Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

celui qui offre tout trouve Dieu

Celui qui offre tout trouve Dieu

À la lumière de l’Évangile d’aujourd’hui, à l’Angélus, le Pape réfléchit sur l’attitude différente des scribes et d’une pauvre veuve qui offre tout ce qu’elle a.Un geste, celui de la femme, qui exprime « une foi sans atours extérieurs, mais sincère intérieurement, faite d’humble amour pour Dieu et pour les frères ».

PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint-Pierre
Dimanche 24 octobre 2021

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Chers frères et sœurs, bonjour!

La scène décrite par l’Évangile de la liturgie d’aujourd’hui se déroule à l’intérieur du Temple de Jérusalem. Jésus regarde, regarde ce qui se passe dans ce lieu, le plus sacré de tous, et voit comment les scribes aiment marcher pour être remarqués, salués, vénérés, et avoir des places d’honneur. Et Jésus ajoute qu’« ils dévorent les maisons des veuves et prient longtemps pour être vus » (Mc 12, 40).

En même temps, ses yeux entrevoient une autre scène : une pauvre veuve, une seule de celles exploitées par les puissants, jette dans le trésor du Temple « tout ce qu’elle avait pour vivre » (v. 44). Ainsi dit l’Évangile, Elle jette tout ce qu’elle avait pour vivre dans le trésor.

L’Évangile nous présente ce contraste saisissant : le riche, qui donne à voir le superflu, et une pauvre femme qui, sans paraître, offre tout le peu qu’elle a. Deux symboles des attitudes humaines.

Jésus regarde les deux scènes. Et c’est précisément ce verbe – « regarder » – qui résume son enseignement : de ceux qui vivent la foi avec duplicité, comme ces scribes, « il faut se garder » pour ne pas devenir comme eux ; tandis que la veuve il faut « regarder » pour la prendre comme modèle. Arrêtons-nous là-dessus : méfiez-vous des hypocrites et regardez la pauvre veuve.

Méfiez-vous d’abord des hypocrites, c’est-à-dire veillez à ne pas fonder votre vie sur le culte de l’apparence, de l’extériorité, sur le soin exagéré de son image. Et surtout, attention à ne pas plier la foi à nos intérêts.

Ces scribes ont couvert leur vaine gloire du nom de Dieu et, pire encore, ont utilisé la religion pour gérer leurs affaires, abusant de leur autorité et exploitant les pauvres. Ici, nous voyons cette attitude si mauvaise qu’aujourd’hui encore, nous voyons le cléricalisme dans de nombreux endroits, dans de nombreux endroits, celui-ci étant au-dessus des humbles, les exploitant, les « battant », se sentant parfaits.

C’est le mal du cléricalisme. C’est un avertissement pour tous les temps et pour tous, Église et société : ne profitez jamais de votre rôle pour écraser les autres, ne gagnez jamais sur la peau des plus faibles ! Et soyez vigilants, pour ne pas tomber dans la vanité, pour ne pas devenir obsédés par les apparences, perdre de la substance et vivre dans la superficialité.

Demandons-nous si cela nous aidera : dans ce que nous disons et faisons, voulons-nous être appréciés et gratifiés ou voulons-nous rendre un service à Dieu et à notre prochain, surtout le plus faible ? Veillons à la fausseté du cœur, à l’hypocrisie, qui est une dangereuse maladie de l’âme !

C’est une double pensée, un double jugement, comme le dit le mot lui-même : « juger en bas », apparaissant d’une manière et « hypo » en bas, ayant une autre pensée. Double, personnes à double âme, duplicité d’âme.

Et pour guérir de cette maladie, Jésus nous invite à regarder la pauvre veuve. Le Seigneur dénonce l’exploitation de cette femme qui, pour faire l’offre, doit rentrer chez elle privée même du peu qu’elle a à vivre. Comme il est important de libérer le sacré de ses liens avec l’argent ! Jésus l’avait déjà dit, ailleurs : on ne peut pas servir deux maîtres.

Soit vous servez Dieu – et nous pensons qu’il dit « soit le diable », non – soit Dieu soit l’argent. C’est un maître, et Jésus dit que nous ne devrions pas le servir. Mais, en même temps, Jésus loue le fait que cette veuve jette tout ce qu’elle a dans le trésor. Elle n’a plus rien, mais elle trouve tout en Dieu.

Elle n’a pas peur de perdre le peu qu’elle a, parce qu’elle a confiance en beaucoup de Dieu, et ce beaucoup de Dieu multiplie la joie de ceux qui donnent. Cela nous fait aussi penser à cette autre veuve, celle du prophète Élie, qui s’apprêtait à faire une focaccia avec la dernière farine qu’elle avait et la dernière huile ; Élie lui dit : « Donne-moi à manger » et elle donne ; et la farine ne diminuera jamais, un miracle (cf. 1 Rois 17, 9-16).

Le Seigneur, face à la générosité des gens, va toujours plus loin, il est plus généreux. Mais c’est Lui, pas notre avidité. Voici donc que Jésus la propose comme maîtresse de foi, cette dame : elle ne va pas au Temple pour se laver la conscience, elle ne prie pas pour être vue, elle n’affiche pas sa foi, mais donne avec son cœur, avec générosité et gratuité.

Ses pièces ont un son plus beau que les grandes offres des riches, car elles expriment une vie consacrée à Dieu avec sincérité, une foi qui ne vit pas sur les apparences mais sur une confiance inconditionnelle. Nous apprenons d’elle : une foi sans atours extérieurs, mais sincère intérieurement ; une foi faite d’amour humble pour Dieu et pour les frères.

Et maintenant, nous nous tournons vers la Vierge Marie, qui, avec un cœur humble et transparent, a fait de toute sa vie un don pour Dieu et pour son peuple.

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Après l’Angélus

Chers frères et sœurs,

Je suis avec inquiétude les nouvelles en provenance de la région de la Corne de l’Afrique, notamment d’Éthiopie, secouée par un conflit qui dure depuis plus d’un an et qui a fait de nombreuses victimes et une grave crise humanitaire. J’invite chacun à prier pour ces peuples si durement éprouvés, et je renouvelle mon appel pour que prévalent l’harmonie fraternelle et la voie pacifique du dialogue.

Et j’assure également mes prières pour les victimes de l’incendie suite à une explosion de carburant à la périphérie de Freetown, la capitale de la Sierra Leone.

Hier à Manresa, en Espagne, trois martyrs de la foi ont été proclamés bienheureux, appartenant à l’Ordre des frères mineurs capucins : Benet de Santa Coloma de Gramenet, Josep Oriol de Barcelona et Domènech de Sant Pere de Riudebitlles.

Ils ont été tués pendant la période de persécution religieuse du siècle dernier en Espagne, se révélant être des témoins doux et courageux du Christ. Que leur exemple aide les chrétiens d’aujourd’hui à rester fidèles à leur vocation, même dans les moments d’épreuve. Une salve d’applaudissements à ces nouveaux bienheureux !

Je vous salue tous, chers fidèles de Rome et pèlerins de divers pays, en particulier ceux venus des États-Unis d’Amérique et du Portugal. Je salue les groupes de fidèles de Prato et de Foligno ; et les garçons de la Profession de Foi de Bresso.

Je souhaite à tous un bon dimanche. Et s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et au revoir !


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Souvenir, passion et réconfort du Cœur de Jésus

Souvenir, passion et réconfort du Cœur de Jésus

Alors que nous commémorons avec gratitude le don de ce siège de l’Université catholique, je voudrais partager quelques réflexions sur son nom. Il est dédié au Sacré-Cœur de Jésus, auquel ce jour, le premier vendredi du mois, est dédié. En contemplant le Cœur du Christ, nous pouvons nous laisser guider par trois mots : souvenir, passion et réconfort.

 Le Sacré-Coeur de Paris
Le Sacré-Cœur de Paris

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Je me souviens. Se souvenir signifie « retourner au cœur, revenir avec le cœur ». Se souvenir. A quoi le Cœur de Jésus nous fait-il revenir ? A ce qu’il a fait pour nous : le Cœur du Christ nous montre Jésus qui s’offre : c’est le condensé de sa miséricorde.

En le regardant – comme le fait Jean dans l’Évangile (19 : 31-37) – il est naturel de se souvenir de sa bonté, qui est gratuite, ne peut être achetée ni vendue, et inconditionnelle, ne dépend pas de nos œuvres, elle est souveraine. Et ça bouge.

Dans la précipitation d’aujourd’hui, parmi mille courses et soucis continus, nous perdons la capacité de nous émouvoir et de ressentir de la compassion, car nous perdons ce retour au cœur, c’est-à-dire la mémoire, la mémoire, le retour au cœur. Sans mémoire, les racines sont perdues et sans racines, vous ne pouvez pas grandir. Cela nous fait du bien de nourrir la mémoire de ceux qui nous ont aimés, soignés, soulagés.

Aujourd’hui, je voudrais renouveler mon « merci » pour les soins et l’affection que j’ai reçus ici. Je crois qu’en cette période de pandémie cela nous fait du bien de nous souvenir même des périodes les plus subies : pour ne pas nous attrister, mais pour ne pas oublier, et pour nous guider dans nos choix à la lumière d’un passé très récent.

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Je me demande : comment fonctionne notre mémoire ? En simplifiant, nous pourrions dire que nous nous souvenons de quelqu’un ou de quelque chose lorsqu’il touche notre cœur, lorsqu’il nous lie à une affection particulière ou à un manque d’affection. Eh bien, le Cœur de Jésus guérit notre mémoire parce qu’il la ramène à l’affection fondatrice. La racine sur la base la plus solide.

Cela nous rappelle que peu importe ce qui nous arrive dans la vie, nous sommes aimés. Oui, nous sommes des êtres aimés, des enfants que le Père aime toujours et en tout cas, des frères pour lesquels bat le Cœur du Christ. Chaque fois que nous scrutons ce Cœur, nous nous découvrons « enracinés et fondés dans la charité », comme l’a dit l’Apôtre Paul dans la première lecture d’aujourd’hui (Ep 3 :17).

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Nous cultivons cette mémoire, qui se renforce lorsque nous sommes face au Seigneur, surtout lorsque nous nous laissons regarder et aimer par lui dans l’adoration. Mais nous pouvons aussi cultiver l’art du souvenir entre nous, chérir les visages que nous rencontrons. Je pense aux jours fatigants à l’hôpital, à l’université, au travail.

Nous risquons que tout se passe sans laisser de trace ou qu’il ne nous reste que beaucoup de fatigue et de lassitude. Cela nous fait du bien, le soir, de revoir les visages rencontrés, les sourires reçus, les bons mots. Ce sont des souvenirs d’amour qui aident notre mémoire à se retrouver : que notre mémoire se retrouve.

Quelle importance ces souvenirs dans les hôpitaux ! Ils peuvent donner un sens à un jour de maladie. Une parole fraternelle, un sourire, une caresse sur le visage : ce sont des souvenirs qui guérissent intérieurement, qui font du bien au cœur. N’oublions pas la thérapie de la mémoire : elle fait tant de bien !

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La passion est le deuxième mot. La passion. Le premier est la mémoire, le souvenir ; le second est la passion. Le Cœur du Christ n’est pas une pieuse dévotion pour sentir un peu de chaleur à l’intérieur, ce n’est pas une image tendre qui suscite l’affection, non, ce n’est pas cela. C’est un cœur passionné – il suffit de lire l’Évangile -, un cœur blessé par l’amour, déchiré pour nous sur la croix.

Nous avons entendu comment l’Évangile en parle : « Une lance le frappa au côté, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19,34). Percé, il donne ; mort, nous donne la vie. Le Sacré-Cœur est l’icône de la passion : il nous montre la tendresse viscérale de Dieu, sa passion amoureuse pour nous, et en même temps, surmonté de la croix et entouré d’épines, il montre combien de souffrances a coûté notre salut.

Dans la tendresse et la douleur, ce Cœur révèle en somme quelle est la passion de Dieu. L’homme, nous. Et quel est le style de Dieu ? Proximité, compassion et tendresse. C’est le style de Dieu : proximité, compassion et tendresse.

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Qu’est-ce que cela suggère? Que, si nous voulons vraiment aimer Dieu, nous devons être passionnés par l’homme, par tout homme, spécialement celui qui vit la condition dans laquelle s’est manifesté le Cœur de Jésus, c’est-à-dire la douleur, l’abandon, le rejet ; surtout dans cette culture du jetable que nous vivons aujourd’hui. Lorsque nous servons ceux qui souffrent, nous consolons et réjouissons le Cœur du Christ.

Un passage de l’Évangile est frappant. L’évangéliste Jean, au moment même où il parle du côté transpercé, d’où coulent le sang et l’eau, rend témoignage parce que nous croyons (cf. v. 35). C’est-à-dire que saint Jean écrit qu’à ce moment-là le témoignage a lieu. Parce que le Cœur déchiré de Dieu est éloquent. Parler sans paroles, car c’est la miséricorde à l’état pur, l’amour qui blesse et donne la vie.

Il est Dieu, avec proximité, compassion et tendresse. Combien de mots disons-nous sur Dieu sans laisser transparaître l’amour ! Mais l’amour parle par lui-même, il ne parle pas de lui-même. Nous demandons la grâce d’être passionnée par l’homme qui souffre, d’être passionnée par le service, afin que l’Église, avant d’avoir des mots à dire, garde un cœur qui bat d’amour. Avant de parler, qu’il apprenne à garder le cœur amoureux.

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Le troisième mot est réconfort. Le premier était la mémoire, le second la passion, le troisième le réconfort. Il indique une force qui ne vient pas de nous, mais de ceux qui sont avec nous : la force vient de là. Jésus, le Dieu-avec-nous, nous donne cette force, son Cœur donne du courage dans l’adversité.

Tant d’incertitudes nous effraient : en cette période de pandémie nous nous sommes retrouvés plus petits, plus fragiles. Malgré tant de belles avancées, on le voit aussi dans le domaine médical : que de maladies rares et méconnues ! Quand je trouve, dans les auditions, des gens – surtout des garçons, des filles – et que je leur demande : « Tu es malade ? » – [ils répondent] « Une maladie rare ».

Combien il y en a aujourd’hui ! Qu’il est difficile de suivre les pathologies, les structures de soins, les soins qui sont vraiment comme il se doit, pour tous. Nous pourrions nous décourager. Pour cela, nous avons besoin de réconfort – le troisième mot -. Le Cœur de Jésus bat pour nous en battant toujours ces mots : « Courage, courage, n’aie pas peur, je suis là ! »

Courage sœur, courage frère, ne te décourage pas, le Seigneur ton Dieu est plus grand que tes maux, il te prend par la main et te caresse, il est près de toi, il est compatissant, il est tendre. Il est ton réconfort.

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Si nous regardons la réalité avec la grandeur de son Cœur, la perspective change, notre connaissance de la vie change car, comme nous l’a rappelé saint Paul, nous connaissons « l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance » (Ep 3,19). Encourageons-nous avec cette certitude, avec la consolation de Dieu et demandons au Sacré-Cœur la grâce de pouvoir à notre tour consoler.

C’est une grâce qu’il faut demander, alors que nous nous engageons courageusement à nous ouvrir, à nous entraider, à porter les fardeaux les uns des autres. Cela vaut aussi pour l’avenir de la santé, en particulier de la santé « catholique » : partager, s’entraider, avancer ensemble.

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Que Jésus ouvre le cœur de ceux qui prennent soin des malades à la collaboration et à la cohésion. À ton Cœur, Seigneur, nous confions la vocation de soigner : fais-nous sentir comme précieux à toute personne qui s’approche de nous dans le besoin. Amen.

60e ANNIVERSAIRE DE L’INAUGURATION DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE CHIRURGIE DE L’UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DU SACRÉ-CŒUR – HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOIS Polyclinique « Agostino Gemelli » (Rome) – Vendredi 5 novembre 2021


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Texte traduit et présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Apprendre l’art d’attendre le Seigneur

Apprendre l’art d’attendre le Seigneur

Dans la première lecture, nous avons entendu cette invitation : « Il est bon d’attendre en silence le salut du Seigneur » (Lm 3,26). Cette attitude n’est pas un point de départ, mais un point d’arrivée. En fait, l’auteur y arrive au bout d’un chemin, un chemin cahoteux, qui l’a fait mûrir. Il en vient à comprendre la beauté de faire confiance au Seigneur, qui ne manque jamais à ses promesses.

Mais la confiance en Dieu ne naît pas d’un enthousiasme momentané, ce n’est pas une émotion ou même juste un sentiment. Au contraire, elle vient de l’expérience et mûrit dans la patience, comme cela arrive à Job, qui passe d’une connaissance de Dieu « par ouï-dire » à une connaissance vivante et expérientielle.

Attende Domine
Attende Domine

Et pour cela, il faut une longue transformation intérieure qui, à travers le creuset de la souffrance, conduit à savoir attendre en silence, c’est-à-dire avec une patience confiante, avec une âme douce. Cette patience n’est pas de la résignation, car elle se nourrit de l’attente du Seigneur, dont la venue est certaine et ne déçoit pas.

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Chers frères et sœurs, combien il est important d’apprendre l’art d’attendre le Seigneur ! L’attendant docilement, confiant, chassant les fantômes, les fanatismes et les clameurs ; préservant, surtout en temps d’épreuve, un silence plein d’espérance.

C’est ainsi que nous nous préparons à la dernière et plus grande épreuve de la vie, la mort. Mais il y a d’abord les épreuves du moment, il y a la croix que nous avons maintenant, et pour laquelle nous demandons au Seigneur la grâce de pouvoir attendre là, là, son salut à venir.

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Chacun de nous doit mûrir dans ce domaine. Face aux difficultés et aux problèmes de la vie, il est difficile d’avoir de la patience et de rester calme. L’irritation s’installe et souvent le découragement arrive.

Il peut ainsi arriver d’être fortement tenté par le pessimisme et la résignation, de voir tout noir, de s’habituer à des tons découragés et plaintifs, semblables à ceux de l’auteur sacré qui dit au début : « Ma gloire a disparu, l’espoir qu’elle me venait du Seigneur » (v. 18).

Dans l’épreuve, même les bons souvenirs du passé ne peuvent pas consoler, car l’affliction conduit l’esprit à s’attarder sur des moments difficiles. Et cela augmente l’amertume, il semble que la vie soit une chaîne continue de malheurs, comme l’auteur l’admet encore : « Le souvenir de ma misère et de mon errance est comme du poison » (v. 19).

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À ce stade, cependant, le Seigneur donne un tournant, précisément au moment où, tout en continuant à dialoguer avec lui, il semble toucher le fond. Dans l’abîme, dans l’angoisse du non-sens, Dieu s’approche pour sauver, à ce moment-là. Et quand l’amertume atteint son paroxysme, l’espoir refleurit soudain.

C’est mal d’atteindre la vieillesse avec un cœur amer, avec un cœur déçu, avec un cœur critique des choses nouvelles, c’est très dur. « J’ai l’intention de rappeler cela à mon cœur – dit la personne qui prie dans le Livre des Lamentations -, et pour cela je veux regagner l’espérance » (v. 21). Reprenez espoir dans le moment d’amertume.

Au milieu de la douleur, celui qui est proche du Seigneur voit qu’il dévoile la souffrance, l’ouvre, la transforme en une porte par laquelle entre l’espérance. C’est une expérience pascale, un passage douloureux qui ouvre à la vie, une sorte de travail spirituel qui dans l’obscurité nous fait revenir à la lumière.

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Ce tournant ne se produit pas parce que les problèmes ont disparu, non, mais parce que la crise est devenue une mystérieuse occasion de purification intérieure. La prospérité, en effet, nous rend souvent aveugles, superficiels, fiers. C’est ainsi que nous conduit la prospérité.

D’autre part, le passage de l’épreuve, s’il est vécu dans la chaleur de la foi, malgré sa dureté et ses larmes, nous fait renaître, et nous nous retrouvons différents du passé. Un Père de l’Église a écrit que « rien de plus que la souffrance ne conduit à découvrir de nouvelles choses » (Saint Grégoire de Naziance, Ep. 34).

L’épreuve se renouvelle, car elle fait tomber beaucoup de déchets et nous apprend à regarder au-delà, au-delà des ténèbres, à toucher de première main que le Seigneur sauve vraiment et qu’il a le pouvoir de tout transformer, même la mort. Il nous laisse traverser les goulets d’étranglement non pas pour nous abandonner, mais pour nous accompagner.

Oui, car Dieu accompagne, surtout dans la douleur, comme un père qui fait bien grandir son fils en restant près de lui dans les difficultés sans le remplacer. Et avant de pleurer sur notre visage, l’émotion a déjà rougi les yeux de Dieu le Père. Il pleure le premier, j’ose dire.

La douleur reste un mystère, mais dans ce mystère nous pouvons découvrir d’une manière nouvelle la paternité de Dieu qui nous visite dans l’épreuve, et venir dire, avec l’auteur des Lamentations : « Bon est le Seigneur avec ceux qui espèrent en lui, avec celui qui le cherche » (v. 5).

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Aujourd’hui, face au mystère de la mort rachetée, nous demandons la grâce de regarder l’adversité avec des yeux différents. Nous demandons la force de savoir vivre dans le silence doux et confiant qui attend le salut du Seigneur, sans se plaindre, sans grommeler, sans se laisser attrister. Ce qui semble être une punition se révélera être une grâce, une nouvelle démonstration de l’amour de Dieu pour nous.

Savoir attendre en silence – sans bavarder, en silence – le salut du Seigneur est un art, en route vers la sainteté. Cultivons-le. Elle est précieuse à l’époque que nous vivons : plus que jamais, nul besoin de crier, d’éveiller des clameurs, de s’aigrir ; chacun a besoin de témoigner de la foi, qui est une attente docile et pleine d’espérance de sa vie. La foi, c’est ça : une attente docile et pleine d’espoir.

Le chrétien ne diminue pas la gravité de la souffrance, non, mais il regarde vers le Seigneur et sous les coups de l’épreuve il se confie en lui et prie : il prie pour ceux qui souffrent. Il garde les yeux rivés sur le Ciel, mais ses mains sont toujours étendues sur le sol, pour servir concrètement son prochain. Même dans le moment de tristesse, d’obscurité, le service.

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Dans cet esprit, prions pour les cardinaux et les évêques qui nous ont quittés l’année dernière. Certains d’entre eux sont morts du Covid-19, dans des situations difficiles qui ont aggravé la souffrance. Que nos frères goûtent maintenant la joie de l’invitation évangélique, celle que le Seigneur adresse à ses fidèles serviteurs : « Venez, bénis de mon Père, héritez du royaume qui vous est préparé depuis la création du monde » (Mt 25 : 34)

MESSE AU SUFFRAGE DES CARDINAUX ET ÉVÊQUES DÉCÉDÉE AU COURS DE L’ANNÉEHOMÉLIE DU SAINT-PÈRE FRANÇOISBasilique Saint-Pierre Jeudi 4 novembre 2021


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