Archives de catégorie : Méditation

sur un aspect de spiritualité : Christ, Vierge Marie, Église dans le monde…

Encore un peu de temps

Encore un peu de temps

MERCREDI 3e SEMAINE APRÈS PÂQUES

Jésus ressuscité - paroisse de Gray diocèse de Besançon
Christ – paroisse de Gray diocèse de Besançon

« Un peu de temps et vous ne me verrez plus, et puis encore un peu et vous me verrez. » Une fois ouvertes les perspectives de l’éternité, le temps retrouve son échelle : étant limité, il est donc toujours bref en quelque façon : « Un peu de temps… »

Mais ce serait bien pire encore s’il n’y avait que ce temps-ci, que cette terre, sans éternité pour donner valeur durable, permanente ; à ce que nous aurons fait et fixé pendant ce temps passager. Car tout le monde en gémit : Le temps passe si vite ! Ce qui est important, c’est qu’au moins il reste quelque chose quand il est passé.

On reproche bêtement aux chrétiens de déserter ses tâches terrestres pour le ciel. C’est bête parce que d’abord, ce n’est plus vrai. Les chrétiens ne sont pas tellement attirés par le ciel — aujourd’hui comme

autrefois sans doute. Mais autrefois on les encourageait du moins, à désirer l’éternel, tandis qu’à présent, on prétendrait souvent les en détourner.

Elle est cependant toujours aussi nécessaire, et nous aurions lieu de la faire notre cette prière sur les offrandes : « Que ces mystères, Seigneur, nous donnent de modérer nos convoitises terrestres de façon à mieux aimer le monde céleste.»

Et le monde n’y perdra rien, car c’est justement dans la mesure où ils sont rattachés par le mystère pascal et l’eucharistie en particulier au Christ du ciel, que le moindre instant et la plus passagère des besognes prennent aux yeux des chrétiens une importance éternelle.

Dom C. Jean Nesmy

La Manne et le Pain de Vie

La Manne et le Pain de Vie

Jean VI 30-35

Si les hommes ne croient pas en Celui que Dieu a envoyé, ils ne croient pas non plus véritablement en Dieu. Ils demeurent dans la mort spirituelle puisque la vie est offerte en lui. Hélas ! ils ne croient pas, comme le montre le verset 30. Au lieu de cela, ils demandent un miracle, suggérant que, s’il était suffisamment spectaculaire, il produirait de la foi dans leur cœur.

Comme ils supposent que Jésus va leur rappeler le miracle de la multiplication des pains et des poissons, auquel ils viennent d’assister, ils essaient de ne pas lui accorder de l’importance, en faisant référence au miracle de la manne, donnée à leurs pères dans le désert par Moïse pendant quarante ans.

Ceci amène la déclaration catégorique du verset 32. Ce n’est pas Moïse, mais Dieu qui a donné ce pain du ciel qui n’est qu’une image du véritable pain. Le vrai pain venu du ciel est donné par Dieu, révélé comme Père par Celui qui est ce don. Il est descendu lui-même du ciel comme Celui qui donne la vie au monde.

Dans le domaine de la nature, le pain entretient seulement la vie et ne la donne absolument pas ; mais le spirituel transcende toujours le physique. Le symbole sert à diriger nos pensées vers ce qui est divin, mais il ne peut jamais en contenir la plénitude. Ici Jésus est Celui qui donne la vie et Celui qui l’entretient.

Il agit ainsi en relation avec le monde et non pas seulement avec la petite nation juive au milieu de laquelle il vit. Nous avons déjà remarqué cette caractéristique : la Parole devenue chair ne peut être limitée, dans sa lumière et sa puissance génératrice de vie, à un cercle plus étroit que le monde.

Leur réponse, au verset 34, semble plus encourageante ; il n’y a pourtant aucune foi, comme le montre le verset 36. Elle conduit toutefois le Seigneur à se présenter lui-même, d’une manière précise et claire, comme le pain de vie. Il dit aussi que chaque besoin sera satisfait, si on vient à lui avec une foi véritable. Il accorde le don de l’Esprit qui conduit à la satisfaction du cœur, comme au chapitre 4.

De même ici, si on reçoit Jésus par la foi, on est comblé. Toute la plénitude de la divinité nous est révélée dans la connaissance de lui-même, et nous pouvons nous l’approprier. C’est cela qui satisfait. Ces hommes ne montrent aucune intention de venir à lui, mais le Père agit dans ses desseins et sa grâce ; il va donc y avoir une réponse.

C’est dans ce cadre que se trouve cette merveilleuse affirmation de 1’Évangile, si rassurante : « Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi ». Au chapitre 3, nous voit que personne n’a reçu son témoignage, et que pourtant quelques-uns l’ont reçu ! Maintenant, pour la première fois, nous découvrons ce qui se cache derrière ce paradoxe.

La grâce souveraine du Père a donné des hommes au Fils, et ceux-ci, sans exception, viennent à lui. Ces heureuses personnes sont conduites vers lui, dans la mesure où elles en sont conscientes, par diverses choses qui varient suivant les cas. Par-dessus tout, il y a cependant, comme explication finale, ce don du Père àu Christ ; un don d’amour, pourrions-nous dire.

Tous ceux que le Père a donnés viennent ; aucun de ceux qui viennent n’est mis dehors par le Fils. Il en est ainsi non seulement à cause de sa propre grâce et de son amour personnel pour de telles âmes, mais parce qu’elles sont le don du Père. C’est aussi parce que le vrai but de la venue de Jésus est d’accomplir la volonté du Père et de révéler ainsi son cœur.

Le Père a donné ces hommes pour qu’en venant au Fils, ils reçoivent de lui la vie et ce qui l’entretient ; ainsi ils pourront être vraiment heureux parce que le Père leur a été révélé. Il est impossible qu’il y ait désaccord entre le don du Père et le fait d’être reçu par le Fils.

En observant le contexte et la signification de ce passage, nous voyons avec quelle justesse et avec quel bonheur l’évangéliste dirige une âme inquiète, qui se tourne vers le Christ et qui est près de venir à lui, vers ces paroles d’or : « Je ne mettrai point dehors celui qui vient à moi ».

F.B. Hole 1937 dans Edification (traduit de l’anglais)

LA MÈRE DE L’ÉGLISE

LA MÈRE DE L’ÉGLISE

Vierge Marie - chapelle du Ré Profond 49 St Sigismond
Vierge Marie – chapelle du Ré Profond 49 St Sigismond

On voit Marie revenant du Calvaire avec Jean dans un tragique silence. Une statue ambulante pourrait servir à figurer cette Reine des martyrs. Mais ayant tout goûté de la souffrance, la Mère douloureuse aura ce qu’il faut pour devenir la Mère des consolations.

Les trois jours passent, et voici que s’inaugure, après la Résurrection, la brève survie terrestre à laquelle l’Ascension viendra mettre un terme.

Durant ce temps de vie entre terre et ciel, Jésus apparut-il à sa Mère ? Notre cœur penche à le croire; nous aimons contempler celle que la douleur n’a pu abattre, enfin prosternée par cette immense joie. Mais le fait n’est pas sûr. L’Évangile ne dit rien de tel. Les manifestations de Jésus entrent dans le plan que révèle toute sa vie : elles sont utilitaires.

Il s’agit du salut. Il s’agit de nous, et nous serions mal venus de nous en plaindre, fût-ce par sensibilité filiale. On vous oublie, Marie, dès que votre consolation ne confère point à l’œuvre. Ici, les apparitions sont des témoignages ; elles visent les Apôtres troublés et le monde incrédule; elles n’ont point affaire à vous, ô céleste.

Jésus dira à Thomas : « Bienheureux ceux qui ont cru sans avoir vu » : de l’avoir cru ressuscité sans l’avoir vu, vous, humble fidèle unie à tous les fidèles, n’est-ce pas une des raisons pour lesquelles « toutes les générations vous appelleront bienheureuse » ?

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Ce souci exclusif de l’œuvre, qui peut-être a privé Marie d’une consolation, lui a demandé en tout cas un incomparable sacrifice : celui de survivre. Que fera-t-elle en ce monde, sans Jésus? N’est-il pas tout pour elle, et peut-il se concevoir, entre ce monde et son cœur, d’autre attache?

Cela est vrai. Pourtant l’œuvre subsiste, et le divin Ouvrier ne survit-il pas avec elle ? Marie n’est plus de ce monde; mais l’Église que Jésus a fondée n’en est pas davantage. « Notre fréquentation est au ciel », dit l’Apôtre. Si le chrétien vit au ciel dans la mesure de sa foi et de son amour, la Vierge peut tout ensemble garder l’intimité de Jésus et une proximité bienfaisante à l’égard de son œuvre.

Ainsi le devez-vous, Mère, à qui le corps mystique de votre Fils n’appartient pas moins que l’autre. A son berceau vous avez veillé : vous n’abandonnerez pas le berceau de son Église. Elle a besoin de vous pour conserver l’inspiration de son départ, diriger ses premières démarches, fixer l’esprit de son Christ, traverser sans faiblir les premières épreuves.

S’il y a une jeune humanité qui console Dieu et qui, au retour des gibets où le suspend l’inconscience pécheresse, garde le culte saint et prépare les lendemains réparateurs, ne devez-vous pas en être?

Du reste, l’attestation est là. On lit dans les Actes des Apôtres : « Ils persévéraient tous dans un même esprit, dans la prière, avec quelques femmes et Marie, Mère de Jésus, et ses frères. » (Actes, i, ili.) C’est la première vision de l’Église autour de la Vierge-Mère.

A la Pentecôte, quand l’Église naît définitivement par la grâce de sa Confirmation, Marie est là qui d’une certaine manière l’engendre, en raison de ses rapports solidaires avec Celui qui en est la tête et Celui qui en est l’âme. Du Christ et de l’Esprit, elle-même reçoit sans doute alors sa Confirmation. Ses dons de sagesse et d’amour se précisent, en vue de son rôle qui prend en cet instant une forme sociale.

Voilà sa Vie Publique à elle. Cette vie s’inaugure, comme celle de son Fils, par une manifestation de l’Esprit.

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Quelle grâce, pour notre Église au berceau, que cette maternelle présence I C’est comme un Évangile vivant, en attendant que s’écrive l’autre. Marie atteste les mystères de la Naissance et de la Vie cachée ; elle communique de la vie prêcheresse la moelle vivifiante et l’esprit secret.

Par elle, Jésus peut dire, même après son départ vers son Père : « Encore un peu de temps et vous me reverrez. » Bienheureuse concession, dont on ne peut mesurer le prix par l’intelligence, mais que pèse le cœur.

L’Eucharistie, le Paraclet, Marie; la « Présence réelle », la présence en l’esprit, et la présence du Christ en une douce effigie qu’on peut bien appeler son autre moi humain, son double : quoi de plus précieux et quoi de plus délicat comme trésor spirituel accordé à l’institution naissante?

Ce ne sera qu’un commencement. L’Église déployée, la place unique de Marie au cœur de cette société des âmes, moins visible et moins sensible à nos cœurs de chair, n’en est que plus marquée et plus solennelle.

Jésus est le Chef; les apôtres et leurs successeurs sont ses représentants; les fidèles sont les membres; Marie, associée au Chef, Mère du Chef non pas seulement selon la chair, mais par vocation spirituelle, se trouve être, par lui, Mère de la troupe qu’il préside, Mère de sa fraternelle Assemblée.

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N’oublions pas que c’est elle, la première, lorsque Dieu voulut se donner, qui voulut librement le recevoir, et que le ciel attendit d’elle, en quelque sorte, l’agrément de sa créature. Par son Fiat, fut inaugurée cette diffusion du divin dont l’Église est l’organe.

Elle a donc à l’égard de l’Église un caractère de source, de principe; elle en est vraiment la Mère, et ce qui nous fait voir en elle comme le côté humain du salut, c’est précisément cette proximité spirituelle avec l’institution qui sauve.

Marie, unie au Cœur humano-divin qui anime l’Église, est, conjointement avec lui, le cœur de l’Église. Tous les hommes sont un en elle comme ils sont un en lui, et ils vont, sous cette double influence inégale et cette double conduite, à la vie éternelle.

La liturgie en fait foi. Marie est toujours associée à Jésus dans les invocations rituelles. Au cœur même du Saint-Sacrifice, dans le Canon, son nom revient par deux fois. Tout au long de l’office canonial, on l’invoque. Elle est toujours en tête du cortège des saints, quand on les fait défiler devant nous.

Marie est la « Reine du clergé ». La vie sociale de l’Église lui fait une place assez apparente, et des monuments de toute espèce, nous l’avons rappelé, en fournissent l’attestation.

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Enfin, la douce présidence de Marie est doublée, en faveur de l’Église, d’un rôle de défense inattendu au premier abord, mais tout simple. On s’étonnerait à tort de l’entendre qualifier, à l’instar de l’Épouse du Cantique, « terrible comme une armée rangée en bataille ».

L’Épouse était redoutable aux ennemis de l’amour en considération de son charme ; Marie, pour la même raison, est redoutable au mal. Son charme spirituel est sa force. Sa beauté, l’attirance de ses vertus et de son cœur, la féminité de son accueil jointe à la majesté de sa personne et à l’éminence d’un rang qui la fait toute-puissante pour l’intercession : voilà les armes dont elle dispose.

Le bruit de son nom clément ferme la gueule des bêtes méchantes et criardes; l’eurythmie de sa démarche, quand elle s’avance dans les domaines que visite l’esprit de foi, rassure la cité des âmes plus que la tour flanquée de boucliers qui faisait la sécurité de la Sion antique.

« Tour de David », elle l’est, cette fille du psalmiste guerrier et mystique. L’Église, audacieusement, et en dépit de ce que certains croient des évidences, chante à cette puissance pacifique : « Seule, tu as détruit toutes les hérésies dans l’univers entier. »

Et c’est vrai. Les hérésies, ces divisions entre hommes et ces coupures entre l’homme et Dieu, trouvent leur ruine dans les vertus que Marie représente, dans le nœud de vérités que son cas personnel manifeste au centre de la foi, dans la sainteté dont elle est le plus parfait modèle uniquement humain.

Et comme cette sainteté, ces vertus et ces vérités essentielles sont garanties en perpétuelle possession par elle et par son Fils, solidairement, à l’Église dont ils sont à eux deux le cœur, les hérésies n’y peuvent prévaloir; leur attaque est brisée d’avance; ces « portes de l’enfer » ne résistent pas à la candeur de la Vierge très pure et très prudente.

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« Secours des chrétiens », comme on l’appelle encore, elle vient en aide aux chrétiens dans toutes les crises qui les secouent, dans tous les périls qui les menacent, à l’encontre de tous les ennemis qui sont les siens mêmes. Elle écarte, elle calme, au besoin elle jugule, de sa paisible main.

A coup sûr, on ne peut demander que Marie soit victorieuse sans nous là où il s’agit d’une libre victoire pour nous; il faut que le chrétien coopère; mais si le salut individuel dépend de chacun, le salut de l’Église ne dépend que de ses hautes sauvegardes. Marie, portant son Fils, porte avec lui la vérité, la paix et la béatitude; elle chasse toute erreur et dissipe toute crainte.

Elle n’abandonne pas plus l’Église qu’elle n’abandonne son Fils; elle ne laissera pas choir l’édifice plus que l’Enfant. Elle est l’Arche de l’Alliance, et cette arche est ferme.

Reste à prendre sa part, encore une fois, de ce que Marie procure à l’Église par sa maternité agissante. Mais ce n’est pas sans elle que nous est réclamé ce concours. La « Reine de tous les saints » est aussi la Reine des aspirants à la sainteté, voire de ceux qui attendent la sanctification la plus nécessaire.

Le « Refuge des pécheurs » est à nous. Marie admet que nous lui disions : Mère de l’Église qui par Jésus et par vous est la « Sainte Église », faites que cette sainteté où nous fûmes plongés par le baptême nous imprègne et nous transfigure, qu’au besoin elle nous ressuscite.

Priez pour nous « Sainte Mère de Dieu » ; veillez sur nous, soyez-nous un canal de grâce, « Mère de la divine grâce » ; dirigez nos vœux, nos pas, nos cœurs là où vous êtes vous-même, Mère des saints du ciel.

P. Sertillanges

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse