EUCHARISTIE MÉDITÉE 5

EUCHARISTIE MÉDITÉE 5

Le nouveau Joseph

Je suis Joseph, votre frère. (Gen., XIV, 5.)

Eucharistie- Motif sculpté sur porte d'église - Bruxelles
Eucharistie- Motif sculpté sur porte d’église – Bruxelles

5e Action de grâces – Jésus est votre frère.

C’est vous, ô Jésus, mon Sauveur et mon frère, que j’adore en ce moment au fond de mon cœur ; c’est vous que je presse contre ce cœur pénétré du sentiment de vous avoir tant et si souvent offensé.

Ah ! je tremble, Seigneur, au souvenir de mes fautes passées, de leur multitude et de leur gravité, et, comme le chef de vos apôtres, je me sens prêt à vous dire : Retirez-vous de moi, ô mon Dieu, parce que je suis un pécheur.

Mais j’entends votre voix, ô Jésus ; elle crie au fond de mon âme ; C’est moi, ne craignez pas ; je suis Jésus, votre frère et votre ami. Oh ! non, mon Dieu, je ne veux plus craindre ; il n’y a plus de place dans mon cœur que pour l’amour.

Plein d’une entière confiance, je me jette entre vos bras, je m’enfonce dans votre cœur, je veux me perdre, m’abîmer pour jamais dans cet océan de miséricorde et y noyer avec moi la multitude de mes iniquités.

Oui, Seigneur, je me confie en vous, j’espère et j’espérerai toujours en votre infinie bonté. Mon cœur ne veut plus se reposer sur aucun appui humain, ils sont, comme moi, trop faibles, trop fragiles, mais sur vous seul, ô mon Dieu, qui êtes l’appui inébranlable de tous ceux qui espèrent en vous, le soutien qui ne saurait faiblir et leur manquer jamais.

Je suis dans la pauvreté même, ô mon Dieu, mais vous l’enrichirez cette pauvreté ; vous êtes le trésor de toutes les vertus, vos richesses suppléeront à mon indigence, et vous me donnerez ce que vous commandez d’avoir, vous ornerez votre demeure de toutes les vertus qui peuvent vous en rendre le séjour agréable.

J’espère de vous, ô mon Dieu, la lumière qui m’est nécessaire pour bien comprendre la vanité de tout ce qui est créé et le néant de tout ce qui passe. J’espère encore que vous me donnerez cette charité ardente, vraie, profonde, agissante, qui est le caractère distinctif des bien-aimés de votre cœur.

J’espère également et j’attends encore de vous, Seigneur, cette humilité sincère et profonde sans laquelle vous êtes sourd aux prières les plus ferventes, cette pureté aussi sans laquelle vous n’envoyez pas votre esprit aux hommes, et que vous aimez surtout à trouver dans l’âme à laquelle vous vous unissez.

J’espère enfin de votre amour, ô Jésus, tous les biens de la grâce pour le temps ; vous ne me les refuserez pas, puisque vous me les avez acquis par vos travaux et votre sang ; tous ceux de la gloire pour l’éternité : ils vous appartiennent, et vous voulez les partager avec moi.

J’attends encore de vous, ô mon Dieu, la persévérance dans la volonté sincère où je suis de ne plus vous offenser et de préférer mille fois la mort au malheur de vous déplaire. Dans la douce confiance que vous ne me la refuserez pas, cette grâce, j’ose vous dire à mon tour : Oh ! ne craignez pas, mon Dieu ; je ne suis plus cette âme ingrate qui vous a si souvent offensé par le passé.

Non, vous ne craignez pas que je donne de nouveau au monde et aux créatures ce cœur que je vous offre en cet instant ; il est à vous pour toujours ; vous aimer est sa vie, son bonheur et sa gloire.

Et vous, ô Marie, ma tendre Mère, vous qui êtes après Jésus mon espérance et mon appui, défendez-moi contre ma propre faiblesse, couvrez-moi de votre maternelle protection. Ah! prenez ce cœur que je viens de donner à Jésus, votre Fils et mon frère bien-aimé ; cachez-le dans le vôtre, ce pauvre cœur, afin qu’il ne me soit plus possible de le reprendre.

Veillez sur lui comme sur votre bien et la propriété de votre Fils ; instruisez-le, formez-le vous-même à la pratique des vertus qui peuvent le rendra agréable à Jésus ; apprenez-lui surtout la science du divin amour, afin qu’après l’avoir aimé en union avec vous pendant ma vie, je puisse encore l’aimer et le bénir avec vous dans les siècles sans fin de l’éternité. Ainsi soit-il.

Léonie Guillebaut

Allez, enseignez.

Allez, enseignez.

VENDREDI DE PÂQUES

Allez enseignez toutes les nations église de Bretteville sur Ay
Allez enseignez toutes les nations église de Bretteville sur Ay

Elle est magnifique et touchante cette scène de la dernière rencontre du Christ avec ses apôtres, sur cette montagne de Galilée où il leur donna rendez-vous avant de remonter à son Père. Est-ce sur le Thabor, sur le « mont des béatitudes », on n’est pas fixé.

Assez proba­blement c’était près du lac : l’horizon était large. Plus large encore, celui que le Maître découvre aux regards des siens qu’il investit là de leur mission. De celle-ci, dans les quelques lignes qui rapportent l’épisode, nous trouvons : 1° Le point d’appui, 2° L’objet, 3° L’assurance.

1° Le point d’appui. — Solennelle est la formule employée par Jésus : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur terre ; allez donc, enseignez ! » (Matt., 28, 18). C’est parce que son Père l’a envoyé, doté de tous ses pouvoirs, qu’il a accompli son œuvre. Rien ne pouvait le faire trembler, ni l’arrêter, revêtu qu’il était de « toute-puissance », délégué officiel, sûr ainsi de l’assistance d’en-haut.

Voilà notre force. Nous ne nous ingérons pas dans l’œuvre de Dieu. Appelés à l’apostolat n’avons-nous pas reçu nous-mêmes, d’une certaine manière, la parole du Christ ? Nous sommes appuyés au roc inébranlable de la volonté divine qui nous a placés où nous sommes. Notre force, c’est notre désir de bien faire et notre obéis­sance.

Seigneur, quand j’ai pris la résolution d’être apôtre, je me suis mis entre vos mains. Parce que je ne m’en suis pas détaché, je suis tranquille.

2° L’objet. — Il est précisé : « Allez, enseignez », c’est l’enseignement. Nous sommes envoyés pour cela ; notre apostolat porte surtout sur ce point. L’Église a reçu de Jésus-Christ la mission d’enseigner et elle nous demande d’aider ses prêtres quand l’ignorance religieuse est si répandue, quand il s’agit de rappeler à tant d’âmes, même chrétiennes, les grandes vérités de la foi.

La foi est la base de tout et « la foi s’acquiert par l’enseignement entendu». Saint Paul y insiste : « Comment croira-t-on en Celui dont on n’a pas entendu parler ? Et comment en entendra-t-on parler s’il n’y a pas de prédicateurs, pas d’enseignants ? » (Rom., 10, 14).

Nous ne nous’ persua­derons jamais assez de l’importance capitale de ces fonc­tions d’instituteurs du peuple. Tout notre labeur doit graviter autour de cette obligation, d’instruire. Toutes nos œuvres ne doivent avoir d’autre but que de nous permettre de la remplir.

Seigneur, vous qui êtes la grande Parole, quelle grâce vous m’avez faite en me constituant votre écho : « qui vous écoute m’écoute », Faites que je prenne exactement le ton, bénissez mon travail intellectuel afin que je sois un lumineux semeur de votre divine parole.

3° L’assurance. — Le mandat que nous avons reçu ne nous met pas à l’abri de nombreuses difficultés. Semée d’embûches est notre route ; semeurs de vérité nous lut­tons contre le « prince des ténèbres », qui durement nous poursuit de ses attaques. Si nous sommes tremblants, si nous nous sentons faiblir, nous nous réconforterons en songeant que nous ne sommes pas seuls.

Écoutons encore saint Jérôme : « Celui qui promit à ses disciples de ne jamais les quitter, leur promit la victoire, et il assura de sa pré­sence ceux qui croiront en lui ». Impossible d’avoir meil­leure assurance. Allons donc toujours devant nous en dépit des secousses et des coups ; Jésus a eu le dernier mot ; parce qu’il est là, nous l’aurons avec lui.

Bon Maître, mon cœur se dilate en pensant à la réalité de votre présence. Fort de cette pensée que j’accomplis votre sainte volonté, je marcherai tranquille : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ? » (Ps., 26,1),

Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis.

Ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais où ils l’ont mis.

JEUDI DE PÂQUES

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Marie-Madeleine-au-tombeau St Plogonnec

Alors que les apôtres sont partis, Marie-Madeleine, au cœur plus ardent, est revenue près du tombeau vide. Elle est malheureuse, exhalant sa plainte, aux anges d’abord, ensuite au bon Maître lui-même qu’elle ne recon­naît pas immédiatement. 1° On perd Jésus, 2° On retrouve Jésus.

1° On perd Jésus. — Madeleine avait assisté à la mort du Sauveur avec une âme déchirée ; elle l’avait, sans doute, vu mettre dans le sépulcre et 13, en ce matin de Pâques où avant le jour la ramène son amour, elle ne le voit plus ; la pierre est enlevée, le corps a disparu. Il ne reste pas même cette assurance d’une présence à laquelle sont rivées toutes ses puissances. Grande est sa déso­lation.

Voilà l’image d’une très dure épreuve de la vie spiri­tuelle : le sentiment que Jésus n’est pas là.

Cette âme fut généreuse ; elle a assisté à la passion, c’est-à-dire, qu’elle a consenti aux immolations imposées par un amour sincère, un service loyal ; elle a réalisé l’abneget semetipsum, le renoncement, le tollat crucem suam, elle porte sa croix (Matt., 16, 24), entraînée qu’elle était par sa ferveur, la joie intime du sacrifice, la paix du devoir accompli.

Et tout disparaît ; c’est la nuit, le vide, l’angoisse, l’anxiété, le doute. Elle souffre durement.

Qu’elle soit patiente et confiante, un merveilleux travail s’opère ainsi en’ elle. Le but de tout c’est l’union à Dieu ; or, le moindre atome d’humain est obstacle à la plénitude de cette union, la plus petite complaisance s’y oppose. Lorsque providentiellement, plus rien ne retient, n’arrête les facultés, on est apte au total investissement du divin : « Ne me touche pas, je ne suis pas encore remonté à mon Père. » (Joan., 20, 17).

Le moment présent n’est pas celui des joies, elles sont réservées pour plus tard. Sachons attendre, et il y aura toujours des heures de clartés passa­gères, mais suffisamment rassurantes.

Seigneur, ne sont-elles pas fréquentes en ma vie, les journées sombres et froides ? Fiat ! J’accepte tout ce que vous voulez. Travaillez-moi à votre gré, mais que je n’aie pas l’affreux malheur de vous perdre jamais réellement.

2° On retrouve Jésus. — Marie a fini par revoir Celui qu’elle cherchait ; saint Grégoire nous dit pourquoi : «L’ardeur de l’amour augmente celle de la recherche. Elle chercha, d’abord sans trouver. Elle s’obstina, et elle réussit. Ses désirs insatisfaits s’augmentaient, et leur intensité les fit aboutir. »

Parfaite indication des attitudes que doit adopter l’âme éprouvée. Quelle cherche avec empressement, avec obstination, avec amour.

Avec empressement : Madeleine est là avant le jour ; soyons vigilants, diligents, dans notre orientation vers Jésus. Qu’il soit notre première, notre instinctive, notre principale préoccupation : « Mon Dieu, mon Dieu, je vous cherche dès l’aurore. » (Ps., 62, 2).

Avec obstination : la vraie vie intérieure d’union à Dieu ne se réalisé pas en un jour ; c’est un travail de longue haleine, on y consacre tout son temps, sans interruption qui risquerait de faire perdre le bénéfice des efforts pré­cédents. D’ailleurs, jamais ne cessent de jouer les motifs péremptoires d’acquérir, de développer cette union.

Avec amour : tout est conditionné par la charité ; il n’en peut être autrement, « Dieu est charité » (1 Joan., 4,8), on ne va à lui qu’en s’harmonisant sur lui, qu’en obéis­sant au précepte résumant tous les autres : Tu aimeras ! Sans l’amour, il ne paraît pas possible de soutenir le labeur imposé : « Vous n’avez point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte, mais vous avez reçu un Esprit d’adoption. » (Rom., 8, 15).

Seigneur, je suis à vous, je veux être à vous de plus en plus ; je vous appellerai partout ; répondez-moi en m’appelant à votre tour, comme vous l’avez fait pour Made­leine, par mon nom ; je saurai vous répondre : Rabboni ! « Maître ! »

MgrAugustin Gonon, évêque de Moulins (+14 avril 1942)

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