos
Pour faire un geste de solidarité envers ces migrants, le Pape a accueilli à bord de l’avion papal douze réfugiés dont six enfants. Il s’agit de trois familles musulmanes originaires de la Syrie qui ont fui après le bombardement de leurs maisons à Damas et Deir Azzor, une ville assiégée par Daesh. Ces migrants vivaient dans les camps de Lesbos avant que soit conclu, le 20 mars, l’accord entre l’Union européenne et la Turquie. Les familles seront d’abord accueillies par la Communauté de Sant’Egidio avant d’être entièrement prises en charge par le Vatican. Cette initiative du pape a été réalisée grâce à des négociations entre la Secrétairerie d’État du Saint-Siège et les autorités compétentes grecques et italiennes.
Avec la Fédération des Églises protestantes italiennes, Sant ‘Egidio a créé, à la fin de l’année dernière, des couloirs humanitaires pour permettre à des réfugiés particulièrement vulnérables de rejoindre l’Italie en toute légalité sans passer par les filières périlleuses de la migration. Les États de l’espace Schengen sont, en effet, autorisés à accorder, pour des raisons humanitaires, des visas limités à leur territoire. Une fois arrivés en Italie, les réfugiés se voient offrir un programme d’intégration qui prévoit l’apprentissage de l’italien, la recherche d’un emploi et la scolarisation des mineurs.