une Église humble qui se laisse blesser

En cette première journée de son séjour au Panama, avant de rencontrer les jeunes rassemblés pour les JMJ, le Pape François a tenu un discours, entrelacé des citations de saint Oscar Romero, devant les évêques d’Amérique centrale rassemblés en l’église saint François d’Assise de la capitale du Panama. Il a offert ainsi des clés de lecture pour appréhender son message pour la Journée des Communications et la rencontre pour la protection des mineurs.

 

Il est intervenu à partir de la pensée de saint Oscar Romero, récemment canonisé dans le contexte du Synode des évêques sur les jeunes. «Sa vie et son enseignement sont une source permanente d’inspiration pour nos Églises et, d’une manière particulière, pour nous-mêmes, évêques», a t-il dit en reprenant les mots de son blason épiscopal : «Sentir avec l’Église».

«C’est un héritage qui peut se transformer en témoignage actif et vivifiant pour nous-mêmes, également appelés au don du martyr dans le service quotidien de nos peuples. (…) Recourir à la figure de Romero, c’est invoquer la sainteté et le caractère prophétique qui vit dans l’ADN de vos Églises particulières.»

Un amour donné à l’Église

«Cet amour naît de l’accueil d’un don totalement gratuit, qui ne nous appartient pas et qui nous libère de toute prétention et de toute tentation de nous en croire propriétaires et uniques interprètes. Nous n’avons pas inventé l’Église, elle n’est pas née avec nous et elle continuera sans nous. Une telle attitude, loin de nous abandonner à la paresse, éveille une insondable et inimaginable reconnaissance qui nourrit tout.» 

À noter la fidélité de Mgr Romero aux intuitions du Concile Vatican II. «Il ne fut ni idéologue ni idéologique ; son action est née d’une intégration des documents conciliaires.»

À la suite de la vie donnée par Mgr Romero au peuple d’El Salvador, le Pape a invité à ne pas avoir «peur de toucher et de nous approcher des blessures de notre peuple, qui sont aussi nos blessures, et de le faire à la manière du Seigneur. Le pasteur ne peut pas rester éloigné de la souffrance de son peuple ; de plus, nous pourrions dire que le cœur du pasteur se juge à sa capacité à se laisser toucher face à tant de vies blessées et menacées.»

«Sentir avec l’Église», devise épiscopale de saint Oscar Arnulfo Romero, archevêque de San Salvador, martyrisé par les escadrons de la mort alors qu’il célébrait sur l’autel, est véritablement le fil rouge du discours du Pape devant les évêques centraméricains en l’église Saint François d’Assise de Panama, lors de sa première journée aux JMJ 2019.

Une fois de plus, le Souverain pontife a tracé une sorte de cadre pastoral utile pour comprendre la situation actuelle de l’Église. Il a souligné avant toute chose que «sentir avec l’Église» signifiait expérimenter le don gratuit, «qui ne t’appartient pas» et «qui libère de tout prétexte et des tentations à se croire son propre maître et ses seuls interprètes». 

Dans une époque saturée de messages réduits à des slogans, où les accusations et les préjugés distillés par le web, se rappeler, que «nous n’avons pas inventé l’Église, qu’elle n’est pas née avec nous, et qu’elle nous survivra» aide à descendre de son piédestal d’autosuffisance, de l’hyperactivisme, et des logiques fonctionnalistes, entrepreneuriales et managériales.

L’Église, comme la lune, ne puise pas la lumière elle-même, mais elle la reçoit du véritable hélios, le Christ, comme l’énonçait saint Ambroise de Milan (340-397).

Pour Mgr Romero, «sentir avec l’Église» consiste à porter dans sa propre intimité toute la kénose du Christ – l’action de vider, de se dépouiller. Il est important de ne pas craindre d’approcher et de toucher les blessures de notre peuple, qui sont aussi nos blessures, et ce, à la manière du Seigneur.

Le pasteur ne peut rester à l’écart de la souffrance de son peuple; en effet, on pourrait dire que le cœur du pasteur se mesure à sa capacité de se déplacer devant de nombreuses vies blessées et menacées. C’était le style de Mgr Romero et c’est l’indication que le Pape François donne aujourd’hui aux évêques en leur demandant d’assister à une Église humble et pauvre, fuyant le risque d’orgueil, d’arrogance et d’autosuffisance.

C’est aussi, au fond, la manière la plus authentique d’aborder la prochaine rencontre pour la protection des mineurs au Vatican avec les présidents des conférences épiscopales du monde entier. Une rencontre caractérisée par l’écoute des victimes qui ont survécu à ces abus et donc à leurs blessures, à partir desquelles nous devons nous aussi nous laisser blesser.

Le Pape a également tenu à souligner que la kénose du Christ exige d’abandonner «la virtualité de l’existence et des discours pour écouter le bruit et l’appel constant des véritables personnes qui nous amènent à créer des liens». Parce que les réseaux servent «à créer des contacts mais pas des racines», ils ne sont pas capables de nous donner un sentiment d’appartenance, ni de nous faire sentir partie d’un même peuple.

JEUNES, MIGRANTS, PRÊTRES…